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Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas, Tome 1, 7. L'interrogatoire

7. L'interrogatoire

À peine de Villefort fut-il hors de la salle à manger qu'il quitta son masque joyeux pour prendre l'air grave d'un homme appelé à cette suprême fonction de prononcer sur la vie de son semblable. Or, malgré la mobilité de sa physionomie, mobilité que le substitut avait, comme doit faire un habile acteur, plus d'une fois étudiée devant sa glace, ce fut cette fois un travail pour lui que de froncer son sourcil et d'assombrir ses traits. En effet, à part le souvenir de cette ligne politique suivie par son père, et qui pouvait, s'il ne s'en éloignait complètement, faire dévier son avenir, Gérard de Villefort était en ce moment aussi heureux qu'il est donné à un homme de le devenir; déjà riche par lui-même, il occupait à vingt-sept ans une place élevée dans la magistrature, il épousait une jeune et belle personne qu'il aimait, non pas passionnément, mais avec raison, comme un substitut du procureur du roi peut aimer, et outre sa beauté, qui était remarquable, Mlle de Saint-Méran, sa fiancée, appartenait à une des familles les mieux en cour de l'époque; et outre l'influence de son père et de sa mère, qui, n'ayant point d'autre enfant, pouvaient la conserver tout entière à leur gendre, elle apportait encore à son mari une dot de cinquante mille écus, qui, grâce aux espérances, ce mot atroce inventé par les entremetteurs de mariage, pouvait s'augmenter un jour d'un héritage d'un demi-million.

Tous ces éléments réunis composaient donc pour Villefort un total de félicité éblouissant, à ce point qu'il lui semblait voir des taches au soleil, quand il avait longtemps regardé sa vie intérieure avec la vue de l'âme.

À la porte, il trouva le commissaire de police qui l'attendait. La vue de l'homme noir le fit aussitôt retomber des hauteurs du troisième ciel sur la terre matérielle où nous marchons; il composa son visage, comme nous l'avons dit, et s'approchant de l'officier de justice:

«Me voici, monsieur, lui dit-il; j'ai lu la lettre, et vous avez bien fait d'arrêter cet homme; maintenant donnez-moi sur lui et sur la conspiration tous les détails que vous avez recueillis.

—De la conspiration, monsieur, nous ne savons rien encore, tous les papiers saisis sur lui ont été enfermés en une seule liasse, et déposés cachetés sur votre bureau. Quant au prévenu, vous l'avez vu par la lettre même qui le dénonce, c'est un nommé Edmond Dantès, second à bord du trois-mâts le Pharaon , faisant le commerce de coton avec Alexandrie et Smyrne, et appartenant à la maison Morrel et fils, de Marseille.

—Avant de servir dans la marine marchande, avait-il servi dans la marine militaire?

—Oh! non, monsieur; c'est un tout jeune homme.

—Quel âge?

—Dix-neuf ou vingt ans au plus.»

En ce moment, et comme Villefort, en suivant la Grande-Rue, était arrivé au coin de la rue des Conseils, un homme qui semblait l'attendre au passage l'aborda: c'était M. Morrel.

«Ah! monsieur de Villefort! s'écria le brave homme en apercevant le substitut, je suis bien heureux de vous rencontrer. Imaginez-vous qu'on vient de commettre la méprise la plus étrange, la plus inouïe: on vient d'arrêter le second de mon bâtiment, Edmond Dantès.

—Je le sais, monsieur, dit Villefort, et je viens pour l'interroger.

—Oh! monsieur, continua M. Morrel, emporté par son amitié pour le jeune homme, vous ne connaissez pas celui qu'on accuse, et je le connais, moi: imaginez-vous l'homme le plus doux, l'homme le plus probe, et j'oserai presque dire l'homme qui sait le mieux son état de toute la marine marchande. Ô monsieur de Villefort! je vous le recommande bien sincèrement et de tout mon cœur.»

Villefort, comme on a pu le voir, appartenait au parti noble de la ville, et Morrel au parti plébéien; le premier était royaliste ultra, le second était soupçonné de sourd bonapartisme. Villefort regarda dédaigneusement Morrel, et lui répondit avec froideur:

«Vous savez, monsieur, qu'on peut être doux dans la vie privée, probe dans ses relations commerciales, savant dans son état, et n'en être pas moins un grand coupable, politiquement parlant; vous le savez, n'est-ce pas, monsieur?»

Et le magistrat appuya sur ces derniers mots, comme s'il en voulait faire l'application à l'armateur lui-même; tandis que son regard scrutateur semblait vouloir pénétrer jusqu'au fond du cœur de cet homme assez hardi d'intercéder pour un autre, quand il devait savoir que lui-même avait besoin d'indulgence.

Morrel rougit, car il ne se sentait pas la conscience bien nette à l'endroit des opinions politiques; et d'ailleurs la confidence que lui avait faite Dantès à l'endroit de son entrevue avec le grand maréchal et des quelques mots que lui avait adressés l'Empereur lui troublait quelque peu l'esprit. Il ajouta, toutefois, avec l'accent du plus profond intérêt:

«Je vous en supplie, monsieur de Villefort, soyez juste comme vous devez l'être, bon comme vous l'êtes toujours, et rendez-nous bien vite ce pauvre Dantès!»

Le rendez-nous sonna révolutionnairement à l'oreille du substitut du procureur du roi.

«Eh! eh! se dit-il tout bas, rendez-nous... ce Dantès serait-il affilié à quelque secte de carbonari, pour que son protecteur emploie ainsi, sans y songer, la formule collective? On l'a arrêté dans un cabaret, m'a dit, je crois, le commissaire; en nombreuse compagnie, a-t-il ajouté: ce sera quelque vente.»

Puis tout haut:

«Monsieur, répondit-il, vous pouvez être parfaitement tranquille, et vous n'aurez pas fait un appel inutile à ma justice si le prévenu est innocent; mais si, au contraire, il est coupable, nous vivons dans une époque difficile, monsieur, où l'impunité serait d'un fatal exemple: je serai donc forcé de faire mon devoir.»

Et sur ce, comme il était arrivé à la porte de sa maison adossée au palais de justice, il entra majestueusement, après avoir salué avec une politesse de glace le malheureux armateur, qui resta comme pétrifié à la place où l'avait quitté Villefort.

L'antichambre était pleine de gendarmes et d'agents de police; au milieu d'eux, gardé à vue, enveloppé de regards flamboyants de haine, se tenait debout, calme et immobile, le prisonnier.

Villefort traversa l'antichambre, jeta un regard oblique sur Dantès, et, après avoir pris une liasse que lui remit un agent, disparut en disant:

«Qu'on amène le prisonnier.»

Si rapide qu'eût été ce regard, il avait suffi à Villefort pour se faire une idée de l'homme qu'il allait avoir à interroger: il avait reconnu l'intelligence dans ce front large et ouvert, le courage dans cet œil fixe et ce sourcil froncé, et la franchise dans ces lèvres épaisses et à demi ouvertes, qui laissaient voir une double rangée de dents blanches comme l'ivoire.

La première impression avait été favorable à Dantès; mais Villefort avait entendu dire si souvent, comme un mot de profonde politique, qu'il fallait se défier de son premier mouvement, attendu que c'était le bon, qu'il appliqua la maxime à l'impression, sans tenir compte de la différence qu'il y a entre les deux mots.

Il étouffa donc les bons instincts qui voulaient envahir son cœur pour livrer de là assaut à son esprit, arrangea devant la glace sa figure des grands jours et s'assit, sombre et menaçant, devant son bureau.

Un instant après lui, Dantès entra.

Le jeune homme était toujours pâle, mais calme et souriant; il salua son juge avec une politesse aisée, puis chercha des yeux un siège, comme s'il eût été dans le salon de l'armateur Morrel.

Ce fut alors seulement qu'il rencontra ce regard terne de Villefort, ce regard particulier aux hommes de palais, qui ne veulent pas qu'on lise dans leur pensée, et qui font de leur œil un verre dépoli. Ce regard lui apprit qu'il était devant la justice, figure aux sombres façons.

«Qui êtes-vous et comment vous nommez-vous? demanda Villefort en feuilletant ces notes que l'agent lui avait remises en entrant, et qui depuis une heure étaient déjà devenues volumineuses, tant la corruption des espionnages s'attache vite à ce corps malheureux qu'on nomme les prévenus.

—Je m'appelle Edmond Dantès, monsieur, répondit le jeune homme d'une voix calme et sonore; je suis second à bord du navire le Pharaon , qui appartient à MM. Morrel et fils.

—Votre âge? continua Villefort.

—Dix-neuf ans, répondit Dantès.

—Que faisiez-vous au moment où vous avez été arrêté?

—J'assistais au repas de mes propres fiançailles, monsieur», dit Dantès d'une voix légèrement émue, tant le contraste était douloureux de ces moments de joie avec la lugubre cérémonie qui s'accomplissait, tant le visage sombre de M. de Villefort faisait briller de toute sa lumière la rayonnante figure de Mercédès.

«Vous assistiez au repas de vos fiançailles? dit le substitut en tressaillant malgré lui.

—Oui, monsieur, je suis sur le point d'épouser une femme que j'aime depuis trois ans.»

Villefort, tout impassible qu'il était d'ordinaire, fut cependant frappé de cette coïncidence, et cette voix émue de Dantès surpris au milieu de son bonheur alla éveiller une fibre sympathique au fond de son âme: lui aussi se mariait, lui aussi était heureux, et on venait troubler son bonheur pour qu'il contribuât à détruire la joie d'un homme qui, comme lui, touchait déjà au bonheur.

Ce rapprochement philosophique, pensa-t-il, fera grand effet à mon retour dans le salon de M. de Saint-Méran; et il arrangea d'avance dans son esprit, et pendant que Dantès attendait de nouvelles questions, les mots antithétiques à l'aide desquels les orateurs construisent ces phrases ambitieuses d'applaudissements qui parfois font croire à une véritable éloquence.

Lorsque son petit speech intérieur fut arrangé, Villefort sourit à son effet, et revenant à Dantès:

«Continuez, monsieur, dit-il.

—Que voulez-vous que je continue?

—D'éclairer la justice.

—Que la justice me dise sur quel point elle veut être éclairée, et je lui dirai tout ce que je sais; seulement, ajouta-t-il à son tour avec un sourire, je la préviens que je ne sais pas grand-chose.

—Avez-vous servi sous l'usurpateur?

—J'allais être incorporé dans la marine militaire lorsqu'il est tombé.

—On dit vos opinions politiques exagérées, dit Villefort, à qui l'on n'avait pas soufflé un mot de cela, mais qui n'était pas fâché de poser la demande comme on pose une accusation.

—Mes opinions politiques, à moi, monsieur? Hélas! c'est presque honteux à dire, mais je n'ai jamais eu ce qu'on appelle une opinion: j'ai dix-neuf ans à peine, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire; je ne sais rien, je ne suis destiné à jouer aucun rôle; le peu que je suis et que je serai, si l'on m'accorde la place que j'ambitionne, c'est à M. Morrel que je le devrai. Aussi, toutes mes opinions, je ne dirai pas politiques, mais privées, se bornent-elles à ces trois sentiments: j'aime mon père, je respecte M. Morrel et j'adore Mercédès. Voilà, monsieur, tout ce que je puis dire à la justice; vous voyez que c'est peu intéressant pour elle.»

À mesure que Dantès parlait, Villefort regardait son visage à la fois si doux et si ouvert, et se sentait revenir à la mémoire les paroles de Renée, qui, sans le connaître, lui avait demandé son indulgence pour le prévenu. Avec l'habitude qu'avait déjà le substitut du crime et des criminels, il voyait, à chaque parole de Dantès, surgir la preuve de son innocence. En effet, ce jeune homme, on pourrait presque dire cet enfant, simple, naturel, éloquent de cette éloquence du cœur qu'on ne trouve jamais quand on la cherche, plein d'affection pour tous, parce qu'il était heureux, et que le bonheur rend bons les méchants eux-mêmes, versait jusque sur son juge la douce affabilité qui débordait de son cœur, Edmond n'avait dans le regard, dans la voix, dans le geste, tout rude et tout sévère qu'avait été Villefort envers lui, que caresses et bonté pour celui qui l'interrogeait.

«Pardieu, se dit Villefort, voici un charmant garçon, et je n'aurai pas grand-peine, je l'espère, à me faire bien venir de Renée en accomplissant la première recommandation qu'elle m'a faite: cela me vaudra un bon serrement de main devant tout le monde et un charmant baiser dans un coin.»

Et à cette douce espérance la figure de Villefort s'épanouit; de sorte que, lorsqu'il reporta ses regards de sa pensée à Dantès, Dantès, qui avait suivi tous les mouvements de physionomie de son juge, souriait comme sa pensée.

«Monsieur, dit Villefort, vous connaissez-vous quelques ennemis?

—Des ennemis à moi, dit Dantès: j'ai le bonheur d'être trop peu de chose pour que ma position m'en ait fait. Quant à mon caractère, un peu vif peut-être, j'ai toujours essayé de l'adoucir envers mes subordonnés. J'ai dix ou douze matelots sous mes ordres: qu'on les interroge, monsieur, et ils vous diront qu'ils m'aiment et me respectent, non pas comme un père, je suis trop jeune pour cela, mais comme un frère aîné.

—Mais, à défaut d'ennemis, peut-être avez-vous des jaloux: vous allez être nommé capitaine à dix-neuf ans, ce qui est un poste élevé dans votre état; vous allez épouser une jolie femme qui vous aime, ce qui est un bonheur rare dans tous les états de la terre; ces deux préférences du destin ont pu vous faire des envieux.

—Oui, vous avez raison. Vous devez mieux connaître les hommes que moi, et c'est possible; mais si ces envieux devaient être parmi mes amis, je vous avoue que j'aime mieux ne pas les connaître pour ne point être forcé de les haïr.

—Vous avez tort, monsieur. Il faut toujours, autant que possible, voir clair autour de soi; et, en vérité vous me paraissez un si digne jeune homme, que je vais m'écarter pour vous des règles ordinaires de la justice et vous aider à faire jaillir la lumière en vous communiquant la dénonciation qui vous amène devant moi: voici le papier accusateur; reconnaissez-vous l'écriture?»

Et Villefort tira la lettre de sa poche et la présenta à Dantès. Dantès regarda et lut. Un nuage passa sur son front, et il dit:

«Non, monsieur, je ne connais pas cette écriture, elle est déguisée, et cependant elle est d'une forme assez franche. En tout cas, c'est une main habile qui l'a tracée. Je suis bien heureux, ajouta-t-il en regardant avec reconnaissance Villefort, d'avoir affaire à un homme tel que vous, car en effet mon envieux est un véritable ennemi.»

Et à l'éclair qui passa dans les yeux du jeune homme en prononçant ces paroles, Villefort put distinguer tout ce qu'il y avait de violente énergie cachée sous cette première douceur.

«Et maintenant, voyons, dit le substitut, répondez-moi franchement, monsieur, non pas comme un prévenu à son juge, mais comme un homme dans une fausse position répond à un autre homme qui s'intéresse à lui: qu'y a-t-il de vrai dans cette accusation anonyme?»

Et Villefort jeta avec dégoût sur le bureau la lettre que Dantès venait de lui rendre.

«Tout et rien, monsieur, et voici la vérité pure, sur mon honneur de marin, sur mon amour pour Mercédès, sur la vie de mon père.

—Parlez, monsieur», dit tout haut Villefort.

Puis tout bas, il ajouta:

«Si Renée pouvait me voir, j'espère qu'elle serait contente de moi, et qu'elle ne m'appellerait plus un coupeur de tête!

—Eh bien, en quittant Naples, le capitaine Leclère tomba malade d'une fièvre cérébrale; comme nous n'avions pas de médecin à bord et qu'il ne voulut relâcher sur aucun point de la côte, pressé qu'il était de se rendre à l'île d'Elbe, sa maladie empira au point que vers la fin du troisième jour, sentant qu'il allait mourir, il m'appela près de lui.

«—Mon cher Dantès, me dit-il, jurez-moi sur votre honneur de faire ce que je vais vous dire; il y va des plus hauts intérêts.

«—Je vous le jure, capitaine, lui répondis-je.

«—Eh bien, comme après ma mort le commandement du navire vous appartient, en qualité de second, vous prendrez ce commandement, vous mettrez le cap sur l'île d'Elbe, vous débarquerez à Porto-Ferrajo, vous demanderez le grand maréchal, vous lui remettrez cette lettre: peut-être alors vous remettra-t-on une autre lettre et vous chargera-t-on de quelque mission. Cette mission qui m'était réservée, Dantès, vous l'accomplirez à ma place, et tout l'honneur en sera pour vous.

«—Je le ferai, capitaine, mais peut-être n'arrive-t-on pas si facilement que vous le pensez près du grand maréchal.

«—Voici une bague que vous lui ferez parvenir, dit le capitaine, et qui lèvera toutes les difficultés.

«Et à ces mots, il me remit une bague.

«Il était temps: deux heures après le délire le prit; le lendemain il était mort.

—Et que fîtes-vous alors?

—Ce que je devais faire, monsieur, ce que tout autre eût fait à ma place: en tout cas, les prières d'un mourant sont sacrées; mais, chez les marins, les prières d'un supérieur sont des ordres que l'on doit accomplir. Je fis donc voile vers l'île d'Elbe, où j'arrivai le lendemain, je consignai tout le monde à bord et je descendis seul à terre. Comme je l'avais prévu, on fit quelques difficultés pour m'introduire près du grand maréchal; mais je lui envoyai la bague qui devait me servir de signe de reconnaissance, et toutes les portes s'ouvrirent devant moi. Il me reçut, m'interrogea sur les dernières circonstances de la mort du malheureux Leclère, et, comme celui-ci l'avait prévu, il me remit une lettre qu'il me chargea de porter en personne à Paris. Je le lui promis, car c'était accomplir les dernières volontés de mon capitaine. Je descendis à terre, je réglai rapidement toutes les affaires de bord; puis je courus voir ma fiancée, que je retrouvai plus belle et plus aimante que jamais. Grâce à M. Morrel, nous passâmes par-dessus toutes les difficultés ecclésiastiques; enfin, monsieur, j'assistais, comme je vous l'ai dit, au repas de mes fiançailles, j'allais me marier dans une heure, et je comptais partir demain pour Paris, lorsque, sur cette dénonciation que vous paraissez maintenant mépriser autant que moi, je fus arrêté.

—Oui, oui, murmura Villefort, tout cela me paraît être la vérité, et, si vous êtes coupable, c'est par imprudence; encore cette imprudence était-elle légitimée par les ordres de votre capitaine. Rendez-nous cette lettre qu'on vous a remise à l'île d'Elbe, donnez-moi votre parole de vous représenter à la première réquisition, et allez rejoindre vos amis.

—Ainsi je suis libre, monsieur! s'écria Dantès au comble de la joie.

—Oui, seulement donnez-moi cette lettre.

—Elle doit être devant vous, monsieur; car on me l'a prise avec mes autres papiers, et j'en reconnais quelques-uns dans cette liasse.

—Attendez, dit le substitut à Dantès, qui prenait ses gants et son chapeau, attendez; à qui est-elle adressée?

— À M. Noirtier, rue Coq-Héron, à Paris .»

La foudre tombée sur Villefort ne l'eût point frappé d'un coup plus rapide et plus imprévu; il retomba sur son fauteuil, d'où il s'était levé à demi pour atteindre la liasse de papiers saisis sur Dantès, et, la feuilletant précipitamment, il en tira la lettre fatale sur laquelle il jeta un regard empreint d'une indicible terreur.

«M. Noirtier, rue Coq-Héron, nº 13, murmura-t-il en pâlissant de plus en plus.

—Oui, monsieur, répondit Dantès étonné, le connaissez-vous?

—Non, répondit vivement Villefort: un fidèle serviteur du roi ne connaît pas les conspirateurs.

—Il s'agit donc d'une conspiration? demanda Dantès, qui commençait, après s'être cru libre, à reprendre une terreur plus grande que la première. En tout cas, monsieur, je vous l'ai dit, j'ignorais complètement le contenu de la dépêche dont j'étais porteur.

—Oui, reprit Villefort d'une voix sourde; mais vous savez le nom de celui à qui elle était adressée!

—Pour la lui remettre à lui-même, monsieur, il fallait bien que je le susse.

—Et vous n'avez montré cette lettre à personne? dit Villefort tout en lisant et en pâlissant, à mesure qu'il lisait.

—À personne, monsieur, sur l'honneur!

—Tout le monde ignore que vous étiez porteur d'une lettre venant de l'île d'Elbe et adressée à M. Noirtier?

—Tout le monde, monsieur, excepté celui qui me l'a remise.

—C'est trop, c'est encore trop!» murmura Villefort.

Le front de Villefort s'obscurcissait de plus en plus à mesure qu'il avançait vers la fin; ses lèvres blanches, ses mains tremblantes, ses yeux ardents faisaient passer dans l'esprit de Dantès les plus douloureuses appréhensions. Après cette lecture, Villefort laissa tomber sa tête dans ses mains, et demeura un instant accablé.

«Ô mon Dieu! qu'y a-t-il donc, monsieur?» demanda timidement Dantès.

Villefort ne répondit pas; mais au bout de quelques instants, il releva sa tête pâle et décomposée, et relut une seconde fois la lettre.

«Et vous dites que vous ne savez pas ce que contenait cette lettre? reprit Villefort.

—Sur l'honneur, je le répète, monsieur, dit Dantès, je l'ignore. Mais qu'avez-vous vous-même, mon Dieu! vous allez vous trouver mal; voulez-vous que je sonne, voulez-vous que j'appelle?

—Non, monsieur, dit Villefort en se levant vivement, ne bougez pas, ne dites pas un mot: c'est à moi à donner des ordres ici, et non pas à vous.

—Monsieur, dit Dantès blessé, c'était pour venir à votre aide, voilà tout.

—Je n'ai besoin de rien; un éblouissement passager, voilà tout: occupez-vous de vous et non de moi, répondez.»

Dantès attendit l'interrogatoire qu'annonçait cette demande, mais inutilement: Villefort retomba sur son fauteuil, passa une main glacée sur son front ruisselant de sueur, et pour la troisième fois se mit à relire la lettre.

«Oh! s'il sait ce que contient cette lettre, murmura-t-il, et qu'il apprenne jamais que Noirtier est le père de Villefort, je suis perdu, perdu à jamais!»

Et de temps en temps il regardait Edmond, comme si son regard eût pu briser cette barrière invisible qui enferme dans le cœur les secrets que garde la bouche.

«Oh! n'en doutons plus! s'écria-t-il tout à coup.

—Mais, au nom du Ciel, monsieur! s'écria le malheureux jeune homme, si vous doutez de moi, si vous me soupçonnez, interrogez-moi, et je suis prêt à vous répondre.»

Villefort fit sur lui-même un effort violent, et d'un ton qu'il voulait rendre assuré:

«Monsieur, dit-il, les charges les plus graves résultent pour vous de votre interrogatoire, je ne suis donc pas le maître, comme je l'avais espéré d'abord, de vous rendre à l'instant même la liberté; je dois, avant de prendre une pareille mesure, consulter le juge d'instruction. En attendant, vous avez vu de quelle façon j'en ai agi envers vous.

—Oh! oui, monsieur, s'écria Dantès, et je vous remercie, car vous avez été pour moi bien plutôt un ami qu'un juge.

—Eh bien, monsieur, je vais vous retenir quelque temps encore prisonnier, le moins longtemps que je pourrai; la principale charge qui existe contre vous c'est cette lettre, et vous voyez...»

Villefort s'approcha de la cheminée, la jeta dans le feu, et demeura jusqu'à ce qu'elle fût réduite en cendres.

«Et vous voyez, continua-t-il, je l'anéantis.

—Oh! s'écria Dantès, monsieur, vous êtes plus que la justice, vous êtes la bonté!

—Mais; écoutez-moi, poursuivit Villefort, après un pareil acte, vous comprenez que vous pouvez avoir confiance en moi, n'est-ce pas?

—Ô monsieur! ordonnez et je suivrai vos ordres.

—Non, dit Villefort en s'approchant du jeune homme, non, ce ne sont pas des ordres que je veux vous donner; vous le comprenez, ce sont des conseils.

—Dites, et je m'y conformerai comme à des ordres.

—Je vais vous garder jusqu'au soir ici, au palais de justice; peut-être qu'un autre que moi viendra vous interroger: dites tout ce que vous m'avez dit, mais pas un mot de cette lettre.

—Je vous le promets, monsieur.»

C'était Villefort qui semblait supplier, c'était le prévenu qui rassurait le juge.

«Vous comprenez, dit-il en jetant un regard sur les cendres, qui conservaient encore la forme du papier, et qui voltigeaient au-dessus des flammes: maintenant, cette lettre est anéantie, vous et moi savons seuls qu'elle a existé; on ne vous la représentera point: niez-la donc si l'on vous en parle, niez-la hardiment et vous êtes sauvé.

—Je nierai, monsieur, soyez tranquille, dit Dantès.

—Bien, bien!» dit Villefort en portant la main au cordon d'une sonnette.

Puis s'arrêtant au moment de sonner:

«C'était la seule lettre que vous eussiez? dit-il.

—La seule.

—Faites-en serment.»

Dantès étendit la main.

«Je le jure», dit-il.

Villefort sonna.

Le commissaire de police entra.

Villefort s'approcha de l'officier public et lui dit quelques mots à l'oreille; le commissaire répondit par un simple signe de tête.

«Suivez monsieur», dit Villefort à Dantès.

Dantès s'inclina, jeta un dernier regard de reconnaissance à Villefort et sortit.

À peine la porte fut-elle refermée derrière lui que les forces manquèrent à Villefort, et qu'il tomba presque évanoui sur un fauteuil.

Puis, au bout d'un instant:

«Ô mon Dieu! murmura-t-il, à quoi tiennent la vie et la fortune!... Si le procureur du roi eût été à Marseille, si le juge d'instruction eût été appelé au lieu de moi, j'étais perdu; et ce papier, ce papier maudit me précipitait dans l'abîme. Ah! mon père, mon père, serez-vous donc toujours un obstacle à mon bonheur en ce monde, et dois-je lutter éternellement avec votre passé!»

Puis, tout à coup, une lueur inattendue parut passer par son esprit et illumina son visage; un sourire se dessina sur sa bouche encore crispée, ses yeux hagards devinrent fixes et parurent s'arrêter sur une pensée.

«C'est cela, dit-il; oui, cette lettre qui devait me perdre fera ma fortune peut-être. Allons, Villefort, à l'œuvre!»

Et après s'être assuré que le prévenu n'était plus dans l'antichambre, le substitut du procureur du roi sortit à son tour, et s'achemina vivement vers la maison de sa fiancée.

7. L'interrogatoire 7. Die Befragung 7. The interrogation 7. Cuestionar 7. Vragen stellen 7. Questionamento 7. Допит

À peine de Villefort fut-il hors de la salle à manger qu’il quitta son masque joyeux pour prendre l’air grave d’un homme appelé à cette suprême fonction de prononcer sur la vie de son semblable. No sooner had Villefort been out of the dining room than he left his cheerful mask to take on the grave air of a man called to this supreme function of pronouncing on the life of his fellow man. Как только Вильфор вышел из столовой, он оставил свою жизнерадостную маску, чтобы серьезно взглянуть на мужчину, призванного на эту высшую функцию, чтобы произнести о жизни его соплеменника. Or, malgré la mobilité de sa physionomie, mobilité que le substitut avait, comme doit faire un habile acteur, plus d’une fois étudiée devant sa glace, ce fut cette fois un travail pour lui que de froncer son sourcil et d’assombrir ses traits. However, despite the mobility of his physiognomy, mobility that the substitute had, as a skilled actor must do, more than once studied in front of his mirror, this time it was a job for him to frown and darken his features. Теперь, несмотря на мобильность его физиономии, мобильность, которую заменитель, как умелый актер, должен был делать, не раз изучая перед зеркалом, на этот раз ему было нахмуриться и затемнить его особенности. En effet, à part le souvenir de cette ligne politique suivie par son père, et qui pouvait, s’il ne s’en éloignait complètement, faire dévier son avenir, Gérard de Villefort était en ce moment aussi heureux qu’il est donné à un homme de le devenir; déjà riche par lui-même, il occupait à vingt-sept ans une place élevée dans la magistrature, il épousait une jeune et belle personne qu’il aimait, non pas passionnément, mais avec raison, comme un substitut du procureur du roi peut aimer, et outre sa beauté, qui était remarquable, Mlle de Saint-Méran, sa fiancée, appartenait à une des familles les mieux en cour de l’époque; et outre l’influence de son père et de sa mère, qui, n’ayant point d’autre enfant, pouvaient la conserver tout entière à leur gendre, elle apportait encore à son mari une dot de cinquante mille écus, qui, grâce aux espérances, ce mot atroce inventé par les entremetteurs de mariage, pouvait s’augmenter un jour d’un héritage d’un demi-million. Indeed, apart from the memory of this political line followed by his father, and who could, if he did not move away from it, to deviate his future, Gerard de Villefort was at this moment as happy as it is given to a man to become one; already rich by himself, he was at the age of twenty-seven a high place in the magistracy, he married a young and beautiful person he loved, not passionately, but with good reason, as a substitute for the king's attorney may love and besides her beauty, which was remarkable, Mademoiselle de Saint-Meran, her betrothed, belonged to one of the best-known families of the period; and, besides the influence of her father and mother, who, having no other child, could keep her entirely to their son-in-law, she still brought to her husband a dowry of fifty thousand crowns, which, thanks to the This atrocious word, invented by marriage matchmakers, could one day be increased by a half-million inheritance.

Tous ces éléments réunis composaient donc pour Villefort un total de félicité éblouissant, à ce point qu’il lui semblait voir des taches au soleil, quand il avait longtemps regardé sa vie intérieure avec la vue de l’âme. All these elements together thus made up for Villefort a total dazzling happiness, to such an extent that he seemed to see spots in the sun, when he had long looked at his interior life with the sight of the soul. Все эти элементы вместе сделали для Вилфорта ослепительную совокупность блаженства, настолько, что он, казалось, видел пятна на солнце, когда он долго смотрел на свою внутреннюю жизнь с видом души.

À la porte, il trouva le commissaire de police qui l’attendait. At the door, he found the police superintendent waiting for him. La vue de l’homme noir le fit aussitôt retomber des hauteurs du troisième ciel sur la terre matérielle où nous marchons; il composa son visage, comme nous l’avons dit, et s’approchant de l’officier de justice: The sight of the black man immediately made him fall from the heights of the third heaven into the material earth where we walk; he composed his face, as we have said, and approaching the officer of justice:

«Me voici, monsieur, lui dit-il; j’ai lu la lettre, et vous avez bien fait d’arrêter cet homme; maintenant donnez-moi sur lui et sur la conspiration tous les détails que vous avez recueillis. "Here I am, sir," said he; I read the letter, and you did well to arrest this man; now give me all the details you have collected about him and the conspiracy.

—De la conspiration, monsieur, nous ne savons rien encore, tous les papiers saisis sur lui ont été enfermés en une seule liasse, et déposés cachetés sur votre bureau. "From the conspiracy, sir, we do not know anything yet, all the papers seized on him have been enclosed in a single bundle, and deposited sealed on your desk. Quant au prévenu, vous l’avez vu par la lettre même qui le dénonce, c’est un nommé Edmond Dantès, second à bord du trois-mâts le  Pharaon , faisant le commerce de coton avec Alexandrie et Smyrne, et appartenant à la maison Morrel et fils, de Marseille. As for the accused, you have seen him by the very letter denouncing him, it is a man named Edmond Dantes, second on board the Pharaoh, trading in cotton with Alexandria and Smyrna, and belonging to the house. Morrel and son, from Marseille.

—Avant de servir dans la marine marchande, avait-il servi dans la marine militaire? “Before serving in the Merchant Navy, had he served in the Navy?

—Oh! -Oh! non, monsieur; c’est un tout jeune homme. no sir; he's a very young man.

—Quel âge? -How old?

—Dix-neuf ou vingt ans au plus.» —Nineteen or twenty years at the most. ”

En ce moment, et comme Villefort, en suivant la Grande-Rue, était arrivé au coin de la rue des Conseils, un homme qui semblait l’attendre au passage l’aborda: c’était M. Morrel. At this moment, and as Villefort, following the Grande-Rue, had arrived at the corner of the Rue des Conseils, a man who seemed to be waiting for him on the way approached him: it was M. Morrel.

«Ah! monsieur de Villefort! Monsieur de Villefort! s’écria le brave homme en apercevant le substitut, je suis bien heureux de vous rencontrer. cried the good man on seeing the substitute, I am very happy to meet you. Imaginez-vous qu’on vient de commettre la méprise la plus étrange, la plus inouïe: on vient d’arrêter le second de mon bâtiment, Edmond Dantès. Imagine that we have just committed the strangest, most incredible mistake: we have just arrested the second in my building, Edmond Dantès.

—Je le sais, monsieur, dit Villefort, et je viens pour l’interroger. "I know it, sir," said Villefort, "and I have come to question him."

—Oh! monsieur, continua M. Morrel, emporté par son amitié pour le jeune homme, vous ne connaissez pas celui qu’on accuse, et je le connais, moi: imaginez-vous l’homme le plus doux, l’homme le plus probe, et j’oserai presque dire l’homme qui sait le mieux son état de toute la marine marchande. monsieur, "continued M. Morrel, carried away by his friendship for the young man," you do not know the man whom you accuse, and I know him. Imagine the gentlest man, the most honest man, and I shall almost dare to say the man who knows best his state of the whole merchant marine. Ô monsieur de Villefort! O Monsieur de Villefort! je vous le recommande bien sincèrement et de tout mon cœur.» I recommend it to you sincerely and with all my heart. "

Villefort, comme on a pu le voir, appartenait au parti noble de la ville, et Morrel au parti plébéien; le premier était royaliste ultra, le second était soupçonné de sourd bonapartisme. Villefort, as we have seen, belonged to the noble party of the city, and Morrel to the plebeian party; the first was ultra royalist, the second was suspected of deaf Bonapartism. Villefort regarda dédaigneusement Morrel, et lui répondit avec froideur: Villefort looked disdainfully at Morrel, and replied coldly:

«Vous savez, monsieur, qu’on peut être doux dans la vie privée, probe dans ses relations commerciales, savant dans son état, et n’en être pas moins un grand coupable, politiquement parlant; vous le savez, n’est-ce pas, monsieur?» "You know, sir, that one can be gentle in private life, honest in his commercial relations, wise in his state, and no less a great culprit, politically speaking; you know it, do not you, sir? " «Вы знаете, сэр, что человек может быть нежным в личной жизни, честным в своих коммерческих отношениях, мудрым в своем государстве и не менее великим виновником, политически говорящим; вы это знаете, не так ли, сэр?

Et le magistrat appuya sur ces derniers mots, comme s’il en voulait faire l’application à l’armateur lui-même; tandis que son regard scrutateur semblait vouloir pénétrer jusqu’au fond du cœur de cet homme assez hardi d’intercéder pour un autre, quand il devait savoir que lui-même avait besoin d’indulgence. And the magistrate pressed on these last words, as if he wished to apply them to the shipowner himself; while his searching gaze seemed to penetrate to the depths of the heart of this man bold enough to intercede for another, when he must have known that he himself needed indulgence. И магистрат нажал на эти последние слова, как будто он хотел применить их к самому судовладельцу; в то время как его пристальный взгляд, казалось, проникал в глубины сердца этого дерзкого человека, чтобы ходатайствовать за другого, когда он, должно быть, знал, что он сам нуждается в снисходительности.

Morrel rougit, car il ne se sentait pas la conscience bien nette à l’endroit des opinions politiques; et d’ailleurs la confidence que lui avait faite Dantès à l’endroit de son entrevue avec le grand maréchal et des quelques mots que lui avait adressés l’Empereur lui troublait quelque peu l’esprit. Morrel blushed, for he did not feel the clear conscience of political opinions; and besides, the confidence which Dantes had confided to him in the place of his interview with the grand marshal, and the few words addressed to him by the Emperor, somewhat disturbed his mind. Il ajouta, toutefois, avec l’accent du plus profond intérêt: He added, however, with the accent of the deepest interest:

«Je vous en supplie, monsieur de Villefort, soyez juste comme vous devez l’être, bon comme vous l’êtes toujours, et rendez-nous bien vite ce pauvre Dantès!» "I beseech you, Monsieur de Villefort, be just as you ought to be, good as you always are, and give us back soon poor Dantes!"

Le rendez-nous sonna révolutionnairement à l’oreille du substitut du procureur du roi. The rendezvous sounded revolutionary in the ear of the prosecutor of the king.

«Eh! eh! se dit-il tout bas, rendez-nous... ce Dantès serait-il affilié à quelque secte de carbonari, pour que son protecteur emploie ainsi, sans y songer, la formule collective? he said to himself in a whisper, "give us back ... would Dantes be affiliated with some sect of carbonari, so that his protector might use the collective formula without thinking of it? он сказал себе шепотом: «Верни нас ... Дантес будет связан с какой-то сектой карбонари, чтобы его защитник мог использовать коллективную формулу, не думая об этом? On l’a arrêté dans un cabaret, m’a dit, je crois, le commissaire; en nombreuse compagnie, a-t-il ajouté: ce sera quelque vente.» He was arrested in a cabaret, told me, I believe, the commissary; in many companies, he added: it will be some sale. "

Puis tout haut: Then aloud:

«Monsieur, répondit-il, vous pouvez être parfaitement tranquille, et vous n’aurez pas fait un appel inutile à ma justice si le prévenu est innocent; mais si, au contraire, il est coupable, nous vivons dans une époque difficile, monsieur, où l’impunité serait d’un fatal exemple: je serai donc forcé de faire mon devoir.» “Sir,” he replied, “you can be perfectly at ease, and you will not have made an unnecessary appeal to my justice if the accused is innocent; but if, on the contrary, he is guilty, we are living in difficult times, sir, where impunity would be a fatal example: I will therefore be forced to do my duty. "

Et sur ce, comme il était arrivé à la porte de sa maison adossée au palais de justice, il entra majestueusement, après avoir salué avec une politesse de glace le malheureux armateur, qui resta comme pétrifié à la place où l’avait quitté Villefort. And on this, as he had arrived at the door of his house leaning against the courthouse, he entered majestically, after having greeted the unfortunate shipowner with ice-cold politeness, who remained as if petrified at the place where Villefort had left him.

L’antichambre était pleine de gendarmes et d’agents de police; au milieu d’eux, gardé à vue, enveloppé de regards flamboyants de haine, se tenait debout, calme et immobile, le prisonnier. The antechamber was full of gendarmes and police officers; in the midst of them, guarded by sight, enveloped in flaming glances of hatred, was standing, calm and motionless, the prisoner.

Villefort traversa l’antichambre, jeta un regard oblique sur Dantès, et, après avoir pris une liasse que lui remit un agent, disparut en disant: Villefort crossed the antechamber, cast an oblique glance at Dantes, and, having taken a bundle handed to him by an agent, disappeared, saying:

«Qu’on amène le prisonnier.» "Let the prisoner be brought."

Si rapide qu’eût été ce regard, il avait suffi à Villefort pour se faire une idée de l’homme qu’il allait avoir à interroger: il avait reconnu l’intelligence dans ce front large et ouvert, le courage dans cet œil fixe et ce sourcil froncé, et la franchise dans ces lèvres épaisses et à demi ouvertes, qui laissaient voir une double rangée de dents blanches comme l’ivoire. However quick that look might have been, it was enough for Villefort to get an idea of the man he was going to have to question: he had recognized intelligence in that broad and open forehead, courage in that fixed eye. and that frowning eyebrow, and the frankness in those thick, half-open lips, which showed a double row of ivory-white teeth.

La première impression avait été favorable à Dantès; mais Villefort avait entendu dire si souvent, comme un mot de profonde politique, qu’il fallait se défier de son premier mouvement, attendu que c’était le bon, qu’il appliqua la maxime à l’impression, sans tenir compte de la différence qu’il y a entre les deux mots. The first impression had been favorable to Dantes; but Villefort had heard so often, as a word of deep politics, that he had to be suspicious of his first movement, since it was the good one, that he applied the maxim to the impression, without taking into account the difference between the two words. Первое впечатление было благоприятно для Дантеса; но Вильфор так часто слышал, как слово глубокой политики, что он должен был с подозрением относиться к своему первому движению, поскольку он был хорошим, что он применил принцип к печати, не принимая во внимание разница между двумя словами.

Il étouffa donc les bons instincts qui voulaient envahir son cœur pour livrer de là assaut à son esprit, arrangea devant la glace sa figure des grands jours et s’assit, sombre et menaçant, devant son bureau. He stifled, therefore, the good instincts which sought to invade his heart, and thereby assault his mind, arranged his face of the great days before the mirror, and seated himself, dark and menacing, in front of his desk.

Un instant après lui, Dantès entra. A moment after him, Dantès entered.

Le jeune homme était toujours pâle, mais calme et souriant; il salua son juge avec une politesse aisée, puis chercha des yeux un siège, comme s’il eût été dans le salon de l’armateur Morrel. The young man was always pale, but calm and smiling; he saluted his judge with easy politeness, then looked around for a seat, as if he had been in the salon of the shipowner Morrel.

Ce fut alors seulement qu’il rencontra ce regard terne de Villefort, ce regard particulier aux hommes de palais, qui ne veulent pas qu’on lise dans leur pensée, et qui font de leur œil un verre dépoli. It was only then that he met that dull look of Villefort, that look peculiar to the men of the palace, who do not wish to be read in their thoughts, and who make of their eye a frosted glass. Только тогда он встретил тусклый взгляд Вифорта, этот взгляд, свойственный мужчинам дворца, которые не хотят, чтобы их читали в своих мыслях, и которые делают из их глаз матовое стекло. Ce regard lui apprit qu’il était devant la justice, figure aux sombres façons. This look told him that he was before the courts, in dark ways.

«Qui êtes-vous et comment vous nommez-vous? "Who are you and what is your name? demanda Villefort en feuilletant ces notes que l’agent lui avait remises en entrant, et qui depuis une heure étaient déjà devenues volumineuses, tant la corruption des espionnages s’attache vite à ce corps malheureux qu’on nomme les prévenus. asked Villefort, flipping through the notes which the agent had given him when he entered, and which for an hour had already become voluminous, so much does the corruption of espionages quickly attach itself to that unfortunate body called the accused. - спросил Вилфорт, перелистывая записки, которые агент дал ему на вход, и который в течение часа уже стал объемным, так что коррупция шпионажа быстро привязана к тому несчастному телу, который называется обвиняемым.

—Je m’appelle Edmond Dantès, monsieur, répondit le jeune homme d’une voix calme et sonore; je suis second à bord du navire le  Pharaon , qui appartient à MM. "My name is Edmond Dantès, sir," replied the young man in a calm and sonorous voice; I am second on board the ship the Pharaoh, which belongs to MM. Morrel et fils. Morrel and son.

—Votre âge? -How old are you? continua Villefort.

—Dix-neuf ans, répondit Dantès. -Nineteen," replied Dantès.

—Que faisiez-vous au moment où vous avez été arrêté? “What were you doing when you were arrested?

—J’assistais au repas de mes propres fiançailles, monsieur», dit Dantès d’une voix légèrement émue, tant le contraste était douloureux de ces moments de joie avec la lugubre cérémonie qui s’accomplissait, tant le visage sombre de M. de Villefort faisait briller de toute sa lumière la rayonnante figure de Mercédès. "I was present at the dinner of my own betrothal, sir," said Dantes, in a slightly moved voice, so painful was the contrast of these moments of joy with the melancholy ceremony which was being accomplished, so Villefort shone with all its light the radiant figure of Mercedes. «Я присутствовал на ужине моего собственного обручения, сэр, - сказал Дантес, слегка тронутый голосом, - это был мучительный контраст этих мгновения радости с исполнением меланхолии, поэтому Вилефорт со всем своим светом светился сияющей фигурой Мерседеса.

«Vous assistiez au repas de vos fiançailles? "Were you attending your engagement dinner?" dit le substitut en tressaillant malgré lui. said the substitute, shuddering in spite of himself.

—Oui, monsieur, je suis sur le point d’épouser une femme que j’aime depuis trois ans.» “Yes, sir, I am about to marry a woman whom I have loved for three years.”

Villefort, tout impassible qu’il était d’ordinaire, fut cependant frappé de cette coïncidence, et cette voix émue de Dantès surpris au milieu de son bonheur alla éveiller une fibre sympathique au fond de son âme: lui aussi se mariait, lui aussi était heureux, et on venait troubler son bonheur pour qu’il contribuât à détruire la joie d’un homme qui, comme lui, touchait déjà au bonheur. Villefort, impassive as he usually was, was struck by this coincidence, however, and that voice, moved by Dantes, surprised in the midst of his happiness, awakened a sympathetic fiber in the depths of his soul: he too was married, he too was happy, and one came to trouble his happiness so that he would help to destroy the joy of a man who, like him, was already touching happiness. Однако Вильфор, безразличный, как обычно, был поражен этим совпадением, и этот голос, движимый Дантесом, удивленный посреди его счастья, пробудил в душе сочувствующую клетку: он тоже был женат, он тоже был счастлив, и один пришел навстречу своему счастью, чтобы он помог разрушить радость человека, который, как и он, уже касался счастья.

Ce rapprochement philosophique, pensa-t-il, fera grand effet à mon retour dans le salon de M. de Saint-Méran; et il arrangea d’avance dans son esprit, et pendant que Dantès attendait de nouvelles questions, les mots antithétiques à l’aide desquels les orateurs construisent ces phrases ambitieuses d’applaudissements qui parfois font croire à une véritable éloquence. This philosophical rapprochement, he thought, will have a great effect on my return to the salon of M. de Saint-Meran; and he arranged beforehand in his mind, and while Dantès waited for new questions, the antithetical words with which the speakers build these ambitious phrases of applause which sometimes make believe a real eloquence.

Lorsque son petit speech intérieur fut arrangé, Villefort sourit à son effet, et revenant à Dantès: When his little inner speech was arranged, Villefort smiled at his effect, and returning to Dantès:

«Continuez, monsieur, dit-il. "Carry on, sir," he said.

—Que voulez-vous que je continue? “What do you want me to continue?

—D’éclairer la justice. —To enlighten justice.

—Que la justice me dise sur quel point elle veut être éclairée, et je lui dirai tout ce que je sais; seulement, ajouta-t-il à son tour avec un sourire, je la préviens que je ne sais pas grand-chose. "May justice tell me how much she wants to be enlightened, and I will tell her everything I know; only, "he added with a smile," I warn him that I do not know much.

—Avez-vous servi sous l’usurpateur? “Did you serve under the usurper?

—J’allais être incorporé dans la marine militaire lorsqu’il est tombé. -I was going to be incorporated into the navy when he fell.

—On dit vos opinions politiques exagérées, dit Villefort, à qui l’on n’avait pas soufflé un mot de cela, mais qui n’était pas fâché de poser la demande comme on pose une accusation. "Your exaggerated political opinions are said," said Villefort, who had not been told a word of it, "but who was not sorry to make the request, as a charge is laid. «Вы говорите, что ваши политические взгляды преувеличены, - сказал Вильфор, которому не было сказано ни слова, - но кто не жалел об этом, поскольку обвинение было заложено.

—Mes opinions politiques, à moi, monsieur? "Political opinions, to me, sir? Hélas! Alas! c’est presque honteux à dire, mais je n’ai jamais eu ce qu’on appelle une opinion: j’ai dix-neuf ans à peine, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire; je ne sais rien, je ne suis destiné à jouer aucun rôle; le peu que je suis et que je serai, si l’on m’accorde la place que j’ambitionne, c’est à M. Morrel que je le devrai. it is almost shameful to say, but I have never had what is called an opinion: I am scarcely nineteen years old, as I had the honor to tell you; I know nothing, I am destined to play no part; the little that I am and that I will be, if I am given the place I am setting, it is to Mr. Morrel that I will owe it. почти стыдно говорить, но у меня никогда не было того, что называется мнением: мне едва исполнилось девятнадцать лет, поскольку я имел честь сказать вам; Я ничего не знаю, мне суждено сыграть нечего; маленьким, чем я, и тем, кем я буду, если мне дадут место, которое я устанавливаю, именно мистеру Моррелу я обязан этим. Aussi, toutes mes opinions, je ne dirai pas politiques, mais privées, se bornent-elles à ces trois sentiments: j’aime mon père, je respecte M. Morrel et j’adore Mercédès. So all my opinions, I will not say political, but private, are limited to these three feelings: I love my father, I respect Mr. Morrel and I love Mercedes. Voilà, monsieur, tout ce que je puis dire à la justice; vous voyez que c’est peu intéressant pour elle.» Here, sir, all that I can say to justice; you see that it's not very interesting for her. "

À mesure que Dantès parlait, Villefort regardait son visage à la fois si doux et si ouvert, et se sentait revenir à la mémoire les paroles de Renée, qui, sans le connaître, lui avait demandé son indulgence pour le prévenu. As Dantes spoke, Villefort looked at his face, so soft and so open, and felt the words of Renee recollecting him, who, without knowing him, had asked him for his indulgence for the accused. Avec l’habitude qu’avait déjà le substitut du crime et des criminels, il voyait, à chaque parole de Dantès, surgir la preuve de son innocence. With the habit already possessed by the substitute for crime and criminals, he saw, at each word of Dantes, the proof of his innocence. En effet, ce jeune homme, on pourrait presque dire cet enfant, simple, naturel, éloquent de cette éloquence du cœur qu’on ne trouve jamais quand on la cherche, plein d’affection pour tous, parce qu’il était heureux, et que le bonheur rend bons les méchants eux-mêmes, versait jusque sur son juge la douce affabilité qui débordait de son cœur, Edmond n’avait dans le regard, dans la voix, dans le geste, tout rude et tout sévère qu’avait été Villefort envers lui, que caresses et bonté pour celui qui l’interrogeait. In fact, this young man, one could almost say this child, simple, natural, eloquent of that eloquence of the heart that one never finds when one seeks it, full of affection for all, because he was happy, and that happiness makes good the wicked themselves, poured upon his judge the sweet affability that overflowed his heart, Edmond had in the look, in the voice, in the gesture, all harsh and severe that had been Villefort to him, that caresses and goodness for the one who questioned him. На самом деле, этот молодой человек, можно было почти сказать, что ребенок, простой, естественный, красноречивый из того красноречия сердца, которого никто никогда не обнаруживает, когда его ищут, полного любви ко всем, потому что он был счастлив и что счастье делает добро нечестивыми, изливает на судью сладкую приветливость, которая переполняет его сердце, Эдмонд выглядел в голосе, в жесте, все суровые и суровые, которые были Villefort ему, это ласкает и добра для того, кто его спрашивал.

«Pardieu, se dit Villefort, voici un charmant garçon, et je n’aurai pas grand-peine, je l’espère, à me faire bien venir de Renée en accomplissant la première recommandation qu’elle m’a faite: cela me vaudra un bon serrement de main devant tout le monde et un charmant baiser dans un coin.» "Pardieu," said Villefort to himself, "here is a charming fellow, and I shall not have much trouble, I hope, in making me come to Renee by making the first recommendation she made to me. a good hand shake in front of everyone and a lovely kiss in the corner. "

Et à cette douce espérance la figure de Villefort s’épanouit; de sorte que, lorsqu’il reporta ses regards de sa pensée à Dantès, Dantès, qui avait suivi tous les mouvements de physionomie de son juge, souriait comme sa pensée. And to this sweet hope the figure of Villefort blossoms; so that, when he turned his eyes from his thoughts to Dantes, Dantes, who had followed all the movements of his judge's countenance, smiled as his thoughts. И к этой сладкой надежде расцветает фигура Вильфорта; так что, когда он обратил свой взгляд от своих мыслей к Дантесу, Дантес, который следил за всеми движениями лица своего судьи, улыбнулся, как его мысли.

«Monsieur, dit Villefort, vous connaissez-vous quelques ennemis? "Monsieur," said Villefort, "do you know some enemies?

—Des ennemis à moi, dit Dantès: j’ai le bonheur d’être trop peu de chose pour que ma position m’en ait fait. "Enemies of mine," said Dantes; "I am lucky enough to be too little for my position to have done to me. «Враги мои, - сказал Дантес, - мне посчастливилось быть слишком маленьким для моей позиции, чтобы сделать со мной. Quant à mon caractère, un peu vif peut-être, j’ai toujours essayé de l’adoucir envers mes subordonnés. As for my character, a little lively perhaps, I have always tried to soften it towards my subordinates. J’ai dix ou douze matelots sous mes ordres: qu’on les interroge, monsieur, et ils vous diront qu’ils m’aiment et me respectent, non pas comme un père, je suis trop jeune pour cela, mais comme un frère aîné. I have ten or twelve sailors under my orders: that they are questioned, sir, and they will tell you that they love me and respect me, not as a father, I am too young for that, but like a brother groin.

—Mais, à défaut d’ennemis, peut-être avez-vous des jaloux: vous allez être nommé capitaine à dix-neuf ans, ce qui est un poste élevé dans votre état; vous allez épouser une jolie femme qui vous aime, ce qui est un bonheur rare dans tous les états de la terre; ces deux préférences du destin ont pu vous faire des envieux. "But, in the absence of enemies, perhaps you are jealous: you will be appointed captain at the age of nineteen, which is a high position in your state; you are going to marry a pretty woman who loves you, which is a rare happiness in all the states of the earth; these two preferences of destiny could have made you envious.

—Oui, vous avez raison. -Yes you are right. Vous devez mieux connaître les hommes que moi, et c’est possible; mais si ces envieux devaient être parmi mes amis, je vous avoue que j’aime mieux ne pas les connaître pour ne point être forcé de les haïr. You must know men better than I do, and it is possible; but if these envious men were to be among my friends, I must confess that I prefer not to know them so as not to be forced to hate them. Вы должны знать мужчин лучше, чем я, и это возможно; но если эти завистливые люди должны были быть среди моих друзей, я должен признаться, что предпочитаю не знать их, чтобы их не заставили их ненавидеть.

—Vous avez tort, monsieur. "You are wrong, sir. Il faut toujours, autant que possible, voir clair autour de soi; et, en vérité vous me paraissez un si digne jeune homme, que je vais m’écarter pour vous des règles ordinaires de la justice et vous aider à faire jaillir la lumière en vous communiquant la dénonciation qui vous amène devant moi: voici le papier accusateur; reconnaissez-vous l’écriture?» Always, as much as possible, see clearly around you; and, in truth, you seem to me so worthy a young man, that I am going to set aside ordinary rules of justice for you, and help you to bring forth the light by communicating to you the denunciation which brings you before me: here is the accusatory paper ; do you recognize writing? "

Et Villefort tira la lettre de sa poche et la présenta à Dantès. And Villefort took the letter from his pocket and presented it to Dantes. Dantès regarda et lut. Dantes looked and read. Un nuage passa sur son front, et il dit: A cloud passed over his forehead, and he said:

«Non, monsieur, je ne connais pas cette écriture, elle est déguisée, et cependant elle est d’une forme assez franche. "No, sir, I do not know this writing, it is disguised, and yet it is of a fairly frank form. En tout cas, c’est une main habile qui l’a tracée. In any case, it was a skillful hand that drew it. Je suis bien heureux, ajouta-t-il en regardant avec reconnaissance Villefort, d’avoir affaire à un homme tel que vous, car en effet mon envieux est un véritable ennemi.» I am very happy, "he added, looking gratefully at Villefort," to deal with a man like you, for my envious man is indeed a real enemy. "

Et à l’éclair qui passa dans les yeux du jeune homme en prononçant ces paroles, Villefort put distinguer tout ce qu’il y avait de violente énergie cachée sous cette première douceur. And to the light that passed in the eyes of the young man, pronouncing these words, Villefort could distinguish all that was violent energy hidden under this first sweetness.

«Et maintenant, voyons, dit le substitut, répondez-moi franchement, monsieur, non pas comme un prévenu à son juge, mais comme un homme dans une fausse position répond à un autre homme qui s’intéresse à lui: qu’y a-t-il de vrai dans cette accusation anonyme?» "And now," said the deputy, "answer me frankly, sir, not as an accused to his judge, but as a man in a false position answers to another man who is interested in him: what is there any truth in this anonymous accusation? "

Et Villefort jeta avec dégoût sur le bureau la lettre que Dantès venait de lui rendre. And Villefort threw with disgust on the desk the letter that Dantes had just returned to him.

«Tout et rien, monsieur, et voici la vérité pure, sur mon honneur de marin, sur mon amour pour Mercédès, sur la vie de mon père. "Everything and nothing, sir, and here is the pure truth, about my honor as a sailor, about my love for Mercédès, about my father's life.

—Parlez, monsieur», dit tout haut Villefort. "Speak, sir," said Villefort aloud.

Puis tout bas, il ajouta: Then quietly he added:

«Si Renée pouvait me voir, j’espère qu’elle serait contente de moi, et qu’elle ne m’appellerait plus un coupeur de tête! "If Renée could see me, I hope she would be happy with me, and that she would no longer call me a head cutter!"

—Eh bien, en quittant Naples, le capitaine Leclère tomba malade d’une fièvre cérébrale; comme nous n’avions pas de médecin à bord et qu’il ne voulut relâcher sur aucun point de la côte, pressé qu’il était de se rendre à l’île d’Elbe, sa maladie empira au point que vers la fin du troisième jour, sentant qu’il allait mourir, il m’appela près de lui. "Well, on leaving Naples, Captain Leclère fell ill with a cerebral fever; as we had no doctor on board and he did not want to release at any point on the coast, in a hurry to get to the island of Elba, his illness became worse until towards the end of On the third day, feeling that he was going to die, he called me near him.

«—Mon cher Dantès, me dit-il, jurez-moi sur votre honneur de faire ce que je vais vous dire; il y va des plus hauts intérêts. "My dear Dantes," he said to me, "swear to me on your honor to do what I am about to say to you; it is about the highest interests.

«—Je vous le jure, capitaine, lui répondis-je. "'I swear to you, Captain,' I replied.

«—Eh bien, comme après ma mort le commandement du navire vous appartient, en qualité de second, vous prendrez ce commandement, vous mettrez le cap sur l’île d’Elbe, vous débarquerez à Porto-Ferrajo, vous demanderez le grand maréchal, vous lui remettrez cette lettre: peut-être alors vous remettra-t-on une autre lettre et vous chargera-t-on de quelque mission. "Well, as after my death the command of the ship belongs to you, as a second, you will take this command, you will set sail for the island of Elba, you will land at Porto Ferrajo, you will ask the grand marshal you will hand him this letter: perhaps then you will be given another letter and you will be charged with some mission. Cette mission qui m’était réservée, Dantès, vous l’accomplirez à ma place, et tout l’honneur en sera pour vous. This mission which was reserved for me, Dantes, will do for me, and all the honor will be for you.

«—Je le ferai, capitaine, mais peut-être n’arrive-t-on pas si facilement que vous le pensez près du grand maréchal. "I'll do it, captain, but perhaps we do not come so easily as you think near the grand marshal.

«—Voici une bague que vous lui ferez parvenir, dit le capitaine, et qui lèvera toutes les difficultés. "Here is a ring which you will send him," said the captain, "and who will remove all difficulties.

«Et à ces mots, il me remit une bague. "And at these words he gave me a ring.

«Il était temps: deux heures après le délire le prit; le lendemain il était mort. “It was time: two hours later he was seized with delirium; the next day he was dead.

—Et que fîtes-vous alors? “And what do you do then?

—Ce que je devais faire, monsieur, ce que tout autre eût fait à ma place: en tout cas, les prières d’un mourant sont sacrées; mais, chez les marins, les prières d’un supérieur sont des ordres que l’on doit accomplir. “What I should have done, sir, what any other would have done in my place: in any case, the prayers of a dying person are sacred; but, among sailors, the prayers of a superior are orders that must be fulfilled. Je fis donc voile vers l’île d’Elbe, où j’arrivai le lendemain, je consignai tout le monde à bord et je descendis seul à terre. So I set sail for the island of Elba, where I arrived the next day, I put everyone on board and I went ashore alone. Comme je l’avais prévu, on fit quelques difficultés pour m’introduire près du grand maréchal; mais je lui envoyai la bague qui devait me servir de signe de reconnaissance, et toutes les portes s’ouvrirent devant moi. As I had foreseen, some difficulty was made to introduce me to the Grand Marshal; but I sent him the ring which was to serve as a sign of recognition, and all the doors opened before me. Il me reçut, m’interrogea sur les dernières circonstances de la mort du malheureux Leclère, et, comme celui-ci l’avait prévu, il me remit une lettre qu’il me chargea de porter en personne à Paris. He received me, questioned me about the last circumstances of the death of the unfortunate Leclère, and, as the latter had foreseen, he gave me a letter which he asked me to take in person to Paris. Je le lui promis, car c’était accomplir les dernières volontés de mon capitaine. I promised him, because it was to fulfill my captain's last wishes. Je descendis à terre, je réglai rapidement toutes les affaires de bord; puis je courus voir ma fiancée, que je retrouvai plus belle et plus aimante que jamais. I went ashore, I quickly settled all the ship's affairs; then I ran to see my fiancée, whom I found more beautiful and more loving than ever. Grâce à M. Morrel, nous passâmes par-dessus toutes les difficultés ecclésiastiques; enfin, monsieur, j’assistais, comme je vous l’ai dit, au repas de mes fiançailles, j’allais me marier dans une heure, et je comptais partir demain pour Paris, lorsque, sur cette dénonciation que vous paraissez maintenant mépriser autant que moi, je fus arrêté. Thanks to M. Morrel, we overcome all ecclesiastical difficulties; Finally, sir, I was present, as I told you, at my engagement meal, I was going to get married in an hour, and I intended to leave tomorrow for Paris, when, on this denunciation which you now seem to despise so much that I was arrested.

—Oui, oui, murmura Villefort, tout cela me paraît être la vérité, et, si vous êtes coupable, c’est par imprudence; encore cette imprudence était-elle légitimée par les ordres de votre capitaine. "Yes, yes," murmured Villefort, "all this seems to me the truth, and if you are guilty, it is by imprudence; yet this imprudence was legitimated by the orders of your captain. Rendez-nous cette lettre qu’on vous a remise à l’île d’Elbe, donnez-moi votre parole de vous représenter à la première réquisition, et allez rejoindre vos amis. Give us this letter which has been given to you at the island of Elba, give me your word to represent you at the first requisition, and go join your friends.

—Ainsi je suis libre, monsieur! “So I'm free, sir! s’écria Dantès au comble de la joie. cried Dantes, overwhelmed with joy.

—Oui, seulement donnez-moi cette lettre. “Yes, just give me this letter.

—Elle doit être devant vous, monsieur; car on me l’a prise avec mes autres papiers, et j’en reconnais quelques-uns dans cette liasse. “It must be before you, sir; because it was taken from me with my other papers, and I recognize some of them in this bundle. «Она должна быть перед тобой, сэр; потому что они взяли это у меня с моими другими документами, и я узнал некоторых из них в этом комплекте.

—Attendez, dit le substitut à Dantès, qui prenait ses gants et son chapeau, attendez; à qui est-elle adressée? "Wait," said the substitute to Dantes, who was taking his gloves and hat, "wait; to whom is it addressed?

— À M. Noirtier, rue Coq-Héron, à Paris .» - To Mr. Noirtier, rue Coq-Héron, in Paris. "

La foudre tombée sur Villefort ne l’eût point frappé d’un coup plus rapide et plus imprévu; il retomba sur son fauteuil, d’où il s’était levé à demi pour atteindre la liasse de papiers saisis sur Dantès, et, la feuilletant précipitamment, il en tira la lettre fatale sur laquelle il jeta un regard empreint d’une indicible terreur. The lightning fallen on Villefort would not have struck him more quickly and more unexpectedly; he fell back on his chair, whence he half rose to reach the bundle of papers seized on Dantes, and, leafing through it precipitately, he drew from it the fatal letter on which he cast a look imprinted with an indescribable terror. .

«M. "Mr. Noirtier, rue Coq-Héron, nº 13, murmura-t-il en pâlissant de plus en plus. Noirtier, rue Coq-Héron, nº 13, he murmured, growing more and more pale.

—Oui, monsieur, répondit Dantès étonné, le connaissez-vous? “Yes, sir,” replied Dantes astonished, “do you know him?

—Non, répondit vivement Villefort: un fidèle serviteur du roi ne connaît pas les conspirateurs. "No," replied Villefort quickly, "a faithful servant of the king does not know the conspirators."

—Il s’agit donc d’une conspiration? "So this is a conspiracy?" demanda Dantès, qui commençait, après s’être cru libre, à reprendre une terreur plus grande que la première. asked Dantes, who began, after having thought himself free, to resume a terror greater than the first. En tout cas, monsieur, je vous l’ai dit, j’ignorais complètement le contenu de la dépêche dont j’étais porteur. In any case, sir, as I told you, I was completely ignorant of the content of the dispatch I was carrying.

—Oui, reprit Villefort d’une voix sourde; mais vous savez le nom de celui à qui elle était adressée! "Yes," resumed Villefort in a hollow voice; but you know the name of the one to whom it was addressed!

—Pour la lui remettre à lui-même, monsieur, il fallait bien que je le susse. "To give it to him, sir, I had to know it."

—Et vous n’avez montré cette lettre à personne? "And you haven't shown this letter to anyone?" dit Villefort tout en lisant et en pâlissant, à mesure qu’il lisait. said Villefort, reading, and growing pale as he read.

—À personne, monsieur, sur l’honneur! "No one, sir, on your honor!"

—Tout le monde ignore que vous étiez porteur d’une lettre venant de l’île d’Elbe et adressée à M. Noirtier? "Everyone is unaware that you were the bearer of a letter from the island of Elba addressed to M. Noirtier?"

—Tout le monde, monsieur, excepté celui qui me l’a remise. "Everyone, sir, except the one who gave it to me.

—C’est trop, c’est encore trop!» murmura Villefort. "It's too much, it's still too much!" Murmured Villefort.

Le front de Villefort s’obscurcissait de plus en plus à mesure qu’il avançait vers la fin; ses lèvres blanches, ses mains tremblantes, ses yeux ardents faisaient passer dans l’esprit de Dantès les plus douloureuses appréhensions. The front of Villefort darkened more and more as he advanced towards the end; his white lips, his trembling hands, his ardent eyes made the most painful apprehensions pass into the mind of Dantes. Перед Вилфортом все больше и больше темнело, когда он продвигался к концу; его белые губы, дрожащие руки, его пылающие глаза причиняли самые болезненные опасения через разум Дантеса. Après cette lecture, Villefort laissa tomber sa tête dans ses mains, et demeura un instant accablé. After this reading, Villefort dropped his head in his hands, and remained for a moment overwhelmed.

«Ô mon Dieu! "Oh my God! qu’y a-t-il donc, monsieur?» demanda timidement Dantès. what is it, monsieur? "asked Dantès timidly.

Villefort ne répondit pas; mais au bout de quelques instants, il releva sa tête pâle et décomposée, et relut une seconde fois la lettre. Villefort did not reply; but after a few moments he raised his pale, decomposed head, and reread the letter a second time.

«Et vous dites que vous ne savez pas ce que contenait cette lettre? "And you say you don't know what was in that letter?" reprit Villefort. resumed Villefort.

—Sur l’honneur, je le répète, monsieur, dit Dantès, je l’ignore. “On my honor, I repeat, sir,” said Dantes, “I don't know. Mais qu’avez-vous vous-même, mon Dieu! But what is the matter with you, my God! vous allez vous trouver mal; voulez-vous que je sonne, voulez-vous que j’appelle? you will find yourself bad; do you want me to ring, do you want me to call? вы окажетесь плохо; ты хочешь, чтобы я звонил, ты хочешь, чтобы я позвонил?

—Non, monsieur, dit Villefort en se levant vivement, ne bougez pas, ne dites pas un mot: c’est à moi à donner des ordres ici, et non pas à vous. "No, sir," said Villefort, rising quickly, "do not move, do not say a word; it is for me to give orders here, and not to you."

—Monsieur, dit Dantès blessé, c’était pour venir à votre aide, voilà tout. "Monsieur," said Dantes, wounded, "it was to come to your aid, that's all."

—Je n’ai besoin de rien; un éblouissement passager, voilà tout: occupez-vous de vous et non de moi, répondez.» -I do not need anything; a passing dazzle, that's all: take care of yourself and not me, answer. "

Dantès attendit l’interrogatoire qu’annonçait cette demande, mais inutilement: Villefort retomba sur son fauteuil, passa une main glacée sur son front ruisselant de sueur, et pour la troisième fois se mit à relire la lettre. Dantes waited for the interrogation announced by this request, but unnecessarily: Villefort fell back into his chair, passed an icy hand over his brow dripping with sweat, and for the third time began to reread the letter.

«Oh! "Oh! s’il sait ce que contient cette lettre, murmura-t-il, et qu’il apprenne jamais que Noirtier est le père de Villefort, je suis perdu, perdu à jamais!» if he knows what this letter contains, "he murmured," and never learn that Noirtier is Villefort's father, I am lost, lost forever! "

Et de temps en temps il regardait Edmond, comme si son regard eût pu briser cette barrière invisible qui enferme dans le cœur les secrets que garde la bouche. And from time to time he looked at Edmond, as if his eyes could have broken the invisible barrier which encloses in his heart the secrets kept in his mouth.

«Oh! n’en doutons plus! Let's not doubt it! s’écria-t-il tout à coup. he cried suddenly.

—Mais, au nom du Ciel, monsieur! “But in the name of Heaven, sir! s’écria le malheureux jeune homme, si vous doutez de moi, si vous me soupçonnez, interrogez-moi, et je suis prêt à vous répondre.» cried the unhappy young man, if you doubt me, if you suspect me, question me, and I am ready to answer you. "

Villefort fit sur lui-même un effort violent, et d’un ton qu’il voulait rendre assuré: Villefort made a violent effort on himself, and in a tone that he wanted to make sure: Вильфор взял на себя насильственные усилия, и таким тоном, что он хотел, чтобы убедиться:

«Monsieur, dit-il, les charges les plus graves résultent pour vous de votre interrogatoire, je ne suis donc pas le maître, comme je l’avais espéré d’abord, de vous rendre à l’instant même la liberté; je dois, avant de prendre une pareille mesure, consulter le juge d’instruction. "Sir," said he, "the gravest charges result for you from your interrogation; I am not, therefore, the master, as I had hoped at first, to restore you at once to liberty; I must, before taking such a step, consult the examining magistrate. «Сэр, - сказал он, - самые тяжкие обвинения приводят к вам из вашего допроса, поэтому я, как я надеялся, не стал хозяином, чтобы немедленно восстановить вас; Я должен, прежде чем сделать такой шаг, обратиться к экзаменационному судье. En attendant, vous avez vu de quelle façon j’en ai agi envers vous. In the meantime, you have seen how I acted towards you.

—Oh! -Oh! oui, monsieur, s’écria Dantès, et je vous remercie, car vous avez été pour moi bien plutôt un ami qu’un juge. yes, sir, cried Dantes, and I thank you, for you have been to me much more a friend than a judge.

—Eh bien, monsieur, je vais vous retenir quelque temps encore prisonnier, le moins longtemps que je pourrai; la principale charge qui existe contre vous c’est cette lettre, et vous voyez...» "Well, sir, I am going to detain you for some time as a prisoner, the shortest time I can; the main charge against you is this letter, and you see ... "

Villefort s’approcha de la cheminée, la jeta dans le feu, et demeura jusqu’à ce qu’elle fût réduite en cendres. Villefort approached the fireplace, threw it into the fire, and remained until it was reduced to ashes.

«Et vous voyez, continua-t-il, je l’anéantis. "And you see," he went on, "I annihilate him.

—Oh! s’écria Dantès, monsieur, vous êtes plus que la justice, vous êtes la bonté! cried Dantes, sir, you are more than justice, you are goodness!

—Mais; écoutez-moi, poursuivit Villefort, après un pareil acte, vous comprenez que vous pouvez avoir confiance en moi, n’est-ce pas? -But; listen to me, "continued Villefort," after such an act, you understand that you can trust me, do you not?

—Ô monsieur! “O sir! ordonnez et je suivrai vos ordres. order and I will follow your orders.

—Non, dit Villefort en s’approchant du jeune homme, non, ce ne sont pas des ordres que je veux vous donner; vous le comprenez, ce sont des conseils. “No,” said Villefort, approaching the young man, “no, these are not orders I want to give you; you get it, these are tips.

—Dites, et je m’y conformerai comme à des ordres. “Say, and I will follow my orders.

—Je vais vous garder jusqu’au soir ici, au palais de justice; peut-être qu’un autre que moi viendra vous interroger: dites tout ce que vous m’avez dit, mais pas un mot de cette lettre. “I will keep you here until evening at the courthouse; perhaps someone other than me will come and ask you questions: say everything you have told me, but not a word of this letter.

—Je vous le promets, monsieur.» “I promise you, sir.”

C’était Villefort qui semblait supplier, c’était le prévenu qui rassurait le juge. It was Villefort who seemed to beg, it was the accused who reassured the judge.

«Vous comprenez, dit-il en jetant un regard sur les cendres, qui conservaient encore la forme du papier, et qui voltigeaient au-dessus des flammes: maintenant, cette lettre est anéantie, vous et moi savons seuls qu’elle a existé; on ne vous la représentera point: niez-la donc si l’on vous en parle, niez-la hardiment et vous êtes sauvé. "You understand," said he, casting a glance at the ashes, which still preserved the shape of the paper, and which fluttered over the flames; "now this letter is annihilated; you and I alone know that it has existed; We will not represent it to you. Deny it if we speak to you of it, deny it boldly, and you are saved.

—Je nierai, monsieur, soyez tranquille, dit Dantès. "I will deny it, sir, be easy," said Dantes.

—Bien, bien!» dit Villefort en portant la main au cordon d’une sonnette. "Well, well!" Said Villefort, raising his hand to the cord of a bell.

Puis s’arrêtant au moment de sonner: Then stopping when it is time to ring:

«C’était la seule lettre que vous eussiez? "Was that the only letter you had?" dit-il. he said.

—La seule. -The only.

—Faites-en serment.» -Make an oath. "

Dantès étendit la main. Dantes extended his hand.

«Je le jure», dit-il. “I swear it,” he said.

Villefort sonna. Villefort rang.

Le commissaire de police entra. The police superintendent entered.

Villefort s’approcha de l’officier public et lui dit quelques mots à l’oreille; le commissaire répondit par un simple signe de tête. Villefort approached the public officer and whispered a few words to him; the commissioner replied with a simple nod.

«Suivez monsieur», dit Villefort à Dantès. "Follow Monsieur," Villefort said to Dantès.

Dantès s’inclina, jeta un dernier regard de reconnaissance à Villefort et sortit. Dantes bowed, gave Villefort a last look of gratitude and left.

À peine la porte fut-elle refermée derrière lui que les forces manquèrent à Villefort, et qu’il tomba presque évanoui sur un fauteuil. As soon as the door was closed behind him, the forces were lacking at Villefort, and he fell almost unconscious in a chair.

Puis, au bout d’un instant: Then, after a moment:

«Ô mon Dieu! "Oh my God! murmura-t-il, à quoi tiennent la vie et la fortune!... he murmured, "what is life and fortune all about?" - пробормотал он, - что это за жизнь и удача? Si le procureur du roi eût été à Marseille, si le juge d’instruction eût été appelé au lieu de moi, j’étais perdu; et ce papier, ce papier maudit me précipitait dans l’abîme. If the procureur du roi had been at Marseilles, if the examining magistrate had been summoned instead of me, I was lost; and this paper, this cursed paper, was precipitating me into the abyss. Ah! Ah! mon père, mon père, serez-vous donc toujours un obstacle à mon bonheur en ce monde, et dois-je lutter éternellement avec votre passé!» my father, my father, will you therefore always be an obstacle to my happiness in this world, and must I fight forever with your past! ”

Puis, tout à coup, une lueur inattendue parut passer par son esprit et illumina son visage; un sourire se dessina sur sa bouche encore crispée, ses yeux hagards devinrent fixes et parurent s’arrêter sur une pensée. Then, suddenly, an unexpected gleam appeared to pass through his mind and illuminated his face; a smile appeared on his still clenched mouth, his haggard eyes became fixed and seemed to stop on a thought.

«C’est cela, dit-il; oui, cette lettre qui devait me perdre fera ma fortune peut-être. "That's it," he said; yes, this letter which was to lose me will make my fortune perhaps. «Вот и все», - сказал он. да, это письмо, которое должно было потерять меня, может сделать мое счастье. Allons, Villefort, à l’œuvre!» Come, Villefort, at work! "

Et après s’être assuré que le prévenu n’était plus dans l’antichambre, le substitut du procureur du roi sortit à son tour, et s’achemina vivement vers la maison de sa fiancée. And having made sure that the accused was no longer in the antechamber, the substitute of the king's attorney came out in his turn, and hurried off to his bride's house.