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Oscar Wilde - Le Portrait de Dorian Gray, Le portrait de Dorian Gray Chapitre 17

Le portrait de Dorian Gray Chapitre 17

Chapitre XVII

Une semaine plus lard, Dorian Gray était assis dans la serre de Selby Royal, parlant à la jolie duchesse de Monmouth, qui, avec son mari, un homme de soixante ans, à l'air fatigué, était parmi ses hôtes. C'était l'heure du thé, et la douce lumière de la grosse lampe couverte de dentelle qui reposait sur la table, faisait briller les chines délicats et l'argent repoussé du service ; la duchesse présidait la réception. Ses mains blanches se mouvaient gentiment parmi les tasses, et ses lèvres d'un rouge sanglant riaient à quelque chose que Dorian lui soufflait. Lord Henry était étendu sur une chaise d'osier drapée de soie, les regardant. Sur un divan de couleur pêche, lady Narborough feignait d'écouter la description que lui faisait le duc du dernier scarabée brésilien dont il venait d'enrichir sa collection. Trois jeunes gens en des smokings recherchés offraient des gâteaux à quelques dames. La société était composée de douze personnes et l'on en attendait plusieurs autres pour le jour suivant. – De quoi parlez-vous ? dit lord Henry se penchant vers la table et y déposant sa tasse. J'espère que Dorian vous fait part de mon plan de rebaptiser toute chose, Gladys. C'est une idée charmante. – Mais je n'ai pas besoin d'être rebaptisée, Harry, répliqua la duchesse, le regardant de ses beaux yeux. Je suis très satisfaite de mon nom, et je suis certaine que Mr Gray est content du sien.

– Ma chère Gladys, je ne voudrais changer aucun de vos deux noms pour tout au monde ; ils sont tous deux parfaits... Je pensais surtout aux fleurs... Hier, je cueillis une orchidée pour ma boutonnière. C'était une adorable fleur tachetée, aussi perverse que les sept péchés capitaux. Distraitement, je demandais à l'un des jardiniers comment elle s'appelait. Il me répondit que c'était un beau spécimen de Robinsoniana ou quelque chose d'aussi affreux... C'est une triste vérité, mais nous avons perdu la faculté de donner de jolis noms aux objets. Les noms sont tout. Je ne me dispute jamais au sujet des faits ; mon unique querelle est sur les mots : c'est pourquoi je hais le réalisme vulgaire en littérature. L'homme qui appellerait une bêche, une bêche, devrait être forcé d'en porter une ; c'est la seule chose qui lui conviendrait... – Alors, comment vous appellerons-nous, Harry, demanda-t-elle.

– Son nom est le prince Paradoxe, dit Dorian.

– Je le reconnais à ce trait, s'exclama la duchesse. – Je ne veux rien entendre, dit lord Henry, s'asseyant dans un fauteuil. On ne peut se débarrasser d'une étiquette. Je refuse le titre.

– Les Majestés ne peuvent abdiquer, avertirent de jolies lèvres.

– Vous voulez que je défende mon trône, alors ?...

– Oui.

– Je dirai les vérités de demain.

– Je préfère les fautes d'aujourd'hui, répondit la duchesse. – Vous me désarmez, Gladys, s'écria-t-il, imitant son opiniâtreté. – De votre bouclier, Harry, non de votre lance...

– Je ne joute jamais contre la beauté, dit-il avec son inclinaison de main.

– C'est une erreur, croyez-moi. Vous mettez la beauté trop haut.

– Comment pouvez-vous dire cela ? Je crois, je l'avoue, qu'il vaut mieux être beau que bon. Mais d'un autre côté, personne n'est plus disposé que je ne le suis à reconnaître qu'il vaut mieux être bon que laid. – La laideur est alors un des sept péchés capitaux, s'écria la duchesse. Qu'advient-il de votre comparaison sur les orchidées ?... – La laideur est une des sept vertus capitales, Gladys. Vous, en bonne Tory, ne devez les mésestimer.

– La bière, la Bible et les sept vertus capitales ont fait notre Angleterre ce qu'elle est. – Vous n'aimez donc pas votre pays ? – J'y vis. – C'est que vous en censurez le meilleur ! – Voudriez-vous que je m'en rapportasse au verdict de l'Europe sur nous ? interrogea-t-il.

– Que dit-elle de nous ?

– Que Tartuffe a émigré en Angleterre et y a ouvert boutique.

– Est-ce de vous, Harry ?

– Je vous le donne.

– Je ne puis m'en servir, c'est trop vrai. – Vous n'avez rien à craindre ; nos compatriotes ne se reconnaissent jamais dans une description. – Ils sont pratiques.

– Ils sont plus rusés que pratiques. Quand ils établissent leur grand livre, ils balancent la stupidité par la fortune et le vice par l'hypocrisie. – Cependant, nous avons fait de grandes choses.

– Les grandes choses nous furent imposées, Gladys.

– Nous en avons porté le fardeau.

– Pas plus loin que le Stock Exchange .

Elle secoua la tête.

– Je crois dans la race, s'écria-t-elle. – Elle représente les survivants de la poussée.

– Elle suit son développement.

– La décadence m'intéresse plus. – Qu'est-ce que l'Art ? demanda-t-elle.

– Une maladie.

– L'Amour ? – Une illusion.

– La religion ?

– Une chose qui remplace élégamment la Foi.

– Vous êtes un sceptique.

– Jamais ! Le scepticisme est le commencement de la Foi.

– Qu'êtes-vous ? – Définir est limiter.

– Donnez-moi un guide.

– Les fils sont brisés. Vous vous perdriez dans le labyrinthe.

– Vous m'égarez... Parlons d'autre chose. – Notre hôte est un sujet délicieux. Il fut baptisé, il y a des ans, le Prince Charmant.

– Ah ! Ne me faites pas souvenir de cela ! s'écria Dorian Gray. – Notre hôte est plutôt désagréable ce soir, remarqua avec enjouement la duchesse. Je crois qu'il pense que Monmouth ne m'a épousée, d'après ses principes scientifiques, que comme le meilleur spécimen qu'il a pu trouver du papillon moderne. – J'espère du moins que l'idée ne lui viendra pas de vous transpercer d'une épingle, duchesse, dit Dorian en souriant. – Oh ! ma femme de chambre s'en charge... quand je l'ennuie... – Et comment pouvez-vous l'ennuyer, duchesse ? – Pour les choses les plus triviales, je vous assure. Ordinairement, parce que j'arrive à neuf heures moins dix et que je lui confie qu'il faut que je sois habillée pour huit heures et demie. – Quelle erreur de sa part !... Vous devriez la congédier.

– Je n'ose, Mr Gray. Pensez donc, elle m'invente des chapeaux. Vous souvenez-vous de celui que je portais au garden-party de Lady Hilstone ?... Vous ne vous en souvenez pas, je le sais, mais c'est gentil de votre part de faire semblant de vous en souvenir. Eh bien ! il a été fait avec rien ; tous les jolis chapeaux sont faits de rien.

– Comme les bonnes réputations, Gladys, interrompit lord Henry... Chaque effet que vous produisez vous donne un ennemi de plus. Pour être populaire, il faut être médiocre.

– Pas avec les femmes, fit la duchesse hochant la tête, et les femmes gouvernent le monde. Je vous assure que nous ne pouvons supporter les médiocrités. Nous autres femmes, comme on dit, aimons avec nos oreilles comme vous autres hommes, aimez avec vos yeux, si toutefois vous aimez jamais...

– Il me semble que nous ne faisons jamais autre chose, murmura Dorian.

– Ah ! alors, vous n'avez jamais réellement aimé, Mr Gray, répondit la duchesse sur un ton de moquerie triste. – Ma chère Gladys, s'écria lord Henry, comment pouvez-vous dire cela ? La passion vit par sa répétition et la répétition convertit en art un penchant. D'ailleurs, chaque fois qu'on aime c'est la seule fois qu'on ait jamais aimé. La différence d'objet n'altère pas la sincérité de la passion ; elle l'intensifie simplement. Nous ne pouvons avoir dans la vie au plus qu'une grande expérience, et le secret de la vie est de la reproduire le plus souvent possible. – Même quand vous fûtes blessé par elle, Harry ? demanda la duchesse après un silence.

– Surtout quand on fut blessé par elle, répondit lord Henry.

Une curieuse expression dans l'œil, la duchesse, se tournant, regarda Dorian Gray : – Que dites-vous de cela, Mr Gray ? interrogea-t-elle.

Dorian hésita un instant ; il rejeta sa tête en arrière, et riant :

– Je suis toujours d'accord avec Harry, Duchesse. – Même quand il a tort ?

– Harry n'a jamais tort, Duchesse. – Et sa philosophie vous rend heureux ?

– Je n'ai jamais recherché le bonheur. Qui a besoin du bonheur ?... Je n'ai cherché que le plaisir. – Et vous l'avez trouvé, Mr Gray ? – Souvent, trop souvent...

La duchesse soupira...

– Je cherche la paix, dit-elle, et si je ne vais pas m'habiller, je ne la trouverai pas ce soir. – Laissez-moi vous cueillir quelques orchidées, duchesse, s'écria Dorian en se levant et marchant dans la serre... – Vous flirtez de trop près avec lui, dit lord Henry à sa cousine. Faites attention. Il est fascinant...

– S'il ne l'était pas, il n'y aurait point de combat. – Les Grecs affrontent les Grecs, alors ?

– Je suis du côté des Troyens ; ils combattaient pour une femme.

– Ils furent défaits...

– Il y a des choses plus tristes que la défaite, répondit-elle.

– Vous galopez, les rênes sur le cou...

– C'est l'allure qui nous fait vivre. – J'écrirai cela dans mon journal ce soir. – Quoi ?

– Qu'un enfant brûlé aime le feu. – Je ne suis pas même roussie ; mes ailes sont intactes.

– Vous en usez pour tout, excepté pour la fuite.

– Le courage a passé des hommes aux femmes. C'est une nouvelle expérience pour nous. – Vous avez une rivale.

– Qui ?

– Lady Narborough, souffla-t-il en riant. Elle l'adore. – Vous me remplissez de crainte. Le rappel de l'antique nous est fatal, à nous qui sommes romantiques. – Romantiques ! Vous avez toute la méthode de la science.

– Les hommes ont fait notre éducation.

– Mais ne vous ont pas expliquées...

– Décrivez-nous comme sexe, fut le défi.

– Des sphinges sans secrets.

Elle le regarda, souriante...

– Comme Mr Gray est longtemps, dit-elle. Allons l'aider. Je ne lui ai pas dit la couleur de ma robe.

– Vous devriez assortir votre robe à ses fleurs, Gladys.

– Ce serait une reddition prématurée.

– L'Art romantique procède par gradation. – Je me garderai une occasion de retraite.

– À la manière des Parthes ?...

– Ils trouvèrent la sécurité dans le désert ; je ne pourrais le faire.

– Il n'est pas toujours permis aux femmes de choisir, répondit-il... À peine avait-il fini cette menace que du fond de la serre arriva un gémissement étouffé, suivi de la chute sourde d'un corps lourd !... Chacun tressauta. La duchesse restait immobile d'horreur... Les yeux remplis de crainte, lord Henry se précipita parmi les palmes pendantes, et trouva Dorian Gray gisant la face contre le sol pavé de briques, évanoui, comme mort... Il fut porté dans le salon bleu et déposé sur un sofa. Au bout de quelques minutes, il revint à lui, et regarda avec une expression effarée...

– Qu'est-il arrivé ? demanda-t-il. Oh ! je me souviens. Suis-je sauf ici, Harry ?...

Un tremblement le prit...

– Mon cher Dorian, répondit lord Henry, c'est une simple syncope, voilà tout. Vous devez vous être surmené. Il vaut mieux pour vous que vous ne veniez pas au dîner ; je prendrai votre place.

– Non, j'irai dîner, dit-il se dressant. J'aime mieux descendre dîner. Je ne veux pas être seul !

Il alla dans sa chambre et s'y habilla. À table, il eut comme une sauvage et insouciante gaieté dans les manières ; mais de temps à autre, un frisson de terreur le traversait, alors qu'il revoyait, plaquée comme un blanc mouchoir sur les vitres de la serre, la figure de James Vane, le guettant !...


Le portrait de Dorian Gray Chapitre 17 Das Bildnis des Dorian Gray Kapitel 17 The Picture of Dorian Gray Chapter 17 Obraz Doriana Graya Rozdział 17

Chapitre XVII

Une semaine plus lard, Dorian Gray était assis dans la serre de Selby Royal, parlant à la jolie duchesse de Monmouth, qui, avec son mari, un homme de soixante ans, à l'air fatigué, était parmi ses hôtes. A week later, Dorian Gray sat in the glasshouse at Selby Royal, talking to the pretty Duchess of Monmouth, who, along with her weary-looking husband, a sixty-year-old man, were among her guests. C'était l'heure du thé, et la douce lumière de la grosse lampe couverte de dentelle qui reposait sur la table, faisait briller les chines délicats et l'argent repoussé du service ; la duchesse présidait la réception. It was teatime, and the soft light from the large lace-covered lamp resting on the table made the delicate chines and the silver spun from the service shine; the Duchess presided over the reception. Ses mains blanches se mouvaient gentiment parmi les tasses, et ses lèvres d'un rouge sanglant riaient à quelque chose que Dorian lui soufflait. Her white hands moved gently among the cups, and her blood red lips laughed at something Dorian whispered to her. Lord Henry était étendu sur une chaise d'osier drapée de soie, les regardant. Lord Henry lay in a wicker chair draped in silk, gazing at them. Sur un divan de couleur pêche, lady Narborough feignait d'écouter la description que lui faisait le duc du dernier scarabée brésilien dont il venait d'enrichir sa collection. On a peach-colored divan, Lady Narborough pretended to listen to the Duke's description of the latest Brazilian beetle he had just added to his collection. Trois jeunes gens en des smokings recherchés offraient des gâteaux à quelques dames. Three young men in fancy tuxedos were offering cakes to some ladies. La société était composée de douze personnes et l'on en attendait plusieurs autres pour le jour suivant. The company was made up of twelve people, and several more were expected the following day. – De quoi parlez-vous ? - What are you talking about ? dit lord Henry se penchant vers la table et y déposant sa tasse. said Lord Henry, leaning over the table and setting his cup there. J'espère que Dorian vous fait part de mon plan de rebaptiser toute chose, Gladys. I hope Dorian tells you about my plan to rename everything, Gladys. C'est une idée charmante. It's a lovely idea. – Mais je n'ai pas besoin d'être rebaptisée, Harry, répliqua la duchesse, le regardant de ses beaux yeux. “But I don't need to be renamed, Harry,” the Duchess replied, looking at him with her beautiful eyes. Je suis très satisfaite de mon nom, et je suis certaine que Mr Gray est content du sien. I'm very happy with my name, and I'm sure Mr. Gray is happy with his.

– Ma chère Gladys, je ne voudrais changer aucun de vos deux noms pour tout au monde ; ils sont tous deux parfaits... Je pensais surtout aux fleurs... Hier, je cueillis une orchidée pour ma boutonnière. “My dear Gladys, I wouldn't change either of your names for the world; they are both perfect... I was thinking mainly of the flowers... Yesterday I picked an orchid for my buttonhole. C'était une adorable fleur tachetée, aussi perverse que les sept péchés capitaux. It was an adorable spotted flower, as evil as the Seven Deadly Sins. Distraitement, je demandais à l'un des jardiniers comment elle s'appelait. Absently, I asked one of the gardeners what her name was. Il me répondit que c'était un beau spécimen de Robinsoniana ou quelque chose d'aussi affreux... C'est une triste vérité, mais nous avons perdu la faculté de donner de jolis noms aux objets. He replied that it was a beautiful specimen of Robinsoniana or something equally awful... It's a sad truth, but we have lost the ability to give objects pretty names. Les noms sont tout. Names are everything. Je ne me dispute jamais au sujet des faits ; mon unique querelle est sur les mots : c'est pourquoi je hais le réalisme vulgaire en littérature. I never argue about facts; my only quarrel is over words: that is why I hate vulgar realism in literature. L'homme qui appellerait une bêche, une bêche, devrait être forcé d'en porter une ; c'est la seule chose qui lui conviendrait... The man who would call a spade, a spade, should be forced to carry one; it's the only thing that would suit him... Azt az embert, aki ásót, ásót mondana, kényszerítsék, hogy vigyen egyet; ez az egyetlen, ami megfelelne neki... – Alors, comment vous appellerons-nous, Harry, demanda-t-elle. "So what shall we call you, Harry?" she asked.

– Son nom est le prince Paradoxe, dit Dorian. “His name is Prince Paradox,” Dorian said.

– Je le reconnais à ce trait, s'exclama la duchesse. “I recognize him by that trait,” exclaimed the Duchess. – Erről a tulajdonságáról ismerem fel – kiáltott fel a hercegnő. – Je ne veux rien entendre, dit lord Henry, s'asseyant dans un fauteuil. "I don't want to hear anything," said Lord Henry, sitting down in an armchair. – Nem akarok hallani semmit – mondta Lord Henry, és leült egy karosszékbe. On ne peut se débarrasser d'une étiquette. You can't get rid of a label. Nem lehet megszabadulni a címkétől. Je refuse le titre.

– Les Majestés ne peuvent abdiquer, avertirent de jolies lèvres. “Majesties cannot abdicate,” warned pretty lips. – A felségek nem mondhatnak le a trónról – figyelmeztették csinos ajkak.

– Vous voulez que je défende mon trône, alors ?... "You want me to defend my throne, then?"

– Oui.

– Je dirai les vérités de demain. – I will tell the truths of tomorrow.

– Je préfère les fautes d'aujourd'hui, répondit la duchesse. “I prefer the faults of to-day,” replied the Duchess. – Vous me désarmez, Gladys, s'écria-t-il, imitant son opiniâtreté. “You disarm me, Gladys,” he cried, imitating her stubbornness. – Lefegyverzél, Gladys – kiáltotta, utánozva a lány makacsságát. – De votre bouclier, Harry, non de votre lance... "From your shield, Harry, not from your spear... – A te pajzsodtól, Harry, nem a lándzsádtól…

– Je ne joute jamais contre la beauté, dit-il avec son inclinaison de main. "I never joust against beauty," he said with his hand tilted. – Soha nem tornázom a szépség ellen – mondta félrebillent kézzel.

– C'est une erreur, croyez-moi. - It's a mistake, believe me. Vous mettez la beauté trop haut. You put beauty too high.

– Comment pouvez-vous dire cela ? – How can you say that? Je crois, je l'avoue, qu'il vaut mieux être beau que bon. I believe, I confess, that it is better to be beautiful than good. Mais d'un autre côté, personne n'est plus disposé que je ne le suis à reconnaître qu'il vaut mieux être bon que laid. But on the other hand, no one is more willing than I am to recognize that it is better to be good than ugly. De másrészt nálamnál senki sem hajlandó jobban felismerni, hogy jobb jónak lenni, mint csúnyának. – La laideur est alors un des sept péchés capitaux, s'écria la duchesse. "Ugliness is then one of the seven deadly sins," exclaimed the Duchess. – A csúnyaság tehát a hét halálos bűn egyike – kiáltott fel a hercegnő. Qu'advient-il de votre comparaison sur les orchidées ?... What happens to your comparison on orchids?... – La laideur est une des sept vertus capitales, Gladys. – Ugliness is one of the seven capital virtues, Gladys. Vous, en bonne Tory, ne devez les mésestimer. You, as a good Tory, must not underestimate them. Te, mint jó tory, nem szabad alábecsülned őket.

– La bière, la Bible et les sept vertus capitales ont fait notre Angleterre ce qu'elle est. – Beer, the Bible and the seven capital virtues have made our England what it is. – Vous n'aimez donc pas votre pays ? "So you don't like your country?" – J'y vis. - I live there. – C'est que vous en censurez le meilleur ! - It's because you censor the best of it! – Voudriez-vous que je m'en rapportasse au verdict de l'Europe sur nous ? – Would you like me to rely on Europe's verdict on us? interrogea-t-il. he asked.

– Que dit-elle de nous ?

– Que Tartuffe a émigré en Angleterre et y a ouvert boutique. – That Tartuffe emigrated to England and opened a shop there.

– Est-ce de vous, Harry ? "Is that from you, Harry?"

– Je vous le donne. - I give it to you.

– Je ne puis m'en servir, c'est trop vrai. “I can't use it, it's too true. – Vous n'avez rien à craindre ; nos compatriotes ne se reconnaissent jamais dans une description. “You have nothing to fear; our compatriots never recognize themselves in a description. – Ils sont pratiques. – They are practical.

– Ils sont plus rusés que pratiques. – They are more cunning than practical. Quand ils établissent leur grand livre, ils balancent la stupidité par la fortune et le vice par l'hypocrisie. When they draw up their ledger, they balance stupidity with fortune and vice with hypocrisy. – Cependant, nous avons fait de grandes choses. – However, we have done great things.

– Les grandes choses nous furent imposées, Gladys. “Great things were imposed on us, Gladys.

– Nous en avons porté le fardeau. “We carried the burden.

– Pas plus loin que le Stock Exchange . – No further than the Stock Exchange.

Elle secoua la tête.

– Je crois dans la race, s'écria-t-elle. “I believe in race,” she cried. – Elle représente les survivants de la poussée. – It represents the survivors of the surge.

– Elle suit son développement. – She follows her development.

– La décadence m'intéresse plus. – I'm more interested in decadence. – Qu'est-ce que l'Art ? – What is Art? demanda-t-elle.

– Une maladie.

– L'Amour ? – Une illusion.

– La religion ?

– Une chose qui remplace élégamment la Foi. – Something that elegantly replaces Faith.

– Vous êtes un sceptique. – You are a skeptic.

– Jamais ! Le scepticisme est le commencement de la Foi. Skepticism is the beginning of Faith.

– Qu'êtes-vous ? – What are you? – Définir est limiter. – To define is to limit.

– Donnez-moi un guide. – Give me a guide.

– Les fils sont brisés. – Wires are broken. Vous vous perdriez dans le labyrinthe. You would get lost in the maze.

– Vous m'égarez... Parlons d'autre chose. – You're misleading me... Let's talk about something else. – Notre hôte est un sujet délicieux. “Our host is a delightful subject. Il fut baptisé, il y a des ans, le Prince Charmant. He was baptized, years ago, Prince Charming.

– Ah ! Ne me faites pas souvenir de cela ! Don't remind me of that! s'écria Dorian Gray. cried Dorian Gray. – Notre hôte est plutôt désagréable ce soir, remarqua avec enjouement la duchesse. "Our host is rather disagreeable this evening," remarked the Duchess playfully. Je crois qu'il pense que Monmouth ne m'a épousée, d'après ses principes scientifiques, que comme le meilleur spécimen qu'il a pu trouver du papillon moderne. I believe he thinks Monmouth only married me, on his scientific principles, as the finest specimen he could find of the modern butterfly. – J'espère du moins que l'idée ne lui viendra pas de vous transpercer d'une épingle, duchesse, dit Dorian en souriant. "At least I hope he doesn't think of sticking a pin through you, Duchess," Dorian said, smiling. – Oh ! ma femme de chambre s'en charge... quand je l'ennuie... my maid takes care of it... when I bore her... – Et comment pouvez-vous l'ennuyer, duchesse ? "And how can you bore him, Duchess?" – Pour les choses les plus triviales, je vous assure. – For the most trivial things, I assure you. Ordinairement, parce que j'arrive à neuf heures moins dix et que je lui confie qu'il faut que je sois habillée pour huit heures et demie. Usually, because I arrive at ten to nine and tell him that I have to be dressed for eight-thirty. – Quelle erreur de sa part !... "What a mistake on his part!... Vous devriez la congédier. You should fire her.

– Je n'ose, Mr Gray. Pensez donc, elle m'invente des chapeaux. Just think, she invents hats for me. Vous souvenez-vous de celui que je portais au garden-party de Lady Hilstone ?... Do you remember the one I wore to Lady Hillstone's garden party?... Vous ne vous en souvenez pas, je le sais, mais c'est gentil de votre part de faire semblant de vous en souvenir. You don't remember, I know, but it's nice of you to pretend you remember. Eh bien ! il a été fait avec rien ; tous les jolis chapeaux sont faits de rien. it was made with nothing; all pretty hats are made of nothing.

– Comme les bonnes réputations, Gladys, interrompit lord Henry... Chaque effet que vous produisez vous donne un ennemi de plus. “Like good reputations, Gladys,” Lord Henry interrupted. “Each effect you produce gives you one more enemy. Pour être populaire, il faut être médiocre. To be popular, you have to be mediocre.

– Pas avec les femmes, fit la duchesse hochant la tête, et les femmes gouvernent le monde. 'Not with women,' said the Duchess, nodding her head, 'and women rule the world. Je vous assure que nous ne pouvons supporter les médiocrités. I assure you that we cannot bear mediocrity. Nous autres femmes, comme on dit, aimons avec nos oreilles comme vous autres hommes, aimez avec vos yeux, si toutefois vous aimez jamais... We women, as they say, love with our ears like you men love with your eyes, if you ever love...

– Il me semble que nous ne faisons jamais autre chose, murmura Dorian. “I don't think we ever do anything else,” Dorian whispered.

– Ah ! alors, vous n'avez jamais réellement aimé, Mr Gray, répondit la duchesse sur un ton de moquerie triste. then you never really loved, Mr Gray, answered the Duchess in a tone of sad mockery. – Ma chère Gladys, s'écria lord Henry, comment pouvez-vous dire cela ? “My dear Gladys,” cried Lord Henry, “how can you say that? La passion vit par sa répétition et la répétition convertit en art un penchant. Passion lives by its repetition and repetition converts an inclination into art. D'ailleurs, chaque fois qu'on aime c'est la seule fois qu'on ait jamais aimé. Besides, each time one loves is the only time one has ever loved. La différence d'objet n'altère pas la sincérité de la passion ; elle l'intensifie simplement. The difference of object does not alter the sincerity of the passion; it simply intensifies it. Nous ne pouvons avoir dans la vie au plus qu'une grande expérience, et le secret de la vie est de la reproduire le plus souvent possible. We can only have one great experience in life, and the secret of life is to reproduce it as often as possible. – Même quand vous fûtes blessé par elle, Harry ? "Even when you were hurt by her, Harry?" demanda la duchesse après un silence. asked the Duchess after a silence.

– Surtout quand on fut blessé par elle, répondit lord Henry. “Especially when hurt by it,” replied Lord Henry.

Une curieuse expression dans l'œil, la duchesse, se tournant, regarda Dorian Gray : A curious expression in her eye, the Duchess, turning, looked at Dorian Gray: – Que dites-vous de cela, Mr Gray ? "How about that, Mr. Gray?" interrogea-t-elle.

Dorian hésita un instant ; il rejeta sa tête en arrière, et riant : Dorian hesitated for a moment; he threw back his head, and laughing:

– Je suis toujours d'accord avec Harry, Duchesse. “I always agree with Harry, Duchess. – Même quand il a tort ? "Even when he's wrong?"

– Harry n'a jamais tort, Duchesse. “Harry is never wrong, Duchess. – Et sa philosophie vous rend heureux ? "And his philosophy makes you happy?"

– Je n'ai jamais recherché le bonheur. “I have never sought happiness. Qui a besoin du bonheur ?... Who needs happiness?... Je n'ai cherché que le plaisir. I only sought pleasure. – Et vous l'avez trouvé, Mr Gray ? "And you found him, Mr. Gray?" – Souvent, trop souvent... "Often, too often...

La duchesse soupira... The Duchess sighed...

– Je cherche la paix, dit-elle, et si je ne vais pas m'habiller, je ne la trouverai pas ce soir. “I'm looking for peace,” she said, “and if I don't go get dressed, I won't find it tonight. – Laissez-moi vous cueillir quelques orchidées, duchesse, s'écria Dorian en se levant et marchant dans la serre... “Let me pick some orchids for you, Duchess,” cried Dorian, getting up and walking through the greenhouse. – Vous flirtez de trop près avec lui, dit lord Henry à sa cousine. "You flirt too closely with him," said Lord Henry to his cousin. Faites attention. Pay attention. Il est fascinant... He is fascinating...

– S'il ne l'était pas, il n'y aurait point de combat. “If it wasn't, there wouldn't be any fighting. – Les Grecs affrontent les Grecs, alors ? – The Greeks are fighting the Greeks, then?

– Je suis du côté des Troyens ; ils combattaient pour une femme. “I am on the side of the Trojans; they were fighting for a woman.

– Ils furent défaits... - They were defeated...

– Il y a des choses plus tristes que la défaite, répondit-elle. “There are sadder things than defeat,” she replied.

– Vous galopez, les rênes sur le cou... – You gallop, the reins on your neck...

– C'est l'allure qui nous fait vivre. – It's the look that makes us live. – J'écrirai cela dans mon journal ce soir. “I'll write that in my diary tonight. – Quoi ?

– Qu'un enfant brûlé aime le feu. – That a burnt child loves fire. – Je ne suis pas même roussie ; mes ailes sont intactes. “I am not even scorched; my wings are intact.

– Vous en usez pour tout, excepté pour la fuite. “You use it for everything except flight.

– Le courage a passé des hommes aux femmes. – Courage passed from men to women. C'est une nouvelle expérience pour nous. It's a new experience for us. – Vous avez une rivale. - You have a rival.

– Qui ?

– Lady Narborough, souffla-t-il en riant. “Lady Narborough,” he whispered, laughing. Elle l'adore. – Vous me remplissez de crainte. “You fill me with fear. Le rappel de l'antique nous est fatal, à nous qui sommes romantiques. The recall of the antique is fatal to us, to us who are romantic. – Romantiques ! Vous avez toute la méthode de la science. You have all the method of science.

– Les hommes ont fait notre éducation. – Men have educated us.

– Mais ne vous ont pas expliquées... – But did not explain to you...

– Décrivez-nous comme sexe, fut le défi. “Describe us as sex,” was the challenge.

– Des sphinges sans secrets. – Sphinxes without secrets.

Elle le regarda, souriante... She looked at him, smiling...

– Comme Mr Gray est longtemps, dit-elle. "How long Mr. Gray is," she said. Allons l'aider. Let's go help him. Je ne lui ai pas dit la couleur de ma robe. I didn't tell her the color of my dress.

– Vous devriez assortir votre robe à ses fleurs, Gladys. “You should match your dress to her flowers, Gladys.

– Ce serait une reddition prématurée. “That would be a premature surrender.

– L'Art romantique procède par gradation. – Romantic Art proceeds by gradation. – Je me garderai une occasion de retraite. – I will save myself an opportunity of retreat.

– À la manière des Parthes ?... “In the manner of the Parthians?...

– Ils trouvèrent la sécurité dans le désert ; je ne pourrais le faire. – They found safety in the desert; I couldn't do it.

– Il n'est pas toujours permis aux femmes de choisir, répondit-il... “Women are not always allowed to choose,” he replied. À peine avait-il fini cette menace que du fond de la serre arriva un gémissement étouffé, suivi de la chute sourde d'un corps lourd !... No sooner had he finished this threat than from the bottom of the greenhouse came a stifled moan, followed by the dull fall of a heavy body!... Chacun tressauta. Everyone jumped. La duchesse restait immobile d'horreur... Les yeux remplis de crainte, lord Henry se précipita parmi les palmes pendantes, et trouva Dorian Gray gisant la face contre le sol pavé de briques, évanoui, comme mort... The Duchess stood motionless in horror... Eyes filled with fear, Lord Henry rushed among the hanging palms, and found Dorian Gray lying face down on the brick-paved floor, unconscious, as if dead... Il fut porté dans le salon bleu et déposé sur un sofa. He was carried into the blue drawing room and laid on a sofa. Au bout de quelques minutes, il revint à lui, et regarda avec une expression effarée... After a few minutes, he came to, and stared with a bewildered expression...

– Qu'est-il arrivé ? - What happened ? demanda-t-il. Oh ! je me souviens. Suis-je sauf ici, Harry ?... Am I safe here, Harry?...

Un tremblement le prit... A tremor seized him...

– Mon cher Dorian, répondit lord Henry, c'est une simple syncope, voilà tout. 'My dear Dorian,' answered Lord Henry, 'it is a mere syncope, that is all. Vous devez vous être surmené. You must have overworked yourself. Il vaut mieux pour vous que vous ne veniez pas au dîner ; je prendrai votre place. It is better for you that you do not come to dinner; I will take your place.

– Non, j'irai dîner, dit-il se dressant. “No, I'll go to dinner,” he said, standing up. J'aime mieux descendre dîner. I'd rather go down to dinner. Je ne veux pas être seul ! I don't want to be alone!

Il alla dans sa chambre et s'y habilla. He went to his room and got dressed there. À table, il eut comme une sauvage et insouciante gaieté dans les manières ; mais de temps à autre, un frisson de terreur le traversait, alors qu'il revoyait, plaquée comme un blanc mouchoir sur les vitres de la serre, la figure de James Vane, le guettant !... At table he had a kind of savage and carefree gaiety in his manners; but from time to time a shiver of terror passed through him, when he saw again, plastered like a white handkerchief on the panes of the greenhouse, the face of James Vane, watching him!...