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Un Fou

Un Fou

Il était mort chef d'un haut tribunal, magistrat intègre dont la vie irréprochable était citée dans toutes les cours de France. Les avocats, les jeunes conseillers, les juges saluaient en s'inclinant très bas, par marque d'un profond respect, sa grande figure blanche et maigre qu'éclairaient deux yeux brillants et profonds. Il avait passé sa vie à poursuivre le crime et à protéger les faibles. Les escrocs et les meurtriers n'avaient point eu d'ennemi plus redoutable, car il semblait lire, au fond de leurs âmes, leurs pensées secrètes, et démêler, d'un coup d'oeil, tous les mystères de leurs intentions. Il était donc mort, à l'âge de quatre−vingt−deux ans, entouré d'hommages et poursuivi par les regrets de tout un peuple. Des soldats en culotte rouge l'avaient escorté jusqu'à sa tombe, et des hommes en cravate blanche avaient répandu sur son cercueil des paroles désolées et des larmes qui semblaient vraies. Or, voici l'étrange papier que le notaire, éperdu, découvrit dans le secrétaire où il avait coutume de serrer les dossiers des grands criminels. Cela portait pour titre : POURQUOI ?

20 juin 1851. — Je sors de la séance. J'ai fait condamner Blondel à mort ! Pourquoi donc cet homme avait-il tué ses cinq enfants ? Pourquoi ? Souvent, on rencontre de ces gens chez qui détruire la vie est une volupté. Oui, oui, ce doit être une volupté, la plus grande de toutes peut-être ; car tuer n'est-il pas ce qui ressemble le plus à créer ? Faire et détruire ! Ces deux mots enferment l'histoire des univers, toute l'histoire des mondes, tout ce qui est, tout ! Pourquoi est-ce enivrant de tuer ?

25 Juin. — Songer qu'un être est là qui vit, qui marche, qui court... Un être ? Qu'est-ce qu'un être ? Cette chose animée, qui porte en elle le principe du mouvement et une volonté réglant ce mouvement ! Elle ne tient à rien, cette chose. Ses pieds ne communiquent pas au sol. C'est un grain de vie qui remue sur la terre ; et ce grain de vie, venu je ne sais d'où, on peut le détruire comme on veut. Alors rien, plus rien. Ça pourrit, c'est fini. 26 juin .— Pourquoi donc est-ce un crime de tuer ? oui, pourquoi ? C'est, au contraire, la loi de la nature. Tout être a pour mission de tuer : il tue pour vivre et il tue pour tuer. — Tuer est dans notre tempérament ; il faut tuer ! La bête tue sans cesse , tout le jour , à tout instant de son existence. — L'homme tue sans cesse pour se nourrir, mais comme il a besoin de tuer aussi, par volupté, il a inventé la chasse ! L'enfant tue les insectes qu'il trouve, les petits oiseaux, tous les petits animaux qui lui tombent sous la main. Mais cela ne suffisait pas à l'irrésistible besoin de massacre qui est en nous. Ce n'est point assez de tuer la bête ; nous avons besoin aussi de tuer l'homme. Autrefois, on satisfaisait ce besoin par des sacrifices humains. Aujourd'hui, la nécessité de vivre en société a fait du meurtre un crime. On condamne et on punit l'assassin ! Mais comme nous ne pouvons vivre sans nous livrer à cet instinct naturel et impérieux de mort, nous nous soulageons, de temps en temps, par des guerres où un peuple entier égorge un autre peuple. C'est alors une débauche de sang, une débauche où s'affolent les armées et dont se grisent encore les bourgeois, les femmes et les enfants qui lisent, le soir, sous la lampe, le récit exalté des massacres. Et on pourrait croire qu'on méprise ceux destinés à accomplir ces boucheries d'hommes ! Non. On les accable d'honneurs ! On les habille avec de l'or et des draps éclatants ; ils portent des plumes sur la tête, des ornements sur la poitrine ; et on leur donne des croix, des récompenses, des titres de toute nature. Ils sont fiers, respectés, aimés des femmes, acclamés par la foule, uniquement parce qu'ils ont pour mission de répandre le sang humain ! Ils traînent par les rues leurs instruments de mort que le passant vêtu de noir regarde avec envie. Car tuer est la grande loi jetée par la nature au coeur de l'être ! Il n'est rien de plus beau et de plus honorable que de tuer ! 30 juin. — Tuer est la loi ; parce que la nature aime l'éternelle jeunesse. Elle semble crier par tous ses actes inconscients : «Vite ! vite ! vite !» Plus elle détruit, plus elle se renouvelle.

2 juillet .— L'être — qu'est-ce que l'être ? Tout et rien. Par la pensée, il est le reflet de tout. Par la mémoire et la science, il est un abrégé du monde, dont il porte l'histoire en lui. Miroir des choses et miroir des faits, chaque être humain devient un petit univers dans l'univers ! Mais voyagez ; regardez grouiller les races, et l'homme n'est plus rien ! plus rien, rien ! Montez en barque, éloignez-vous du rivage couvert de foule, et vous n'apercevez bientôt plus rien que la côte. L'être imperceptible disparaît, tant il est petit, insignifiant. Traversez l'Europe dans un train rapide, et regardez par la portière. Des hommes, des hommes, toujours des hommes, innombrables, inconnus, qui grouillent dans les champs, qui grouillent dans les rues ; des paysans stupides sachant tout juste retourner la terre ; des femmes hideuses sachant tout juste faire la soupe du mâle et enfanter. Allez aux Indes, allez en Chine, et vous verrez encore s'agiter des milliards d'êtres qui naissent, vivent et meurent sans laisser plus de trace que la fourmi écrasée sur les routes. Allez aux pays des noirs, gîtés en des cases de boue ; aux pays des Arabes blancs, abrités sous une toile brune qui flotte au vent, et vous comprendrez que l'être isolé, déterminé, n'est rien, rien. La race est tout ? Qu'est−ce que l'être, l'être quelconque d'une tribu errante du désert ? Et ces gens, qui sont des sages, ne s'inquiètent pas de la mort. L'homme ne compte point chez eux. On tue son ennemi : c'est la guerre. Cela se faisait ainsi jadis, de manoir à manoir, de province à province. Oui, traversez le monde et regardez grouiller les humains innombrables et inconnus. Inconnus ? Ah ! voilà le mot du problème ! Tuer est un crime parce que nous avons numéroté les êtres ! Quand ils naissent, on les inscrit, on les nomme, on les baptise. La loi les prend ! Voilà ! L'être qui n'est point enregistré ne compte pas : tuez−le dans la lande ou dans le désert, tuez−le dans la montagne ou dans la plaine, qu'importe ! La nature aime la mort ; elle ne punit pas, elle ! Ce qui est sacré, par exemple, c'est l'état civil. Voilà ! C'est lui qui défend l'homme. L'être est sacré parce qu'il est inscrit à l'état civil ! Respect à l'état civil, le Dieu légal. A genoux ! L'État peut tuer, lui, parce qu'il a le droit de modifier l'état civil. Quand il a fait égorger deux cent mille hommes dans une guerre, il les raye sur son état civil, il les supprime par la main de ses greffiers. C'est fini. Mais nous, qui ne pouvons point changer les écritures des mairies, nous devons respecter la vie. État civil, glorieuse Divinité qui règnes dans les temples des municipalités, je te salue. Tu es plus fort que la Nature. Ah ! ah !

3 juillet. — Ce doit être un étrange et savoureux plaisir que de tuer, d'avoir là, devant soi, l'être vivant, pensant ; de faire dedans un petit trou, rien qu'un petit trou, de voir couler cette chose rouge qui est le sang, qui fait la vie, et de n'avoir plus, devant soi, qu'un tas de chair molle, froide, inerte, vide de pensée ! 5 août .— Moi qui ai passé mon existence à juger, à condamner, à tuer par des paroles prononcées, à tuer par la guillotine ceux qui avaient tué par le couteau, moi ! moi ! si je faisais comme tous les assassins que j'ai frappés, moi ! moi ! qui le saurait ?

10 août .— Qui le saurait jamais ? Me soupçonnerait−on, moi, moi, surtout si je choisis un être que je n'ai aucun intérêt à supprimer ? 15 août .— La tentation ! La tentation, elle est entrée en moi comme un ver qui rampe. Elle rampe, elle va ; elle se promène dans mon corps entier, dans mon esprit, qui ne pense plus qu'à ceci : tuer ; dans mes yeux, qui ont besoin de regarder du sang, de voir mourir ; dans mes oreilles, où passe sans cesse quelque chose d'inconnu, d'horrible, de déchirant et d'affolant, comme le dernier cri d'un être ; dans mes jambes, où frissonne le désir d'aller, d'aller à l'endroit où la chose aura lieu ; dans mes mains, qui frémissent du besoin de tuer. Comme cela doit être bon, rare, digne d'un homme libre, au−dessus des autres, maître de son coeur et qui cherche des sensations raffinées ! 22 août. — Je ne pouvais plus résister. J'ai tué une petite bête pour essayer, pour commencer. Jean, mon domestique, avait un chardonneret dans une cage suspendue à la fenêtre de l'office. Je l'ai envoyé faire une course, et j'ai pris le petit oiseau dans ma main, dans ma main où je sentais battre son coeur. Il avait chaud. Je suis monté dans ma chambre. De temps en temps, je le serrais plus fort ; son coeur battait plus vite ; c'était atroce et délicieux. J'ai failli l'étouffer. Mais je n'aurais pas vu le sang. Alors j'ai pris des ciseaux, de courts ciseaux à ongles, et je lui ai coupé la gorge en trois coups, tout doucement. Il ouvrait le bec, il s'efforçait de m'échapper, mais je le tenais, oh ! je le tenais ; j'aurais tenu un dogue enragé et j'ai vu le sang couler. Comme c'est beau, rouge, luisant, clair, du sang ! J'avais envie de le boire. J'y ai trempé le bout de ma langue ! C'est bon. Mais il en avait si peu, ce pauvre petit oiseau ! Je n'ai pas eu le temps de jouir de cette vue comme j'aurais voulu. Ce doit être superbe de voir saigner un taureau. Et puis j'ai fait comme les assassins, comme les vrais. J'ai lavé les ciseaux, je me suis lavé les mains, j'ai jeté l'eau et j'ai porté le corps, le cadavre, dans le jardin pour l'enterrer. Je l'ai enfoui sous un fraisier. On ne le trouvera jamais. Je mangerai tous les jours une fraise à cette plante. Vraiment, comme on peut jouir de la vie, quand on sait ! Mon domestique a pleuré ; il croit son oiseau parti. Comment me soupçonnerait−il ! Ah ! ah !

25 août .— Il faut que je tue un homme ! Il le faut.

30 août. — C'est fait. Comme c'est peu de chose ! J'étais allé me promener dans le bois de Vernes. Je ne pensais à rien, non, à rien. Voilà un enfant dans le chemin, un petit garçon qui mangeait une tartine de beurre. Il s'arrête pour me voir passer et dit : «Bonjour, m'sieu le président.» Et la pensée m'entre dans la tête : «Si je le tuais ?» Je réponds :— Tu es tout seul, mon garçon ? — Oui, M'sieu. — Tout seul dans le bois ? — Oui, M'sieu. L'envie de le tuer me grisait comme de l'alcool. Je m'approchai tout doucement, persuadé qu'il allait s'enfuir. Et voilà que je le saisis à la gorge... Je le serre, je le serre de toute ma force ! Il m'a regardé avec des yeux effrayants ! Quels yeux ! Tout ronds, profonds, limpides, terribles ! Je n'ai jamais éprouvé une émotion si brutale... mais si courte ! Il tenait mes poignets dans ses petites mains, et son corps se tordait ainsi qu'une plume sur le feu. Puis il n'a plus remué. Mon coeur battait, ah ! le coeur de l'oiseau ! J'ai jeté le corps dans le fossé, puis de l'herbe par−dessus. Je suis rentré, j'ai bien dîné. Comme c'est peu de chose ! Le soir, j'étais très gai, léger, rajeuni, j'ai passé la soirée chez le préfet. On m'a trouvé spirituel. Mais je n'ai pas vu le sang ! Je suis tranquille.

30 août. — On a découvert le cadavre. On cherche l'assassin. Ah ! ah !

1er septembre.— On a arrêté deux rôdeurs. Les preuves manquent.

2 septembre. — Les parents sont venus me voir. Ils ont pleuré ! Ah ! ah !

6 octobre. — On n'a rien découvert. Quelque vagabond errant aura fait le coup. Ah ! ah !

Si j'avais vu le sang couler, il me semble que je serais tranquille à présent ! 10 octobre. — L'envie de tuer me court dans les moelles. Cela est comparable aux rages d'amour qui vous torturent à vingt ans. 20 octobre .— Encore un. J'allais le long du fleuve, après déjeuner. Et j'aperçus, sous un saule, un pêcheur endormi. Il était midi. Une bêche semblait, tout exprès, plantée dans un champ de pommes de terre voisin. Je la pris, je revins ; je la levai comme une massue et, d'un seul coup, par le tranchant, je fendis la tête du pêcheur. Oh ! il a saigné, celui−là ! Du sang rose, plein de cervelle ! Cela coulait dans l'eau, tout doucement. Et je suis parti d'un pas grave. Si on m'avait vu ! Ah ! ah !

j'aurais fait un excellent assassin. 25 octobre. — L'affaire du pêcheur soulève un grand bruit. On accuse du meurtre son neveu, qui pêchait avec lui.

26 octobre. — Le juge d'instruction affirme que le neveu est coupable. Tout le monde le croit par la ville. Ah ! ah !

27 octobre. — Le neveu se défend bien mal. Il était parti au village acheter du pain et du fromage, affirme−t−il. Il jure qu'on a tué son oncle pendant son absence ! Qui le croirait ?

28 octobre. — Le neveu a failli avouer, tant on lui fait perdre la tête ! Ah ! ah !

La justice !

15 novembre. — On a des preuves accablantes contre le neveu, qui devait hériter de son oncle. Je présiderai les assises.

15 janvier .— À mort ! à mort ! à mort ! Je l'ai fait condamner à mort ! Ah ! ah !

L'avocat général a parlé comme un ange ! Ah ! ah !

Encore un. J'irai le voir exécuter ! 10 mars. — C'est fini. On l'a guillotiné ce matin. Il est très bien mort ! très bien ! Cela m'a fait plaisir ! Comme c'est beau de voir trancher la tête d'un homme ! Le sang a jailli comme un flot, comme un flot ! Oh ! si j'avais pu, j'aurais voulu me baigner dedans. Quelle ivresse de me coucher là−dessous, de recevoir cela dans mes cheveux et sur mon visage, et de me relever tout rouge, tout rouge ! Ah ! si on savait ! Maintenant j'attendrai, je puis attendre. Il faudrait si peu de chose pour me laisser surprendre.

Le manuscrit contenait encore beaucoup de pages, mais sans relater aucun crime nouveau. Les médecins aliénistes à qui on l'a confié, affirment qu'il existe dans le monde beaucoup de fous ignorés, aussi adroits et aussi redoutables que ce monstrueux dément.

Un Fou Ein Narr A Fool Un tonto Een dwaas Um tolo

Il était mort chef d'un haut tribunal, magistrat intègre dont la vie irréprochable était citée dans toutes les cours de France. He had died the head of a high court, a magistrate of integrity whose irreproachable life was cited in all the courts of France. Había muerto el jefe de un alto tribunal, un magistrado íntegro cuya vida irreprochable era citada en todos los tribunales de Francia. Les avocats, les jeunes conseillers, les juges saluaient en s'inclinant très bas, par marque d'un profond respect, sa grande figure blanche et maigre qu'éclairaient deux yeux brillants et profonds. Lawyers, young councillors and judges bowed low in deep respect to his tall, lean, white face, lit by two deep, brilliant eyes. Il avait passé sa vie à poursuivre le crime et à protéger les faibles. Les escrocs et les meurtriers n'avaient point eu d'ennemi plus redoutable, car il semblait lire, au fond de leurs âmes, leurs pensées secrètes, et démêler, d'un coup d'oeil, tous les mystères de leurs intentions. Il était donc mort, à l'âge de quatre−vingt−deux ans, entouré d'hommages et poursuivi par les regrets de tout un peuple. Des soldats en culotte rouge l'avaient escorté jusqu'à sa tombe, et des hommes en cravate blanche avaient répandu sur son cercueil des paroles désolées et des larmes qui semblaient vraies. Soldados con calzones rojos le habían escoltado hasta su tumba, y hombres con corbata blanca habían rociado su ataúd con palabras desoladas y lágrimas que parecían reales. Or, voici l'étrange papier que le notaire, éperdu, découvrit dans le secrétaire où il avait coutume de serrer les dossiers des grands criminels. Cela portait pour titre : POURQUOI ?

20 juin 1851. — Je sors de la séance. J'ai fait condamner Blondel à mort ! ¡Hice que condenaran a muerte a Blondel! Pourquoi donc cet homme avait-il tué ses cinq enfants ? Pourquoi ? Souvent, on rencontre de ces gens chez qui détruire la vie est une volupté. A menudo te encuentras con personas para las que destruir la vida es un placer. Oui, oui, ce doit être une volupté, la plus grande de toutes peut-être ; car tuer n'est-il pas ce qui ressemble le plus à créer ? Sí, sí, debe ser un placer, el mayor de todos quizás; porque, ¿no es matar lo más parecido a crear? Faire et détruire ! ¡Hacer y destruir! Ces deux mots enferment l'histoire des univers, toute l'histoire des mondes, tout ce qui est, tout ! Pourquoi est-ce enivrant de tuer ? ¿Por qué matar es embriagador?

25 Juin. — Songer qu'un être est là qui vit, qui marche, qui court... Un être ? - Pensar que un ser está ahí, viviendo, caminando, corriendo... ¿Un ser? Qu'est-ce qu'un être ? ¿Qué es un ser? Cette chose animée, qui porte en elle le principe du mouvement et une volonté réglant ce mouvement ! ¡Esta cosa animada, que lleva en sí el principio del movimiento y una voluntad de regular ese movimiento! Elle ne tient à rien, cette chose. Esta cosa no se sostiene por sí misma. Ses pieds ne communiquent pas au sol. Sus pies no se comunican con el suelo. C'est un grain de vie qui remue sur la terre ; et ce grain de vie, venu je ne sais d'où, on peut le détruire comme on veut. Es un grano de vida que se agita en la tierra; y este grano de vida, procedente de quién sabe dónde, puede ser destruido a su antojo. Alors rien, plus rien. Entonces nada, nada más. Ça pourrit, c'est fini. 26 juin .— Pourquoi donc est-ce un crime de tuer ? 26 de junio - ¿Por qué es delito matar? oui, pourquoi ? C'est, au contraire, la loi de la nature. Tout être a pour mission de tuer : il tue pour vivre et il tue pour tuer. — Tuer est dans notre tempérament ; il faut tuer ! La bête tue sans cesse , tout le jour , à tout instant de son existence. La bestia mata sin cesar, todo el día, cada momento de su existencia. — L'homme tue sans cesse pour se nourrir, mais comme il a besoin de tuer aussi, par volupté, il a inventé la chasse ! L'enfant tue les insectes qu'il trouve, les petits oiseaux, tous les petits animaux qui lui tombent sous la main. Mais cela ne suffisait pas à l'irrésistible besoin de massacre qui est en nous. Ce n'est point assez de tuer la bête ; nous avons besoin aussi de tuer l'homme. No basta con matar a la bestia; también hay que matar al hombre. Autrefois, on satisfaisait ce besoin par des sacrifices humains. En el pasado, esta necesidad se satisfacía con sacrificios humanos. Aujourd'hui, la nécessité de vivre en société a fait du meurtre un crime. Hoy en día, la necesidad de vivir en sociedad ha convertido el asesinato en un delito. On condamne et on punit l'assassin ! ¡El asesino es condenado y castigado! Mais comme nous ne pouvons vivre sans nous livrer à cet instinct naturel et impérieux de mort, nous nous soulageons, de temps en temps, par des guerres où un peuple entier égorge un autre peuple. Pero como no podemos vivir sin satisfacer este instinto natural e imperioso de morir, nos aliviamos de vez en cuando librando guerras en las que todo un pueblo degüella a otro pueblo. C'est alors une débauche de sang, une débauche où s'affolent les armées et dont se grisent encore les bourgeois, les femmes et les enfants qui lisent, le soir, sous la lampe, le récit exalté des massacres. Es un libertinaje de sangre, un libertinaje en el que los ejércitos entran en pánico y la burguesía, las mujeres y los niños que leen los relatos exaltados de las masacres bajo la lámpara de la noche, aún se deleitan en él. Et on pourrait croire qu'on méprise ceux destinés à accomplir ces boucheries d'hommes ! ¡Y uno pensaría que despreciamos a los destinados a llevar a cabo esta carnicería de hombres! Non. On les accable d'honneurs ! ¡Les colmamos de honores! On les habille avec de l'or et des draps éclatants ; ils portent des plumes sur la tête, des ornements sur la poitrine ; et on leur donne des croix, des récompenses, des titres de toute nature. Ils sont fiers, respectés, aimés des femmes, acclamés par la foule, uniquement parce qu'ils ont pour mission de répandre le sang humain ! Son orgullosos, respetados, amados por las mujeres y vitoreados por las multitudes, ¡simplemente porque su misión es derramar sangre humana! Ils traînent par les rues leurs instruments de mort que le passant vêtu de noir regarde avec envie. Car tuer est la grande loi jetée par la nature au coeur de l'être ! ¡Porque matar es la gran ley que la naturaleza establece en el corazón mismo del ser! Il n'est rien de plus beau et de plus honorable que de tuer ! 30 juin. — Tuer est la loi ; parce que la nature aime l'éternelle jeunesse. Elle semble crier par tous ses actes inconscients : «Vite ! Parece gritar a través de todas sus acciones inconscientes: "¡Rápido! vite ! vite !» Plus elle détruit, plus elle se renouvelle. rápidamente". Cuanto más destruye, más renueva.

2 juillet .— L'être — qu'est-ce que l'être ? 2 de julio - Ser: ¿qué es ser? Tout et rien. Par la pensée, il est le reflet de tout. Par la mémoire et la science, il est un abrégé du monde, dont il porte l'histoire en lui. A través de la memoria y la ciencia, es un compendio del mundo, cuya historia lleva dentro. Miroir des choses et miroir des faits, chaque être humain devient un petit univers dans l'univers ! Espejo de las cosas y espejo de los hechos, ¡cada ser humano se convierte en un pequeño universo dentro del universo! Mais voyagez ; regardez grouiller les races, et l'homme n'est plus rien ! Pero viaja; mira cómo pululan las carreras, ¡y el hombre no es nada! plus rien, rien ! ¡Nada, nada! Montez en barque, éloignez-vous du rivage couvert de foule, et vous n'apercevez bientôt plus rien que la côte. Súbase a una barca, aléjese de la abarrotada orilla y pronto no verá más que la costa. L'être imperceptible disparaît, tant il est petit, insignifiant. Traversez l'Europe dans un train rapide, et regardez par la portière. Des hommes, des hommes, toujours des hommes, innombrables, inconnus, qui grouillent dans les champs, qui grouillent dans les rues ; des paysans stupides sachant tout juste retourner la terre ; des femmes hideuses sachant tout juste faire la soupe du mâle et enfanter. Hombres, hombres, siempre hombres, incontables, desconocidos, pululando por los campos, pululando por las calles; estúpidos campesinos sólo capaces de remover la tierra; horribles mujeres sólo capaces de hacer la sopa del macho y dar a luz. Allez aux Indes, allez en Chine, et vous verrez encore s'agiter des milliards d'êtres qui naissent, vivent et meurent sans laisser plus de trace que la fourmi écrasée sur les routes. Vaya a la India, vaya a China, y seguirá viendo miles de millones de personas que nacen, viven y mueren sin dejar más rastro que la hormiga aplastada en la carretera. Allez aux pays des noirs, gîtés en des cases de boue ; aux pays des Arabes blancs, abrités sous une toile brune qui flotte au vent, et vous comprendrez que l'être isolé, déterminé, n'est rien, rien. Ve a los países de los negros, acurrucados en chozas de barro; a los países de los árabes blancos, cobijados bajo una tela marrón que flota al viento, y comprenderás que el ser aislado y decidido no es nada, nada. La race est tout ? ¿La raza lo es todo? Qu'est−ce que l'être, l'être quelconque d'une tribu errante du désert ? ¿Qué es el ser, el ser ordinario de una tribu errante del desierto? Et ces gens, qui sont des sages, ne s'inquiètent pas de la mort. L'homme ne compte point chez eux. Para ellos, el hombre no cuenta nada. On tue son ennemi : c'est la guerre. Matas a tu enemigo: eso es la guerra. Cela se faisait ainsi jadis, de manoir à manoir, de province à province. Así era antes, de casa solariega en casa solariega, de provincia en provincia. Oui, traversez le monde et regardez grouiller les humains innombrables et inconnus. Sí, cruza el mundo y observa a los innumerables seres humanos desconocidos que pululan a tu alrededor. Inconnus ? Ah ! voilà le mot du problème ! ¡de eso se trata! Tuer est un crime parce que nous avons numéroté les êtres ! Quand ils naissent, on les inscrit, on les nomme, on les baptise. La loi les prend ! ¡La ley se los lleva! Voilà ! L'être qui n'est point enregistré ne compte pas : tuez−le dans la lande ou dans le désert, tuez−le dans la montagne ou dans la plaine, qu'importe ! El ser que no está registrado no cuenta: mátalo en el páramo o en el desierto, mátalo en la montaña o en la llanura, ¡qué más da! La nature aime la mort ; elle ne punit pas, elle ! La naturaleza ama la muerte; ¡no castiga! Ce qui est sacré, par exemple, c'est l'état civil. Lo sagrado, por ejemplo, es el estado civil. Voilà ! ¡Eso es! C'est lui qui défend l'homme. Es él quien defiende al hombre. L'être est sacré parce qu'il est inscrit à l'état civil ! Respect à l'état civil, le Dieu légal. Respeto del estado civil, el Dios legal. A genoux ! ¡De rodillas! L'État peut tuer, lui, parce qu'il a le droit de modifier l'état civil. El Estado puede matar, porque tiene derecho a cambiar el estado civil. Quand il a fait égorger deux cent mille hommes dans une guerre, il les raye sur son état civil, il les supprime par la main de ses greffiers. C'est fini. Mais nous, qui ne pouvons point changer les écritures des mairies, nous devons respecter la vie. État civil, glorieuse Divinité qui règnes dans les temples des municipalités, je te salue. Estado Civil, gloriosa Divinidad que reinas en los templos de los municipios, te saludo. Tu es plus fort que la Nature. Ah ! ah !

3 juillet. — Ce doit être un étrange et savoureux plaisir que de tuer, d'avoir là, devant soi, l'être vivant, pensant ; de faire dedans un petit trou, rien qu'un petit trou, de voir couler cette chose rouge qui est le sang, qui fait la vie, et de n'avoir plus, devant soi, qu'un tas de chair molle, froide, inerte, vide de pensée ! - Debe de ser un placer extraño y delicioso matar, tener delante a un ser vivo, pensante; hacerle un agujerito, sólo un agujerito, ver salir esa cosa roja que es la sangre, que es la vida, ¡y no tener delante más que un montón de carne blanda, fría, inerte, vacía de pensamiento! 5 août .— Moi qui ai passé mon existence à juger, à condamner, à tuer par des paroles prononcées, à tuer par la guillotine ceux qui avaient tué par le couteau, moi ! 5 de agosto - Yo, que me he pasado la vida juzgando, condenando, matando con palabras dichas, matando con la guillotina a los que habían matado con cuchillos, ¡yo! moi ! si je faisais comme tous les assassins que j'ai frappés, moi ! ¡si lo hiciera como todos los asesinos a los que he golpeado! moi ! qui le saurait ? ¿quién lo sabría?

10 août .— Qui le saurait jamais ? Me soupçonnerait−on, moi, moi, surtout si je choisis un être que je n'ai aucun intérêt à supprimer ? ¿Sería yo mismo sospechoso, sobre todo si eligiera un ser que no tengo ningún interés en suprimir? 15 août .— La tentation ! La tentation, elle est entrée en moi comme un ver qui rampe. La tentación se me metió dentro como un gusano. Elle rampe, elle va ; elle se promène dans mon corps entier, dans mon esprit, qui ne pense plus qu'à ceci : tuer ; dans mes yeux, qui ont besoin de regarder du sang, de voir mourir ; dans mes oreilles, où passe sans cesse quelque chose d'inconnu, d'horrible, de déchirant et d'affolant, comme le dernier cri d'un être ; dans mes jambes, où frissonne le désir d'aller, d'aller à l'endroit où la chose aura lieu ; dans mes mains, qui frémissent du besoin de tuer. Se arrastra, se va; se pasea por todo mi cuerpo, por mi mente, que no puede pensar en otra cosa que en matar; por mis ojos, que necesitan mirar la sangre, ver la muerte; por mis oídos, donde suena sin cesar algo desconocido, horrible, desgarrador y espantoso, como el último grito de un ser; por mis piernas, donde tiembla el deseo de ir, de ir al lugar donde tendrá lugar la cosa; por mis manos, que tiemblan por la necesidad de matar. Comme cela doit être bon, rare, digne d'un homme libre, au−dessus des autres, maître de son coeur et qui cherche des sensations raffinées ! ¡Qué bueno debe ser, qué raro, qué digno de un hombre libre, por encima de todos los demás, dueño de su corazón y buscador de sensaciones refinadas! 22 août. — Je ne pouvais plus résister. J'ai tué une petite bête pour essayer, pour commencer. Jean, mon domestique, avait un chardonneret dans une cage suspendue à la fenêtre de l'office. Jean, mi criada, tenía un jilguero en una jaula colgada de la ventana de la despensa. Je l'ai envoyé faire une course, et j'ai pris le petit oiseau dans ma main, dans ma main où je sentais battre son coeur. Le envié a hacer un recado y cogí al pajarito en mi mano, en mi mano donde podía sentir latir su corazón. Il avait chaud. Estaba caliente. Je suis monté dans ma chambre. De temps en temps, je le serrais plus fort ; son coeur battait plus vite ; c'était atroce et délicieux. J'ai failli l'étouffer. Casi lo ahogo. Mais je n'aurais pas vu le sang. Alors j'ai pris des ciseaux, de courts ciseaux à ongles, et je lui ai coupé la gorge en trois coups, tout doucement. Il ouvrait le bec, il s'efforçait de m'échapper, mais je le tenais, oh ! Abrió el pico e intentó escapar de mí, pero le sujeté, ¡oh! je le tenais ; j'aurais tenu un dogue enragé et j'ai vu le sang couler. Lo sostuve; habría sostenido a un perro rabioso y vi correr la sangre. Comme c'est beau, rouge, luisant, clair, du sang ! J'avais envie de le boire. Quería bebérmelo. J'y ai trempé le bout de ma langue ! ¡Mojé la punta de mi lengua en él! C'est bon. Mais il en avait si peu, ce pauvre petit oiseau ! ¡Pero el pobre pajarito tenía tan poco! Je n'ai pas eu le temps de jouir de cette vue comme j'aurais voulu. No tuve tiempo de disfrutar de las vistas tanto como me hubiera gustado. Ce doit être superbe de voir saigner un taureau. Et puis j'ai fait comme les assassins, comme les vrais. Y entonces hice lo que hacen los asesinos, como los de verdad. J'ai lavé les ciseaux, je me suis lavé les mains, j'ai jeté l'eau et j'ai porté le corps, le cadavre, dans le jardin pour l'enterrer. Je l'ai enfoui sous un fraisier. Lo enterré bajo una planta de fresas. On ne le trouvera jamais. Je mangerai tous les jours une fraise à cette plante. Vraiment, comme on peut jouir de la vie, quand on sait ! De verdad, ¡cómo podemos disfrutar de la vida cuando sabemos lo que hacemos! Mon domestique a pleuré ; il croit son oiseau parti. Comment me soupçonnerait−il ! ¡Cómo pudo sospechar de mí! Ah ! ah !

25 août .— Il faut que je tue un homme ! Il le faut. Tiene que serlo.

30 août. — C'est fait. - Ya lo hemos hecho. Comme c'est peu de chose ! ¡Qué poca cosa! J'étais allé me promener dans le bois de Vernes. Je ne pensais à rien, non, à rien. Voilà un enfant dans le chemin, un petit garçon qui mangeait une tartine de beurre. Il s'arrête pour me voir passer et dit : «Bonjour, m'sieu le président.» Et la pensée m'entre dans la tête : «Si je le tuais ?» Je réponds :— Tu es tout seul, mon garçon ? Se detiene a verme pasar y me dice: "Buenos días, señor Presidente". Y el pensamiento entra en mi cabeza: "¿Y si le mato?". Le respondo: "¿Estás solo, muchacho? — Oui, M'sieu. — Tout seul dans le bois ? — Oui, M'sieu. L'envie de le tuer me grisait comme de l'alcool. El deseo de matarlo me embriagaba como el alcohol. Je m'approchai tout doucement, persuadé qu'il allait s'enfuir. Me acerqué suavemente, convencido de que huiría. Et voilà que je le saisis à la gorge... Je le serre, je le serre de toute ma force ! Y entonces lo agarro por el cuello... ¡Le aprieto, le aprieto con todas mis fuerzas! Il m'a regardé avec des yeux effrayants ! Quels yeux ! Tout ronds, profonds, limpides, terribles ! Je n'ai jamais éprouvé une émotion si brutale... mais si courte ! Nunca había experimentado una emoción tan brutal... ¡pero duró tan poco! Il tenait mes poignets dans ses petites mains, et son corps se tordait ainsi qu'une plume sur le feu. Me sujetó las muñecas con sus pequeñas manos y su cuerpo se retorció como una pluma sobre el fuego. Puis il n'a plus remué. Entonces dejó de moverse. Mon coeur battait, ah ! le coeur de l'oiseau ! J'ai jeté le corps dans le fossé, puis de l'herbe par−dessus. Je suis rentré, j'ai bien dîné. Comme c'est peu de chose ! Le soir, j'étais très gai, léger, rajeuni, j'ai passé la soirée chez le préfet. On m'a trouvé spirituel. Mais je n'ai pas vu le sang ! Je suis tranquille.

30 août. — On a découvert le cadavre. On cherche l'assassin. Ah ! ah !

1er septembre.— On a arrêté deux rôdeurs. Les preuves manquent.

2 septembre. — Les parents sont venus me voir. Ils ont pleuré ! Ah ! ah !

6 octobre. — On n'a rien découvert. - No se descubrió nada. Quelque vagabond errant aura fait le coup. Algún vagabundo errante lo habrá hecho. Ah ! ah !

Si j'avais vu le sang couler, il me semble que je serais tranquille à présent ! ¡Si hubiera visto la sangre, creo que ahora estaría a salvo! 10 octobre. — L'envie de tuer me court dans les moelles. - El impulso de matar corre por mis venas. Cela est comparable aux rages d'amour qui vous torturent à vingt ans. Es comparable a las rabietas de amor que te torturan cuando tienes veinte años. 20 octobre .— Encore un. 20 de octubre - Otro más. J'allais le long du fleuve, après déjeuner. Solía pasear junto al río después de comer. Et j'aperçus, sous un saule, un pêcheur endormi. Y bajo un sauce vi a un pescador dormido. Il était midi. Une bêche semblait, tout exprès, plantée dans un champ de pommes de terre voisin. Una pala parecía haber sido plantada deliberadamente en un campo de patatas cercano. Je la pris, je revins ; je la levai comme une massue et, d'un seul coup, par le tranchant, je fendis la tête du pêcheur. La cogí y volví; la levanté como un garrote y, de un solo golpe, le abrí la cabeza al pescador. Oh ! il a saigné, celui−là ! ¡Esa sangró! Du sang rose, plein de cervelle ! Cela coulait dans l'eau, tout doucement. Et je suis parti d'un pas grave. Y me fui con paso serio. Si on m'avait vu ! ¡Si alguien me hubiera visto! Ah ! ah !

j'aurais fait un excellent assassin. Habría sido un excelente asesino. 25 octobre. — L'affaire du pêcheur soulève un grand bruit. - El caso del pescador causó un gran revuelo. On accuse du meurtre son neveu, qui pêchait avec lui. Su sobrino, que estaba pescando con él, fue acusado del asesinato.

26 octobre. — Le juge d'instruction affirme que le neveu est coupable. Tout le monde le croit par la ville. Ah ! ah !

27 octobre. — Le neveu se défend bien mal. - El sobrino no se resiste mucho. Il était parti au village acheter du pain et du fromage, affirme−t−il. Había ido al pueblo a comprar pan y queso", dice. Il jure qu'on a tué son oncle pendant son absence ! Qui le croirait ?

28 octobre. — Le neveu a failli avouer, tant on lui fait perdre la tête ! - El sobrino estuvo a punto de confesar, ¡tanto que perdió la cabeza! Ah ! ah !

La justice !

15 novembre. — On a des preuves accablantes contre le neveu, qui devait hériter de son oncle. Je présiderai les assises. Yo presidiré la conferencia.

15 janvier .— À mort ! ¡15 de enero - À mort! à mort ! ¡à mort! à mort ! Je l'ai fait condamner à mort ! ¡Hice que lo condenaran a muerte! Ah ! ah !

L'avocat général a parlé comme un ange ! Ah ! ah !

Encore un. J'irai le voir exécuter ! 10 mars. — C'est fini. On l'a guillotiné ce matin. Il est très bien mort ! très bien ! Cela m'a fait plaisir ! Comme c'est beau de voir trancher la tête d'un homme ! Le sang a jailli comme un flot, comme un flot ! La sangre brotó como un torrente, ¡como un torrente! Oh ! si j'avais pu, j'aurais voulu me baigner dedans. si hubiera podido, me habría gustado nadar en él. Quelle ivresse de me coucher là−dessous, de recevoir cela dans mes cheveux et sur mon visage, et de me relever tout rouge, tout rouge ! Qué embriaguez acostarme allí, recibirlo en el pelo y en la cara, y levantarme toda roja, ¡toda roja! Ah ! si on savait ! ¡si lo supiéramos! Maintenant j'attendrai, je puis attendre. Ahora esperaré, puedo esperar. Il faudrait si peu de chose pour me laisser surprendre. Haría falta tan poco para sorprenderme.

Le manuscrit contenait encore beaucoup de pages, mais sans relater aucun crime nouveau. Les médecins aliénistes à qui on l'a confié, affirment qu'il existe dans le monde beaucoup de fous ignorés, aussi adroits et aussi redoutables que ce monstrueux dément. Los médicos dementes a los que ha sido confiado afirman que hay muchos locos desconocidos en el mundo, tan listos y tan formidables como este monstruoso lunático.