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Le Mystère de la chambre jaune, Chapitre 12. La canne de Frédéric Larsan

Chapitre 12. La canne de Frédéric Larsan

Chapitre 12. La canne de Frédéric Larsan

Je ne me disposai à quitter le château que vers six heures du soir, emportant l'article que mon ami avait écrit à la hâte dans le petit salon que M. Robert Darzac avait fait mettre à notre disposition. Le reporter devait coucher au château, usant de cette inexplicable hospitalité que lui avait offerte M. Robert Darzac, sur qui M. Stangerson, en ces tristes moments, se reposait de tous les tracas domestiques. Néanmoins il voulut m'accompagner jusqu'à la gare d'Épinay. En traversant le parc, il me dit :

« Frédéric Larsan est réellement très fort et n'a pas volé sa réputation. Vous savez comment il est arrivé à retrouver les souliers du père Jacques ! Près de l'endroit où nous avons remarqué les traces des « pas élégants » et la disparition des empreintes des gros souliers, un creux rectangulaire dans la terre fraîche attestait qu'il y avait eu là, récemment, une pierre. Larsan rechercha cette pierre sans la trouver et imagina tout de suite qu'elle avait servi à l'assassin à maintenir au fond de l'étang les souliers dont l'homme voulait se débarrasser. Le calcul de Fred était excellent et le succès de ses recherches l'a prouvé. Ceci m'avait échappé ; mais il est juste de dire que mon esprit était déjà parti par ailleurs, car, par le trop grand nombre de faux témoignages de son passage laissé par l'assassin et par la mesure des pas noirs correspondant à la mesure des pas du père Jacques, que j'ai établie sans qu'il s'en doutât sur le plancher de la « Chambre Jaune », la preuve était déjà faite, à mes yeux, que l'assassin avait voulu détourner le soupçon du côté de ce vieux serviteur. C'est ce qui m'a permis de dire à celui-ci, si vous vous le rappelez, que, puisque l'on avait trouvé un béret dans cette chambre fatale, il devait ressembler au sien, et de lui faire une description du mouchoir en tous points semblable à celui dont je l'avais vu se servir. Larsan et moi, nous sommes d'accord jusque-là, mais nous ne le sommes plus à partir de là, ET CELA VA ÊTRE TERRIBLE, car il marche de bonne foi à une erreur qu'il va me falloir combattre avec rien ! Je fus surpris de l'accent profondément grave dont mon jeune ami prononça ces dernières paroles.

Il répéta encore :

« OUI, TERRIBLE, TERRIBLE !... Mais est-ce vraiment ne combattre avec rien, que de combattre « avec l'idée » !

À ce moment nous passions derrière le château. La nuit était tombée. Une fenêtre au premier étage était entrouverte. Une faible lueur en venait, ainsi que quelques bruits qui fixèrent notre attention. Nous avançâmes jusqu'à ce que nous ayons atteint l'encoignure d'une porte qui se trouvait sous la fenêtre. Rouletabille me fit comprendre d'un mot prononcé à voix basse que cette fenêtre donnait sur la chambre de Mlle Stangerson. Les bruits qui nous avaient arrêtés se turent, puis reprirent un instant. C'étaient des gémissements étouffés... nous ne pouvions saisir que trois mots qui nous arrivaient distinctement : « Mon pauvre Robert ! » Rouletabille me mit la main sur l'épaule, se pencha à mon oreille :

« Si nous pouvions savoir, me dit-il, ce qui se dit dans cette chambre, mon enquête serait vite terminée... »

Il regarda autour de lui ; l'ombre du soir nous enveloppait ; nous ne voyions guère plus loin que l'étroite pelouse bordée d'arbres qui s'étendait derrière le château. Les gémissements s'étaient tus à nouveau.

« Puisqu'on ne peut pas entendre, continua Rouletabille, on va au moins essayer de voir... »

Et il m'entraîna, en me faisant signe d'étouffer le bruit de mes pas, au delà de la pelouse jusqu'au tronc pâle d'un fort bouleau dont on apercevait la ligne blanche dans les ténèbres. Ce bouleau s'élevait juste en face de la fenêtre qui nous intéressait et ses premières branches étaient à peu près à hauteur du premier étage du château. Du haut de ces branches on pouvait certainement voir ce qui se passait dans la chambre de Mlle Stangerson ; et telle était bien la pensée de Rouletabille, car, m'ayant ordonné de me tenir coi, il embrassa le tronc de ses jeunes bras vigoureux et grimpa. Il se perdit bientôt dans les branches, puis il y eut un grand silence.

Là-bas, en face de moi, la fenêtre entrouverte était toujours éclairée. Je ne vis passer sur cette lueur aucune ombre. L'arbre, au-dessus de moi, restait silencieux ; j'attendais ; tout à coup mon oreille perçut, dans l'arbre, ces mots :

« Après vous ! ...

— Après vous, je vous en prie ! On dialoguait, là-haut, au-dessus de ma tête... on se faisait des politesses, et quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir apparaître, sur la colonne lisse de l'arbre, deux formes humaines qui bientôt touchèrent le sol ! Rouletabille était monté là tout seul et redescendait « deux ! « Bonjour, monsieur Sainclair ! C'était Frédéric Larsan... Le policier occupait déjà le poste d'observation quand mon jeune ami croyait y arriver solitaire... Ni l'un ni l'autre, du reste, ne s'occupèrent de mon étonnement. Je crus comprendre qu'ils avaient assisté du haut de leur observatoire à une scène pleine de tendresse et de désespoir entre Mlle Stangerson, étendue dans son lit, et M. Darzac à genoux à son chevet. Et déjà chacun semblait en tirer fort prudemment des conclusions différentes. Il était facile de deviner que cette scène avait produit un gros effet dans l'esprit de Rouletabille, « en faveur de M. Robert Darzac », cependant que, dans celui de Larsan, elle n'attestait qu'une parfaite hypocrisie servie par un art supérieur chez le fiancé de Mlle Stangerson...

Comme nous arrivions à la grille du parc, Larsan nous arrêta :

« Ma canne ! s'écria-t-il...

— Vous avez oublié votre canne ? demanda Rouletabille.

— Oui, répondit le policier... Je l'ai laissée là-bas, auprès de l'arbre... »

Et il nous quitta, disant qu'il allait nous rejoindre tout de suite...

« Avez-vous remarqué la canne de Frédéric Larsan ? me demanda le reporter quand nous fûmes seuls. C'est une canne toute neuve... que je ne lui ai jamais vue... Il a l'air d'y tenir beaucoup... il ne la quitte pas... On dirait qu'il a peur qu'elle ne soit tombée dans des mains étrangères... Avant ce jour, je n'ai jamais vu de canne à Frédéric Larsan... Où a-t-il trouvé cette canne-là ? Ça n'est pas naturel qu'un homme qui ne porte jamais de canne ne fasse plus un pas sans canne, au lendemain du crime du Glandier... Le jour de notre arrivée au château, quand il nous eut aperçus, il remit sa montre dans sa poche et ramassa par terre sa canne, geste auquel j'eus peut-être tort de n'attacher aucune importance ! Nous étions maintenant hors du parc ; Rouletabille ne disait rien... Sa pensée, certainement, n'avait pas quitté la canne de Frédéric Larsan. J'en eus la preuve quand, en descendant la côte d'Épinay, il me dit :

« Frédéric Larsan est arrivé au Glandier avant moi ; il a commencé son enquête avant moi ; il a eu le temps de savoir des choses que je ne sais pas et a pu trouver des choses que je ne sais pas... Où a-t-il trouvé cette canne-là ? ...

Et il ajouta :

« Il est probable que son soupçon — plus que son soupçon, son raisonnement — qui va aussi directement à Robert Darzac, doit être servi par quelque chose de palpable qu'il palpe, « lui », et que je ne palpe pas, moi... Serait-ce cette canne ? ... Où diable a-t-il pu trouver cette canne-là ? ... »

À Épinay, il fallut attendre le train vingt minutes ; nous entrâmes dans un cabaret. Presque aussitôt, derrière nous, la porte se rouvrait et Frédéric Larsan faisait son apparition, brandissant la fameuse canne...

« Je l'ai retrouvée ! » nous fit-il en riant.

Tous trois nous nous assîmes à une table. Rouletabille ne quittait pas des yeux la canne ; il était si absorbé qu'il ne vit pas un signe d'intelligence que Larsan adressait à un employé du chemin de fer, un tout jeune homme dont le menton s'ornait d'une petite barbiche blonde mal peignée. L'employé se leva, paya sa consommation, salua et sortit. Je n'aurais moi-même attaché aucune importance à ce signe s'il ne m'était revenu à la mémoire quelques mois plus tard, lors de la réapparition de la barbiche blonde à l'une des minutes les plus tragiques de ce récit. J'appris alors que la barbiche blonde était un agent de Larsan, chargé par lui de surveiller les allées et venues des voyageurs en gare d'Épinay- sur-Orge, car Larsan ne négligeait rien de ce qu'il croyait pouvoir lui être utile.

Je reportai les yeux sur Rouletabille.

« Ah ça ! monsieur Fred ! disait-il, depuis quand avez-vous donc une canne ? ... Je vous ai toujours vu vous promener, moi, les mains dans les poches ! ...

— C'est un cadeau qu'on m'a fait, répondit le policier...

— Il n'y a pas longtemps, insista Rouletabille...

— Non, on me l'a offerte à Londres...

— C'est vrai, vous revenez de Londres, monsieur Fred... On peut la voir, votre canne ? ...

— Mais, comment donc ? ... »

Fred passa la canne à Rouletabille. C'était une grande canne bambou jaune à bec de corbin, ornée d'une bague d'or.

Rouletabille l'examinait minutieusement.

« Eh bien, fit-il, en relevant une tête gouailleuse, on vous a offert à Londres une canne de France !

— C'est possible, fit Fred, imperturbable...

— Lisez la marque ici en lettres minuscules : « Cassette, 6 bis, opéra... »

— On fait bien blanchir son linge à Londres, dit Fred... les anglais peuvent bien acheter leurs cannes à Paris... »

Rouletabille rendit la canne. Quand il m'eut mis dans mon compartiment, il me dit :

« Vous avez retenu l'adresse ?

— Oui, « Cassette, 6 bis, Opéra... » Comptez sur moi, vous recevrez un mot demain matin. Le soir même, en effet, à Paris, je voyais M. Cassette, marchand de cannes et de parapluies, et j'écrivais à mon ami : « Un homme répondant à s'y méprendre au signalement de M. Robert Darzac, même taille, légèrement voûté, même collier de barbe, pardessus mastic, chapeau melon, est venu acheter une canne pareille à celle qui nous intéresse le soir même du crime, vers huit heures.

M. Cassette n'en a point vendu de semblable depuis deux ans. La canne de Fred est neuve. Il s'agit donc bien de celle qu'il a entre les mains. Ce n'est pas lui qui l'a achetée puisqu'il se trouvait alors à Londres. Comme vous, je pense « qu'il l'a trouvée quelque part autour de M. Robert Darzac... » Mais alors, si, comme vous le prétendez, l'assassin était dans la « Chambre Jaune » depuis cinq heures, ou même six heures, comme le drame n'a eu lieu que vers minuit, l'achat de cette canne procure un alibi irréfutable à M. Robert Darzac.


Chapitre 12. Chapter 12. Frédéric Larsan's cane Capítulo 12. El bastón de Frédéric Larsan 第12章.フレデリック・ラーサンのステッキ Capítulo 12. A bengala de Frédéric Larsan Kapitel 12. Frédéric Larsans promenadkäpp 第12章 弗雷德里克·拉桑的手杖 La canne de Frédéric Larsan

Chapitre 12. La canne de Frédéric Larsan

Je ne me disposai à quitter le château que vers six heures du soir, emportant l’article que mon ami avait écrit à la hâte dans le petit salon que M. Robert Darzac avait fait mettre à notre disposition. I did not prepare to leave the chateau until about six o'clock in the evening, taking the article which my friend had hastily written in the small drawing-room which M. Robert Darzac had placed at our disposal. Só me preparei para sair do castelo por volta das seis da tarde, levando o artigo que meu amigo escrevera às pressas na pequena sala de estar que o sr. Robert Darzac colocara à nossa disposição. Le reporter devait coucher au château, usant de cette inexplicable hospitalité que lui avait offerte M. Robert Darzac, sur qui M. Stangerson, en ces tristes moments, se reposait de tous les tracas domestiques. The reporter was to sleep at the chateau, making use of that inexplicable hospitality offered to him by Mr. Robert Darzac, on whom Mr. Stangerson, in these sad moments, rested from all domestic troubles. El reportero iba a pasar la noche en el château, haciendo uso de la inexplicable hospitalidad que le ofrecía Robert Darzac, con quien el señor Stangerson, en este triste momento, se tomaba un descanso de todas las preocupaciones domésticas. Néanmoins il voulut m’accompagner jusqu’à la gare d’Épinay. Nevertheless he wanted to accompany me to the station at Épinay. En traversant le parc, il me dit :

« Frédéric Larsan est réellement très fort et n’a pas volé sa réputation. "Frédéric Larsan ist wirklich sehr stark und hat seinen Ruf nicht gestohlen. “Frédéric Larsan is really very strong and has not stolen his reputation. “Frédéric Larsan é realmente muito forte e não roubou sua reputação. Vous savez comment il est arrivé à retrouver les souliers du père Jacques ! You know how he came to find Father Jacques' shoes! Près de l’endroit où nous avons remarqué les traces des « pas élégants » et la disparition des empreintes des gros souliers, un creux rectangulaire dans la terre fraîche attestait qu’il y avait eu là, récemment, une pierre. Near the place where we noticed the traces of the "elegant footsteps" and the disappearance of the imprints of the big shoes, a rectangular hollow in the cool earth attested that there had been a stone there recently. Larsan rechercha cette pierre sans la trouver et imagina tout de suite qu’elle avait servi à l’assassin à maintenir au fond de l’étang les souliers dont l’homme voulait se débarrasser. Larsan searched for this stone without finding it and immediately imagined that it had been used by the assassin to maintain at the bottom of the pond the shoes which the man wanted to get rid of. Larsan procurou esta pedra sem encontrá-la e imediatamente imaginou que ela havia sido usada pelo assassino para guardar os sapatos que o homem queria se livrar no fundo do lago. Ларсан искал этот камень, но не нашел его, и тут же представил, что он использовался убийцей для хранения обуви, от которой мужчина хотел избавиться, на дне пруда. Le calcul de Fred était excellent et le succès de ses recherches l’a prouvé. Ceci m’avait échappé ; mais il est juste de dire que mon esprit était déjà parti par ailleurs, car, par le trop grand nombre de faux témoignages de son passage laissé par l’assassin et par la mesure des pas noirs correspondant à la mesure des pas du père Jacques, que j’ai établie sans qu’il s’en doutât sur le plancher de la « Chambre Jaune », la preuve était déjà faite, à mes yeux, que l’assassin avait voulu détourner le soupçon du côté de ce vieux serviteur. This had escaped me; but it is fair to say that my mind was already gone elsewhere, because, by the too great number of false testimonies of its passage left by the assassin and by the measurement of the black steps corresponding to the measurement of the steps of the father Jacques, which I established without his suspecting it on the floor of the "Yellow Room", the proof was already made, in my eyes, that the assassin had wanted to divert the suspicion on the side of this old servant. C’est ce qui m’a permis de dire à celui-ci, si vous vous le rappelez, que, puisque l’on avait trouvé un béret dans cette chambre fatale, il devait ressembler au sien, et de lui faire une description du mouchoir en tous points semblable à celui dont je l’avais vu se servir. This is what enabled me to say to this one, if you remember it, that, since a beret had been found in this fatal room, it must have resembled his, and to give him a description of the handkerchief in every way similar to the one I had seen him use. Isso é o que me permitiu dizer a este, se você se lembra, que, uma vez que uma boina foi encontrada nesta sala fatal, deve ter se parecido com a dele, e dar-lhe uma descrição do lenço em todos os aspectos semelhante ao um que eu o tinha visto usar. Larsan et moi, nous sommes d’accord jusque-là, mais nous ne le sommes plus à partir de là, ET CELA VA ÊTRE TERRIBLE, car il marche de bonne foi à une erreur qu’il va me falloir combattre avec rien ! Larsan and I are in agreement so far, but we're not okay from there, AND THAT'S GOING TO BE TERRIBLE, because he is walking in good faith at a mistake that I'm going to have to fight with nothing! Larsan e eu concordamos até agora, mas não estamos bem a partir daí, E ISTO VAI SER TERRÍVEL, porque ele está caminhando de boa fé para um erro que terei que lutar sem nada! Je fus surpris de l’accent profondément grave dont mon jeune ami prononça ces dernières paroles. I was surprised at the deeply grave accent with which my young friend uttered these last words.

Il répéta encore :

« OUI, TERRIBLE, TERRIBLE !... Mais est-ce vraiment ne combattre avec rien, que de combattre « avec l’idée » ! But is it really to fight with nothing to fight "with the idea"!

À ce moment nous passions derrière le château. At this point we were passing behind the castle. La nuit était tombée. Une fenêtre au premier étage était entrouverte. Une faible lueur en venait, ainsi que quelques bruits qui fixèrent notre attention. A faint glow came from it, as well as a few noises that caught our attention. Nous avançâmes jusqu’à ce que nous ayons atteint l’encoignure d’une porte qui se trouvait sous la fenêtre. We moved on until we reached the corner of a door that was under the window. Avanzamos hasta llegar a la esquina de una puerta situada bajo la ventana. Rouletabille me fit comprendre d’un mot prononcé à voix basse que cette fenêtre donnait sur la chambre de Mlle Stangerson. Rouletabille made me understand, in a whispered voice, that this window overlooked Mlle Stangerson's room. Rouletabille me fez entender, em uma voz sussurrada, que aquela janela dava para o quarto de Mlle Stangerson. Les bruits qui nous avaient arrêtés se turent, puis reprirent un instant. Шумы, которые нас останавливали, стихли, а затем на мгновение возобновились. C’étaient des gémissements étouffés... nous ne pouvions saisir que trois mots qui nous arrivaient distinctement : « Mon pauvre Robert ! They were muffled moans ... we could only catch three words that came to us distinctly: "My poor Robert!" » Rouletabille me mit la main sur l’épaule, se pencha à mon oreille :

« Si nous pouvions savoir, me dit-il, ce qui se dit dans cette chambre, mon enquête serait vite terminée... » "If we could find out," he said to me, "what is being said in this room, my investigation would soon be over ..."

Il regarda autour de lui ; l’ombre du soir nous enveloppait ; nous ne voyions guère plus loin que l’étroite pelouse bordée d’arbres qui s’étendait derrière le château. He looked around ; the evening shadow enveloped us; we couldn't see much beyond the narrow tree-lined lawn that stretched behind the castle. Les gémissements s’étaient tus à nouveau.

« Puisqu’on ne peut pas entendre, continua Rouletabille, on va au moins essayer de voir... » "Since we cannot hear," continued Rouletabille, "we will at least try to see ..."

Et il m’entraîna, en me faisant signe d’étouffer le bruit de mes pas, au delà de la pelouse jusqu’au tronc pâle d’un fort bouleau dont on apercevait la ligne blanche dans les ténèbres. And he led me away, beckoning me to muffle the sound of my steps, beyond the lawn to the pale trunk of a strong birch whose white line could be seen in the darkness. E ele me levou embora, acenando para eu abafar o som dos meus passos, além do gramado para o tronco claro de uma bétula forte, cuja linha branca podia ser vista na escuridão. И он увлек меня за собой, подзывая, чтобы я заглушил звук моих шагов, за лужайку к бледному стволу крепкой березы, белую линию которой можно было разглядеть в темноте. Ce bouleau s’élevait juste en face de la fenêtre qui nous intéressait et ses premières branches étaient à peu près à hauteur du premier étage du château. This birch tree rose just in front of the window that interested us and its first branches were about the height of the first story of the castle. Esta bétula erguia-se mesmo à frente da janela que nos interessava e os seus primeiros ramos eram mais ou menos da altura do primeiro andar do castelo. Du haut de ces branches on pouvait certainement voir ce qui se passait dans la chambre de Mlle Stangerson ; et telle était bien la pensée de Rouletabille, car, m’ayant ordonné de me tenir coi, il embrassa le tronc de ses jeunes bras vigoureux et grimpa. From the top of these branches one could certainly see what was going on in Miss Stangerson's room; and that was Rouletabille's idea, for, having ordered me to keep quiet, he kissed the trunk of his vigorous young arms and climbed up. С вершины этих ветвей было определенно видно, что происходило в комнате мисс Стэнджерсон; Такова была мысль Рультабия, потому что, приказав мне молчать, он обнял хобот своих молодых энергичных рук и полез наверх. Il se perdit bientôt dans les branches, puis il y eut un grand silence.

Là-bas, en face de moi, la fenêtre entrouverte était toujours éclairée. Je ne vis passer sur cette lueur aucune ombre. I did not see any shadow pass over this light. L’arbre, au-dessus de moi, restait silencieux ; j’attendais ; tout à coup mon oreille perçut, dans l’arbre, ces mots : The tree above me was silent; I was waiting ; suddenly my ear heard, in the tree, these words: A árvore acima de mim estava silenciosa; Eu estava esperando ; de repente meu ouvido ouviu, na árvore, estas palavras: Дерево надо мной молчало; Я ждал ; Вдруг мое ухо услышало в дереве эти слова:

« Après vous ! " After you ! ... ...

— Après vous, je vous en prie ! - After you, please! On dialoguait, là-haut, au-dessus de ma tête... on se faisait des politesses, et quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir apparaître, sur la colonne lisse de l’arbre, deux formes humaines qui bientôt touchèrent le sol ! We were talking, up there, above my head ... we were paying each other courtesies, and what was my amazement to see appear, on the smooth column of the tree, two human forms which soon touched the ground ! Estávamos conversando, lá em cima, por cima da minha cabeça ... prestando-nos cortesias, e que espanto foi meu ver aparecer, na coluna lisa da árvore, duas formas humanas que logo tocaram o chão! Мы разговаривали там, наверху, над моей головой ... мы оказывали друг другу любезности, и каково было мое удивление, когда на гладкой колонне дерева появились две человеческие формы, которые вскоре коснулись земли! Rouletabille était monté là tout seul et redescendait « deux ! Rouletabille had gone up there alone and was coming down "two!" « Bonjour, monsieur Sainclair ! C’était Frédéric Larsan... Le policier occupait déjà le poste d’observation quand mon jeune ami croyait y arriver solitaire... Ni l’un ni l’autre, du reste, ne s’occupèrent de mon étonnement. It was Frédéric Larsan ... The policeman was already occupying the observation post when my young friend thought he was getting there alone ... Neither one nor the other, moreover, took care of my astonishment. Je crus comprendre qu’ils avaient assisté du haut de leur observatoire à une scène pleine de tendresse et de désespoir entre Mlle Stangerson, étendue dans son lit, et M. Darzac à genoux à son chevet. I thought I understood that they had witnessed from the top of their observatory a scene full of tenderness and despair between Miss Stangerson, lying in her bed, and M. Darzac on his knees at his bedside. Achei ter entendido que eles haviam testemunhado do alto de seu observatório uma cena cheia de ternura e desespero entre Mlle Stangerson, estendida em sua cama, e M. Darzac ajoelhado ao lado dela. Et déjà chacun semblait en tirer fort prudemment des conclusions différentes. And already everyone seemed to be drawing different conclusions very carefully. Il était facile de deviner que cette scène avait produit un gros effet dans l’esprit de Rouletabille, « en faveur de M. Robert Darzac », cependant que, dans celui de Larsan, elle n’attestait qu’une parfaite hypocrisie servie par un art supérieur chez le fiancé de Mlle Stangerson... It was easy to guess that this scene had produced a great effect in the mind of Rouletabille, "in favor of M. Robert Darzac", while, in that of Larsan, it only attested to a perfect hypocrisy served by a superior art in Miss Stangerson's fiancé ... Era fácil adivinhar que esta cena havia produzido um grande efeito na mente de Rouletabille, "a favor de M. Robert Darzac", enquanto, na de Larsan, apenas atestava uma perfeita hipocrisia servida por uma arte superior em Miss O noivo de Stangerson ... Легко было догадаться, что эта сцена произвела большое впечатление на Рультабиля «в пользу господина Роберта Дарзака», в то время как в случае с Ларсаном она свидетельствовала только о совершенном лицемерии, которому служило высшее искусство в «Мисс Мисс». Жених Стэнджерсона ...

Comme nous arrivions à la grille du parc, Larsan nous arrêta : As we arrived at the park gate, Larsan stopped us:

« Ma canne ! "My cane!" s’écria-t-il...

— Vous avez oublié votre canne ? demanda Rouletabille.

— Oui, répondit le policier... Je l’ai laissée là-bas, auprès de l’arbre... » - Yes, replied the policeman ... I left her there, near the tree ... "

Et il nous quitta, disant qu’il allait nous rejoindre tout de suite... And he left us, saying that he was going to join us right away ...

« Avez-vous remarqué la canne de Frédéric Larsan ? me demanda le reporter quand nous fûmes seuls. asked the reporter when we were alone. C’est une canne toute neuve... que je ne lui ai jamais vue... Il a l’air d’y tenir beaucoup... il ne la quitte pas... On dirait qu’il a peur qu’elle ne soit tombée dans des mains étrangères... Avant ce jour, je n’ai jamais vu de canne à Frédéric Larsan... Où a-t-il trouvé cette canne-là ? It's a brand new cane ... that I have never seen him ... He seems to stick to it a lot ... he does not leave it ... He looks like he is afraid that it did not fall into foreign hands ... Before that day, I had never seen Frédéric Larsan's cane ... Where did he find that cane? Ça n’est pas naturel qu’un homme qui ne porte jamais de canne ne fasse plus un pas sans canne, au lendemain du crime du Glandier... Le jour de notre arrivée au château, quand il nous eut aperçus, il remit sa montre dans sa poche et ramassa par terre sa canne, geste auquel j’eus peut-être tort de n’attacher aucune importance ! It is not natural that a man who never carries a cane should no longer take a step without a cane, the day after the crime of the Glandier ... The day of our arrival at the castle, when he saw us, he put his watch in his pocket and picked up his cane from the ground, a gesture to which I was perhaps wrong not to attach any importance! Não é natural que um homem que nunca anda de bengala não dê mais um passo sem bengala, no dia seguinte ao crime do Glandier ... No dia da nossa chegada ao castelo, quando nos viu, pôs colocou o relógio no bolso e pegou a bengala do chão, gesto ao qual talvez eu tenha errado em não dar importância! Nous étions maintenant hors du parc ; Rouletabille ne disait rien... Sa pensée, certainement, n’avait pas quitté la canne de Frédéric Larsan. We were now out of the park; Rouletabille said nothing ... His thought, certainly, had not left the cane of Frédéric Larsan. J’en eus la preuve quand, en descendant la côte d’Épinay, il me dit : I had proof of this when, going down the Côte d'Épinay, he said to me: Tive a prova disso quando, descendo a Côte d'Épinay, ele me disse:

« Frédéric Larsan est arrivé au Glandier avant moi ; il a commencé son enquête avant moi ; il a eu le temps de savoir des choses que je ne sais pas et a pu trouver des choses que je ne sais pas... Où a-t-il trouvé cette canne-là ? “Frédéric Larsan arrived at Glandier before me; he started his investigation before me; he had time to know things that I don't know and was able to find things that I don't know ... Where did he find that cane? ...

Et il ajouta :

« Il est probable que son soupçon — plus que son soupçon, son raisonnement — qui va aussi directement à Robert Darzac, doit être servi par quelque chose de palpable qu’il palpe, « lui », et que je ne palpe pas, moi... Serait-ce cette canne ? “It is probable that his suspicion - more than his suspicion, his reasoning - which also goes directly to Robert Darzac, must be served by something palpable that he feels," him ", and that I do not feel, myself. .. Could it be this cane? ... Où diable a-t-il pu trouver cette canne-là ? ... Where the devil could he find that cane? ... Где, черт возьми, он мог найти эту трость? ... » ... "

À Épinay, il fallut attendre le train vingt minutes ; nous entrâmes dans un cabaret. At Épinay, we had to wait for the train for twenty minutes; we entered a cabaret. Presque aussitôt, derrière nous, la porte se rouvrait et Frédéric Larsan faisait son apparition, brandissant la fameuse canne... Almost immediately, behind us, the door reopened and Frédéric Larsan appeared, brandishing the famous cane ...

« Je l’ai retrouvée ! » nous fit-il en riant. He said, laughing.

Tous trois nous nous assîmes à une table. Мы втроем сели за стол. Rouletabille ne quittait pas des yeux la canne ; il était si absorbé qu’il ne vit pas un signe d’intelligence que Larsan adressait à un employé du chemin de fer, un tout jeune homme dont le menton s’ornait d’une petite barbiche blonde mal peignée. Rouletabille never took his eyes off the cane; he was so engrossed that he did not see a sign of intelligence that Larsan gave to a railway employee, a very young man whose chin was adorned with a small, ill-combed blond goatee. L’employé se leva, paya sa consommation, salua et sortit. The employee got up, paid for his drink, bowed and left. Je n’aurais moi-même attaché aucune importance à ce signe s’il ne m’était revenu à la mémoire quelques mois plus tard, lors de la réapparition de la barbiche blonde à l’une des minutes les plus tragiques de ce récit. I myself would not have attached any importance to this sign if it had not come to my mind a few months later, when the blond goatee reappeared in one of the most tragic minutes of this tale. J’appris alors que la barbiche blonde était un agent de Larsan, chargé par lui de surveiller les allées et venues des voyageurs en gare d’Épinay- sur-Orge, car Larsan ne négligeait rien de ce qu’il croyait pouvoir lui être utile. I learned then that the blond goatee was an agent of Larsan, charged by him to watch the comings and goings of travelers in Épinay-sur-Orge station, because Larsan neglected nothing that he believed could be useful to him. . Soube então que o cavanhaque louro era agente de Larsan, encarregado por ele de vigiar as idas e vindas dos viajantes na estação de Épinay-sur-Orge, porque Larsan nada negligenciava que acreditasse que pudesse ser útil para ele. Тогда я узнал, что белокурая козлиная бородка была агентом Ларсана, которому он поручил наблюдать за приходом и уходом путешественников на станции Эпине-сюр-Орж, потому что Ларсан не пренебрегал ничем, что, по его мнению, могло быть ему полезно.

Je reportai les yeux sur Rouletabille. I looked back on Rouletabille.

« Ah ça ! monsieur Fred ! Mr. Fred! disait-il, depuis quand avez-vous donc une canne ? he would say, since when have you had a cane? - спрашивал он, - с каких это пор у тебя есть трость? ... Je vous ai toujours vu vous promener, moi, les mains dans les poches ! ... I have always seen you walking, my hands in my pockets! ... Eu sempre vi você andando por aí, eu, com as mãos nos bolsos! ...

— C’est un cadeau qu’on m’a fait, répondit le policier... - I was given a gift, replied the policeman ...

— Il n’y a pas longtemps, insista Rouletabille... `` Not long ago, '' Rouletabille insisted.

— Non, on me l’a offerte à Londres... - No, it was given to me in London ...

— C’est vrai, vous revenez de Londres, monsieur Fred... On peut la voir, votre canne ? ...

— Mais, comment donc ? - But, how so? - Mas como? ... »

Fred passa la canne à Rouletabille. Fred passed the cane to Rouletabille. C’était une grande canne bambou jaune à bec de corbin, ornée d’une bague d’or. It was a large yellow bamboo cane with corbin's beak, adorned with a gold ring. Era una gran caña de bambú amarilla con un pico de corbin, adornada con un anillo de oro. Era uma grande bengala de bambu amarelo com bico de corbin, adornada com um anel de ouro.

Rouletabille l’examinait minutieusement.

« Eh bien, fit-il, en relevant une tête gouailleuse, on vous a offert à Londres une canne de France ! "Well," he said, raising a cheeky head, "you were offered a cane from France in London!"

— C’est possible, fit Fred, imperturbable...

— Lisez la marque ici en lettres minuscules : « Cassette, 6 bis, opéra... » - Read the mark here in lowercase letters: "Cassette, 6 bis, opera ..." - Lea aquí el nombre de la marca en minúsculas: "Cassette, 6 bis, opéra...". - Leia a marca aqui em letras minúsculas: "Cassete, 6 bis, ópera ..."

— On fait bien blanchir son linge à Londres, dit Fred... les anglais peuvent bien acheter leurs cannes à Paris... » - We wash our clothes well in London, said Fred ... the English can buy their canes in Paris ... " - Lavamos bem nossa roupa em Londres, disse Fred ... os ingleses podem comprar suas bengalas em Paris ... ”

Rouletabille rendit la canne. Rouletabille devolveu a bengala. Quand il m’eut mis dans mon compartiment, il me dit : When he had put me in my compartment, he said to me:

« Vous avez retenu l’adresse ? "Did you remember the address?"

— Oui, « Cassette, 6 bis, Opéra... » Comptez sur moi, vous recevrez un mot demain matin. - Yes, "Cassette, 6 bis, Opera ..." Count on me, you will receive a note tomorrow morning. Le soir même, en effet, à Paris, je voyais M. Cassette, marchand de cannes et de parapluies, et j’écrivais à mon ami : « Un homme répondant à s’y méprendre au signalement de M. Robert Darzac, même taille, légèrement voûté, même collier de barbe, pardessus mastic, chapeau melon, est venu acheter une canne pareille à celle qui nous intéresse le soir même du crime, vers huit heures. The same evening, in fact, in Paris, I saw Mr. Cassette, a cane and umbrella merchant, and I wrote to my friend: "A man answering to be mistaken at the description of Mr. Robert Darzac, same size , slightly arched, even beard collar, mastic overcoat, bowler hat, came to buy a cane like the one we are interested in the evening of the crime, around eight o'clock. Esa misma tarde, en París, fui a ver al Sr. Cassette, comerciante de bastones y paraguas, y escribí a mi amigo: "Un hombre que corresponde a la descripción del Sr. Robert Darzac, de la misma estatura, ligeramente encorvado, con la misma barba, abrigo de lentisco, bombín, vino a comprar un bastón como el que nos interesa la tarde del crimen, hacia las ocho. Naquela mesma noite, de fato, em Paris, vi M. Cassette, vendedor de bengalas e guarda-chuvas, e escrevi ao meu amigo: "Um homem respondendo à descrição de M. Robert Darzac, mesma altura., Ligeiramente curvado, mesmo gola de barba, sobretudo de massa, chapéu-coco, vim comprar uma bengala como a que nos interessa na própria noite do crime, por volta das oito horas. В тот же вечер, действительно, в Париже, я увидел М. Кассетта, продавца трости и зонтов, и написал своему другу: «Человек, отвечающий на описание Роберта Дарзака, такого же роста, слегка сутулый, такой же. воротник с бородой, замазанное пальто, котелок, пришли купить трость вроде той, что нас интересует, в самый вечер преступления, около восьми часов.

M. Cassette n’en a point vendu de semblable depuis deux ans. Mr. Cassette has not sold a similar one for two years. La canne de Fred est neuve. Fred's cane is new. Il s’agit donc bien de celle qu’il a entre les mains. It is therefore the one he has in his hands. Ce n’est pas lui qui l’a achetée puisqu’il se trouvait alors à Londres. He was not the one who bought it since he was in London at the time. Não foi ele quem o comprou, já que estava em Londres na época. Comme vous, je pense « qu’il l’a trouvée quelque part autour de M. Robert Darzac... » Mais alors, si, comme vous le prétendez, l’assassin était dans la « Chambre Jaune » depuis cinq heures, ou même six heures, comme le drame n’a eu lieu que vers minuit, l’achat de cette canne procure un alibi irréfutable à M. Robert Darzac. Like you, I think "he found it somewhere around Mr. Robert Darzac ..." But then, if, as you claim, the murderer had been in the "Yellow Room" for five hours, or even six o'clock, as the drama did not take place until around midnight, the purchase of this cane provides an irrefutable alibi for Mr. Robert Darzac. Como você, eu acho "que ele o encontrou em algum lugar perto do Sr. Robert Darzac ..." Mas então, se, como você afirma, o assassino tinha estado na "Sala Amarela" por cinco horas, ou mesmo seis horas, como o drama aconteceu por volta da meia-noite, a compra dessa bengala é um álibi irrefutável para o Sr. Robert Darzac.