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VERNE, Jules – Voyage au centre de la Terre, XXI

XXI

Le lendemain le départ eut lieu de grand matin. Il fallait se hâter. Nous étions à cinq jours de marche du carrefour.

Je ne m'appesantirai pas sur les souffrances de notre retour. Mon oncle les supporta avec la colère d'un homme qui ne se sent pas le plus fort ; Hans avec la résignation de sa nature pacifique ; moi, je l'avoue, me plaignant et me désespérant ; je ne pouvais avoir de cœur contre cette mauvaise fortune.

Ainsi que je l'avais prévu, l'eau fit tout à fait défaut à la fin du premier jour de marche ; notre provision liquide se réduisit alors à du genièvre ; mais cette infernale liqueur brûlait le gosier, et je ne pouvais même en supporter la vue. Je trouvais la température étouffante. La fatigue me paralysait. Plus d'une fois, je faillis tomber sans mouvement. On faisait halte alors ; mon oncle ou l'Islandais me réconfortaient de leur mieux. Mais je voyais déjà que le premier réagissait péniblement contre l'extrême fatigue et les tortures nées de la privation d'eau.

Enfin, le mardi, 8 juillet, en nous traînant sur les genoux, sur les mains, nous arrivâmes à demi morts au point de jonction des deux galeries. Là je demeurai comme une masse inerte, étendu sur le sol de lave. Il était dix heures du matin.

Hans et mon oncle, accotés à la paroi, essayèrent de grignoter quelques morceaux de biscuit. De longs gémissements s'échappaient de mes lèvres tuméfiées. Je tombai dans un profond assoupissement.

Au bout de quelque temps, mon oncle s'approcha de moi et me souleva entre ses bras :

« Pauvre enfant ! » murmura-t-il avec un véritable accent de pitié.

Je fus touché de ces paroles, n'étant pas habitué aux tendresses du farouche professeur. Je saisis ses mains frémissantes dans les miennes. Il se laissa faire en me regardant. Ses yeux étaient humides.

Je le vis alors prendre la gourde suspendue à son côté. À ma grande stupéfaction, il l'approcha de mes lèvres :

« Bois, » fit-il.

Avais-je bien entendu ? Mon oncle était-il fou ? Je le regardais d'un air hébété. Je ne voulais pas le comprendre.

« Bois, » reprit-il.

Et relevant sa gourde, il la vida tout entière entre mes lèvres.

En relevant la gourde, il la vida tout entière entre mes lèvres.

Oh ! jouissance infinie ! une gorgée d'eau vint humecter ma bouche en feu, une seule, mais elle suffit à rappeler en moi la vie qui s'échappait.

Je remerciai mon oncle en joignant les mains.

« Oui, fit-il, une gorgée d'eau ! la dernière ! entends-tu bien ? la dernière ! Je l'avais précieusement gardée au fond de ma gourde. Vingt fois, cent fois, j'ai dû résister à mon effrayant désir de la boire ! Mais non, Axel, je la réservais pour toi.

— Mon oncle ! murmurai-je pendant que de grosses larmes mouillaient mes yeux.

— Oui, pauvre enfant, je savais qu'à ton arrivée à ce carrefour, tu tomberais à demi mort, et j'ai conservé mes dernières gouttes d'eau pour te ranimer.

— Merci ! merci ! » m'écriai-je.

Si peu que ma soif fût apaisée, j'avais cependant retrouvé quelque force. Les muscles de mon gosier, contractés jusqu'alors, se détendaient ; l'inflammation de mes lèvres s'était adoucie. Je pouvais parler.

« Voyons, dis-je, nous n'avons maintenant qu'un parti à prendre ; l'eau nous manque ; il faut revenir sur nos pas. Pendant que je parlais ainsi, mon oncle évitait de me regarder ; il baissait la tête ; ses yeux fuyaient les miens.

« Il faut revenir, m'écriai-je, et reprendre le chemin du Sneffels. Que Dieu nous donne la force de remonter jusqu'au sommet du cratère !

— Revenir ! fit mon oncle, comme s'il répondait plutôt à lui qu'à moi-même.

— Oui, revenir, et sans perdre un instant. Il y eut un moment de silence assez long.

« Ainsi donc, Axel, reprit le professeur d'un ton bizarre, ces quelques gouttes d'eau ne t'ont pas rendu le courage et l'énergie ?

— Le courage !

— Je te vois abattu comme avant, et faisant encore entendre des paroles de désespoir ! À quel homme avais-je affaire et quels projets son esprit audacieux formait-il encore ?

« Quoi vous ne voulez pas ?…

— Renoncer à cette expédition, au moment où tout annonce qu'elle peut réussir ! Jamais !

— Alors il faut se résigner à périr ?

— Non, Axel, non ! pars. Je ne veux pas ta mort ! Que Hans t'accompagne. Laisse-moi seul !

— Vous abandonner !

— Laisse-moi, te dis-je ! J'ai commencé ce voyage ; je l'accomplirai jusqu'au bout, ou je n'en reviendrai pas. Va-t'en, Axel, va-t'en ! Mon oncle parlait avec une extrême surexcitation. Sa voix, un instant attendrie, redevenait dure et menaçante. Il luttait avec une sombre énergie contre l'impossible ! Je ne voulais pas l'abandonner au fond de cet abîme, et, d'un autre côté, l'instinct de la conservation me poussait à le fuir.

Le guide suivait cette scène avec son indifférence accoutumée. Il comprenait cependant ce qui se passait entre ses deux compagnons ; nos gestes indiquaient assez la voie différente où chacun de nous essayait d'entraîner l'autre ; mais Hans semblait s'intéresser peu à la question dans laquelle son existence se trouvait en jeu, prêt à partir si l'on donnait le signal du départ, prêt à rester à la moindre volonté de son maître.

Que ne pouvais-je en cet instant me faire entendre de lui ! Mes paroles, mes gémissements, mon accent, auraient eu raison de cette froide nature. Ces dangers que le guide ne paraissait pas soupçonner, je les lui eusse fait comprendre et toucher du doigt. À nous deux nous aurions peut-être convaincu l'entêté professeur. Au besoin, nous l'aurions contraint à regagner les hauteurs du Sneffels !

Je m'approchai de Hans. Je mis ma main sur la sienne, il ne bougea pas. Je lui montrai la route du cratère. Il demeura immobile. Ma figure haletante disait toutes mes souffrances. L'Islandais remua doucement la tête, et désignant tranquillement mon oncle :

« Master », fit-il.

— Le maître, m'écriai-je ! insensé ! non, il n'est pas le maître de ta vie ! il faut fuir ! il faut l'entraîner ! m'entends-tu ! me comprends-tu ? J'avais saisi Hans par le bras. Je voulais l'obliger à se lever. Je luttais avec lui. Mon oncle intervint.

« Du calme, Axel, dit-il. Tu n'obtiendras rien de cet impassible serviteur. Ainsi, écoute ce que j'ai à te proposer. Je me croisai les bras, en regardant mon oncle bien en face.

« Le manque d'eau, dit-il, met seul obstacle à l'accomplissement de mes projets. Dans cette galerie de l'est, faite de laves, de schistes, de houilles, nous n'avons pas rencontré une seule molécule liquide. Il est possible que nous soyons plus heureux en suivant le tunnel de l'ouest. Je secouai la tête avec un air de profonde incrédulité.

« Écoute-moi jusqu'au bout, reprit le professeur en forçant la voix. Pendant-que tu gisais, là sans mouvement, j'ai été reconnaître la conformation de cette galerie. Elle s'enfonce directement dans les entrailles du globe, et, en peu d'heures, elle nous conduira au massif granitique. Là nous devons rencontrer des sources abondantes. La nature de la roche le veut ainsi, et l'instinct est d'accord avec la logique pour appuyer ma conviction. Or, voici ce que j'ai à te proposer. Quand Colomb a demandé trois jours à ses équipages pour trouver les terres nouvelles, ses équipages, malades, épouvantés, ont cependant fait droit à sa demande, et il a découvert le nouveau monde. Moi, le Colomb de ces régions souterraines, je ne te demande qu'un jour encore. Si, ce temps écoulé, je n'ai pas rencontré l'eau qui nous manque, je te le jure, nous reviendrons à la surface de la terre. » En dépit de mon irritation, je fus ému de ces paroles et de la violence que se faisait mon oncle pour tenir un pareil langage.

« Eh bien ! m'écriai-je, qu'il soit fait comme vous le désirez, et que Dieu récompense votre énergie surhumaine. Vous n'avez plus que quelques heures à tenter le sort ! En route !

XXI XXI XXI XXI XXI

Le lendemain le départ eut lieu de grand matin. The next day the departure took place early in the morning. No dia seguinte, a partida ocorreu no início da manhã. Наступного дня виїзд відбувся рано вранці. Il fallait se hâter. We had to hurry. Nous étions à cinq jours de marche du carrefour.

Je ne m’appesantirai pas sur les souffrances de notre retour. I will not dwell on the suffering of our return. Não vou me alongar sobre o sofrimento de nosso retorno. Я не буду зупинятися на стражданнях нашого повернення. Mon oncle les supporta avec la colère d’un homme qui ne se sent pas le plus fort ; Hans avec la résignation de sa nature pacifique ; moi, je l’avoue, me plaignant et me désespérant ; je ne pouvais avoir de cœur contre cette mauvaise fortune. My uncle supported them with the wrath of a man who does not feel the strongest; Hans with the resignation of his peaceful nature; I admit it, complaining and despairing; I could not have a heart against this bad fortune. Meu tio os suportou com a raiva de um homem que não se sente o mais forte; Hans com a resignação de sua natureza pacífica; Eu admito, reclamando e desesperando; Eu não poderia ter um coração contra esta má sorte. Мій дядько ніс їх з гнівом людини, яка не відчуває себе сильнішою, Ганс - з покірністю своєї мирної натури, я, зізнаюся, скаржачись і впадаючи у відчай; у мене серце не могло протистояти цій нещасливій долі.

Ainsi que je l’avais prévu, l’eau fit tout à fait défaut à la fin du premier jour de marche ; notre provision liquide se réduisit alors à du genièvre ; mais cette infernale liqueur brûlait le gosier, et je ne pouvais même en supporter la vue. As I had foreseen, the water was quite lacking at the end of the first day's march; our liquid supply was then reduced to gin; but this infernal liquor burned the throat, and I could not bear the sight of it. Como havia previsto, faltou água por completo ao final do primeiro dia de caminhada; nosso suprimento de líquido foi então reduzido a zimbro; mas este licor infernal queimou minha garganta, e eu não podia nem mesmo suportar a visão dele. Як я і передбачав, наприкінці першого дня маршу води зовсім не вистачало; тоді наш запас рідини скоротився до ялівцю; але цей пекельний напій обпікав стравохід, і я не міг навіть витримати його вигляду. Je trouvais la température étouffante. Я відчув, що температура задушлива. La fatigue me paralysait. Plus d’une fois, je faillis tomber sans mouvement. Mais de uma vez quase caí imóvel. Неодноразово я ледь не падав, не рухаючись з місця. On faisait halte alors ; mon oncle ou l’Islandais me réconfortaient de leur mieux. Então paramos; meu tio ou o islandês me confortaram da melhor maneira que puderam. Тоді ми зупинилися; мій дядько та ісландець втішали мене, як могли. Mais je voyais déjà que le premier réagissait péniblement contre l’extrême fatigue et les tortures nées de la privation d’eau. Mas eu já podia ver que o primeiro estava reagindo dolorosamente contra o cansaço extremo e as torturas nascidas da privação de água.

Enfin, le mardi, 8 juillet, en nous traînant sur les genoux, sur les mains, nous arrivâmes à demi morts au point de jonction des deux galeries. Finally, on Tuesday, July 8, dragging us on our knees, on our hands, we came half dead at the junction of the two galleries. Por fim, na terça-feira, 8 de julho, arrastando-nos de joelhos, sobre as mãos, chegamos meio mortos ao cruzamento das duas galerias. Là je demeurai comme une masse inerte, étendu sur le sol de lave. There I remained like an inert mass, lying on the lava floor. Там я лежав, як інертна маса, на лавовій підлозі. Il était dix heures du matin.

Hans et mon oncle, accotés à la paroi, essayèrent de grignoter quelques morceaux de biscuit. De longs gémissements s’échappaient de mes lèvres tuméfiées. Je tombai dans un profond assoupissement.

Au bout de quelque temps, mon oncle s’approcha de moi et me souleva entre ses bras : After a while, my uncle approached me and lifted me up in his arms:

« Pauvre enfant ! » murmura-t-il avec un véritable accent de pitié. "пробурмотів він зі справжнім почуттям жалю.

Je fus touché de ces paroles, n’étant pas habitué aux tendresses du farouche professeur. Fiquei comovido com essas palavras, não me acostumando com a ternura do professor feroz. Я був зворушений цими словами, не звиклий до ніжності суворого професора. Je saisis ses mains frémissantes dans les miennes. Il se laissa faire en me regardant. He let himself go by looking at me. Він відпустив себе і подивився на мене. Ses yeux étaient humides.

Je le vis alors prendre la gourde suspendue à son côté. I saw him then take the gourd hanging on his side. Eu então o vi pegar a cabaça pendurada ao lado. Потім я побачив, як він взяв флягу, що висіла біля нього. À ma grande stupéfaction, il l’approcha de mes lèvres : To my amazement, he approached my lips: На мій подив, він підніс його до моїх губ:

« Bois, » fit-il.

Avais-je bien entendu ? Я правильно зрозумів? Mon oncle était-il fou ? Мій дядько був божевільним? Je le regardais d’un air hébété. Eu olhei para ele atordoada. Я ошелешено дивився на нього. Je ne voulais pas le comprendre. Eu não queria entender isso.

« Bois, » reprit-il.

Et relevant sa gourde, il la vida tout entière entre mes lèvres. І, піднявши свою флягу, він повністю спорожнив її між моїми губами.

En relevant la gourde, il la vida tout entière entre mes lèvres. Levantando a cabaça, ele a esvaziou inteiramente entre meus lábios. Піднявши флягу, він повністю спорожнив її між моїми губами.

Oh ! jouissance infinie ! une gorgée d’eau vint humecter ma bouche en feu, une seule, mais elle suffit à rappeler en moi la vie qui s’échappait. a sip of water came to moisten my mouth on fire, only one, but it was enough to remind me of the life that was escaping. um gole de água umedeceu minha boca ardente, apenas um, mas foi o suficiente para me lembrar da vida que escapava.

Je remerciai mon oncle en joignant les mains.

« Oui, fit-il, une gorgée d’eau ! "Yes," he said, a sip of water! la dernière ! entends-tu bien ? Ви мене добре чуєте? la dernière ! Je l’avais précieusement gardée au fond de ma gourde. Я зберігав його на дні мого гарбуза. Vingt fois, cent fois, j’ai dû résister à mon effrayant désir de la boire ! Двадцять разів, сто разів мені доводилося боротися з жахливим бажанням випити його! Mais non, Axel, je la réservais pour toi.

— Mon oncle ! murmurai-je pendant que de grosses larmes mouillaient mes yeux. Sussurrei enquanto grandes lágrimas molharam meus olhos.

— Oui, pauvre enfant, je savais qu’à ton arrivée à ce carrefour, tu tomberais à demi mort, et j’ai conservé mes dernières gouttes d’eau pour te ranimer.

— Merci ! merci ! » m’écriai-je.

Si peu que ma soif fût apaisée, j’avais cependant retrouvé quelque force. Les muscles de mon gosier, contractés jusqu’alors, se détendaient ; l’inflammation de mes lèvres s’était adoucie. The muscles in my gullet, contracted until then, relaxed; the inflammation in my lips softened. Je pouvais parler.

« Voyons, dis-je, nous n’avons maintenant qu’un parti à prendre ; l’eau nous manque ; il faut revenir sur nos pas. "Come," said I, "we have now only one party to take; we miss water; we must retrace our steps. “Venha”, disse eu, “agora temos apenas um curso a fazer; nos falta água; devemos refazer nossos passos. Погляньмо, - сказав я, - у нас є тільки один шлях, у нас закінчується вода, ми повинні повернутися назад. Pendant que je parlais ainsi, mon oncle évitait de me regarder ; il baissait la tête ; ses yeux fuyaient les miens.

« Il faut revenir, m’écriai-je, et reprendre le chemin du Sneffels. “Precisamos voltar”, gritei, “e pegar a estrada para Sneffels. Ми повинні повернутися, - вигукнула я, - повернутися до Шнефелів. Que Dieu nous donne la force de remonter jusqu’au sommet du cratère ! May God give us the strength to go back to the top of the crater! Нехай Бог дасть нам сили піднятися на вершину кратера!

— Revenir ! fit mon oncle, comme s’il répondait plutôt à lui qu’à moi-même. disse meu tio, como se estivesse respondendo a ele e não a mim mesmo. сказав дядько, ніби відповідаючи йому, а не мені.

— Oui, revenir, et sans perdre un instant. - Так, повертайтеся, і не гаючи ні хвилини. Il y eut un moment de silence assez long. Настала довга хвилина мовчання.

« Ainsi donc, Axel, reprit le professeur d’un ton bizarre, ces quelques gouttes d’eau ne t’ont pas rendu le courage et l’énergie ? "Então, Axel", disse o professor estranhamente, "essas poucas gotas de água não restauraram sua coragem e energia?" Отже, Акселю, - сказав професор дивним тоном, - хіба ці кілька крапель води не повернули тобі мужність та енергію?

— Le courage !

— Je te vois abattu comme avant, et faisant encore entendre des paroles de désespoir ! - Я бачу, як ти, як і раніше, падаєш духом і все ще вимовляєш слова відчаю! À quel homme avais-je affaire et quels projets son esprit audacieux formait-il encore ? What man were I dealing with and what projects was his bold mind still forming? Com que homem eu estava lidando e quais planos sua mente ousada ainda estava fazendo?

« Quoi vous ne voulez pas ?… "What do not you want? ... "Чого ти не хочеш?

— Renoncer à cette expédition, au moment où tout annonce qu’elle peut réussir ! - Give up this expedition, at the moment when all announces that it can succeed! - Desista desta expedição, quando tudo anuncia que pode ser um sucesso! - Відмовитися від цієї експедиції, коли все вказує на її успіх! Jamais !

— Alors il faut se résigner à périr ? - Então devemos nos resignar a morrer? - Тож ми повинні змиритися з тим, що загинемо?

— Non, Axel, non ! pars. Je ne veux pas ta mort ! I do not want your death! Que Hans t’accompagne. Laisse-moi seul !

— Vous abandonner ! - Залишаю тебе!

— Laisse-moi, te dis-je ! - Залиш мене в спокої, кажу тобі! J’ai commencé ce voyage ; je l’accomplirai jusqu’au bout, ou je n’en reviendrai pas. Va-t’en, Axel, va-t’en ! Mon oncle parlait avec une extrême surexcitation. Sa voix, un instant attendrie, redevenait dure et menaçante. Il luttait avec une sombre énergie contre l’impossible ! Je ne voulais pas l’abandonner au fond de cet abîme, et, d’un autre côté, l’instinct de la conservation me poussait à le fuir. I did not want to abandon him in the depths of this abyss, and, on the other hand, the instinct of conservation drove me to flee him. Я не хотів залишати його на дні цієї прірви, а з іншого боку, інстинкт самозбереження підштовхував мене до втечі від нього.

Le guide suivait cette scène avec son indifférence accoutumée. O guia acompanhou a cena com sua indiferença de costume. Il comprenait cependant ce qui se passait entre ses deux compagnons ; nos gestes indiquaient assez la voie différente où chacun de nous essayait d’entraîner l’autre ; mais Hans semblait s’intéresser peu à la question dans laquelle son existence se trouvait en jeu, prêt à partir si l’on donnait le signal du départ, prêt à rester à la moindre volonté de son maître. Ele entendeu, no entanto, o que estava acontecendo entre seus dois companheiros; nossos gestos indicavam suficientemente os diferentes caminhos em que cada um de nós procurava conduzir o outro; mas Hans parecia não se interessar muito pela questão em que sua existência estava em jogo, pronto para partir se o sinal para partir fosse dado, pronto para permanecer à menor vontade de seu mestre.

Que ne pouvais-je en cet instant me faire entendre de lui ! What could I do at this moment to make myself heard from him! O que eu não poderia, neste momento, me fazer ouvir por ele! Чого я тільки не робила в той момент, щоб бути почутою ним! Mes paroles, mes gémissements, mon accent, auraient eu raison de cette froide nature. My words, my moans, my accent, would have been right of this cold nature. Minhas palavras, meus gemidos, meu sotaque, teriam levado a melhor sobre esta natureza fria. Мої слова, мої стогони, мій акцент перемогли б цю холодну натуру. Ces dangers que le guide ne paraissait pas soupçonner, je les lui eusse fait comprendre et toucher du doigt. These dangers, which the guide did not seem to suspect, I had made them understand and touch. Esses perigos dos quais o guia parecia não suspeitar, eu o faria entender e tocar com o meu dedo. Ці небезпеки, про які екскурсовод, схоже, не підозрював, я б змусив його зрозуміти і доторкнутися до них. À nous deux nous aurions peut-être convaincu l’entêté professeur. The two of us might have convinced the stubborn professor. Nós dois poderíamos ter convencido o professor teimoso. Au besoin, nous l’aurions contraint à regagner les hauteurs du Sneffels ! Se necessário, nós o teríamos forçado a recuperar as alturas de Sneffels!

Je m’approchai de Hans. Я підійшов до Ганса. Je mis ma main sur la sienne, il ne bougea pas. Я поклала руку на його руку, він не ворухнувся. Je lui montrai la route du cratère. Я показав йому дорогу до кратера. Il demeura immobile. Він залишався нерухомим. Ma figure haletante disait toutes mes souffrances. L’Islandais remua doucement la tête, et désignant tranquillement mon oncle :

« Master », fit-il.

— Le maître, m’écriai-je ! insensé ! non, il n’est pas le maître de ta vie ! il faut fuir ! Ви повинні тікати! il faut l’entraîner ! he must be trained! ele deve ser treinado! його треба тренувати! m’entends-tu ! Ти мене чуєш? me comprends-tu ? J’avais saisi Hans par le bras. Je voulais l’obliger à se lever. I wanted to force him to get up. Я хотів змусити його встати. Je luttais avec lui. I struggled with him. Mon oncle intervint.

« Du calme, Axel, dit-il. Tu n’obtiendras rien de cet impassible serviteur. You will not get anything from this impassive servant. Ainsi, écoute ce que j’ai à te proposer. Тож послухайте, що я можу запропонувати. Je me croisai les bras, en regardant mon oncle bien en face. I crossed my arms, looking at my uncle in the face.

« Le manque d’eau, dit-il, met seul obstacle à l’accomplissement de mes projets. Нестача води, - каже він, - є єдиною перешкодою для реалізації моїх проектів. Dans cette galerie de l’est, faite de laves, de schistes, de houilles, nous n’avons pas rencontré une seule molécule liquide. Il est possible que nous soyons plus heureux en suivant le tunnel de l’ouest. Можливо, ми будемо щасливішими, якщо підемо тунелем із заходу. Je secouai la tête avec un air de profonde incrédulité.

« Écoute-moi jusqu’au bout, reprit le professeur en forçant la voix. "Listen to me to the end," said the professor, forcing the voice. Pendant-que tu gisais, là sans mouvement, j’ai été reconnaître la conformation de cette galerie. Enquanto você estava deitado sem se mover, fui reconhecer a conformação desta galeria. Поки ти лежав там без руху, я пішов розпізнати конфігурацію цієї галереї. Elle s’enfonce directement dans les entrailles du globe, et, en peu d’heures, elle nous conduira au massif granitique. Là nous devons rencontrer des sources abondantes. Там ми повинні зіткнутися з великою кількістю джерел. La nature de la roche le veut ainsi, et l’instinct est d’accord avec la logique pour appuyer ma conviction. The nature of the rock so, and instinct agrees with logic to support my conviction. A natureza da rocha assim o deseja, e o instinto concorda com a lógica para apoiar minha convicção. Така природа каменю, і інстинкт узгоджується з логікою, підтримуючи моє переконання. Or, voici ce que j’ai à te proposer. Now, here is what I have to offer you. Але ось що я можу вам запропонувати. Quand Colomb a demandé trois jours à ses équipages pour trouver les terres nouvelles, ses équipages, malades, épouvantés, ont cependant fait droit à sa demande, et il a découvert le nouveau monde. When Columbus asked his crews for three days to find the new lands, his crews, sick and terrified, accepted his request, and he discovered the new world. Quando Colombo pediu a suas tripulações por três dias para encontrar as novas terras, suas tripulações, doentes e aterrorizadas, aceitaram seu pedido e ele descobriu o novo mundo. Moi, le Colomb de ces régions souterraines, je ne te demande qu’un jour encore. I, the Columbus of these subterranean regions, only ask you one more day. Eu, o Colombo destas regiões subterrâneas, só te peço mais um dia. Я, Колумб цих підземних регіонів, прошу вас лише про ще один день. Si, ce temps écoulé, je n’ai pas rencontré l’eau qui nous manque, je te le jure, nous reviendrons à la surface de la terre. If, this time elapsed, I have not encountered the water that we lack, I swear to you, we will return to the surface of the earth. » En dépit de mon irritation, je fus ému de ces paroles et de la violence que se faisait mon oncle pour tenir un pareil langage. Despite my irritation, I was moved by these words and by the violence my uncle used to use such language. Apesar da minha irritação, fiquei comovido com essas palavras e com a violência que meu tio usou para usar tal linguagem.

« Eh bien ! m’écriai-je, qu’il soit fait comme vous le désirez, et que Dieu récompense votre énergie surhumaine. Vous n’avez plus que quelques heures à tenter le sort ! У вас залишилося лише кілька годин, щоб спробувати заклинання! En route !