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Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas, Tome 1, 17. La chambre de l'abbé

17. La chambre de l'abbé

Après avoir passé en se courbant, mais cependant avec assez de facilité, par le passage souterrain, Dantès arriva à l'extrémité opposée du corridor qui donnait dans la chambre de l'abbé. Là, le passage se rétrécissait et offrait à peine l'espace suffisant pour qu'un homme pût se glisser en rampant. La chambre de l'abbé était dallée; c'était en soulevant une de ces dalles placée dans le coin le plus obscur qu'il avait commencé la laborieuse opération dont Dantès avait vu la fin.

À peine entré et debout, le jeune homme examina cette chambre avec grande attention. Au premier aspect, elle ne présentait rien de particulier.

«Bon, dit l'abbé, il n'est que midi un quart, et nous avons encore quelques heures devant nous.»

Dantès regarda autour de lui, cherchant à quelle horloge l'abbé avait pu lire l'heure d'une façon si précise.

«Regardez ce rayon du jour qui vient par ma fenêtre, dit l'abbé, et regardez sur le mur les lignes que j'ai tracées. Grâce à ces lignes, qui sont combinées avec le double mouvement de la terre et l'ellipse qu'elle décrit autour du soleil, je sais plus exactement l'heure que si j'avais une montre, car une montre se dérange, tandis que le soleil et la terre ne se dérangent jamais.»

Dantès n'avait rien compris à cette explication, il avait toujours cru, en voyant le soleil se lever derrière les montagnes et se coucher dans la Méditerranée que c'était lui qui marchait et non la terre. Ce double mouvement du globe qu'il habitait, et dont cependant il ne s'apercevait pas, lui semblait presque impossible; dans chacune des paroles de son interlocuteur, il voyait des mystères de science aussi admirables à creuser que ces mines d'or et de diamants qu'il avait visitées dans un voyage qu'il avait fait presque enfant encore à Guzarate et à Golconde.

«Voyons, dit-il à l'abbé, j'ai hâte d'examiner vos trésors.»

L'abbé alla vers la cheminée, déplaça avec le ciseau qu'il tenait toujours à la main la pierre qui formait autrefois l'âtre et qui cachait une cavité assez profonde; c'était dans cette cavité qu'étaient renfermés tous les objets dont il avait parlé à Dantès.

«Que voulez-vous voir d'abord? lui demanda-t-il.

—Montrez-moi votre grand ouvrage sur la royauté en Italie.»

Faria tira de l'armoire précieuse trois ou quatre rouleaux de linge tournés sur eux-mêmes, comme des feuilles de papyrus: c'étaient des bandes de toile, larges de quatre pouces à peu près et longues de dix-huit. Ces bandes, numérotées, étaient couvertes d'une écriture que Dantès put lire, car elles étaient écrites dans la langue maternelle de l'abbé, c'est-à-dire en italien, idiome qu'en sa qualité de Provençal Dantès comprenait parfaitement.

«Voyez, lui dit-il, tout est là; il y a huit jours à peu près que j'ai écrit le mot Fin au bas de la soixante-huitième bande. Deux de mes chemises et tout ce que j'avais de mouchoirs y sont passé; si jamais je redeviens libre et qu'il se trouve dans toute l'Italie un imprimeur qui ose m'imprimer, ma réputation est faite.

—Oui, répondit Dantès, je vois bien. Et maintenant, montrez-moi donc, je vous prie, les plumes avec lesquelles a été écrit cet ouvrage.

—Voyez», dit Faria. Et il montra au jeune homme un petit bâton long de six pouces, gros comme le manche d'un pinceau, au bout et autour duquel était lié par un fil un de ces cartilages, encore taché par l'encre, dont l'abbé avait parlé à Dantès; il était allongé en bec et fendu comme une plume ordinaire. Dantès l'examina, cherchant des yeux l'instrument avec lequel il avait pu être taillé d'une façon si correcte.

«Ah! oui, dit Faria, le canif, n'est-ce pas? C'est mon chef-d'œuvre; je l'ai fait, ainsi que le couteau que voici, avec un vieux chandelier de fer.»

Le canif coupait comme un rasoir. Quant au couteau, il avait cet avantage qu'il pouvait servir tout à la fois de couteau et de poignard. Dantès examina ces différents objets avec la même attention que, dans les boutiques de curiosités de Marseille, il avait examiné parfois ces instruments exécutés par des sauvages et rapportés des mers du Sud par les capitaines au long cours.

«Quant à l'encre, dit Faria, vous savez comment je procède; je la fais à mesure que j'en ai besoin.

—Maintenant, je m'étonne d'une chose, dit Dantès, c'est que les jours vous aient suffi pour toute cette besogne.

—J'avais les nuits, répondit Faria.

—Les nuits! êtes-vous donc de la nature des chats et voyez-vous clair pendant la nuit?

—Non; mais Dieu a donné à l'homme l'intelligence pour venir en aide à la pauvreté de ses sens: je me suis procuré de la lumière.

—Comment cela?

—De la viande qu'on m'apporte je sépare la graisse, je la fais fondre et j'en tire une espèce d'huile compacte. Tenez, voilà ma bougie.»

Et l'abbé montra à Dantès une espèce de lampion, pareil à ceux qui servent dans les illuminations publiques.

«Mais du feu?

—Voici deux cailloux et du linge brûlé.

—Mais des allumettes?

—J'ai feint une maladie de peau, et j'ai demandé du souffre, que l'on m'a accordé.»

Dantès posa les objets qu'il tenait sur la table et baissa la tête, écrasé sous la persévérance et la force de cet esprit.

«Ce n'est pas tout, continua Faria; car il ne faut pas mettre tous ses trésors dans une seule cachette; refermons celle-ci.»

Ils posèrent la dalle à sa place; l'abbé sema un peu de poussière dessus, y passa son pied pour faire disparaître toute trace de solution de continuité, s'avança vers son lit et le déplaça.

Derrière le chevet, caché par une pierre qui le refermait avec une herméticité presque parfaite, était un trou, et dans ce trou une échelle de corde longue de vingt-cinq à trente pieds.

Dantès l'examina: elle était d'une solidité à toute épreuve.

«Qui vous a fourni la corde nécessaire à ce merveilleux ouvrage? demanda Dantès.

—D'abord quelques chemises que j'avais, puis les draps de mon lit que, pendant trois ans de captivité à Fenestrelle, j'ai effilés. Quand on m'a transporté au château d'If, j'ai trouvé moyen d'emporter avec moi cet effilé; ici, j'ai continué la besogne.

—Mais ne s'apercevait-on pas que les draps de votre lit n'avaient plus d'ourlet?

—Je les recousais.

—Avec quoi?

—Avec cette aiguille.»

Et l'abbé, ouvrant un lambeau de ses vêtements, montra à Dantès une arête longue, aiguë et encore enfilée, qu'il portait sur lui.

«Oui, continua Faria, j'avais d'abord songé à desceller ces barreaux et à fuir par cette fenêtre, qui est un peu plus large que la vôtre, comme vous voyez, et que j'eusse élargie encore au moment de mon évasion; mais je me suis aperçu que cette fenêtre donnait sur une cour intérieure, et j'ai renoncé à mon projet comme trop chanceux. Cependant, j'ai conservé l'échelle pour une circonstance imprévue, pour une de ces évasions dont je vous parlais, et que le hasard procure.»

Dantès tout en ayant l'air d'examiner l'échelle, pensait cette fois à autre chose; une idée avait traversé son esprit. C'est que cet homme, si intelligent, si ingénieux, si profond, verrait peut-être clair dans l'obscurité de son propre malheur, où jamais lui-même n'avait rien pu distinguer.

«À quoi songez-vous? demanda l'abbé en souriant, et prenant l'absorbement de Dantès pour une admiration portée au plus haut degré.

—Je pense à une chose d'abord, c'est à la somme énorme d'intelligence qu'il vous a fallu dépenser pour arriver au but où vous êtes parvenu; qu'eussiez-vous donc fait libre?

—Rien, peut-être: ce trop-plein de mon cerveau se fût évaporé en futilités. Il faut le malheur pour creuser certaines mines mystérieuses cachées dans l'intelligence humaine; il faut la pression pour faire éclater la poudre. La captivité a réuni sur un seul point toutes mes facultés flottantes çà et là; elles se sont heurtées dans un espace étroit; et, vous le savez, du choc des nuages résulte l'électricité, de l'électricité l'éclair, de l'éclair la lumière.

—Non, je ne sais rien, dit Dantès, abattu par son ignorance; une partie des mots que vous prononcez sont pour moi des mots vides de sens; vous êtes bien heureux d'être si savant, vous!»

L'abbé sourit.

«Vous pensiez à deux choses, disiez-vous tout à l'heure?

—Oui.

—Et vous ne m'avez fait connaître que la première; quelle est la seconde?

—La seconde est que vous m'avez raconté votre vie, et que vous ne connaissez pas la mienne.

—Votre vie, jeune homme, est bien courte pour renfermer des événements de quelque importance.

—Elle renferme un immense malheur, dit Dantès; un malheur que je n'ai pas mérité; et je voudrais, pour ne plus blasphémer Dieu comme je l'ai fait quelquefois, pouvoir m'en prendre aux hommes de mon malheur.

—Alors, vous vous prétendez innocent du fait qu'on vous impute?

—Complètement innocent, sur la tête des deux seules personnes qui me sont chères, sur la tête de mon père et de Mercédès.

—Voyons, dit l'abbé en refermant sa cachette et en repoussant son lit à sa place, racontez-moi donc votre histoire.»

Dantès alors raconta ce qu'il appelait son histoire, et qui se bornait à un voyage dans l'Inde et à deux où trois voyages dans le Levant; enfin, il en arriva à sa dernière traversée, à la mort du capitaine Leclère au paquet remis par lui pour le grand maréchal, à l'entrevue du grand maréchal, à la lettre remise par lui et adressée à un M. Noirtier; enfin à son arrivée à Marseille, à son entrevue avec son père, à ses amours avec Mercédès, au repas de ses fiançailles, à son arrestation, à son interrogatoire, à sa prison provisoire au palais de justice, enfin à sa prison définitive au château d'If. Arrivé là, Dantès ne savait plus rien, pas même le temps qu'il y était resté prisonnier.

Le récit achevé, l'abbé réfléchit profondément.

«Il y a, dit-il au bout d'un instant, un axiome de droit d'une grande profondeur, et qui en revient à ce que je vous disais tout à l'heure, c'est qu'à moins que la pensée mauvaise ne naisse avec une organisation faussée, la nature humaine répugne au crime. Cependant, la civilisation nous a donné des besoins, des vices, des appétits factices qui ont parfois l'influence de nous faire étouffer nos bons instincts et qui nous conduisent au mal. De là cette maxime: Si vous voulez découvrir le coupable, cherchez d'abord celui à qui le crime commis peut être utile! À qui votre disparition pouvait-elle être utile?

—À personne, mon Dieu! j'étais si peu de chose.

—Ne répondez pas ainsi, car la réponse manque à la fois de logique et de philosophie; tout est relatif, mon cher ami, depuis le roi qui gêne son futur successeur, jusqu'à l'employé qui gêne le surnuméraire: si le roi meurt, le successeur hérite une couronne; si l'employé meurt, le surnuméraire hérite douze cents livres d'appointements. Ces douze cents livres d'appointements, c'est sa liste civile à lui; ils lui sont aussi nécessaires pour vivre que les douze millions d'un roi. Chaque individu, depuis le plus bas jusqu'au plus haut degré de l'échelle sociale, groupe autour de lui tout un petit monde d'intérêts, ayant ses tourbillons et ses atomes crochus, comme les mondes de Descartes. Seulement, ces mondes vont toujours s'élargissant à mesure qu'ils montent. C'est une spirale renversée et qui se tient sur la pointe par un jeu d'équilibre. Revenons-en donc à votre monde à vous. Vous alliez être nommé capitaine du Pharaon ?

—Oui.

—Vous alliez épouser une belle jeune fille?

—Oui.

—Quelqu'un avait-il intérêt à ce que vous ne devinssiez pas capitaine du Pharaon ? Quelqu'un avait-il intérêt à ce que vous n'épousassiez pas Mercédès? Répondez d'abord à la première question, l'ordre est la clef de tous les problèmes. Quelqu'un avait-il intérêt à ce que vous ne devinssiez pas capitaine du Pharaon ?

—Non; j'étais fort aimé à bord. Si les matelots avaient pu élire un chef, je suis sûr qu'ils m'eussent élu. Un seul homme avait quelque motif de m'en vouloir: j'avais eu, quelque temps auparavant, une querelle avec lui, et je lui avais proposé un duel qu'il avait refusé.

—Allons donc? Cet homme, comment se nomma-t-il?

—Danglars.

—Qu'était-il à bord?

—Agent comptable.

—Si vous fussiez devenu capitaine, l'eussiez-vous conservé dans son poste?

—Non, si la chose eût dépendu de moi, car j'avais cru remarquer quelques infidélités dans ses comptes.

—Bien. Maintenant quelqu'un a-t-il assisté à votre dernier entretien avec le capitaine Leclère?

—Non, nous étions seuls.

—Quelqu'un a-t-il pu entendre votre conversation?

—Oui, car la porte était ouverte; et même... attendez... oui, oui Danglars est passé juste au moment où le capitaine Leclère me remettait le paquet destiné au grand maréchal.

—Bon, fit l'abbé, nous sommes sur la voie. Avez-vous amené quelqu'un avec vous à terre quand vous avez relâché à l'île d'Elbe?

—Personne.

—On vous a remis une lettre?

—Oui, le grand maréchal.

—Cette lettre, qu'en avez-vous fait?

—Je l'ai mise dans mon portefeuille.

—Vous aviez donc votre portefeuille sur vous? Comment un portefeuille devant contenir une lettre officielle pouvait-il tenir dans la poche d'un marin?

—Vous avez raison, mon portefeuille était à bord.

—Ce n'est donc qu'à bord que vous avez enfermé la lettre dans le portefeuille?

—Oui.

—De Porto-Ferrajo à bord qu'avez-vous fait de cette lettre?

—Je l'ai tenue à la main.

—Quand vous êtes remonté sur le Pharaon , chacun a donc pu voir que vous teniez une lettre?

—Oui.

—Danglars comme les autres?

—Danglars comme les autres.

—Maintenant, écoutez bien; réunissez tous vos souvenirs: vous rappelez-vous dans quels termes était rédigée la dénonciation?

—Oh! oui, je l'ai relue trois fois, et chaque parole en est restée dans ma mémoire.

—Répétez-la-moi.»

Dantès se recueillit un instant.

«La voici, dit-il, textuellement:

» M. le procureur du roi est prévenu par un ami du trône et de la religion que le nommé Edmond Dantès, second du navire le Pharaon, arrivé ce matin de Smyrne, après avoir touché à Naples et à Porto-Ferrajo, a été chargé par Murat d'un paquet pour l'usurpateur, et par l'usurpateur d'une lettre pour le comité bonapartiste de Paris .

» On aura la preuve de son crime en l'arrêtant, car on retrouvera cette lettre sur lui, ou chez son père, ou dans sa cabine à bord du Pharaon.»

L'abbé haussa les épaules.

«C'est clair comme le jour, dit-il, il faut que vous ayez eu le cœur bien naïf et bien bon pour n'avoir pas deviné la chose tout d'abord.

—Vous croyez?

s'écria Dantès.

Ah! ce serait bien infâme!

—Quelle était l'écriture ordinaire de Danglars?

—Une belle cursive.

—Quelle était l'écriture de la lettre anonyme.

—Une écriture renversée.»

L'abbé sourit.

«Contrefaite, n'est-ce pas?

—Bien hardie pour être contrefaite.

—Attendez», dit-il.

Il prit sa plume, ou plutôt ce qu'il appelait ainsi, la trempa dans l'encre et écrivit de la main gauche, sur un linge préparé à cet effet, les deux ou trois premières lignes de la dénonciation.

Dantès recula et regarda presque avec terreur l'abbé.

«Oh! c'est étonnant, s'écria-t-il, comme cette écriture ressemblait à celle-ci.

—C'est que la dénonciation avait été écrite de la main gauche. J'ai observé une chose, continua l'abbé.

—Laquelle?

—C'est que toutes les écritures tracées de la main droite sont variées, c'est que toutes les écritures tracées de la main gauche se ressemblent.

—Vous avez donc tout vu, tout observé?

—Continuons.

—Oh! oui, oui.

—Passons à la seconde question.

—J'écoute.

—Quelqu'un avait il intérêt à ce que vous n'épousassiez pas Mercédès?

—Oui! un jeune homme qui l'aimait.

—Son nom?

—Fernand.

—C'est un nom espagnol?

—Il était Catalan.

—Croyez-vous que celui-ci était capable d'écrire la lettre?

—Non! celui-ci m'eût donné un coup de couteau. Voilà tout.

—Oui, c'est dans la nature espagnole: un assassinat, oui, une lâcheté, non.

—D'ailleurs, continua Dantès, il ignorait tous les détails consignés dans la dénonciation.

—Vous ne les aviez donnés à personne? Pas même à votre maîtresse?

—Pas même à ma fiancée.

—C'est Danglars.

—Oh! maintenant j'en suis sûr.

—Attendez.... Danglars connaissait-il Fernand?

—Non... si.... Je me rappelle....

—Quoi?

—La surveille de mon mariage je les ai vu attablés ensemble sous la tonnelle du père Pamphile. Danglars était amical et railleur, Fernand était pâle et troublé.

—Ils étaient seuls?

—Non, ils avaient avec eux un troisième compagnon, bien connu de moi, qui sans doute leur avait fait faire connaissance, un tailleur nommé Caderousse; mais celui-ci était déjà ivre. Attendez... attendez.... Comment ne me suis-je pas rappelé cela? Près de la table où ils buvaient étaient un encrier, du papier, des plumes. (Dantès porta la main à son front). Oh! les infâmes!

les infâmes!

—Voulez-vous encore savoir autre chose? dit l'abbé en riant.

—Oui, oui, puisque vous approfondissez, tout, puisque vous voyez clair en toutes choses, je veux savoir pourquoi je n'ai été interrogé qu'une fois, pourquoi on ne m'a pas donné des juges, et comment je suis condamné sans arrêt.

—Oh! ceci dit l'abbé, c'est un peu plus grave; la justice a des allures sombres et mystérieuses qu'il est difficile de pénétrer. Ce que nous avons fait jusqu'ici pour vos deux amis était un jeu d'enfant; il va falloir, sur ce sujet, me donner les indications les plus précises.

—Voyons, interrogez-moi, car en vérité vous voyez plus clair dans ma vie que moi-même.

—Qui vous a interrogé? est-ce le procureur du roi, le substitut, le juge d'instruction?

—C'était le substitut.

—Jeune, ou vieux?

—Jeune: vingt-sept ou vingt-huit ans.

—Bien! pas corrompu encore, mais ambitieux déjà, dit l'abbé. Quelles furent ses manières avec vous?

—Douces plutôt que sévères.

—Lui avez-vous tout raconté?

—Tout.

—Et ses manières ont-elles changé dans le courant de l'interrogatoire?

—Un instant, elles ont été altérées, lorsqu'il eut lu la lettre qui me compromettait; il parut comme accablé de mon malheur.

—De votre malheur?

—Oui.

—Et vous êtes bien sûr que c'était votre malheur qu'il plaignait?

—Il m'a donné une grande preuve de sa sympathie, du moins.

—Laquelle?

—Il a brûlé la seule pièce qui pouvait me compromettre.

—Laquelle?

la dénonciation?

—Non, la lettre.

—Vous en êtes sûr?

—Cela s'est passé devant moi.

—C'est autre chose; cet homme pourrait être un plus profond scélérat que vous ne croyez.

—Vous me faites frissonner, sur mon honneur! dit Dantès, le monde est-il donc peuplé de tigres et de crocodiles?

—Oui; seulement, les tigres et les crocodiles à deux pieds sont plus dangereux que les autres.

—Continuons, continuons.

—Volontiers; il a brûlé la lettre, dites-vous?

—Oui, en me disant: «Vous voyez, il n'existe que cette preuve-là contre vous, et je l'anéantis.»

—Cette conduite est trop sublime pour être naturelle.

—Vous croyez?

—J'en suis sûr. À qui cette lettre était-elle adressée?

—À M. Noirtier, rue Coq-Héron, no 13, à Paris.

—Pouvez-vous présumer que votre substitut eût quelque intérêt à ce que cette lettre disparût?

—Peut-être; car il m'a fait promettre deux ou trois fois, dans mon intérêt, disait-il, de ne parler à personne de cette lettre, et il m'a fait jurer de ne pas prononcer le nom qui était inscrit sur l'adresse.

—Noirtier? répéta l'abbé... Noirtier? j'ai connu un Noirtier à la cour de l'ancienne reine d'Étrurie, un Noirtier qui avait été girondin sous la révolution. Comment s'appelait votre substitut, à vous?

—De Villefort.»

L'abbé éclata de rire.

Dantès le regarda avec stupéfaction.

«Qu'avez-vous? dit-il.

—Voyez-vous ce rayon du jour? demanda l'abbé.

—Oui.

—Eh bien, tout est plus clair pour moi maintenant que ce rayon transparent et lumineux. Pauvre enfant, pauvre jeune homme! et ce magistrat a été bon pour vous.

—Oui.

—Ce digne substitut a brûlé, anéanti la lettre?

—Oui.

—Cet honnête pourvoyeur du bourreau vous a fait jurer de ne jamais prononcer de nom de Noirtier?

—Oui.

—Ce Noirtier, pauvre aveugle que vous êtes, savez-vous ce que c'était que ce Noirtier? «Ce Noirtier, c'était son père!»

La foudre, tombée aux pieds de Dantès et lui creusant un abîme au fond duquel s'ouvrait l'enfer, lui eût produit un effet moins prompt, moins électrique, moins écrasant, que ces paroles inattendues; il se leva, saisissant sa tête à deux mains comme pour l'empêcher d'éclater.

«Son père! son père! s'écria-t-il.

—Oui, son père, qui s'appelle Noirtier de Villefort», reprit l'abbé.

Alors une lumière fulgurante traversa le cerveau du prisonnier, tout ce qui lui était demeuré obscur fut à l'instant même éclairé d'un jour éclatant. Ces tergiversations de Villefort pendant l'interrogatoire, cette lettre détruite, ce serment exigé, cette voix presque suppliante du magistrat qui, au lieu de menacer, semblait implorer, tout lui revint à la mémoire; il jeta un cri, chancela un instant comme un homme ivre; puis, s'élançant par l'ouverture qui conduisait de la cellule de l'abbé à la sienne:

«Oh! dit-il, il faut que je sois seul pour penser à tout cela.»

Et, en arrivant dans son cachot, il tomba sur son lit, où le porte-clefs le retrouva le soir, assis, les yeux fixes, les traits contractés, mais immobile et muet comme une statue.

Pendant ces heures de méditation, qui s'étaient écoulées comme des secondes, il avait pris une terrible résolution et fait un formidable serment.

Une voix tira Dantès de cette rêverie, c'était celle de l'abbé Faria, qui, ayant reçu à son tour la visite de son geôlier, venait inviter Dantès à souper avec lui. Sa qualité de fou reconnu, et surtout de fou divertissant, valait au vieux prisonnier quelques privilèges, comme celui d'avoir du pain un peu plus blanc et un petit flacon de vin le dimanche. Or, on était justement arrivé au dimanche, et l'abbé venait inviter son jeune compagnon à partager son pain et son vin.

Dantès le suivit: toutes les lignes de son visage s'étaient remises et avaient repris leur place accoutumée, mais avec une raideur et une fermeté, si l'on peut le dire, qui accusaient une résolution prise. L'abbé le regarda fixement.

«Je suis fâché de vous avoir aidé dans vos recherches et de vous avoir dit ce que je vous ai dit, fit-il.

—Pourquoi cela? demanda Dantès.

—Parce que je vous ai infiltré dans le cœur un sentiment qui n'y était point: la vengeance.»

Dantès sourit.

«Parlons d'autre chose», dit-il.

L'abbé le regarda encore un instant et hocha tristement la tête; puis, comme l'en avait prié Dantès, il parla d'autre chose.

Le vieux prisonnier était un de ces hommes dont la conversation, comme celle des gens qui ont beaucoup souffert, contient des enseignements nombreux et renferme un intérêt soutenu; mais elle n'était pas égoïste, et ce malheureux ne parlait jamais de ses malheurs.

Dantès écoutait chacune de ses paroles avec admiration: les unes correspondaient à des idées qu'il avait déjà et à des connaissances qui étaient du ressort de son état de marin, les autres touchaient à des choses inconnues, et, comme ces aurores boréales qui éclairent les navigateurs dans les latitudes australes, montraient au jeune homme des paysages et des horizons nouveaux, illuminés de lueurs fantastiques. Dantès comprit le bonheur qu'il y aurait pour une organisation intelligente à suivre cet esprit élevé sur les hauteurs morales, philosophiques ou sociales sur lesquelles il avait l'habitude de se jouer.

«Vous devriez m'apprendre un peu de ce que vous savez, dit Dantès, ne fût-ce que pour ne pas vous ennuyer avec moi. Il me semble maintenant que vous devez préférer la solitude à un compagnon sans éducation et sans portée comme moi. Si vous consentez à ce que je vous demande, je m'engage à ne plus vous parler de fuir.»

L'abbé sourit.

«Hélas! mon enfant, dit-il, la science humaine est bien bornée, et quand je vous aurai appris les mathématiques, la physique, l'histoire et les trois ou quatre langues vivantes que je parle, vous saurez ce que je sais: or, toute cette science, je serai deux ans à peine à la verser de mon esprit dans le vôtre.

—Deux ans! dit Dantès, vous croyez que je pourrais apprendre toutes ces choses en deux ans?

—Dans leur application, non; dans leurs principes, oui: apprendre n'est pas savoir; il y a les sachants et les savants: c'est la mémoire qui fait les uns, c'est la philosophie qui fait les autres.

—Mais ne peut-on apprendre la philosophie?

—La philosophie ne s'apprend pas; la philosophie est la réunion des sciences acquises au génie qui les applique: la philosophie, c'est le nuage éclatant sur lequel le Christ a posé le pied pour remonter au ciel.

—Voyons, dit Dantès, que m'apprenez-vous d'abord? J'ai hâte de commencer, j'ai soif de science.

—Tout!» dit l'abbé.

En effet, dès le soir, les deux prisonniers arrêtèrent un plan d'éducation qui commença de s'exécuter le lendemain. Dantès avait une mémoire prodigieuses une facilité de conception extrême: la disposition mathématique de son esprit le rendait apte à tout comprendre par le calcul, tandis que la poésie du marin corrigeait tout ce que pouvait avoir de trop matériel la démonstration réduite à la sécheresse des chiffres ou à la rectitude des lignes; il savait déjà, d'ailleurs, l'italien et un peu de romaïque, qu'il avait appris dans ses voyages d'Orient. Avec ces deux langues, il comprit bientôt le mécanisme de toutes les autres, et, au bout de six mois, il commençait à parler l'espagnol, l'anglais et l'allemand. Comme il l'avait dit à l'abbé Faria, soit que la distraction que lui donnait l'étude lui tînt lieu de liberté, soit qu'il fût, comme nous l'avons vu déjà, rigide observateur de sa parole, il ne parlait plus de fuir, et les journées s'écoulaient pour lui rapides et instructives. Au bout d'un an, c'était un autre homme.

Quant à l'abbé Faria, Dantès remarqua que, malgré la distraction que sa présence avait apportée à sa captivité, il s'assombrissait tous les jours. Une pensée incessante et éternelle paraissait assiéger son esprit; il tombait dans de profondes rêveries, soupirait involontairement, se levait tout à coup, croisait les bras et se promenait sombre autour de sa prison.

Un jour, il s'arrêta tout à coup au milieu d'un de ces cercles cent fois répétés qu'il décrivait autour de sa chambre, et s'écria:

«Ah! s'il n'y avait pas de sentinelle!

—Il n'y aura de sentinelle qu'autant que vous le voudrez bien, reprit Dantès qui avait suivi sa pensée à travers la boîte de son cerveau comme à travers un cristal.

—Ah! je vous l'ai dit, reprit l'abbé, je répugne à un meurtre.

—Et cependant ce meurtre, s'il est commis, le sera par l'instinct de notre conservation, par un sentiment de défense personnelle.

—N'importe, je ne saurais.

—Vous y pensez, cependant?

—Sans cesse, sans cesse, murmura l'abbé.

—Et vous avez trouvé un moyen, n'est-ce pas? dit vivement Dantès.

—Oui, s'il arrivait qu'on pût mettre sur la galerie une sentinelle aveugle et sourde.

—Elle sera aveugle, elle sera sourde, répondit le jeune homme avec un accent de résolution qui épouvanta l'abbé.

—Non, non! s'écria-t-il; impossible.»

Dantès voulut le retenir sur ce sujet, mais l'abbé secoua la tête et refusa de répondre davantage.

Trois mois s'écoulèrent.

«Êtes-vous fort?» demanda un jour l'abbé à Dantès.

Dantès, sans répondre, prit le ciseau, le tordit comme un fer à cheval et le redressa.

«Vous engageriez-vous à ne tuer la sentinelle qu'à la dernière extrémité?

—Oui, sur l'honneur.

—Alors, dit l'abbé, nous pourrons exécuter notre dessein.

—Et combien nous faudra-t-il de temps pour l'exécuter?

—Un an, au moins.

—Mais nous pourrions nous mettre au travail?

—Tout de suite.

—Oh! voyez donc, nous avons perdu un an, s'écria Dantès.

—Trouvez-vous que nous l'ayons perdu? dit l'abbé.

—Oh! pardon, pardon, s'écria Edmond rougissant.

—Chut! dit l'abbé, l'homme n'est jamais qu'un homme; et vous êtes encore un des meilleurs que j'aie connus. Tenez, voici mon plan.»

L'abbé montra alors à Dantès un dessin qu'il avait tracé: c'était le plan de sa chambre, de celle de Dantès et du corridor qui joignait l'une à l'autre. Au milieu de cette galerie, il établissait un boyau pareil à celui qu'on pratique dans les mines. Ce boyau menait les deux prisonniers sous la galerie où se promenait la sentinelle; une fois arrivés là, ils pratiquaient une large excavation, descellaient une des dalles qui formaient le plancher de la galerie; la dalle, à un moment donné, s'enfonçait sous le poids du soldat, qui disparaissait englouti dans l'excavation; Dantès se précipitait sur lui au moment où, tout étourdi de sa chute, il ne pouvait se défendre, le liait, le bâillonnait, et tous deux alors, passant par une des fenêtres de cette galerie, descendaient le long de la muraille extérieure à l'aide de l'échelle de corde et se sauvaient.

Dantès battit des mains et ses yeux étincelèrent de joie; ce plan était si simple qu'il devait réussir.

Le même jour, les mineurs se mirent à l'ouvrage avec d'autant plus d'ardeur que ce travail succédait à un long repos, et ne faisait, selon toute probabilité que continuer la pensée intime et secrète de chacun d'eux.

Rien ne les interrompait que l'heure à laquelle chacun d'eux était forcé de rentrer chez soi pour recevoir la visite du geôlier. Ils avaient, au reste, pris l'habitude de distinguer, au bruit imperceptible des pas, le moment où cet homme descendait, et jamais ni l'un ni l'autre ne fut pris à l'improviste. La terre qu'ils extrayaient de la nouvelle galerie, et qui eût fini par combler l'ancien corridor, était jetée petit à petit, et avec des précautions inouïes, par l'une ou l'autre des deux fenêtres du cachot de Dantès ou du cachot de Faria: on la pulvérisait avec soin, et le vent de la nuit l'emportait au loin sans qu'elle laissât de traces.

Plus d'un an se passa à ce travail exécuté avec un ciseau, un couteau et un levier de bois pour tous instruments; pendant cette année, et tout en travaillant, Faria continuait d'instruire Dantès, lui parlant tantôt une langue, tantôt une autre, lui apprenant l'histoire des nations et des grands hommes qui laissent de temps en temps derrière eux une de ces traces lumineuses qu'on appelle la gloire. L'abbé, homme du monde et du grand monde, avait en outre, dans ses manières, une sorte de majesté mélancolique dont Dantès, grâce à l'esprit d'assimilation dont la nature l'avait doué, sut extraire cette politesse élégante qui lui manquait et ces façons aristocratiques que l'on n'acquiert d'habitude que par le frottement des classes élevées ou la société des hommes supérieurs.

Au bout de quinze mois, le trou était achevé; l'excavation était faite sous la galerie; on entendait passer et repasser la sentinelle, et les deux ouvriers, qui étaient forcés d'attendre une nuit obscure et sans lune pour rendre leur évasion plus certaine encore, n'avaient plus qu'une crainte: c'était de voir le sol trop hâtif s'effondrer de lui-même sous les pieds du soldat. On obvia à cet inconvénient en plaçant une espèce de petite poutre, qu'on avait trouvée dans les fondations comme un support. Dantès était occupé à la placer, lorsqu'il entendit tout à coup l'abbé Faria, resté dans la chambre du jeune homme, où il s'occupait de son côté à aiguiser une cheville destinée à maintenir l'échelle de corde, qui l'appelait avec un accent de détresse. Dantès rentra vivement, et aperçut l'abbé, debout au milieu de la chambre, pâle, la sueur au front et les mains crispées.

«Oh! mon Dieu! s'écria Dantès, qu'y a-t-il, et qu'avez-vous donc?

—Vite, vite! dit l'abbé, écoutez-moi.»

Dantès regarda le visage livide de Faria, ses yeux cernés d'un cercle bleuâtre, ses lèvres blanches, ses cheveux hérissés; et, d'épouvante, il laissa tomber à terre le ciseau qu'il tenait à la main.

«Mais qu'y a-t-il donc? s'écria Edmond.

—Je suis perdu! dit l'abbé écoutez-moi. Un mal terrible, mortel peut-être, va me saisir; l'accès arrive, je le sens: déjà j'en fus atteint l'année qui précéda mon incarcération. À ce mal il n'est qu'un remède, je vais vous le dire: courez vite chez moi, levez le pied du lit; ce pied est creux, vous y trouverez un petit flacon à moitié plein d'une liqueur rouge, apportez-le; ou plutôt, non, non, je pourrais être surpris ici; aidez-moi à rentrer chez moi pendant que j'ai encore quelques forces. Qui sait ce qui va arriver le temps que durera l'accès?

Dantès, sans perdre la tête, bien que le malheur qui le frappait fût immense, descendit dans le corridor, traînant son malheureux compagnon après lui, et le conduisant, avec une peine infinie, jusqu'à l'extrémité opposée, se retrouva dans la chambre de l'abbé qu'il déposa sur son lit.

«Merci, dit l'abbé, frissonnant de tous ses membres comme s'il sortait d'une eau glacée. Voici le mal qui vient, je vais tomber en catalepsie; peut-être ne ferai-je pas un mouvement, peut-être ne jetterai-je pas une plainte; mais peut-être aussi j'écumerai, je me raidirai, je crierai; tâchez que l'on n'entende pas mes cris, c'est l'important, car alors peut-être me changerait-on de chambre, et nous serions séparés à tout jamais. Quand vous me verrez immobile, froid et mort, pour ainsi dire, seulement à cet instant, entendez-vous bien, desserrez-moi les dents avec le couteau, faites couler dans ma bouche huit à dix gouttes de cette liqueur, et peut-être reviendrai-je.

—Peut-être? s'écria douloureusement Dantès.

—À moi! à moi! s'écria l'abbé, je me... je me m...»

L'accès fut si subit et si violent que le malheureux prisonnier ne put même achever le mot commencé; un nuage passa sur son front, rapide et sombre comme les tempêtes de la mer; la crise dilata ses yeux, tordit sa bouche, empourpra ses joues; il s'agita, écuma, rugit; mais ainsi qu'il l'avait recommandé lui-même, Dantès étouffa ses cris sous sa couverture. Cela dura deux heures. Alors, plus inerte qu'une masse, plus pâle et plus froid que le marbre, plus brisé qu'un roseau foulé aux pieds, il tomba, se raidit encore dans une dernière convulsion et devint livide. Edmond attendit que cette mort apparente eût envahi le corps et glacé jusqu'au cœur; alors il prit le couteau, introduisit la lame entre les dents, desserra avec une peine infinie les mâchoires crispées, compta l'une après l'autre dix gouttes de la liqueur rouge, et attendit. Une heure s'écoula sans que le vieillard fît le moindre mouvement. Dantès craignait d'avoir attendu trop tard, et le regardait, les deux mains enfoncées dans ses cheveux. Enfin une légère coloration parut sur ses joues; ses yeux, constamment restés ouverts et atones, reprirent leur regard, un faible soupir s'échappa de sa bouche, il fit un mouvement.

«Sauvé! sauvé!» s'écria Dantès.

Le malade ne pouvait point parler encore, mais il étendit avec une anxiété visible la main vers la porte. Dantès écouta, et entendit les pas du geôlier: il allait être sept heures et Dantès n'avait pas eu le loisir de mesurer le temps.

Le jeune homme bondit vers l'ouverture, s'y enfonça, replaça la dalle au-dessus de sa tête, et rentra chez lui.

Un instant après, sa porte s'ouvrit à son tour, et le geôlier, comme d'habitude, trouva le prisonnier assis sur son lit.

À peine eut-il le dos tourné, à peine le bruit des pas se fut-il perdu dans le corridor, que Dantès, dévoré d'inquiétude, reprit sans songer à manger, le chemin qu'il venait de faire, et, soulevant la dalle avec sa tête, et rentra dans la chambre de l'abbé.

Celui-ci avait repris connaissance, mais il était toujours étendu, inerte et sans force, sur son lit.

«Je ne comptais plus vous revoir, dit-il à Dantès.

—Pourquoi cela? demanda le jeune homme; comptiez-vous donc mourir?

—Non; mais tout est prêt pour votre fuite, et je comptais que vous fuiriez.»

La rougeur de l'indignation colora les joues de Dantès.

«Sans vous! s'écria-t-il; m'avez-vous véritablement cru capable de cela?

—À présent, je vois que je m'étais trompé, dit le malade. Ah! je suis bien faible, bien brisé, bien anéanti.

—Courage, vos forces reviendront», dit Dantès, s'asseyant près du lit de Faria et lui prenant les mains. L'abbé secoua la tête.

«La dernière fois, dit-il, l'accès dura une demi-heure, après quoi j'eus faim et me relevai seul; aujourd'hui, je ne puis remuer ni ma jambe ni mon bras droit; ma tête est embarrassée, ce qui prouve un épanchement au cerveau. La troisième fois, j'en resterai paralysé entièrement ou je mourrai sur le coup.

—Non, non, rassurez-vous, vous ne mourrez pas; ce troisième accès, s'il vous prend, vous trouvera libre. Nous vous sauverons comme cette fois, et mieux que cette fois, car nous aurons tous les secours nécessaires.

—Mon ami, dit le vieillard, ne vous abusez pas, la crise qui vient de se passer m'a condamné à une prison perpétuelle: pour fuir, il faut pouvoir marcher.

—Eh bien, nous attendrons huit jours, un mois, deux mois, s'il le faut; dans cet intervalle, vos forces reviendront; tout est préparé pour notre fuite, et nous avons la liberté d'en choisir l'heure et le moment. Le jour où vous vous sentirez assez de forces pour nager, eh bien, ce jour-là, nous mettrons notre projet à exécution.

—Je ne nagerai plus, dit Faria, ce bras est paralysé, non pas pour un jour, mais à jamais. Soulevez-le vous-même, et voyez ce qu'il pèse.»

Le jeune homme souleva le bras, qui retomba insensible. Il poussa un soupir.

«Vous êtes convaincu, maintenant, n'est-ce pas, Edmond? dit Faria; croyez-moi, je sais ce que je dis: depuis la première attaque que j'aie eue de ce mal, je n'ai pas cessé d'y réfléchir. Je l'attendais, car c'est un héritage de famille; mon père est mort à la troisième crise, mon aïeul aussi. Le médecin qui m'a composé cette liqueur, et qui n'est autre que le fameux Cabanis, m'a prédit le même sort.

—Le médecin se trompe, s'écria Dantès; quant à votre paralysie, elle ne me gêne pas, je vous prendrai sur mes épaules et je nagerai en vous soutenant.

—Enfant, dit l'abbé, vous êtes marin, vous êtes nageur, vous devez par conséquent savoir qu'un homme chargé d'un fardeau pareil ne ferait pas cinquante brasses dans la mer. Cessez de vous laisser abuser par des chimères dont votre excellent cœur n'est pas même la dupe: je resterai donc ici jusqu'à ce que sonne l'heure de ma délivrance, qui ne peut plus être maintenant que celle de la mort. Quant à vous, fuyez, partez! Vous êtes jeune, adroit et fort, ne vous inquiétez pas de moi, je vous rends votre parole.

—C'est bien, dit Dantès. Eh bien, alors, moi aussi, je resterai.»

Puis, se levant et étendant une main solennelle sur le vieillard:

«Par le sang du Christ, je jure de ne vous quitter qu'à votre mort!»

Faria considéra ce jeune homme si noble, si simple, si élevé, et lut sur ses traits, animés par l'expression du dévouement le plus pur, la sincérité de son affection et la loyauté de son serment.

«Allons dit le malade, j'accepte, merci.»

Puis, lui tendant la main:

«Vous serez peut-être récompensé de ce dévouement si désintéressé, lui dit-il; mais comme je ne puis et que vous ne voulez pas partir, il importe que nous bouchions le souterrain fait sous la galerie: le soldat peut découvrir en marchant la sonorité de l'endroit miné, appeler l'attention d'un inspecteur, et alors nous serions découverts et séparés. Allez faire cette besogne, dans laquelle je ne puis plus malheureusement vous aider; employez-y toute la nuit, s'il le faut, et ne revenez que demain matin après la visite du geôlier, j'aurai quelque chose d'important à vous dire.»

Dantès prit la main de l'abbé, qui le rassura par un sourire, et sortit avec cette obéissance et ce respect qu'il avait voués à son vieil ami.


17. La chambre de l'abbé 17. The abbot's room 17. De slaapkamer van de abt

Après avoir passé en se courbant, mais cependant avec assez de facilité, par le passage souterrain, Dantès arriva à l’extrémité opposée du corridor qui donnait dans la chambre de l’abbé. After having passed by bending, though with considerable facility, by the underpass, Dantes reached the opposite end of the corridor which led into the abbot's room. Là, le passage se rétrécissait et offrait à peine l’espace suffisant pour qu’un homme pût se glisser en rampant. There, the passage narrowed and barely provided space for a man to crawl. La chambre de l’abbé était dallée; c’était en soulevant une de ces dalles placée dans le coin le plus obscur qu’il avait commencé la laborieuse opération dont Dantès avait vu la fin. The abbot's room was paved; it was by raising one of these slabs placed in the darkest corner that he had begun the laborious operation of which Dantes had seen the end.

À peine entré et debout, le jeune homme examina cette chambre avec grande attention. As soon as he entered and stood up, the young man examined this room with great attention. Au premier aspect, elle ne présentait rien de particulier. At first sight she did not present anything particular.

«Bon, dit l’abbé, il n’est que midi un quart, et nous avons encore quelques heures devant nous.» "Well," said the abbe, "it is only a quarter past twelve, and we have a few more hours in front of us."

Dantès regarda autour de lui, cherchant à quelle horloge l’abbé avait pu lire l’heure d’une façon si précise. Dantes looked around him, looking at what clock the abbe had read the time so precisely.

«Regardez ce rayon du jour qui vient par ma fenêtre, dit l’abbé, et regardez sur le mur les lignes que j’ai tracées. "Look at this ray of day coming through my window," said the abbe, "and look on the wall at the lines I have drawn. Grâce à ces lignes, qui sont combinées avec le double mouvement de la terre et l’ellipse qu’elle décrit autour du soleil, je sais plus exactement l’heure que si j’avais une montre, car une montre se dérange, tandis que le soleil et la terre ne se dérangent jamais.» Thanks to these lines, which are combined with the double movement of the earth and the ellipse that it describes around the sun, I know the time more precisely than if I had a watch, because a watch is disturbing, while the sun and the earth never bother. "

Dantès n’avait rien compris à cette explication, il avait toujours cru, en voyant le soleil se lever derrière les montagnes et se coucher dans la Méditerranée que c’était lui qui marchait et non la terre. Dantes had understood nothing of this explanation, he had always believed, on seeing the sun rise behind the mountains and lie down in the Mediterranean, that it was he who was walking, and not the earth. Ce double mouvement du globe qu’il habitait, et dont cependant il ne s’apercevait pas, lui semblait presque impossible; dans chacune des paroles de son interlocuteur, il voyait des mystères de science aussi admirables à creuser que ces mines d’or et de diamants qu’il avait visitées dans un voyage qu’il avait fait presque enfant encore à Guzarate et à Golconde. This double movement of the globe which he inhabited, and of which, however, he did not perceive, seemed to him almost impossible; in each of the words of his interlocutor, he saw mysteries of science as admirable in digging as the gold and diamond mines which he had visited on a journey which he had made almost as a child in Guzarate and Golconda.

«Voyons, dit-il à l’abbé, j’ai hâte d’examiner vos trésors.» "Come," said he to the abbe, "I am anxious to examine your treasures."

L’abbé alla vers la cheminée, déplaça avec le ciseau qu’il tenait toujours à la main la pierre qui formait autrefois l’âtre et qui cachait une cavité assez profonde; c’était dans cette cavité qu’étaient renfermés tous les objets dont il avait parlé à Dantès. The abbe went to the chimney, moved with the chisel he always held in his hand the stone which formerly formed the hearth, and which hid a cavity of sufficient depth; it was in this cavity that all the objects of which he had spoken to Dantes were confined.

«Que voulez-vous voir d’abord? "What do you want to see first?" lui demanda-t-il. he asked her.

—Montrez-moi votre grand ouvrage sur la royauté en Italie.» "Show me your great work on royalty in Italy."

Faria tira de l’armoire précieuse trois ou quatre rouleaux de linge tournés sur eux-mêmes, comme des feuilles de papyrus: c’étaient des bandes de toile, larges de quatre pouces à peu près et longues de dix-huit. Faria drew from the precious cupboard three or four rolls of linen turned on themselves, like papyrus leaves: they were strips of cloth, about four inches wide and eighteen long. Ces bandes, numérotées, étaient couvertes d’une écriture que Dantès put lire, car elles étaient écrites dans la langue maternelle de l’abbé, c’est-à-dire en italien, idiome qu’en sa qualité de Provençal Dantès comprenait parfaitement. These bands, numbered, were covered with a writing that Dantes could read, because they were written in the native language of the abbot, that is to say in Italian, idiom that in his quality of Provencal Dantes understood perfectly .

«Voyez, lui dit-il, tout est là; il y a huit jours à peu près que j’ai écrit le mot Fin au bas de la soixante-huitième bande. "See," said he, "everything is there; about eight days ago I wrote the word End at the bottom of the sixty-eighth band. Deux de mes chemises et tout ce que j’avais de mouchoirs y sont passé; si jamais je redeviens libre et qu’il se trouve dans toute l’Italie un imprimeur qui ose m’imprimer, ma réputation est faite. Two of my shirts and all my handkerchiefs were there; if ever I become free and there is a printer in all of Italy who dares to print me, my reputation is made.

—Oui, répondit Dantès, je vois bien. “Yes,” Dantès replied, “I can see it. Et maintenant, montrez-moi donc, je vous prie, les plumes avec lesquelles a été écrit cet ouvrage. And now, show me, I pray you, the feathers with which this work has been written.

—Voyez», dit Faria. “See,” said Faria. Et il montra au jeune homme un petit bâton long de six pouces, gros comme le manche d’un pinceau, au bout et autour duquel était lié par un fil un de ces cartilages, encore taché par l’encre, dont l’abbé avait parlé à Dantès; il était allongé en bec et fendu comme une plume ordinaire. And he showed the young man a little staff six inches long, as big as the handle of a brush, at the end and around which was tied by a wire one of these cartilages, still stained with ink, which the abbot had spoken to Dantes; he lay spouted and split like an ordinary feather. Dantès l’examina, cherchant des yeux l’instrument avec lequel il avait pu être taillé d’une façon si correcte. Dantes examined him, looking for the instrument with which he had been cut so correctly.

«Ah! “Ah! oui, dit Faria, le canif, n’est-ce pas? yes, said Faria, the penknife, is not it? C’est mon chef-d’œuvre; je l’ai fait, ainsi que le couteau que voici, avec un vieux chandelier de fer.» This is my masterpiece; I did it, and the knife here, with an old iron candlestick. "

Le canif coupait comme un rasoir. The knife was cutting like a razor. Quant au couteau, il avait cet avantage qu’il pouvait servir tout à la fois de couteau et de poignard. As for the knife, it had the advantage that it could serve as both knife and dagger. Dantès examina ces différents objets avec la même attention que, dans les boutiques de curiosités de Marseille, il avait examiné parfois ces instruments exécutés par des sauvages et rapportés des mers du Sud par les capitaines au long cours. Dantes examined these different objects with the same attention as, in the shops of curiosities of Marseilles, he had sometimes examined those instruments executed by savages and brought back from the South Seas by the captains of the long course.

«Quant à l’encre, dit Faria, vous savez comment je procède; je la fais à mesure que j’en ai besoin. "As for the ink," said Faria, "you know how I proceed; I do it as much as I need it.

—Maintenant, je m’étonne d’une chose, dit Dantès, c’est que les jours vous aient suffi pour toute cette besogne. "Now, I am astonished at one thing," said Dantes, "it is because days have sufficed for all this work.

—J’avais les nuits, répondit Faria. “I had the nights,” Faria replied.

—Les nuits! -The nights! êtes-vous donc de la nature des chats et voyez-vous clair pendant la nuit? are you from the nature of cats and do you see clear during the night?

—Non; mais Dieu a donné à l’homme l’intelligence pour venir en aide à la pauvreté de ses sens: je me suis procuré de la lumière. -No; but God has given man intelligence to help the poverty of his senses: I have procured light.

—Comment cela? -What do you mean?

—De la viande qu’on m’apporte je sépare la graisse, je la fais fondre et j’en tire une espèce d’huile compacte. -The meat that is brought to me I separate the fat, I melt it and I draw a kind of compact oil. Tenez, voilà ma bougie.» Here is my candle. "

Et l’abbé montra à Dantès une espèce de lampion, pareil à ceux qui servent dans les illuminations publiques. And the abbot showed Dantes a kind of lantern, similar to those used in public illuminations.

«Mais du feu? "But fire?

—Voici deux cailloux et du linge brûlé. "Here are two pebbles and some burnt linen.

—Mais des allumettes? -But matches?

—J’ai feint une maladie de peau, et j’ai demandé du souffre, que l’on m’a accordé.» -I pretended a skin disease, and asked for sulfur, which I was granted.

Dantès posa les objets qu’il tenait sur la table et baissa la tête, écrasé sous la persévérance et la force de cet esprit. Dantes placed the objects he held on the table and lowered his head, crushed under the perseverance and strength of this spirit.

«Ce n’est pas tout, continua Faria; car il ne faut pas mettre tous ses trésors dans une seule cachette; refermons celle-ci.» "That's not all," continued Faria; for you must not put all your treasures in one hiding-place; let's close this one. "

Ils posèrent la dalle à sa place; l’abbé sema un peu de poussière dessus, y passa son pied pour faire disparaître toute trace de solution de continuité, s’avança vers son lit et le déplaça. They put the slab in its place; the abbe sowed a little dust on it, put his foot through it to remove any trace of continuity, advanced to his bed and moved it.

Derrière le chevet, caché par une pierre qui le refermait avec une herméticité presque parfaite, était un trou, et dans ce trou une échelle de corde longue de vingt-cinq à trente pieds. Behind the chevet, concealed by a stone which closed it with an almost perfect hermeticity, was a hole, and in this hole a rope ladder twenty-five to thirty feet long.

Dantès l’examina: elle était d’une solidité à toute épreuve. Dantes examined him: she was of solid strength.

«Qui vous a fourni la corde nécessaire à ce merveilleux ouvrage? "Who gave you the rope necessary for this wonderful work? demanda Dantès. asked Dantes.

—D’abord quelques chemises que j’avais, puis les draps de mon lit que, pendant trois ans de captivité à Fenestrelle, j’ai effilés. First, some shirts I had, then the sheets of my bed which, during three years of captivity at Fenestrelle, I tapered. Quand on m’a transporté au château d’If, j’ai trouvé moyen d’emporter avec moi cet effilé; ici, j’ai continué la besogne. When I was transported to the castle of If, I found means to carry with me this taper; here, I continued the work.

—Mais ne s’apercevait-on pas que les draps de votre lit n’avaient plus d’ourlet? -But did not one notice that the sheets of your bed had no more hem?

—Je les recousais. -I sewed them up.

—Avec quoi? -With what?

—Avec cette aiguille.» “With that needle.”

Et l’abbé, ouvrant un lambeau de ses vêtements, montra à Dantès une arête longue, aiguë et encore enfilée, qu’il portait sur lui. And the abbe, opening a rag of his clothes, showed Dantes a long, sharp and still strung edge, which he carried on him.

«Oui, continua Faria, j’avais d’abord songé à desceller ces barreaux et à fuir par cette fenêtre, qui est un peu plus large que la vôtre, comme vous voyez, et que j’eusse élargie encore au moment de mon évasion; mais je me suis aperçu que cette fenêtre donnait sur une cour intérieure, et j’ai renoncé à mon projet comme trop chanceux. "Yes," continued Faria, "I had first thought of loosening these bars and fleeing through this window, which is a little wider than yours, as you see, and which I would have widened further at the time of my escape ; but I realized that this window overlooked an interior courtyard, and I gave up my project as too lucky. Cependant, j’ai conservé l’échelle pour une circonstance imprévue, pour une de ces évasions dont je vous parlais, et que le hasard procure.» However, I have kept the ladder for an unforeseen circumstance, for one of those escapes of which I spoke to you, and which chance gives. "

Dantès tout en ayant l’air d’examiner l’échelle, pensait cette fois à autre chose; une idée avait traversé son esprit. Dantes, while seeming to examine the ladder, thought this time of something else; an idea had crossed his mind. C’est que cet homme, si intelligent, si ingénieux, si profond, verrait peut-être clair dans l’obscurité de son propre malheur, où jamais lui-même n’avait rien pu distinguer. It is because this man, so intelligent, so ingenious, so profound, could perhaps see clearly in the darkness of his own misfortune, where he himself had never been able to distinguish anything. Это потому, что этот человек, такой умный, такой изобретательный, такой глубокий, возможно, ясно увидит во мраке своего несчастья, где он сам никогда не мог ничего различить.

«À quoi songez-vous? "What are you thinking about? demanda l’abbé en souriant, et prenant l’absorbement de Dantès pour une admiration portée au plus haut degré. asked the abbe, smiling, and taking Dantes' absorption for admiration carried to the highest degree.

—Je pense à une chose d’abord, c’est à la somme énorme d’intelligence qu’il vous a fallu dépenser pour arriver au but où vous êtes parvenu; qu’eussiez-vous donc fait libre? -I think of one thing first, it is to the enormous sum of intelligence that you had to spend to reach the goal where you arrived; what would you have done free?

—Rien, peut-être: ce trop-plein de mon cerveau se fût évaporé en futilités. -Nothing, perhaps: this overflow of my brain would have evaporated into futilities. Il faut le malheur pour creuser certaines mines mystérieuses cachées dans l’intelligence humaine; il faut la pression pour faire éclater la poudre. It is unfortunate to dig some mysterious mines hidden in human intelligence; it takes the pressure to burst the powder. La captivité a réuni sur un seul point toutes mes facultés flottantes çà et là; elles se sont heurtées dans un espace étroit; et, vous le savez, du choc des nuages résulte l’électricité, de l’électricité l’éclair, de l’éclair la lumière. Captivity has united on one point all my floating faculties here and there; they clashed in a narrow space; and, as you know, the shock of the clouds results in electricity, electricity, lightning, lightning.

—Non, je ne sais rien, dit Dantès, abattu par son ignorance; une partie des mots que vous prononcez sont pour moi des mots vides de sens; vous êtes bien heureux d’être si savant, vous!» "No, I do not know anything," said Dantes, dejected by his ignorance; some of the words you say are for me empty words; you are very happy to be so learned, you! "

L’abbé sourit. The abbot smiles.

«Vous pensiez à deux choses, disiez-vous tout à l’heure? "You thought of two things, did you say earlier?

—Oui.

—Et vous ne m’avez fait connaître que la première; quelle est la seconde? "And you have made me known only the first; what is the second?

—La seconde est que vous m’avez raconté votre vie, et que vous ne connaissez pas la mienne. -The second is that you told me your life, and you do not know mine.

—Votre vie, jeune homme, est bien courte pour renfermer des événements de quelque importance. "Your life, young man, is very short to contain events of any importance.

—Elle renferme un immense malheur, dit Dantès; un malheur que je n’ai pas mérité; et je voudrais, pour ne plus blasphémer Dieu comme je l’ai fait quelquefois, pouvoir m’en prendre aux hommes de mon malheur. "It contains an immense misfortune," said Dantes; a misfortune that I did not deserve; and I would not be able to blaspheme God, as I have done sometimes, to take the men of my misfortune.

—Alors, vous vous prétendez innocent du fait qu’on vous impute? "Then you claim to be innocent of being imputed?

—Complètement innocent, sur la tête des deux seules personnes qui me sont chères, sur la tête de mon père et de Mercédès. - Completely innocent, on the heads of the only two people who are dear to me, on the head of my father and Mercedes.

—Voyons, dit l’abbé en refermant sa cachette et en repoussant son lit à sa place, racontez-moi donc votre histoire.» "Come," said the abbe, closing his hiding-place and pushing his bed to his place, "tell me your story."

Dantès alors raconta ce qu’il appelait son histoire, et qui se bornait à un voyage dans l’Inde et à deux où trois voyages dans le Levant; enfin, il en arriva à sa dernière traversée, à la mort du capitaine Leclère au paquet remis par lui pour le grand maréchal, à l’entrevue du grand maréchal, à la lettre remise par lui et adressée à un M. Noirtier; enfin à son arrivée à Marseille, à son entrevue avec son père, à ses amours avec Mercédès, au repas de ses fiançailles, à son arrestation, à son interrogatoire, à sa prison provisoire au palais de justice, enfin à sa prison définitive au château d’If. Dantes then recounted what he called his story, and which was limited to a trip to India and two or three trips to the Levant; finally, he arrived at his last voyage, on the death of Captain Leclere to the parcel handed over by him to the grand marshal, at the interview of the grand marshal, to the letter delivered by him, addressed to a M. Noirtier; finally, on his arrival in Marseilles, his interview with his father, his love with Mercédès, the engagement dinner, his arrest, his interrogation, his provisional prison at the courthouse, and finally his final prison at the castle. Yew. Arrivé là, Dantès ne savait plus rien, pas même le temps qu’il y était resté prisonnier. When he arrived there, Dantes knew nothing, not even the time he had remained there.

Le récit achevé, l’abbé réfléchit profondément. The story finished, the abbot reflects deeply.

«Il y a, dit-il au bout d’un instant, un axiome de droit d’une grande profondeur, et qui en revient à ce que je vous disais tout à l’heure, c’est qu’à moins que la pensée mauvaise ne naisse avec une organisation faussée, la nature humaine répugne au crime. "There is," he says after a moment, "an axiom of law of great depth, and which amounts to what I said to you earlier, is that unless the Bad thought is born with a distorted organization, human nature is repugnant to crime. Cependant, la civilisation nous a donné des besoins, des vices, des appétits factices qui ont parfois l’influence de nous faire étouffer nos bons instincts et qui nous conduisent au mal. However, civilization has given us needs, vices, artificial appetites that sometimes have the influence of making us stifle our good instincts and lead us to evil. De là cette maxime: Si vous voulez découvrir le coupable, cherchez d’abord celui à qui le crime commis peut être utile! Hence this maxim: If you want to discover the culprit, first look for the one to whom the crime committed can be useful! À qui votre disparition pouvait-elle être utile? Who could your disappearance be useful for?

—À personne, mon Dieu! "No one, my God! j’étais si peu de chose. I was so little.

—Ne répondez pas ainsi, car la réponse manque à la fois de logique et de philosophie; tout est relatif, mon cher ami, depuis le roi qui gêne son futur successeur, jusqu’à l’employé qui gêne le surnuméraire: si le roi meurt, le successeur hérite une couronne; si l’employé meurt, le surnuméraire hérite douze cents livres d’appointements. -Do not answer that, because the answer lacks both logic and philosophy; everything is relative, my dear friend, from the king who hinders his future successor, to the clerk who hinders the supernumerary: if the king dies, the successor inherits a crown; if the employee dies, the supernumerary inherits twelve hundred pounds of salary. Ces douze cents livres d’appointements, c’est sa liste civile à lui; ils lui sont aussi nécessaires pour vivre que les douze millions d’un roi. These twelve hundred pounds of salary are his civilian list; they are as necessary to him as the twelve millions of a king. Chaque individu, depuis le plus bas jusqu’au plus haut degré de l’échelle sociale, groupe autour de lui tout un petit monde d’intérêts, ayant ses tourbillons et ses atomes crochus, comme les mondes de Descartes. Every individual, from the lowest to the highest degree of the social ladder, groups around him a whole world of interests, having whirlwinds and crooked atoms, like the worlds of Descartes. Seulement, ces mondes vont toujours s’élargissant à mesure qu’ils montent. Only these worlds are always widening as they go up. C’est une spirale renversée et qui se tient sur la pointe par un jeu d’équilibre. It is an inverted spiral and is held on the tip by a balance game. Это перевернутая спираль и удерживается на кончике игрой баланса. Revenons-en donc à votre monde à vous. So back to your world. Vous alliez être nommé capitaine du  Pharaon ? You were going to be named captain of the Pharaoh?

—Oui. -Yes.

—Vous alliez épouser une belle jeune fille? "Were you going to marry a beautiful young girl?"

—Oui. -Yes.

—Quelqu’un avait-il intérêt à ce que vous ne devinssiez pas capitaine du  Pharaon ? "Did anyone have an interest in you becoming a captain of Pharaoh? Quelqu’un avait-il intérêt à ce que vous n’épousassiez pas Mercédès? Did anyone have any interest in you not marrying Mercédès? Répondez d’abord à la première question, l’ordre est la clef de tous les problèmes. Answer the first question first, order is the key to all problems. Quelqu’un avait-il intérêt à ce que vous ne devinssiez pas capitaine du  Pharaon ? Did anyone have an interest in you becoming a Pharaoh captain?

—Non; j’étais fort aimé à bord. -No; I was very loved on board. Si les matelots avaient pu élire un chef, je suis sûr qu’ils m’eussent élu. If the sailors had been able to elect a chief, I am sure they would have elected me. Un seul homme avait quelque motif de m’en vouloir: j’avais eu, quelque temps auparavant, une querelle avec lui, et je lui avais proposé un duel qu’il avait refusé. One man had some reason to be angry with me; I had had a quarrel with him some time before, and I had proposed to him a duel which he had refused.

—Allons donc? "Come on then? Cet homme, comment se nomma-t-il? This man, what was his name?

—Danglars. —Danglars.

—Qu’était-il à bord? -What was he on board?

—Agent comptable. —Accounting agent.

—Si vous fussiez devenu capitaine, l’eussiez-vous conservé dans son poste? "If you had become a captain, would you have kept him in his post?

—Non, si la chose eût dépendu de moi, car j’avais cru remarquer quelques infidélités dans ses comptes. "No, if the thing would have depended on me, for I thought I noticed some infidelities in his accounts.

—Bien. -Good. Maintenant quelqu’un a-t-il assisté à votre dernier entretien avec le capitaine Leclère? Now, did anyone attend your last interview with Captain Leclère?

—Non, nous étions seuls. “No, we were alone.

—Quelqu’un a-t-il pu entendre votre conversation? -Was anyone able to hear your conversation?

—Oui, car la porte était ouverte; et même... attendez... oui, oui Danglars est passé juste au moment où le capitaine Leclère me remettait le paquet destiné au grand maréchal. Yes, because the door was open; and even ... wait ... yes, yes Danglars passed just as Captain Leclère handed me the package for the grand marshal.

—Bon, fit l’abbé, nous sommes sur la voie. "Good," said the abbot, "we are on the road. Avez-vous amené quelqu’un avec vous à terre quand vous avez relâché à l’île d’Elbe? Did you bring someone with you to the ground when you released on the island of Elba?

—Personne. -Nobody.

—On vous a remis une lettre? -We gave you a letter?

—Oui, le grand maréchal. "Yes, the grand marshal.

—Cette lettre, qu’en avez-vous fait? -That letter, what did you do with it?

—Je l’ai mise dans mon portefeuille. -I put it in my wallet.

—Vous aviez donc votre portefeuille sur vous? "So you had your wallet on you? Comment un portefeuille devant contenir une lettre officielle pouvait-il tenir dans la poche d’un marin? How could a wallet containing an official letter fit in a sailor's pocket?

—Vous avez raison, mon portefeuille était à bord. "You are right, my wallet was on board.

—Ce n’est donc qu’à bord que vous avez enfermé la lettre dans le portefeuille? "Is it only on board that you have enclosed the letter in the wallet?

—Oui.

—De Porto-Ferrajo à bord qu’avez-vous fait de cette lettre? From Porto Ferrajo on board what did you do with this letter?

—Je l’ai tenue à la main. “I held it in my hand.

—Quand vous êtes remonté sur le  Pharaon , chacun a donc pu voir que vous teniez une lettre? -When you went back to the Pharaoh, did everyone see that you had a letter?

—Oui. -Yes.

—Danglars comme les autres? —Danglars like the others?

—Danglars comme les autres. —Danglars like the others.

—Maintenant, écoutez bien; réunissez tous vos souvenirs: vous rappelez-vous dans quels termes était rédigée la dénonciation? -Now listen well; put together all your memories: do you remember in what terms the denunciation was drafted?

—Oh! oui, je l’ai relue trois fois, et chaque parole en est restée dans ma mémoire. yes, I reread it three times, and every word stuck in my memory.

—Répétez-la-moi.» “Repeat it for me.”

Dantès se recueillit un instant. Dantes paused for a moment.

«La voici, dit-il, textuellement: "Here it is," he said, verbatim:

» M. le procureur du roi est prévenu par un ami du trône et de la religion que le nommé Edmond Dantès, second du navire le  Pharaon,  arrivé ce matin de Smyrne, après avoir touché à Naples et à Porto-Ferrajo, a été chargé par Murat d’un paquet pour l’usurpateur, et par l’usurpateur d’une lettre pour le comité bonapartiste de Paris . The king's attorney is informed by a friend of the throne and of religion that the name Edmond Dantes, second of the ship the Pharaoh, arrived this morning from Smyrna, having touched Naples and Porto Ferrajo, was charged with by Murat of a packet for the usurper, and by the usurper of a letter for the Bonapartist committee of Paris.

» On aura la preuve de son crime en l’arrêtant, car on retrouvera cette lettre sur lui, ou chez son père, ou dans sa cabine à bord du  Pharaon.» One will have the proof of his crime by stopping it, because one will find this letter on him, or at his father's, or in his cabin aboard the Pharaoh. "

L’abbé haussa les épaules. The abbot shrugged.

«C’est clair comme le jour, dit-il, il faut que vous ayez eu le cœur bien naïf et bien bon pour n’avoir pas deviné la chose tout d’abord. "It is clear as the day," said he, "you must have had a very naive heart, and very good for not having guessed the thing first of all.

—Vous croyez? -You think?

s’écria Dantès. cried Dantes.

Ah! ce serait bien infâme! it would be very infamous!

—Quelle était l’écriture ordinaire de Danglars? -What was the ordinary writing of Danglars?

—Une belle cursive. “A beautiful cursive.

—Quelle était l’écriture de la lettre anonyme. “What was the handwriting of the anonymous letter?

—Une écriture renversée.» -An inverted writing. "

L’abbé sourit. The abbot smiles.

«Contrefaite, n’est-ce pas? "Counterfeit, is not it?

—Bien hardie pour être contrefaite. "Good enough to be counterfeited.

—Attendez», dit-il. “Wait,” he said.

Il prit sa plume, ou plutôt ce qu’il appelait ainsi, la trempa dans l’encre et écrivit de la main gauche, sur un linge préparé à cet effet, les deux ou trois premières lignes de la dénonciation. He took his pen, or rather what he called, soaked it in the ink, and wrote with his left hand, on a cloth prepared for that purpose, the first two or three lines of the denunciation.

Dantès recula et regarda presque avec terreur l’abbé. Dantes recoiled and looked almost in terror at the abbe.

«Oh! "Oh! c’est étonnant, s’écria-t-il, comme cette écriture ressemblait à celle-ci. it is astonishing, he exclaimed, as this writing resembled this one.

—C’est que la dénonciation avait été écrite de la main gauche. "It was because the denunciation was written in the left hand." J’ai observé une chose, continua l’abbé. I observed one thing, continued the abbot.

—Laquelle? -Which?

—C’est que toutes les écritures tracées de la main droite sont variées, c’est que toutes les écritures tracées de la main gauche se ressemblent. It is because all the writings traced with the right hand are varied, because all the writings drawn with the left hand resemble each other.

—Vous avez donc tout vu, tout observé? "Have you seen everything, observed everything?

—Continuons. -Let's go on.

—Oh! -Oh! oui, oui.

—Passons à la seconde question. “Let's move on to the second question.

—J’écoute. -I listen.

—Quelqu’un avait il intérêt à ce que vous n’épousassiez pas Mercédès? "Did anyone have an interest in your not marrying Mercédès?

—Oui! un jeune homme qui l’aimait. a young man who loved him.

—Son nom? -Her name?

—Fernand.

—C’est un nom espagnol? "Is that a Spanish name?"

—Il était Catalan. “He was Catalan.

—Croyez-vous que celui-ci était capable d’écrire la lettre? "Do you think he was capable of writing the letter?"

—Non! celui-ci m’eût donné un coup de couteau. this one would have stabbed me. Voilà tout. That is all.

—Oui, c’est dans la nature espagnole: un assassinat, oui, une lâcheté, non. -Yes, it's in the Spanish nature: an assassination, yes, a cowardice, no.

—D’ailleurs, continua Dantès, il ignorait tous les détails consignés dans la dénonciation. "Besides," continued Dantes, "he was ignorant of all the details recorded in the denunciation.

—Vous ne les aviez donnés à personne? "Did not you give them to anyone? Pas même à votre maîtresse? Not even your mistress?

—Pas même à ma fiancée. “Not even my fiancée.

—C’est Danglars. “It's Danglars.

—Oh! maintenant j’en suis sûr. now I am sure of it.

—Attendez.... Danglars connaissait-il Fernand? "Wait .... Did Danglars know Fernand?"

—Non... si.... Je me rappelle.... -No ... yes .... I remember ....

—Quoi? -What?

—La surveille de mon mariage je les ai vu attablés ensemble sous la tonnelle du père Pamphile. -The guard of my marriage I saw them seated together under the arbor of Father Pamphile. Danglars était amical et railleur, Fernand était pâle et troublé. Danglars was friendly and mocking, Fernand was pale and troubled.

—Ils étaient seuls? “Were they alone?

—Non, ils avaient avec eux un troisième compagnon, bien connu de moi, qui sans doute leur avait fait faire connaissance, un tailleur nommé Caderousse; mais celui-ci était déjà ivre. "No, they had with them a third companion, well known to me, who no doubt had introduced them to a tailor named Caderousse; but he was already drunk. Attendez... attendez.... Comment ne me suis-je pas rappelé cela? Wait ... wait ... How did I not remember that? Près de la table où ils buvaient étaient un encrier, du papier, des plumes. Near the table where they drank were an inkwell, paper, feathers. (Dantès porta la main à son front). (Dantes raised his hand to his forehead). Oh! les infâmes! the infamous!

les infâmes! the infamous!

—Voulez-vous encore savoir autre chose? “Do you want to know anything else? dit l’abbé en riant. said the abbe, laughing.

—Oui, oui, puisque vous approfondissez, tout, puisque vous voyez clair en toutes choses, je veux savoir pourquoi je n’ai été interrogé qu’une fois, pourquoi on ne m’a pas donné des juges, et comment je suis condamné sans arrêt. -Yes, yes, since you deepen everything, since you see clearly in all things, I want to know why I was only questioned once, why I was not given judges, and how I am condemned nonstop.

—Oh! ceci dit l’abbé, c’est un peu plus grave; la justice a des allures sombres et mystérieuses qu’il est difficile de pénétrer. this being said, the abbe is a little more serious; justice has dark and mysterious paces which are difficult to penetrate. Ce que nous avons fait jusqu’ici pour vos deux amis était un jeu d’enfant; il va falloir, sur ce sujet, me donner les indications les plus précises. What we have done so far for your two friends was a breeze; It will be necessary, on this subject, to give me the most precise indications.

—Voyons, interrogez-moi, car en vérité vous voyez plus clair dans ma vie que moi-même. "Come, ask me, for in truth you see more clearly in my life than myself.

—Qui vous a interrogé? “Who questioned you? est-ce le procureur du roi, le substitut, le juge d’instruction? Is it the king's attorney, the substitute, the examining magistrate?

—C’était le substitut. “It was the substitute.

—Jeune, ou vieux? “Young or old?

—Jeune: vingt-sept ou vingt-huit ans. —Young: twenty-seven or twenty-eight.

—Bien! -Good! pas corrompu encore, mais ambitieux déjà, dit l’abbé. not corrupt yet, but ambitious already, "said the abbe. Quelles furent ses manières avec vous? What were his ways with you?

—Douces plutôt que sévères. -Douces rather than severe.

—Lui avez-vous tout raconté? -Have you told him everything?

—Tout. -All.

—Et ses manières ont-elles changé dans le courant de l’interrogatoire? And did his manners change during the interrogation?

—Un instant, elles ont été altérées, lorsqu’il eut lu la lettre qui me compromettait; il parut comme accablé de mon malheur. For a moment they were altered when he read the letter which compromised me; he appeared as overwhelmed by my misfortune.

—De votre malheur? -Of your misfortune?

—Oui. -Yes.

—Et vous êtes bien sûr que c’était votre malheur qu’il plaignait? "And you are sure that it was your misfortune that he was complaining?

—Il m’a donné une grande preuve de sa sympathie, du moins. "He gave me a great proof of his sympathy, at least.

—Laquelle? -Which?

—Il a brûlé la seule pièce qui pouvait me compromettre. -It burned the only room that could compromise me.

—Laquelle? -Which?

la dénonciation? the denunciation?

—Non, la lettre. “No, the letter.

—Vous en êtes sûr? -Are you sure?

—Cela s’est passé devant moi. - It happened before me.

—C’est autre chose; cet homme pourrait être un plus profond scélérat que vous ne croyez. -This is another thing; this man could be a deeper scoundrel than you think.

—Vous me faites frissonner, sur mon honneur! -You make me shiver, on my honor! dit Dantès, le monde est-il donc peuplé de tigres et de crocodiles? said Dantes, is the world populated with tigers and crocodiles?

—Oui; seulement, les tigres et les crocodiles à deux pieds sont plus dangereux que les autres. -Yes; only tigers and two-foot crocodiles are more dangerous than others.

—Continuons, continuons. “Continue, continue.

—Volontiers; il a brûlé la lettre, dites-vous? Willingly; he burned the letter, do you say?

—Oui, en me disant: «Vous voyez, il n’existe que cette preuve-là contre vous, et je l’anéantis.» "Yes, by saying to me, 'You see, there is only this proof against you, and I annihilate it.'

—Cette conduite est trop sublime pour être naturelle. -This driving is too sublime to be natural.

—Vous croyez? -You think?

—J’en suis sûr. -I'm sure. À qui cette lettre était-elle adressée? Who was this letter addressed to?

—À M. Noirtier, rue Coq-Héron, no 13, à Paris. —To M. Noirtier, rue Coq-Héron, no 13, in Paris.

—Pouvez-vous présumer que votre substitut eût quelque intérêt à ce que cette lettre disparût? "Can you suppose that your substitute had any interest in this letter disappearing?

—Peut-être; car il m’a fait promettre deux ou trois fois, dans mon intérêt, disait-il, de ne parler à personne de cette lettre, et il m’a fait jurer de ne pas prononcer le nom qui était inscrit sur l’adresse. -Perhaps; for he made me promise two or three times, in my interest, he said, not to speak to anyone of this letter, and he made me swear not to pronounce the name which was written on the address.

—Noirtier? —Noirtier? répéta l’abbé... Noirtier? repeated the Abbe. Noirtier? j’ai connu un Noirtier à la cour de l’ancienne reine d’Étrurie, un Noirtier qui avait été girondin sous la révolution. I knew a Noirtier at the court of the old Queen of Etruria, a Noirtier who had been a Girondin during the Revolution. Comment s’appelait votre substitut, à vous? What was your substitute's name?

—De Villefort.» —From Villefort. "

L’abbé éclata de rire. The abbe burst out laughing.

Dantès le regarda avec stupéfaction. Dantes looked at him in amazement.

«Qu’avez-vous? "What ails you? dit-il. he said.

—Voyez-vous ce rayon du jour? -Do you see this ray of the day? demanda l’abbé. asked the abbe.

—Oui. -Yes.

—Eh bien, tout est plus clair pour moi maintenant que ce rayon transparent et lumineux. -Well, everything is clearer to me now than this transparent and bright ray. Pauvre enfant, pauvre jeune homme! Poor child, poor young man! et ce magistrat a été bon pour vous. and this magistrate has been good to you.

—Oui. -Yes.

—Ce digne substitut a brûlé, anéanti la lettre? - This worthy substitute burned, annihilated the letter?

—Oui.

—Cet honnête pourvoyeur du bourreau vous a fait jurer de ne jamais prononcer de nom de Noirtier? "This honest provider of the executioner has made you swear never to pronounce a name of Noirtier?

—Oui.

—Ce Noirtier, pauvre aveugle que vous êtes, savez-vous ce que c’était que ce Noirtier? "That Noirtier, poor blind man you are, do you know what this Noirtier was?" «Ce Noirtier, c’était son père!» "That Noirtier was his father!"

La foudre, tombée aux pieds de Dantès et lui creusant un abîme au fond duquel s’ouvrait l’enfer, lui eût produit un effet moins prompt, moins électrique, moins écrasant, que ces paroles inattendues; il se leva, saisissant sa tête à deux mains comme pour l’empêcher d’éclater. Lightning, fallen at the feet of Dantes and digging an abyss at the bottom of which opened hell, would have produced an effect less prompt, less electric, less crushing, than these unexpected words; he rose, grasping his head with both hands as if to prevent him from bursting.

«Son père! "His father! son père! s’écria-t-il. he cried.

—Oui, son père, qui s’appelle Noirtier de Villefort», reprit l’abbé. "Yes, his father, whose name is Noirtier de Villefort," continued the abbé.

Alors une lumière fulgurante traversa le cerveau du prisonnier, tout ce qui lui était demeuré obscur fut à l’instant même éclairé d’un jour éclatant. Then a dazzling light passed through the prisoner's brain, all that had remained obscure to him was instantly illuminated by a bright day. Ces tergiversations de Villefort pendant l’interrogatoire, cette lettre détruite, ce serment exigé, cette voix presque suppliante du magistrat qui, au lieu de menacer, semblait implorer, tout lui revint à la mémoire; il jeta un cri, chancela un instant comme un homme ivre; puis, s’élançant par l’ouverture qui conduisait de la cellule de l’abbé à la sienne: These procrastinations of Villefort during the interrogation, this destroyed letter, this oath demanded, that almost supplicating voice of the magistrate who, instead of threatening, seemed imploring, all came back to his memory; he uttered a cry, staggered for a moment like a drunken man; then, rushing through the opening which led from the cell of the abbot to his:

«Oh! dit-il, il faut que je sois seul pour penser à tout cela.» he said, I must be alone to think of all this. "

Et, en arrivant dans son cachot, il tomba sur son lit, où le porte-clefs le retrouva le soir, assis, les yeux fixes, les traits contractés, mais immobile et muet comme une statue. And when he reached his dungeon, he fell on his bed, where the key-ring found him in the evening, seated, his eyes fixed, his features contracted, but motionless and mute like a statue.

Pendant ces heures de méditation, qui s’étaient écoulées comme des secondes, il avait pris une terrible résolution et fait un formidable serment. During those hours of meditation, which had passed like seconds, he had taken a terrible resolution and made a tremendous oath.

Une voix tira Dantès de cette rêverie, c’était celle de l’abbé Faria, qui, ayant reçu à son tour la visite de son geôlier, venait inviter Dantès à souper avec lui. A voice drew Dantes from this reverie, it was that of the Abbe Faria, who, having received in turn the visit of his jailer, came to invite Dantes to sup with him. Sa qualité de fou reconnu, et surtout de fou divertissant, valait au vieux prisonnier quelques privilèges, comme celui d’avoir du pain un peu plus blanc et un petit flacon de vin le dimanche. His reputation as a madman, and above all as an entertaining madman, earned the old prisoner some privileges, such as having a little more white bread and a small bottle of wine on Sundays. Or, on était justement arrivé au dimanche, et l’abbé venait inviter son jeune compagnon à partager son pain et son vin. Now, it was precisely Sunday, and the abbot came to invite his young companion to share his bread and wine.

Dantès le suivit: toutes les lignes de son visage s’étaient remises et avaient repris leur place accoutumée, mais avec une raideur et une fermeté, si l’on peut le dire, qui accusaient une résolution prise. Dantes followed him: all the lines of his face had recovered and had resumed their accustomed place, but with a stiffness and a firmness, if one can say it, which accused a resolution taken. L’abbé le regarda fixement. The abbe stared at him.

«Je suis fâché de vous avoir aidé dans vos recherches et de vous avoir dit ce que je vous ai dit, fit-il. "I am sorry to have helped you in your research and to have told you what I told you," he said.

—Pourquoi cela? -Why that? demanda Dantès. asked Dantes.

—Parce que je vous ai infiltré dans le cœur un sentiment qui n’y était point: la vengeance.» -Because I have infiltrated into your heart a feeling that was not there: revenge. "

Dantès sourit. Dantes smiles.

«Parlons d’autre chose», dit-il. "Let's talk about something else," he says.

L’abbé le regarda encore un instant et hocha tristement la tête; puis, comme l’en avait prié Dantès, il parla d’autre chose. The abbe looked at him for a moment and shook his head sadly; then, as Dantes had asked, he spoke of something else.

Le vieux prisonnier était un de ces hommes dont la conversation, comme celle des gens qui ont beaucoup souffert, contient des enseignements nombreux et renferme un intérêt soutenu; mais elle n’était pas égoïste, et ce malheureux ne parlait jamais de ses malheurs. The old prisoner was one of those men whose conversation, like that of people who have suffered much, contains many teachings and contains a sustained interest; but she was not selfish, and this unhappy man never spoke of his misfortunes.

Dantès écoutait chacune de ses paroles avec admiration: les unes correspondaient à des idées qu’il avait déjà et à des connaissances qui étaient du ressort de son état de marin, les autres touchaient à des choses inconnues, et, comme ces aurores boréales qui éclairent les navigateurs dans les latitudes australes, montraient au jeune homme des paysages et des horizons nouveaux, illuminés de lueurs fantastiques. Dantes listened to each of his words with admiration: some corresponded to ideas he already had and to knowledge that was the responsibility of his sailor state, the others touched on unknown things, and, like the aurora borealis that illuminate navigators in the southern latitudes showed the young man landscapes and new horizons, illuminated with fantastic light. Dantès comprit le bonheur qu’il y aurait pour une organisation intelligente à suivre cet esprit élevé sur les hauteurs morales, philosophiques ou sociales sur lesquelles il avait l’habitude de se jouer. Dantes understood the happiness of an intelligent organization in following this elevated spirit on the moral, philosophical or social heights on which it was used to being played.

«Vous devriez m’apprendre un peu de ce que vous savez, dit Dantès, ne fût-ce que pour ne pas vous ennuyer avec moi. "You ought to teach me a little of what you know," said Dantes, if only to avoid annoying me. Il me semble maintenant que vous devez préférer la solitude à un compagnon sans éducation et sans portée comme moi. It seems to me now that you should prefer loneliness to a companion without education and without reach like me. Si vous consentez à ce que je vous demande, je m’engage à ne plus vous parler de fuir.» If you consent to my asking, I will not speak to you about running away. "

L’abbé sourit. The abbot smiles.

«Hélas! "Alas! mon enfant, dit-il, la science humaine est bien bornée, et quand je vous aurai appris les mathématiques, la physique, l’histoire et les trois ou quatre langues vivantes que je parle, vous saurez ce que je sais: or, toute cette science, je serai deux ans à peine à la verser de mon esprit dans le vôtre. my child, "he says," human science is very limited, and when I have taught you mathematics, physics, history, and the three or four living languages ​​that I speak, you will know what I know; this science, I'll be barely two years pouring it from my mind into yours.

—Deux ans! -Two years! dit Dantès, vous croyez que je pourrais apprendre toutes ces choses en deux ans? said Dantes, do you think I could learn all these things in two years?

—Dans leur application, non; dans leurs principes, oui: apprendre n’est pas savoir; il y a les sachants et les savants: c’est la mémoire qui fait les uns, c’est la philosophie qui fait les autres. -In their application, no; in their principles, yes: to learn is not to know; there are the learned and the learned: it is memory that makes some, it is philosophy that makes others.

—Mais ne peut-on apprendre la philosophie? -But can not we learn philosophy?

—La philosophie ne s’apprend pas; la philosophie est la réunion des sciences acquises au génie qui les applique: la philosophie, c’est le nuage éclatant sur lequel le Christ a posé le pied pour remonter au ciel. Philosophy can not be learned; philosophy is the union of the sciences acquired by the genius who applies them: philosophy is the radiant cloud on which Christ set foot to ascend to heaven.

—Voyons, dit Dantès, que m’apprenez-vous d’abord? "Come," said Dantes, "what do you teach me first? J’ai hâte de commencer, j’ai soif de science. I can not wait to start, I'm hungry for science.

—Tout!» dit l’abbé. -All!" said the abbot.

En effet, dès le soir, les deux prisonniers arrêtèrent un plan d’éducation qui commença de s’exécuter le lendemain. As early as evening, the two prisoners stopped an education plan that began to run the next day. Dantès avait une mémoire prodigieuses une facilité de conception extrême: la disposition mathématique de son esprit le rendait apte à tout comprendre par le calcul, tandis que la poésie du marin corrigeait tout ce que pouvait avoir de trop matériel la démonstration réduite à la sécheresse des chiffres ou à la rectitude des lignes; il savait déjà, d’ailleurs, l’italien et un peu de romaïque, qu’il avait appris dans ses voyages d’Orient. Dantes had a prodigious memory, an facility of extreme design: the mathematical disposition of his mind made him understand everything by calculation, while the poetry of the sailor corrected all that could be too much material drought proof demonstration of the figures or the straightness of the lines; he already knew, moreover, Italian and a little romaine, which he had learned in his travels in the East. Avec ces deux langues, il comprit bientôt le mécanisme de toutes les autres, et, au bout de six mois, il commençait à parler l’espagnol, l’anglais et l’allemand. With these two languages ​​he soon understood the mechanism of all the others, and at the end of six months he began to speak Spanish, English, and German. Comme il l’avait dit à l’abbé Faria, soit que la distraction que lui donnait l’étude lui tînt lieu de liberté, soit qu’il fût, comme nous l’avons vu déjà, rigide observateur de sa parole, il ne parlait plus de fuir, et les journées s’écoulaient pour lui rapides et instructives. As he had said to Father Faria, whether the distraction given him by study made him a place of freedom, or that, as we have already seen, he was rigidly observant of his word. he spoke no more of flight, and the days passed for him quick and instructive. Au bout d’un an, c’était un autre homme. After a year it was a different man.

Quant à l’abbé Faria, Dantès remarqua que, malgré la distraction que sa présence avait apportée à sa captivité, il s’assombrissait tous les jours. As for Father Faria, Dantes noticed that, in spite of the distraction his presence had brought to his captivity, he was getting darker every day. Une pensée incessante et éternelle paraissait assiéger son esprit; il tombait dans de profondes rêveries, soupirait involontairement, se levait tout à coup, croisait les bras et se promenait sombre autour de sa prison. An incessant and eternal thought seemed to besiege his mind; he fell into deep reveries, sighed involuntarily, suddenly rose, crossed his arms, and walked darkly around his prison.

Un jour, il s’arrêta tout à coup au milieu d’un de ces cercles cent fois répétés qu’il décrivait autour de sa chambre, et s’écria: One day he suddenly stopped in the middle of one of those repeated circles he described around his room, and exclaimed:

«Ah! “Ah! s’il n’y avait pas de sentinelle! if there was no sentry!

—Il n’y aura de sentinelle qu’autant que vous le voudrez bien, reprit Dantès qui avait suivi sa pensée à travers la boîte de son cerveau comme à travers un cristal. "There will be sentinels only as much as you please," said Dantes, who had followed his thoughts through the box of his brain as though through a crystal.

—Ah! je vous l’ai dit, reprit l’abbé, je répugne à un meurtre. I told you, "said the abbe," I am repugnant to a murder.

—Et cependant ce meurtre, s’il est commis, le sera par l’instinct de notre conservation, par un sentiment de défense personnelle. And yet this murder, if it is committed, will be by the instinct of our preservation, by a feeling of personal defense.

—N’importe, je ne saurais. -No matter, I would not know.

—Vous y pensez, cependant? "Do you think about it, though?

—Sans cesse, sans cesse, murmura l’abbé. "Without ceasing, ceaselessly," murmured the abbe.

—Et vous avez trouvé un moyen, n’est-ce pas? -And you've found a way, have not you? dit vivement Dantès. said Dantes eagerly.

—Oui, s’il arrivait qu’on pût mettre sur la galerie une sentinelle aveugle et sourde. -Yes, if it happened that we could put on the gallery a sentinel blind and deaf.

—Elle sera aveugle, elle sera sourde, répondit le jeune homme avec un accent de résolution qui épouvanta l’abbé. "She will be blind, she will be deaf," replied the young man, with an accent of resolution which terrified the abbe.

—Non, non! -No no! s’écria-t-il; impossible.» he cried; impossible."

Dantès voulut le retenir sur ce sujet, mais l’abbé secoua la tête et refusa de répondre davantage. Dantes tried to restrain him on this subject, but the abbe shook his head and refused to answer further.

Trois mois s’écoulèrent. Three months passed.

«Êtes-vous fort?» demanda un jour l’abbé à Dantès. "Are you strong?" The abbe asked Dantes one day.

Dantès, sans répondre, prit le ciseau, le tordit comme un fer à cheval et le redressa. Dantes, without answering, took the chisel, twisted it like a horseshoe, and straightened it.

«Vous engageriez-vous à ne tuer la sentinelle qu’à la dernière extrémité? "Would you commit yourself to killing the sentinel only at the last extremity? «Вы бы взяли на себя обязательство убивать часового только на последней оконечности?

—Oui, sur l’honneur. “Yes, on my honor.

—Alors, dit l’abbé, nous pourrons exécuter notre dessein. "Then," said the abbe, "we will be able to execute our design.

—Et combien nous faudra-t-il de temps pour l’exécuter? -And how much time will it take to execute it?

—Un an, au moins. “A year, at least.

—Mais nous pourrions nous mettre au travail? -But we could get to work?

—Tout de suite. -Right now.

—Oh! -Oh! voyez donc, nous avons perdu un an, s’écria Dantès. see, we have lost a year, "cried Dantes.

—Trouvez-vous que nous l’ayons perdu? "Do you think we lost it? dit l’abbé. said the abbot.

—Oh! -Oh! pardon, pardon, s’écria Edmond rougissant. sorry, sorry, cried Edmond, blushing.

—Chut! Hush! dit l’abbé, l’homme n’est jamais qu’un homme; et vous êtes encore un des meilleurs que j’aie connus. said the abbe, "man is only a man; and you are still one of the best I have ever known. Tenez, voici mon plan.» Here is my plan. "

L’abbé montra alors à Dantès un dessin qu’il avait tracé: c’était le plan de sa chambre, de celle de Dantès et du corridor qui joignait l’une à l’autre. The abbe then showed Dantes a drawing which he had drawn: it was the plan of his room, that of Dantes, and the corridor which joined one to the other. Au milieu de cette galerie, il établissait un boyau pareil à celui qu’on pratique dans les mines. In the middle of this gallery he was building a gut like the one used in the mines. Ce boyau menait les deux prisonniers sous la galerie où se promenait la sentinelle; une fois arrivés là, ils pratiquaient une large excavation, descellaient une des dalles qui formaient le plancher de la galerie; la dalle, à un moment donné, s’enfonçait sous le poids du soldat, qui disparaissait englouti dans l’excavation; Dantès se précipitait sur lui au moment où, tout étourdi de sa chute, il ne pouvait se défendre, le liait, le bâillonnait, et tous deux alors, passant par une des fenêtres de cette galerie, descendaient le long de la muraille extérieure à l’aide de l’échelle de corde et se sauvaient. This gut led the two prisoners under the gallery where the sentinel was walking; once there, they practiced a large excavation, loosened one of the slabs which formed the floor of the gallery; the slab, at a given moment, sank under the weight of the soldier, who disappeared engulfed in the excavation; Dantes rushed upon him at the moment when, stunned by his fall, he could not defend himself, bound him, gagged him, and both of them, then, passing through one of the windows of this gallery, descended along the outer wall to the wall. using the rope ladder and fleeing.

Dantès battit des mains et ses yeux étincelèrent de joie; ce plan était si simple qu’il devait réussir. Dantes flapped his hands and his eyes sparkled with joy; this plan was so simple that he had to succeed.

Le même jour, les mineurs se mirent à l’ouvrage avec d’autant plus d’ardeur que ce travail succédait à un long repos, et ne faisait, selon toute probabilité que continuer la pensée intime et secrète de chacun d’eux. The same day, the miners set to work with all the more ardor that this work succeeded a long rest, and was, in all probability, only continuing the intimate and secret thought of each of them. В тот же день шахтеры взялись за работу с тем большим пылом, что эта работа смогла долго отдыхать, и, по всей вероятности, не сделали ничего, кроме продолжения интимной и тайной мысли каждого из них.

Rien ne les interrompait que l’heure à laquelle chacun d’eux était forcé de rentrer chez soi pour recevoir la visite du geôlier. Nothing interrupted them until the hour when each of them was forced to return home to receive the jailer's visit. Ils avaient, au reste, pris l’habitude de distinguer, au bruit imperceptible des pas, le moment où cet homme descendait, et jamais ni l’un ni l’autre ne fut pris à l’improviste. They had, moreover, become accustomed to distinguish, by the imperceptible sound of footsteps, the moment when this man was descending, and neither of them was caught unexpectedly. La terre qu’ils extrayaient de la nouvelle galerie, et qui eût fini par combler l’ancien corridor, était jetée petit à petit, et avec des précautions inouïes, par l’une ou l’autre des deux fenêtres du cachot de Dantès ou du cachot de Faria: on la pulvérisait avec soin, et le vent de la nuit l’emportait au loin sans qu’elle laissât de traces. The land which they extracted from the new gallery, and which would have ended by filling the old corridor, was thrown little by little, and with unheard-of precautions, by one or the other of the two windows of the dungeon of Dantes, or from the dungeon of Faria: it was pulverized with care, and the wind of the night carried it away without leaving any traces.

Plus d’un an se passa à ce travail exécuté avec un ciseau, un couteau et un levier de bois pour tous instruments; pendant cette année, et tout en travaillant, Faria continuait d’instruire Dantès, lui parlant tantôt une langue, tantôt une autre, lui apprenant l’histoire des nations et des grands hommes qui laissent de temps en temps derrière eux une de ces traces lumineuses qu’on appelle la gloire. More than a year passed at this work performed with a chisel, a knife and a wooden lever for all instruments; during this year, while working, Faria continued to instruct Dantes, sometimes speaking to her one language, sometimes another, teaching her the history of the nations and great men who leave from time to time behind them one of those luminous traces. which is called glory. L’abbé, homme du monde et du grand monde, avait en outre, dans ses manières, une sorte de majesté mélancolique dont Dantès, grâce à l’esprit d’assimilation dont la nature l’avait doué, sut extraire cette politesse élégante qui lui manquait et ces façons aristocratiques que l’on n’acquiert d’habitude que par le frottement des classes élevées ou la société des hommes supérieurs. The abbot, a man of the world and of the great world, had in addition, in his manners, a kind of melancholy majesty of which Dantes, thanks to the spirit of assimilation which nature had endowed him with, extracted this elegant politeness which it was wanting, and those aristocratic manners usually acquired only by the friction of the higher classes or the society of higher men.

Au bout de quinze mois, le trou était achevé; l’excavation était faite sous la galerie; on entendait passer et repasser la sentinelle, et les deux ouvriers, qui étaient forcés d’attendre une nuit obscure et sans lune pour rendre leur évasion plus certaine encore, n’avaient plus qu’une crainte: c’était de voir le sol trop hâtif s’effondrer de lui-même sous les pieds du soldat. At the end of fifteen months, the hole was completed; the excavation was made under the gallery; the sentry could be heard passing and repassing, and the two workmen, who were forced to wait for a dark and moonless night to make their escape more certain, had only one fear: it was to see the soil too much. hasty collapse of himself under the feet of the soldier. On obvia à cet inconvénient en plaçant une espèce de petite poutre, qu’on avait trouvée dans les fondations comme un support. This inconvenience was obviated by placing a kind of small beam, which had been found in the foundations as a support. Dantès était occupé à la placer, lorsqu’il entendit tout à coup l’abbé Faria, resté dans la chambre du jeune homme, où il s’occupait de son côté à aiguiser une cheville destinée à maintenir l’échelle de corde, qui l’appelait avec un accent de détresse. Dantes was busy placing it, when he suddenly heard the Abbe Faria, who had remained in the young man's room, where he was busy turning his ankle to keep the rope ladder. called with an accent of distress. Dantès rentra vivement, et aperçut l’abbé, debout au milieu de la chambre, pâle, la sueur au front et les mains crispées. Dantes came back quickly, and saw the abbe, standing in the middle of the room, pale, with sweat on his forehead and his hands clenched.

«Oh! mon Dieu! my God! s’écria Dantès, qu’y a-t-il, et qu’avez-vous donc? cried Dantes, what is it, and what have you got?

—Vite, vite! -Quick quick! dit l’abbé, écoutez-moi.» said the abbe, listen to me. "

Dantès regarda le visage livide de Faria, ses yeux cernés d’un cercle bleuâtre, ses lèvres blanches, ses cheveux hérissés; et, d’épouvante, il laissa tomber à terre le ciseau qu’il tenait à la main. Dantes looked at Faria's livid face, her eyes encircled by a bluish circle, her white lips, her hair bristling; and, terrified, he dropped the chisel he was holding in his hand.

«Mais qu’y a-t-il donc? "But what is it? s’écria Edmond. cried Edmond.

—Je suis perdu! -I'm lost! dit l’abbé écoutez-moi. said the abbe, listen to me. Un mal terrible, mortel peut-être, va me saisir; l’accès arrive, je le sens: déjà j’en fus atteint l’année qui précéda mon incarcération. A terrible evil, mortal perhaps, will seize me; the access arrives, I feel it: already I was reached the year which preceded my incarceration. À ce mal il n’est qu’un remède, je vais vous le dire: courez vite chez moi, levez le pied du lit; ce pied est creux, vous y trouverez un petit flacon à moitié plein d’une liqueur rouge, apportez-le; ou plutôt, non, non, je pourrais être surpris ici; aidez-moi à rentrer chez moi pendant que j’ai encore quelques forces. To this evil it is only a remedy, I will tell you: run quickly home, raise the foot of the bed; this foot is hollow, you will find a little bottle half full of a red liquor, bring it; or rather, no, no, I could be surprised here; help me get home while I still have some strength. Qui sait ce qui va arriver le temps que durera l’accès? Who knows what will happen when access lasts?

Dantès, sans perdre la tête, bien que le malheur qui le frappait fût immense, descendit dans le corridor, traînant son malheureux compagnon après lui, et le conduisant, avec une peine infinie, jusqu’à l’extrémité opposée, se retrouva dans la chambre de l’abbé qu’il déposa sur son lit. Dantes, without losing his head, although the misfortune which struck him was immense, descended into the corridor, dragging his unfortunate companion after him, and leading him, with infinite pain, to the opposite end, found himself in the Abbe's room, which he put on his bed.

«Merci, dit l’abbé, frissonnant de tous ses membres comme s’il sortait d’une eau glacée. "Thank you," said the abbot, shivering from all his limbs as if coming out of icy water. Voici le mal qui vient, je vais tomber en catalepsie; peut-être ne ferai-je pas un mouvement, peut-être ne jetterai-je pas une plainte; mais peut-être aussi j’écumerai, je me raidirai, je crierai; tâchez que l’on n’entende pas mes cris, c’est l’important, car alors peut-être me changerait-on de chambre, et nous serions séparés à tout jamais. Here is the evil that comes, I will fall into catalepsy; perhaps I will not make a movement, perhaps I will not make a complaint; but perhaps I will also shout, I will stiffen, I will shout; try not to hear my cries, that's important, because then maybe I'll be moved to another room, and we'll be separated forever. Quand vous me verrez immobile, froid et mort, pour ainsi dire, seulement à cet instant, entendez-vous bien, desserrez-moi les dents avec le couteau, faites couler dans ma bouche huit à dix gouttes de cette liqueur, et peut-être reviendrai-je. When you will see me motionless, cold and dead, so to speak, only at this moment, do you hear well, loosen my teeth with the knife, pour in my mouth eight to ten drops of this liquor, and perhaps I'll come back.

—Peut-être? -Perhaps? s’écria douloureusement Dantès. cried Dantes painfully.

—À moi! -To me! à moi! to me! s’écria l’abbé, je me... je me m...» exclaimed the abbe, "I am ... I am ..."

L’accès fut si subit et si violent que le malheureux prisonnier ne put même achever le mot commencé; un nuage passa sur son front, rapide et sombre comme les tempêtes de la mer; la crise dilata ses yeux, tordit sa bouche, empourpra ses joues; il s’agita, écuma, rugit; mais ainsi qu’il l’avait recommandé lui-même, Dantès étouffa ses cris sous sa couverture. The access was so sudden and so violent that the unfortunate prisoner could not even finish the word begun; a cloud passed over his forehead, quick and dark like the storms of the sea; the crisis dilated his eyes, twisted his mouth, empurpled his cheeks; he stirred, ecuma, roared; but as he had himself recommended, Dantes stifled his cries under his blanket. Cela dura deux heures. It lasted two hours. Alors, plus inerte qu’une masse, plus pâle et plus froid que le marbre, plus brisé qu’un roseau foulé aux pieds, il tomba, se raidit encore dans une dernière convulsion et devint livide. Then, more inert than a mass, paler and colder than marble, more broken than a reed trampled underfoot, he fell, stiffened again in a last convulsion, and became livid. Edmond attendit que cette mort apparente eût envahi le corps et glacé jusqu’au cœur; alors il prit le couteau, introduisit la lame entre les dents, desserra avec une peine infinie les mâchoires crispées, compta l’une après l’autre dix gouttes de la liqueur rouge, et attendit. Edmond waited until this apparent death had invaded the body and frozen to the heart; then he took the knife, inserted the blade between his teeth, loosened with infinite pain the clenched jaws, counted one after the other ten drops of the red liquor, and waited. Une heure s’écoula sans que le vieillard fît le moindre mouvement. An hour passed without the old man making the least movement. Dantès craignait d’avoir attendu trop tard, et le regardait, les deux mains enfoncées dans ses cheveux. Dantes dreaded having waited too late, and looked at him, both hands buried in his hair. Enfin une légère coloration parut sur ses joues; ses yeux, constamment restés ouverts et atones, reprirent leur regard, un faible soupir s’échappa de sa bouche, il fit un mouvement. At last a slight color appeared on her cheeks; his eyes, constantly open and sluggish, resumed their eyes, a faint sigh escaped his mouth, he made a movement.

«Sauvé! "Saved! sauvé!» s’écria Dantès. Safe!" cried Dantes.

Le malade ne pouvait point parler encore, mais il étendit avec une anxiété visible la main vers la porte. The patient could not speak again, but he extended his hand to the door with visible anxiety. Dantès écouta, et entendit les pas du geôlier: il allait être sept heures et Dantès n’avait pas eu le loisir de mesurer le temps. Dantes listened, and heard the steps of the jailer: it was going to be seven o'clock, and Dantes had not had time to measure time.

Le jeune homme bondit vers l’ouverture, s’y enfonça, replaça la dalle au-dessus de sa tête, et rentra chez lui. The young man leapt towards the opening, plunged into it, replaced the slab above his head, and went home.

Un instant après, sa porte s’ouvrit à son tour, et le geôlier, comme d’habitude, trouva le prisonnier assis sur son lit. A moment later his door opened, and the jailer, as usual, found the prisoner sitting on his bed.

À peine eut-il le dos tourné, à peine le bruit des pas se fut-il perdu dans le corridor, que Dantès, dévoré d’inquiétude, reprit sans songer à manger, le chemin qu’il venait de faire, et, soulevant la dalle avec sa tête, et rentra dans la chambre de l’abbé. Hardly had his back turned, the sound of footsteps was lost in the corridor, that Dantes, devoured by anxiety, resumed without thinking of eating, the path he had just made, and raising the slab with his head, and returned to the abbot's room.

Celui-ci avait repris connaissance, mais il était toujours étendu, inerte et sans force, sur son lit. The latter had regained consciousness, but he was still lying, inert and helpless, on his bed.

«Je ne comptais plus vous revoir, dit-il à Dantès. "I did not intend to see you again," he said to Dantes.

—Pourquoi cela? -Why that? demanda le jeune homme; comptiez-vous donc mourir? asked the young man; Did you intend to die?

—Non; mais tout est prêt pour votre fuite, et je comptais que vous fuiriez.» -No; but everything is ready for your flight, and I expected you to flee. "

La rougeur de l’indignation colora les joues de Dantès. The redness of the indignation colored Dantes's cheeks.

«Sans vous! "Without you! s’écria-t-il; m’avez-vous véritablement cru capable de cela? if he cried; did you really believe me capable of that?

—À présent, je vois que je m’étais trompé, dit le malade. "Now I see that I was wrong," said the patient. Ah! Ah! je suis bien faible, bien brisé, bien anéanti. I am very weak, well broken, well annihilated.

—Courage, vos forces reviendront», dit Dantès, s’asseyant près du lit de Faria et lui prenant les mains. "Fan, your forces will come back," said Dantes, sitting by Faria's bed and taking her hands. L’abbé secoua la tête. The abbe shook his head.

«La dernière fois, dit-il, l’accès dura une demi-heure, après quoi j’eus faim et me relevai seul; aujourd’hui, je ne puis remuer ni ma jambe ni mon bras droit; ma tête est embarrassée, ce qui prouve un épanchement au cerveau. "The last time," he said, "the bout lasted half an hour, after which I was hungry and got up alone; today, I can not move my leg or my right arm; my head is embarrassed, which proves an effusion to the brain. La troisième fois, j’en resterai paralysé entièrement ou je mourrai sur le coup. The third time, I will remain totally paralyzed or I will die instantly.

—Non, non, rassurez-vous, vous ne mourrez pas; ce troisième accès, s’il vous prend, vous trouvera libre. No, no, rest assured, you will not die; this third access, if it takes you, will find you free. Nous vous sauverons comme cette fois, et mieux que cette fois, car nous aurons tous les secours nécessaires. We will save you like this time, and better than this time, because we will have all the necessary help.

—Mon ami, dit le vieillard, ne vous abusez pas, la crise qui vient de se passer m’a condamné à une prison perpétuelle: pour fuir, il faut pouvoir marcher. "My friend," said the old man, "do not be deceived; the crisis which has just passed has sentenced me to a perpetual prison. To escape, you must be able to walk.

—Eh bien, nous attendrons huit jours, un mois, deux mois, s’il le faut; dans cet intervalle, vos forces reviendront; tout est préparé pour notre fuite, et nous avons la liberté d’en choisir l’heure et le moment. "Well, we will wait eight days, a month, two months, if necessary; in this interval, your forces will return; everything is prepared for our flight, and we have the freedom to choose the time and the moment. Le jour où vous vous sentirez assez de forces pour nager, eh bien, ce jour-là, nous mettrons notre projet à exécution. The day you feel strong enough to swim, well, that day, we'll put our project into action.

—Je ne nagerai plus, dit Faria, ce bras est paralysé, non pas pour un jour, mais à jamais. "I will not swim again," said Faria, "that arm is paralyzed, not for a day, but forever. Soulevez-le vous-même, et voyez ce qu’il pèse.» Lift it yourself, and see what it weighs. "

Le jeune homme souleva le bras, qui retomba insensible. The young man lifted his arm, which fell insensibly. Il poussa un soupir. He sighed.

«Vous êtes convaincu, maintenant, n’est-ce pas, Edmond? "You are convinced now, do not you, Edmond? dit Faria; croyez-moi, je sais ce que je dis: depuis la première attaque que j’aie eue de ce mal, je n’ai pas cessé d’y réfléchir. said Faria; Believe me, I know what I am saying: Since the first attack that I have had of this evil, I have not ceased to think about it. Je l’attendais, car c’est un héritage de famille; mon père est mort à la troisième crise, mon aïeul aussi. I was waiting for it because it is a family inheritance; my father died in the third crisis, my grandfather too. Le médecin qui m’a composé cette liqueur, et qui n’est autre que le fameux Cabanis, m’a prédit le même sort. The doctor who composed me this liquor, and which is none other than the famous Cabanis, predicted the same fate.

—Le médecin se trompe, s’écria Dantès; quant à votre paralysie, elle ne me gêne pas, je vous prendrai sur mes épaules et je nagerai en vous soutenant. "The doctor is mistaken," cried Dantes; as for your paralysis, it does not bother me, I will take you on my shoulders and I will swim while supporting you.

—Enfant, dit l’abbé, vous êtes marin, vous êtes nageur, vous devez par conséquent savoir qu’un homme chargé d’un fardeau pareil ne ferait pas cinquante brasses dans la mer. "Child," said the abbe, "you are a sailor, you are a swimmer; you must therefore know that a man charged with such a burden would not make fifty fathoms in the sea. Cessez de vous laisser abuser par des chimères dont votre excellent cœur n’est pas même la dupe: je resterai donc ici jusqu’à ce que sonne l’heure de ma délivrance, qui ne peut plus être maintenant que celle de la mort. Stop allowing yourself to be deceived by chimeras of which your excellent heart is not even the dupe: so I will stay here until the hour of my deliverance comes, which can not be now that of death. Quant à vous, fuyez, partez! As for you, run away! Vous êtes jeune, adroit et fort, ne vous inquiétez pas de moi, je vous rends votre parole. You are young, clever and strong, do not worry about me, I give you your word.

—C’est bien, dit Dantès. "That's good," said Dantes. Eh bien, alors, moi aussi, je resterai.» Well, then, I too will stay. "

Puis, se levant et étendant une main solennelle sur le vieillard: Then, rising and laying a solemn hand on the old man:

«Par le sang du Christ, je jure de ne vous quitter qu’à votre mort!» "By the blood of Christ, I swear to leave you at your death!"

Faria considéra ce jeune homme si noble, si simple, si élevé, et lut sur ses traits, animés par l’expression du dévouement le plus pur, la sincérité de son affection et la loyauté de son serment. Faria considered this young man so noble, so simple, so elevated, and read in his features, animated by the expression of the purest devotion, the sincerity of his affection, and the loyalty of his oath.

«Allons dit le malade, j’accepte, merci.» "Come on, patient, I accept, thank you."

Puis, lui tendant la main: Then, extending his hand:

«Vous serez peut-être récompensé de ce dévouement si désintéressé, lui dit-il; mais comme je ne puis et que vous ne voulez pas partir, il importe que nous bouchions le souterrain fait sous la galerie: le soldat peut découvrir en marchant la sonorité de l’endroit miné, appeler l’attention d’un inspecteur, et alors nous serions découverts et séparés. "You may be rewarded for this selfless devotion," he told him; but as I can not and you do not want to leave, it is important that we stop the underground under the gallery: the soldier can discover by walking the sound of the mined place, call the attention of an inspector, and then we would be discovered and separated. Allez faire cette besogne, dans laquelle je ne puis plus malheureusement vous aider; employez-y toute la nuit, s’il le faut, et ne revenez que demain matin après la visite du geôlier, j’aurai quelque chose d’important à vous dire.» Go do this work, in which I can not help you any more; use it all night, if you must, and do not come back until morning after the jailer's visit, I will have something important to tell you. "

Dantès prit la main de l’abbé, qui le rassura par un sourire, et sortit avec cette obéissance et ce respect qu’il avait voués à son vieil ami. Dantes took the hand of the abbe, who reassured him with a smile, and went out with that obedience and respect which he had devoted to his old friend.