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Arthur Bernède- Belphégor, 1-1 La salle des Dieux barbares

1-1 La salle des Dieux barbares

PREMIÈRE PARTIE LE MYSTÈRE DU LOUVRE La salle des Dieux barbares

– Il y a un fantôme au Louvre !

Telle était l'étrange rumeur qui, le matin du 17 mai 1925, circulait dans notre musée national. Partout, dans les vestibules, dans les couloirs, dans les escaliers, on ne voyait que des gens qui s'abordaient, les uns effrayés, les autres incrédules, et s'empressaient de commenter l'étrange et fantastique nouvelle. Dans la salle dite des « David », devant le célèbre tableau, le Sacre de Napoléon, deux gardiens discutaient avec animation.

Bientôt, les balayeuses et les frotteurs qui, ce jour-là, n'accomplissaient que fort distraitement leur besogne, s'approchaient d'eux, afin d'écouter leur conversation, qui ne pouvait manquer d'être fort intéressante. – Moi, je te dis que c'est un fantôme ! scandait l'un des gardiens. Et tandis que son collègue éclatait de rire et haussait les épaules, il martelait avec un accent de conviction sous lequel perçait un certain émoi :

– Gautrais l'a vu !… Et c'est pas un blagueur ni un poltron !… Même qu'il est en train de faire son rapport à M. le conservateur ! C'était exact. Dans le bureau de ce haut fonctionnaire, Pierre Gautrais, un grand gaillard solide, robuste, aux épaules carrées, à la figure franche et un peu naïve, déclarait à son supérieur, M. Lavergne, qui, assis devant sa table de travail et flanqué de son adjoint et de son secrétaire, l'écoutait d'un air bienveillant mais plutôt sceptique : – Je l'ai vu comme je vous vois !… Je me laisserais plutôt couper la tête que de dire le contraire. – Dites-moi, Gautrais… Vous n'aviez pas bu un petit coup de trop ? observait M. Lavergne.

– Oh !

Monsieur le conservateur sait bien que je ne me grise jamais ! protestait Pierre Gautrais.

– Alors, vous avez eu une hallucination.

– Oh !

non, monsieur… J'étais bien réveillé, bien maître de moi. Je suis un ancien soldat… et je puis dire, sans me vanter, que je n'ai jamais eu peur, même lorsque, à Verdun, les marmites me tombaient sur la tête dru comme grêle… Eh bien ! je n'hésite pas à vous avouer que, rien que de penser à ce que j'ai vu la nuit dernière, dans la salle des Dieux barbares… cela me fait courir un frisson dans le dos et dresser mes cheveux sur ma tête ! – Quelle heure était-il quand ce phénomène s'est produit ? interrogeait le conservateur-adjoint.

– Une heure du matin, monsieur Rabusson, répliquait le gardien.

J'étais en train de faire ma ronde dans les salles du rez-de-chaussée qui donnent sur le bord de l'eau, lorsque, tout à coup, en arrivant dans la salle des Dieux barbares, j'aperçois une forme humaine qui, enveloppée d'un suaire noir et coiffée d'une sorte de capuchon, me tournait le dos et se tenait debout auprès de la statue de Belphégor… « Tout en dirigeant vers elle la lumière de mon falot, je m'écrie : « Qui est là ?… » Mais le fantôme, d'un bond prodigieux, se jette hors de la lumière de ma lanterne… À la clarté de la lune qui passait à travers les fenêtres, je le vois se faufiler entre deux rangées de statues et s'engouffrer dans la galerie qui conduit à l'escalier de la Victoire de Samothrace… Empoignant mon revolver, je m'élance à sa poursuite… Je le rejoins au moment où, après avoir grimpé les marches, il atteignait le palier, et braquant sur lui mon arme, je lui ordonne : « Halte ! ou je tire ! » Mais à peine avais-je mis le doigt sur la détente que le fantôme faisait un bond de côté et disparaissait comme s'il s'était fondu dans les ténèbres… Affolé, je monte les degrés quatre à quatre, tout en déchargeant mon revolver… J'atteins le palier… Je cherche, avec mon falot, où pouvait bien se cacher mon lascar… Mais je ne découvre rien… J'examine le sol… Je palpe les murs qui portent les marques de mes balles… Toujours rien !… C'est à croire que le fantôme s'est volatilisé à travers les murs du palais… Voilà, monsieur, la vérité, toute la vérité, je vous le jure ! Visiblement impressionné par la manifeste sincérité du gardien, excellent serviteur dont la bonne foi et le courage étaient au-dessus de tout soupçon, M. Lavergne regarda tour à tour ses deux collaborateurs qui ne semblaient guère moins troublés que lui par le récit qu'ils venaient d'entendre. Puis, se levant, il fit :

– Eh bien !

nous allons voir… Suivez-nous, Gautrais.

Ils gagnèrent aussitôt la salle des Dieux barbares, où un groupe d'employés et d'hommes de service péroraient devant la statue de Belphégor. Dès qu'ils virent apparaître les nouveaux arrivants, tous s'empressèrent de déguerpir, à l'exception du gardien en chef, Jean Sabarat, sorte d'hercule aux proportions athlétiques, qui respirait à la fois la force, le calme et la bravoure. Tout en relevant respectueusement sa casquette, Sabarat se dirigea vers son chef.

– Monsieur le conservateur, annonça-t-il, on vient de découvrir ici des traces suspectes…

Et il désigna le socle de la statue de Belphégor, dieu des Moabites, dont le masque grimaçant, déconcertant, énigmatique, semblait contempler en ricanant les humains qui l'entouraient. M.

Lavergne s'approcha et examina avec attention le piédestal. Il portait des éraflures toutes fraîches, assez profondes, qui semblaient avoir été faites à l'aide d'un ciseau à froid. Troublé par cette découverte, le conservateur en chef reprenait :

– Voilà qui n'est pas ordinaire ; et c'est à se demander si un cambrioleur ne s'est pas introduit dans le musée. – Depuis le vol de La Joconde, observait M. Rabusson, de telles précautions ont été prises qu'il est impossible de pénétrer la nuit dans le Louvre. Le secrétaire ajoutait :

– Et même de s'y cacher avant la fermeture. Grave, pensif, M. Lavergne décidait :

– Je vais prévenir la police.

Déjà il s'éloignait avec ses collaborateurs. Mais Sabarat, saisi d'une idée subite, le rejoignit en disant : – Monsieur le conservateur, si nous mêlons la police à cette histoire, le fantôme, si tant est que ce soit un fantôme, se gardera bien de reparaître.

– Très juste…

– Aussi, je vous demande la permission de me cacher ce soir dans cette salle… et je vous garantis que si notre gaillard revient, je me charge de lui régler son compte.

– Qu'en pensez-vous, messieurs ? demandait M. Lavergne.

– Sabarat a raison… approuvait M. Rabusson.

– Avec lui, on peut être tranquille, affirmait le secrétaire.

– Eh bien !

c'est entendu, mon cher Sabarat… La nuit prochaine, c'est vous qui serez de garde ! Tous trois quittèrent la salle.

Dès qu'ils eurent disparu, Gautrais s'approcha de Sabarat et lui demanda : – Brigadier, voulez-vous que, cette nuit, je reste avec vous ?

– Je te remercie, mon vieux… mais ce n'est pas la peine ! – Pourtant, il me semble que je pourrais vous être utile.

– J'aime mieux être seul. Gautrais connaissait l'entêtement de son collègue, un Basque, qui, par sa mère, avait du sang breton dans les veines… Il n'insista pas. – Alors, bonne chance, brigadier, fit-il en lui serrant la main.

Et encore sous l'impression des événements auxquels il avait été mêlé, la nuit précédente, il s'en fut rejoindre sa femme, une bonne grosse commère, au visage un peu empâté, mais naturellement réjoui, et qui, anxieuse de savoir, l'attendait dans la grande cour du Louvre. – Quoi de nouveau ?

interrogea-t-elle.

L'air sombre, le brave Gautrais répliquait : – Rien !… Marie-Jeanne !… C'est-à-dire que si !… Sabarat a demandé à passer la nuit prochaine tout seul dans la salle des Dieux barbares. Je voulais veiller avec lui… mais il m'a envoyé promener… – Il a bien fait.

– Pourquoi ?

– Parce que j'ai idée qu'il arrivera malheur à tous ceux qui s'occuperont de cette affaire. – Allons donc !

Tu dis des bêtises…

– On verra bien !

Moi, mes pressentiments ne me trompent jamais.

Mme Gautrais avait raison… La comédie de la veille allait se transformer en un des drames les plus mystérieux et les plus effrayants qui eussent jamais bouleversé l'opinion publique. Lorsque le lendemain, dès la première heure, Gautrais, qui n'avait pas fermé l'œil, pénétra, le premier de tous, dans la salle des Dieux barbares, quel ne fut pas son effroi en découvrant, près de la statue de Belphégor, renversée de son socle sur les dalles, le corps inanimé de Sabarat. Étouffant un cri d'angoisse et cherchant à surmonter la terreur qui s'était emparée de lui, Gautrais se pencha vers le malheureux… Bien qu'il ne portât aucune blessure apparente, le gardien en chef ne donnait plus signe de vie. Son revolver gisait près de lui, à portée de sa main crispée en un geste de suprême menace.

Au comble de l'affolement, Gautrais se précipita dans la galerie voisine, appelant d'une voix de tonnerre : – Au secours !

au secours !

Deux gardiens qui, eux aussi, venaient aux nouvelles, accouraient et s'empressaient autour de Sabarat, qui, les yeux clos, exhala une faible plainte. – Vivant !… Il est vivant !

s'exclama Gautrais. Un de ses collègues, qui venait de soulever le blessé, s'écriait, en montrant du doigt le derrière de sa tête : – Regardez… là !

Sabarat portait à la base du crâne une forte contusion qui avait dû être produite par un violent coup de marteau ou de massue.

Gautrais, qui avait ramassé le revolver, en ouvrait le barillet… Les six cartouches étaient intactes.

Tout en montrant l'arme à ses compagnons, il fit : – Il a dû être surpris… Il n'a même pas eu le temps de se défendre ! À peine avait-il prononcé ces mots que Sabarat entrouvrait les paupières.

On eût dit que ses yeux, déjà voilés par la mort, cherchaient à percer les ténèbres qui l'environnaient de leur implacable linceul. Sa main, qui semblait avoir retrouvé un vestige de force, s'accrocha au bras de l'homme qui le soutenait. Ses lèvres s'agitèrent… Un soupir rauque et prolongé gonfla sa poitrine… Et d'une voix à demi éteinte, mais où tremblait encore un écho d'épouvante, il râla : – Le fantôme !… Le fantôme !…

Un spasme suprême lui tordit les membres… Sa tête ballotta sur ses épaules… Une écume rougeâtre frangea sa bouche entrouverte…

Le gardien Sabarat était mort !

1-1 La salle des Dieux barbares 1-1 Der Raum der barbarischen Götter 1-1 The Hall of the Barbarian Gods 1-1 تالار خدایان بربر 1-1 De Zaal van Barbaarse Goden

PREMIÈRE PARTIE LE MYSTÈRE DU LOUVRE La salle des Dieux barbares FIRST PART THE MYSTERY OF THE LOUVRE The Hall of the Barbarian Gods EERSTE DEEL HET MYSTERIE VAN HET LOUVRE De zaal van de barbaarse goden

– Il y a un fantôme au Louvre ! - There is a ghost in the Louvre! – Er is een geest in het Louvre!

Telle était l'étrange rumeur qui, le matin du 17 mai 1925, circulait dans notre musée national. Such was the strange rumor which, on the morning of May 17th, 1925, was circulating in our national museum. Dat was het vreemde gerucht dat op de ochtend van 17 mei 1925 in ons nationale museum de ronde deed. Partout, dans les vestibules, dans les couloirs, dans les escaliers, on ne voyait que des gens qui s'abordaient, les uns effrayés, les autres incrédules, et s'empressaient de commenter l'étrange et fantastique nouvelle. Everywhere, in the vestibules, in the corridors, in the staircases, one saw only people who approached, some frightened, others incredulous, and hastened to comment on the strange and fantastic news. Overal, in de vestibules, in de gangen, op de trappen zag je alleen mensen die elkaar naderden, sommigen bang, anderen ongelovig, en haastig commentaar te geven op het vreemde en fantastische nieuws. Dans la salle dite des « David », devant le célèbre tableau, le Sacre de Napoléon, deux gardiens discutaient avec animation. In the so-called "David's room", in front of the famous painting, Napoleon's Rite, two warders were chatting animatedly. In de zogenaamde "David"-kamer, voor het beroemde schilderij, de kroning van Napoleon, waren twee bewakers geanimeerd aan het discussiëren.

Bientôt, les balayeuses et les frotteurs qui, ce jour-là, n'accomplissaient que fort distraitement leur besogne, s'approchaient d'eux, afin d'écouter leur conversation, qui ne pouvait manquer d'être fort intéressante. Soon, the sweepers and the rubbers who, that day, only performed their work very distractedly, approached them, in order to listen to their conversation, which could not fail to be very interesting. Al snel kwamen de veegmachines en de veegmachines die die dag hun werk slechts zeer afleidend deden, naar hen toe om naar hun gesprek te luisteren, dat niet anders dan zeer interessant zou zijn. – Moi, je te dis que c'est un fantôme ! - I tell you it's a ghost! 'Ik zeg je dat het een geest is! scandait l'un des gardiens. shouted one of the guards. riep een van de bewakers. Et tandis que son collègue éclatait de rire et haussait les épaules, il martelait avec un accent de conviction sous lequel perçait un certain émoi : And while his colleague burst out laughing and shrugging his shoulders, he hammered with an accent of conviction under which a certain emotion stirred: En terwijl zijn collega in lachen uitbarstte en zijn schouders ophaalde, hamerde hij uit met een accent van overtuiging waaronder een zekere emotie doordrong:

– Gautrais l'a vu !… Et c'est pas un blagueur ni un poltron !… Même qu'il est en train de faire son rapport à M. le conservateur ! - Gautrais saw it! ... And he's not a joker or a coward! ... Even though he's reporting to the curator! – Gautrais heeft het gezien!… En hij is geen grappenmaker of lafaard!… Ook al maakt hij zijn rapport aan de curator! C'était exact. It was correct. Het klopte. Dans le bureau de ce haut fonctionnaire, Pierre Gautrais, un grand gaillard solide, robuste, aux épaules carrées, à la figure franche et un peu naïve, déclarait à son supérieur, M. Lavergne, qui, assis devant sa table de travail et flanqué de son adjoint et de son secrétaire, l'écoutait d'un air bienveillant mais plutôt sceptique : In the office of this high official, Pierre Gautrais, a tall, sturdy fellow, with square shoulders, a frank and slightly naive face, declared to his superior, Mr. Lavergne, who sat in front of his desk and flanked. his deputy and his secretary listened to him with a benevolent but rather skeptical air: In het kantoor van deze hoge ambtenaar verklaarde Pierre Gautrais, een lange, stevige, robuuste kerel, met vierkante schouders, met een openhartig en enigszins naïef gezicht, aan zijn meerdere, M. Lavergne, die, zittend voor zijn bureau en geflankeerd van zijn assistent en zijn secretaresse, luisterden naar hem met een welwillende maar nogal sceptische houding: – Je l'ai vu comme je vous vois !… Je me laisserais plutôt couper la tête que de dire le contraire. - I saw it as I see you! ... I would rather cut the head than say the opposite. 'Ik zag het zoals ik jou zie!... Ik laat liever mijn hoofd eraf dan het tegenovergestelde zeggen. – Dites-moi, Gautrais… Vous n'aviez pas bu un petit coup de trop ? - Tell me, Gautrais ... You had not drunk a little too much? observait M. Lavergne. observed Mr. Lavergne.

– Oh ! - Oh !

Monsieur le conservateur sait bien que je ne me grise jamais ! The Conservative knows that I never get drunk! protestait Pierre Gautrais.

– Alors, vous avez eu une hallucination. - So, you had a hallucination.

– Oh !

non, monsieur… J'étais bien réveillé, bien maître de moi. No, sir ... I was awake, well master of me. Je suis un ancien soldat… et je puis dire, sans me vanter, que je n'ai jamais eu peur, même lorsque, à Verdun, les marmites me tombaient sur la tête dru comme grêle… Eh bien ! I am a former soldier ... and I can say, without boasting, that I was never afraid, even when, in Verdun, the pots fell on my head as thick as hail ... Well! je n'hésite pas à vous avouer que, rien que de penser à ce que j'ai vu la nuit dernière, dans la salle des Dieux barbares… cela me fait courir un frisson dans le dos et dresser mes cheveux sur ma tête ! I do not hesitate to confess that, just thinking of what I saw last night, in the hall of the barbarian Gods ... it makes me run a shiver down my back and put my hair on my head! – Quelle heure était-il quand ce phénomène s'est produit ? - What time was it when this phenomenon occurred? interrogeait le conservateur-adjoint. asked the assistant curator.

– Une heure du matin, monsieur Rabusson, répliquait le gardien. "One o'clock in the morning, Monsieur Rabusson," replied the guard.

J'étais en train de faire ma ronde dans les salles du rez-de-chaussée qui donnent sur le bord de l'eau, lorsque, tout à coup, en arrivant dans la salle des Dieux barbares, j'aperçois une forme humaine qui, enveloppée d'un suaire noir et coiffée d'une sorte de capuchon, me tournait le dos et se tenait debout auprès de la statue de Belphégor… I was doing my rounds in the rooms on the ground floor overlooking the water's edge, when, suddenly, arriving in the hall of the barbarian gods, I see a human form that , wrapped in a black shroud and wearing a kind of hood, turned my back and stood near the statue of Belphégor ... « Tout en dirigeant vers elle la lumière de mon falot, je m'écrie : « Qui est là ?… » Mais le fantôme, d'un bond prodigieux, se jette hors de la lumière de ma lanterne… À la clarté de la lune qui passait à travers les fenêtres, je le vois se faufiler entre deux rangées de statues et s'engouffrer dans la galerie qui conduit à l'escalier de la Victoire de Samothrace… Empoignant mon revolver, je m'élance à sa poursuite… Je le rejoins au moment où, après avoir grimpé les marches, il atteignait le palier, et braquant sur lui mon arme, je lui ordonne : « Halte ! "While directing the light of my lantern towards her, I exclaim:" Who is there? ... "But the ghost, with a prodigious leap, throws itself out of the light of my lantern ... In the moonlight which passed through the windows, I see him sneaking between two rows of statues and rush into the gallery that leads to the staircase of the Victory of Samothrace ... Grabbing my revolver, I run after him ... I when, after having climbed the steps, he reached the landing, and pointing at him with my weapon, I ordered him: "Stop! ou je tire ! where I shoot! » Mais à peine avais-je mis le doigt sur la détente que le fantôme faisait un bond de côté et disparaissait comme s'il s'était fondu dans les ténèbres… Affolé, je monte les degrés quatre à quatre, tout en déchargeant mon revolver… J'atteins le palier… Je cherche, avec mon falot, où pouvait bien se cacher mon lascar… Mais je ne découvre rien… J'examine le sol… Je palpe les murs qui portent les marques de mes balles… Toujours rien !… C'est à croire que le fantôme s'est volatilisé à travers les murs du palais… Voilà, monsieur, la vérité, toute la vérité, je vous le jure ! But as soon as I put my finger on the trigger, the ghost jumped to one side and disappeared as if it had melted into the darkness ... Distraught, I climbed the steps four to four, while unloading my revolver ... I reach the landing ... I'm looking, with my lantern, where could my lover hide ... But I discover nothing ... I examine the floor ... I feel the walls that bear the marks of my balls ... Still nothing! ... It is to be believed that the ghost has vanished through the walls of the palace. Here, sir, the truth, the whole truth, I swear to you! Visiblement impressionné par la manifeste sincérité du gardien, excellent serviteur dont la bonne foi et le courage étaient au-dessus de tout soupçon, M. Lavergne regarda tour à tour ses deux collaborateurs qui ne semblaient guère moins troublés que lui par le récit qu'ils venaient d'entendre. Visibly impressed by the manifest sincerity of the guardian, an excellent servant whose good faith and courage were beyond all suspicion, Mr. Lavergne looked in turn at his two collaborators who seemed hardly less troubled than he by the account they had heard. had just heard. Puis, se levant, il fit : Then, getting up, he said:

– Eh bien ! - Well !

nous allons voir… Suivez-nous, Gautrais. we will see ... Follow us, Gautrais.

Ils gagnèrent aussitôt la salle des Dieux barbares, où un groupe d'employés et d'hommes de service péroraient devant la statue de Belphégor. They immediately reached the hall of the barbarian gods, where a group of employees and service men were bowing to the statue of Belphégor. Dès qu'ils virent apparaître les nouveaux arrivants, tous s'empressèrent de déguerpir, à l'exception du gardien en chef, Jean Sabarat, sorte d'hercule aux proportions athlétiques, qui respirait à la fois la force, le calme et la bravoure. As soon as they saw the newcomers appear, all of them hurried off, with the exception of the chief goalkeeper, Jean Sabarat, a kind of athletic-looking Hercules, who breathed at the same time strength, calm and bravery. . Tout en relevant respectueusement sa casquette, Sabarat se dirigea vers son chef. While respectfully raising his cap, Sabarat went to his head.

– Monsieur le conservateur, annonça-t-il, on vient de découvrir ici des traces suspectes… "Monsieur le conservateur," he announced, "we have discovered here suspicious traces.

Et il désigna le socle de la statue de Belphégor, dieu des Moabites, dont le masque grimaçant, déconcertant, énigmatique, semblait contempler en ricanant les humains qui l'entouraient. And he pointed to the pedestal of the statue of Belphégor, god of the Moabites, whose grimacing, disconcerting, enigmatic mask seemed to sneer at the humans around him. M.

Lavergne s'approcha et examina avec attention le piédestal. Lavergne approached and carefully examined the pedestal. Il portait des éraflures toutes fraîches, assez profondes, qui semblaient avoir été faites à l'aide d'un ciseau à froid. He wore scrapes all fresh, deep enough, that seemed to have been made with a cold chisel. Troublé par cette découverte, le conservateur en chef reprenait : Disturbed by this discovery, the chief conservator continued:

– Voilà qui n'est pas ordinaire ; et c'est à se demander si un cambrioleur ne s'est pas introduit dans le musée. - That is not ordinary; and one wonders if a burglar has not entered the museum. – Depuis le vol de La Joconde, observait M. Rabusson, de telles précautions ont été prises qu'il est impossible de pénétrer la nuit dans le Louvre. "Since the flight of La Joconde," observed M. Rabusson, "such precautions have been taken that it is impossible to enter the Louvre at night. Le secrétaire ajoutait : The secretary added:

– Et même de s'y cacher avant la fermeture. - And even to hide there before closing. Grave, pensif, M. Lavergne décidait : Grave and thoughtful, M. Lavergne decided:

– Je vais prévenir la police. - I'll tell the police.

Déjà il s'éloignait avec ses collaborateurs. Already he was going away with his collaborators. Mais Sabarat, saisi d'une idée subite, le rejoignit en disant : But Sabarat, seized with a sudden idea, joined him saying: – Monsieur le conservateur, si nous mêlons la police à cette histoire, le fantôme, si tant est que ce soit un fantôme, se gardera bien de reparaître. "Monsieur le Conservateur, if we mingle the police with this story, the ghost, if it be a ghost, will be careful not to reappear.

– Très juste…

– Aussi, je vous demande la permission de me cacher ce soir dans cette salle… et je vous garantis que si notre gaillard revient, je me charge de lui régler son compte. - Also, I ask your permission to hide me this evening in this room… and I guarantee you that if our fellow returns, I will take care of settling his account. - Así que te pido permiso para esconderme en esta habitación esta noche... y te garantizo que si nuestro muchacho vuelve, me encargaré de él.

– Qu'en pensez-vous, messieurs ? - What do you think, gentlemen? demandait M. Lavergne. asked M. Lavergne.

– Sabarat a raison… approuvait M. Rabusson. - Sabarat is right… approved M. Rabusson.

– Avec lui, on peut être tranquille, affirmait le secrétaire. - With him, we can be quiet, affirmed the secretary.

– Eh bien ! - Well !

c'est entendu, mon cher Sabarat… La nuit prochaine, c'est vous qui serez de garde ! it is understood, my dear Sabarat… Next night, you will be on call! Tous trois quittèrent la salle. All three left the room.

Dès qu'ils eurent disparu, Gautrais s'approcha de Sabarat et lui demanda : As soon as they had disappeared, Gautrais approached Sabarat and asked him: – Brigadier, voulez-vous que, cette nuit, je reste avec vous ? - Brigadier, would you like me to stay with you tonight?

– Je te remercie, mon vieux… mais ce n'est pas la peine ! - Thank you, old man… but it's not worth it! – Pourtant, il me semble que je pourrais vous être utile. - Still, it seems to me that I could be of use to you.

– J'aime mieux être seul. - I prefer to be alone. Gautrais connaissait l'entêtement de son collègue, un Basque, qui, par sa mère, avait du sang breton dans les veines… Il n'insista pas. Gautrais knew the stubbornness of his colleague, a Basque, who, through his mother, had Breton blood in his veins… He did not insist. – Alors, bonne chance, brigadier, fit-il en lui serrant la main. "So good luck, sergeant," he said, shaking her hand.

Et encore sous l'impression des événements auxquels il avait été mêlé, la nuit précédente, il s'en fut rejoindre sa femme, une bonne grosse commère, au visage un peu empâté, mais naturellement réjoui, et qui, anxieuse de savoir, l'attendait dans la grande cour du Louvre. And still under the impression of the events in which he had been involved the night before, he went to join his wife, a good fat gossip, with a slightly thick face, but naturally delighted, and who, anxious to know, the 'was waiting in the great courtyard of the Louvre. Y todavía bajo la impresión de los acontecimientos en los que se había visto envuelto la noche anterior, fue a reunirse con su esposa, una buena chismosa gorda, de rostro algo pastoso, pero naturalmente alegre, y que, ansiosa por saber, le esperaba en el gran patio del Louvre. – Quoi de nouveau ? - What's up ?

interrogea-t-elle. she asked.

L'air sombre, le brave Gautrais répliquait : Looking gloomy, brave Gautrais replied: – Rien !… Marie-Jeanne !… C'est-à-dire que si !… Sabarat a demandé à passer la nuit prochaine tout seul dans la salle des Dieux barbares. - Nothing!… Marie-Jeanne!… That is to say, yes!… Sabarat asked to spend the next night alone in the room of the barbarian gods. Je voulais veiller avec lui… mais il m'a envoyé promener… I wanted to watch with him… but he sent me for a walk… Quise quedarme con él... pero me rechazó... – Il a bien fait. - He did the right thing.

– Pourquoi ?

– Parce que j'ai idée qu'il arrivera malheur à tous ceux qui s'occuperont de cette affaire. - Because I have an idea that bad luck will happen to all those who will take care of this matter. – Allons donc !

Tu dis des bêtises… You say stupid things…

– On verra bien ! - We'll see !

Moi, mes pressentiments ne me trompent jamais. Me, my forebodings never deceive me. Mis corazonadas nunca se equivocan.

Mme Gautrais avait raison… La comédie de la veille allait se transformer en un des drames les plus mystérieux et les plus effrayants qui eussent jamais bouleversé l'opinion publique. Mme Gautrais was right… The comedy of the day before was going to turn into one of the most mysterious and the most frightening dramas which had ever upset public opinion. Lorsque le lendemain, dès la première heure, Gautrais, qui n'avait pas fermé l'œil, pénétra, le premier de tous, dans la salle des Dieux barbares, quel ne fut pas son effroi en découvrant, près de la statue de Belphégor, renversée de son socle sur les dalles, le corps inanimé de Sabarat. When the next day, at the first hour, Gautrais, who had not closed his eyes, entered, the first of all, in the room of the barbarian gods, what was not his terror on discovering, near the statue of Belphégor the lifeless body of Sabarat, overturned from its plinth on the flagstones. Cuando Gautrais, que no había pegado ojo, fue el primero en entrar en la Sala de los Dioses Bárbaros a primera hora de la mañana siguiente, se sorprendió al descubrir el cuerpo sin vida de Sabarat junto a la estatua de Belphegor, que se había desplomado de su pedestal sobre las losas. Étouffant un cri d'angoisse et cherchant à surmonter la terreur qui s'était emparée de lui, Gautrais se pencha vers le malheureux… Bien qu'il ne portât aucune blessure apparente, le gardien en chef ne donnait plus signe de vie. Stifling a cry of anguish and trying to overcome the terror that had seized him, Gautrais leaned towards the unfortunate ... Although he bore no apparent injuries, the head guard did not give any sign of life. Son revolver gisait près de lui, à portée de sa main crispée en un geste de suprême menace. His revolver lay beside him, within reach of his hand, which was clenched in a gesture of supreme threat.

Au comble de l'affolement, Gautrais se précipita dans la galerie voisine, appelant d'une voix de tonnerre : At the height of panic, Gautrais rushed into the neighboring gallery, calling in a voice of thunder: – Au secours ! - Help !

au secours !

Deux gardiens qui, eux aussi, venaient aux nouvelles, accouraient et s'empressaient autour de Sabarat, qui, les yeux clos, exhala une faible plainte. Two guards who, too, came to hear the news, ran and hurried around Sabarat, who, eyes closed, exhaled a weak complaint. – Vivant !… Il est vivant ! - Alive!… He is alive!

s'exclama Gautrais. Gautrais exclaimed. Un de ses collègues, qui venait de soulever le blessé, s'écriait, en montrant du doigt le derrière de sa tête : One of his colleagues, who had just raised the wounded man, exclaimed, pointing to the back of his head: – Regardez… là ! - Look at her !

Sabarat portait à la base du crâne une forte contusion qui avait dû être produite par un violent coup de marteau ou de massue. Sabarat had a strong contusion at the base of his skull which must have been produced by a violent blow with a hammer or club.

Gautrais, qui avait ramassé le revolver, en ouvrait le barillet… Les six cartouches étaient intactes. Gautrais, who had picked up the revolver, opened the barrel ... The six cartridges were intact.

Tout en montrant l'arme à ses compagnons, il fit : While showing the weapon to his companions, he said: – Il a dû être surpris… Il n'a même pas eu le temps de se défendre ! - He must have been surprised… He didn't even have time to defend himself! À peine avait-il prononcé ces mots que Sabarat entrouvrait les paupières. No sooner had he said these words than Sabarat parted his eyelids.

On eût dit que ses yeux, déjà voilés par la mort, cherchaient à percer les ténèbres qui l'environnaient de leur implacable linceul. One would have said that her eyes, already veiled by death, sought to pierce the darkness which surrounded her with their implacable shroud. Sa main, qui semblait avoir retrouvé un vestige de force, s'accrocha au bras de l'homme qui le soutenait. His hand, which seemed to have recovered a vestige of strength, clung to the arm of the man supporting it. Ses lèvres s'agitèrent… Un soupir rauque et prolongé gonfla sa poitrine… Et d'une voix à demi éteinte, mais où tremblait encore un écho d'épouvante, il râla : His lips moved ... A hoarse and prolonged sigh swelled his chest ... And in a half-extinguished voice, but still trembling with an echo of terror, he moaned: – Le fantôme !… Le fantôme !…

Un spasme suprême lui tordit les membres… Sa tête ballotta sur ses épaules… Une écume rougeâtre frangea sa bouche entrouverte… Un espasmo supremo retorció sus miembros... Su cabeza se balanceó sobre sus hombros... Una espuma rojiza bordeó su boca entreabierta...

Le gardien Sabarat était mort ! Guardian Sabarat was dead!