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VERNE, Jules – Voyage au centre de la Terre, 44

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Quand je rouvris les yeux, je me sentis serré à la ceinture par la main vigoureuse du guide. De l'autre main il soutenait mon oncle. Je n'étais pas blessé grièvement, mais brisé plutôt par une courbature générale. Je me vis couché sur le versant d'une montagne, à deux pas d'un gouffre dans lequel le moindre mouvement m'eût précipité. Hans m'avait sauvé de la mort, pendant que je roulais sur les flancs du cratère.

« Où sommes-nous ? » demanda mon oncle, qui me parut fort irrité d'être revenu sur terre.

Le chasseur leva les épaules en signe d'ignorance.

« En Islande, dis-je.

— « Nej, » répondis Hans.

— Comment ! non ! s'écria le professeur.

— Hans se trompe, » dis-je en me soulevant.

Après les surprises innombrables de ce voyage, une stupéfaction nous était encore réservée. Je m'attendais à voir un cône couvert de neiges éternelles, au milieu des arides déserts des régions septentrionales, sous les pâles rayons d'un ciel polaire, au delà des latitudes les plus élevées ; et, contrairement à toutes ces prévisions, mon oncle, l'Islandais et moi, nous étions étendus à mi-flanc d'une montagne calcinée par les ardeurs du soleil qui nous dévorait de ses feux.

Je ne voulais pas en croire mes regards ; mais la réelle cuisson dont mon corps était l'objet ne permettait aucun doute. Nous étions sortis à demi nus du cratère, et l'astre radieux, auquel nous n'avions rien demandé depuis deux mois, se montrait à notre égard prodigue de lumière et de chaleur et nous versait à flots une splendide irradiation.

Quand mes yeux furent accoutumés à cet éclat dont ils avaient perdu l'habitude, je les employai à rectifier les erreurs de mon imagination. Pour le moins, je voulais être au Spitzberg, et je n'étais pas d'humeur à en démordre aisément.

Le professeur avait le premier pris la parole, et dit :

« En effet, voilà qui ne ressemble pas à l'Islande.

— Mais l'île de Jean Mayen ? répondis-je.

— Pas davantage, mon garçon. Ceci n'est point un volcan du nord, avec ses collines de granit et sa calotte de neige.

— Cependant…

— Regarde. Axel, regarde ! Au-dessus de notre tête, à cinq cents pieds au plus, s'ouvrait le cratère d'un volcan par lequel s'échappait, de quart d'heure en quart d'heure, avec une très forte détonation, une haute colonne de flammes, mêlée de pierres ponces, de cendres et de laves. Je sentais les convulsions de la montagne qui respirait à la façon des baleines, et rejetait de temps à autre le feu et l'air par ses énormes évents. Au-dessous, et par une pente assez roide, les nappes de matières éruptives s'étendaient à une profondeur de sept à huit cents pieds, ce qui ne donnait pas au volcan une hauteur de cent toises. Sa base disparaissait dans une véritable corbeille d'arbres verts ; parmi lesquels je distinguai des oliviers, desfiguiers et des vignes chargées de grappes vermeilles. Ce n'était point l'aspect des régions arctiques, il fallait bien en convenir.

Lorsque le regard franchissait cette verdoyante enceinte, il arrivait rapidement à se perdre dans les eaux d'une mer admirable ou d'un lac, qui faisait de cette terre enchantée une île large de quelques lieues, à peine. Au levant, se voyait un petit port précédé de quelques maisons, et dans lequel des navires d'une forme particulière se balançaient aux ondulations des flots azurés. Au delà, des groupes d'îlots sortaient de la plaine liquide, et si nombreux, qu'ils ressemblaient à une vaste fourmilière. Vers le couchant, des côtes éloignées s'arrondissaient à l'horizon ; sur les unes se profilaient des montagnes bleues d'une harmonieuse conformation ; sur les autres, plus lointaines, apparaissait un cône prodigieusement élevé, au sommet duquel s'agitait un panache de fumée. Dans le nord, une immense étendue d'eau étincelait sous les rayons solaires, laissant poindre ça et là l'extrémité d'une mâture ou la convexité d'une voile gonflée au vent.

L'imprévu d'un pareil spectacle en centuplait encore les merveilleuses beautés,

« Où sommes-nous ? où sommes-nous ? » répétais-je à mi-voix.

Hans fermait les yeux avec indifférence, et mon oncle regardait sans comprendre.

« Quelle que soit cette montagne, dit-il enfin, il y fait un peu chaud ; les explosions ne discontinuent pas, et ce ne serait vraiment pas la peine d'être sortis d'une éruption pour recevoir un morceau de roc sur la tête. Descendons, et nous saurons à quoi nous en tenir. D'ailleurs je meurs de faim et de soif. Décidément le professeur n'était point un esprit contemplatif. Pour mon compte, oubliant le besoin et les fatigues, je serais resté à cette place pendant de longues heures encore, mais il fallut suivre mes compagnons.

Le talus du volcan offrait des pentes très-roides ; nous glissions dans de véritables fondrières de cendres, évitant les ruisseaux de lave qui s'allongeaient comme des serpents de feu. Tout en descendant, je causais avec volubilité, car mon imagination était trop remplie pour ne point s'en aller en paroles.

« Nous sommes en Asie, m'écriai-je, sur les côtes de l'Inde, dans les îles Malaises, en pleine Océanie ! Nous avons traversé la moitié du globe pour aboutir aux antipodes de l'Europe.

— Mais la boussole ? répondit mon oncle.

— Oui ! la boussole ! disais-je d'un air embarrassé. À l'en croire, nous avons toujours marché au nord.

— Elle a donc menti ?

— Oh ! menti !

— À moins que ceci ne soit le pôle nord !

— Le pôle ! non ; mais… »

Il y avait là un fait inexplicable. Je ne savais qu'imaginer.

Cependant nous nous rapprochions de cette verdure qui faisait plaisir à voir. La faim me tourmentait et la soif aussi. Heureusement, après deux heures de marche, une jolie campagne s'offrit à nos regards, entièrement couverte d'oliviers, de grenadiers et de vignes qui avaient l'air d'appartenir à tout le monde. D'ailleurs, dans notre dénûment, nous n'étions point gens à y regarder de si près. Quelle jouissance ce fut de presser ces fruits savoureux sur nos lèvres et de mordre à pleines grappes dans ces vignes vermeilles ! Non loin, dans l'herbe, à l'ombre délicieuse des arbres, je découvris une source d'eau fraîche, où notre figure et nos mains se plongèrent voluptueusement.

Pendant que chacun s'abandonnait ainsi à toutes les douceurs du repos, un enfant apparut entre deux touffes d'oliviers.

« Ah ! m'écriai-je, un habitant de cette heureuse contrée ! C'était une espèce de petit pauvre, très-misérablement vêtu, assez souffreteux, et que notre aspect parut effrayer beaucoup ; en effet, demi-nus, avec nos barbes incultes, nous avions fort mauvaise mine, et, à moins que ce pays ne fût un pays de voleurs, nous étions faite de manière à effrayer ses habitants.

Au moment ou le gamin allait prendre la fuite, Hans courut après lui et le ramena, malgré ses cris et ses coups de pied.

Mon oncle commença par le rassurer de son mieux et lui dit en bon allemand :

« Quel est le nom de cette montagne, mon petit ami ? L'enfant ne répondit pas.

« Bon, fit mon oncle, nous ne sommes point en Allemagne. Et il redit la même demande en anglais.

L'enfant ne répondit pas davantage. J'étais très-intrigué.

« Est-il donc muet ? » s'écria le professeur, qui, très fier de son polyglottisme, recommença la même demande en français.

Même silence de l'enfant.

« Alors essayons de l'italien », reprit mon oncle ; et il dit en cette langue :

« Dove noi siamo ?

— Oui ! où sommes-nous ? » répétai-je avec impatience.

L'enfant de ne point répondre.

« Ah ça ! parleras-tu ? s'écria mon oncle, que la colère commençait à gagner, et qui secoua l'enfant par les oreilles. Come si noma, questa isola ?

— Stromboli , » répondit le petit pâtre, qui s'échappa des mains de Hans et gagna la plaine à travers les oliviers.

Nous ne pensions guère à lui ! Le Stromboli ! Quel effet produisit sur mon imagination ce nom inattendu ! Nous étions en pleine Méditerranée, au milieu de l'archipel éolien de mythologique mémoire, dans l'ancienne Strongyle, ou Éole tenait à la chaîne les vents et les tempêtes. Et ces montagnes bleues qui s'arrondissaient au levant, c'étaient les montagnes de la Calabre ! Et ce volcan dressé à l'horizon du sud, l'Etna, le farouche Etna lui-même.

« Stromboli ! le Stromboli ! » répétai-je.Mon oncle m'accompagnait de ses gestes et de ses paroles. Nous avions l'air de chanter un chœur !

Ah ! quel voyage ! Quel merveilleux voyage ! Entrés par un volcan, nous étions sortis par un autre, et cet autre était situé à plus de douze cents lieues du Sneffels, de cet aride pays de l'Islande jeté aux confins du monde ! Les hasards de cette expédition nous avaient transportés au sein des plus harmonieuses contrées de la terre. Nous avions abandonné la région des neiges éternelles pour celle de la verdure infinie et laissé au-dessus de nos têtes le brouillard grisâtre des zones glacées pour revenir au ciel azuré de la Sicile !

Après un délicieux repas composé de fruits et d'eau fraîche, nous nous remîmes en route pour gagner le port de Stromboli. Dire comment nous étions arrivés dans l'île ne nous parut pas prudent ; l'esprit superstitieux des Italiens n'eût pas manqué de voir en nous dés démons vomis du sein des enfers ; il fallut donc, se résigner à passer pour d'humbles naufragés. C'était moins glorieux, mais plus sûr.

Chemin faisant, j'entendais mon oncle murmurer :

« Mais la boussole ! la boussole, qui marquait le nord ! comment expliquer ce fait ?

— Ma foi ! dis-je avec un grand air de dédain, il ne faut pas l'expliquer, c'est plus facile !

— Par exemple ! un professeur au Johannaeum qui ne trouverait pas la raison d'un phénomène cosmique, ce serait une honte ! En parlant ainsi, mon oncle, demi-nu, sa bourse de cuir autour des reins et dressant ses lunettes sur son nez, redevint le terrible professeur de minéralogie.

Mon oncle, demi-nu et dressant ses lunettes sur son nez.

Une heure après avoir quitté le bois d'oliviers, nous arrivions au port de San-Vicenzo, où Hans réclamait le prix de sa treizième semaine de service, qui lui fut compté avec de chaleureuses poignées de main.

En cet instant, s'il ne partagea pas notre émotion bien naturelle, il se laissa aller du moins à un mouvement d'expansion extraordinaire.

Du bout de ses doigts il pressa légèrement nos deux mains et se mit à sourire.

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Quand je rouvris les yeux, je me sentis serré à la ceinture par la main vigoureuse du guide. When I opened my eyes, I felt my belt tightened by the vigorous hand of the guide. Коли я знову розплющила очі, то відчула, як сильна рука гіда стискає мою талію. De l’autre main il soutenait mon oncle. With the other hand he supported my uncle. Je n’étais pas blessé grièvement, mais brisé plutôt par une courbature générale. I was not seriously injured, but rather broken by a general stiffness. Não fiquei gravemente ferido, mas sim quebrado por uma rigidez geral. Я не був серйозно травмований, скоріше перелом із загальним болем. Je me vis couché sur le versant d’une montagne, à deux pas d’un gouffre dans lequel le moindre mouvement m’eût précipité. I saw myself lying on the slope of a mountain, close to a gulf in which the slightest movement had precipitated me. Eu me vi deitado na encosta de uma montanha, a poucos passos de um abismo no qual o menor movimento teria me lançado. Я побачив себе лежачим на схилі гори, за два кроки від прірви, в яку найменший рух міг би мене скинути. Hans m’avait sauvé de la mort, pendant que je roulais sur les flancs du cratère. Hans had saved me from death, while I was rolling on the sides of the crater. Ганс врятував мене від смерті, коли я скотився вниз по схилу кратера.

« Où sommes-nous ? » demanda mon oncle, qui me parut fort irrité d’être revenu sur terre. "запитав мій дядько, який, здавалося, був дуже роздратований поверненням на землю.

Le chasseur leva les épaules en signe d’ignorance. Мисливець у невіданні підняв плечі.

« En Islande, dis-je.

— « Nej, » répondis Hans. - Ні, - відповів Ганс.

— Comment ! non ! s’écria le professeur.

— Hans se trompe, » dis-je en me soulevant. - Ганс помиляється, - сказала я, підводячись.

Après les surprises innombrables de ce voyage, une stupéfaction nous était encore réservée. Після незліченних сюрпризів цієї подорожі на нас чекало ще одне здивування. Je m’attendais à voir un cône couvert de neiges éternelles, au milieu des arides déserts des régions septentrionales, sous les pâles rayons d’un ciel polaire, au delà des latitudes les plus élevées ; et, contrairement à toutes ces prévisions, mon oncle, l’Islandais et moi, nous étions étendus à mi-flanc d’une montagne calcinée par les ardeurs du soleil qui nous dévorait de ses feux. I expected to see a cone covered with eternal snow, in the midst of the arid deserts of the northern regions, under the pale rays of a polar sky, beyond the highest latitudes; and, contrary to all these forecasts, my uncle, the Icelandic and I, we were stretched out halfway on a mountain charred by the heat of the sun which devoured us with its fires. Esperava ver um cone coberto de neve eterna, em meio aos desertos áridos das regiões setentrionais, sob os raios pálidos de um céu polar, além das latitudes mais altas; e, ao contrário de todas essas previsões, meu tio, o islandês e eu, estávamos estendidos no meio de uma montanha carbonizada pelo calor do sol que nos devorava com suas fogueiras. Я очікував побачити конус, вкритий вічним снігом, посеред посушливих пустель північних регіонів, під блідим промінням полярного неба, за найвищими широтами; та, всупереч усім цим прогнозам, ми з моїм дядьком, ісландцем, лежали на півдорозі на горі, обвуглені палким сонцем, яке пожирало нас своїми вогнями.

Je ne voulais pas en croire mes regards ; mais la réelle cuisson dont mon corps était l’objet ne permettait aucun doute. Я не хотіла вірити своїм очам, але справжнє приготування мого тіла не залишало сумнівів. Nous étions sortis à demi nus du cratère, et l’astre radieux, auquel nous n’avions rien demandé depuis deux mois, se montrait à notre égard prodigue de lumière et de chaleur et nous versait à flots une splendide irradiation. We had gone out half-naked from the crater, and the radiant star, to which we had not asked for anything for two months, showed itself to us prodigal of light and warmth, and poured out a splendid irradiation. Havíamos deixado a cratera seminua, e a estrela radiante, à qual nada pedíamos há dois meses, mostrou-se pródiga de luz e calor em nossa direção e derramou sobre nós um esplêndido brilho. Ми вийшли з кратера напівголі, а промениста зірка, у якої ми два місяці нічого не просили, виявилася блудливою на світло і тепло і вилила на нас чудове випромінювання.

Quand mes yeux furent accoutumés à cet éclat dont ils avaient perdu l’habitude, je les employai à rectifier les erreurs de mon imagination. When my eyes were accustomed to that glow of which they had lost the habit, I employed them to correct the errors of my imagination. Коли мої очі звикли до цієї яскравості, до якої вони втратили звичку, я використовував її, щоб виправити помилки моєї уяви. Pour le moins, je voulais être au Spitzberg, et je n’étais pas d’humeur à en démordre aisément. At the very least, I wanted to be in Spitsbergen, and I was not in the mood to give up easily. No mínimo, eu queria estar em Spitsbergen e não estava com disposição para desistir facilmente. М'яко кажучи, я дуже хотів потрапити на Шпіцберген, і я не був налаштований так просто здаватися.

Le professeur avait le premier pris la parole, et dit : The professor was the first to speak, and said:

« En effet, voilà qui ne ressemble pas à l’Islande. "Дійсно, це не схоже на Ісландію.

— Mais l’île de Jean Mayen ? répondis-je.

— Pas davantage, mon garçon. - No more, my boy. - Chega, meu menino. - Досить, мій хлопчику. Ceci n’est point un volcan du nord, avec ses collines de granit et sa calotte de neige.

— Cependant…

— Regarde. Axel, regarde ! Au-dessus de notre tête, à cinq cents pieds au plus, s’ouvrait le cratère d’un volcan par lequel s’échappait, de quart d’heure en quart d’heure, avec une très forte détonation, une haute colonne de flammes, mêlée de pierres ponces, de cendres et de laves. Над нашими головами, не більше ніж за п'ятсот футів від нас, був кратер вулкану, через який з чверті на чверть з дуже гучним вибухом виривався високий стовп полум'я, змішаний з пемзою, попелом і лавою. Je sentais les convulsions de la montagne qui respirait à la façon des baleines, et rejetait de temps à autre le feu et l’air par ses énormes évents. Senti as convulsões da montanha que respirava como baleias e de vez em quando lançava fogo e ar por suas enormes aberturas. Au-dessous, et par une pente assez roide, les nappes de matières éruptives s’étendaient à une profondeur de sept à huit cents pieds, ce qui ne donnait pas au volcan une hauteur de cent toises. Внизу, під досить крутим схилом, листи виверженої речовини простягалися на глибину сімсот-вісімсот футів, що не давало вулкану висоти в сто тоїсів. Sa base disparaissait dans une véritable corbeille d’arbres verts ; parmi lesquels je distinguai des oliviers, desfiguiers et des vignes chargées de grappes vermeilles. Its base disappeared in a veritable basket of green trees; among which I distinguished olive trees, filigrees and vines loaded with vermilion clusters. Sua base desapareceu em uma verdadeira cesta de árvores verdes; entre as quais distingui oliveiras, figueiras e vinhas carregadas de cachos avermelhados. Його основа зникала у справжньому кошику зелених дерев, серед яких я розрізнила оливкові дерева, фігові дерева та виноградні лози, обтяжені рум'яними гронами. Ce n’était point l’aspect des régions arctiques, il fallait bien en convenir. This was not the aspect of the Arctic regions, it had to be agreed.

Lorsque le regard franchissait cette verdoyante enceinte, il arrivait rapidement à se perdre dans les eaux d’une mer admirable ou d’un lac, qui faisait de cette terre enchantée une île large de quelques lieues, à peine. When the gaze crossed this verdant enclosure, it quickly came to lose itself in the waters of an admirable sea or a lake, which made this enchanted land an island barely a few leagues wide. Quando o olhar cruzou este recinto verdejante, rapidamente veio a perder-se nas águas de um admirável mar ou lago, o que fez desta terra encantada uma ilha com apenas algumas léguas de largura. Коли погляд перетинав цю зелену огорожу, він швидко губився у водах чудового моря чи озера, що перетворювало цю чарівну землю на острів завширшки лише кілька ліг. Au levant, se voyait un petit port précédé de quelques maisons, et dans lequel des navires d’une forme particulière se balançaient aux ondulations des flots azurés. На сході була невеличка гавань з кількома будинками перед нею, в якій хиталися на блакитних хвилях кораблі дивної форми. Au delà, des groupes d’îlots sortaient de la plaine liquide, et si nombreux, qu’ils ressemblaient à une vaste fourmilière. Vers le couchant, des côtes éloignées s’arrondissaient à l’horizon ; sur les unes se profilaient des montagnes bleues d’une harmonieuse conformation ; sur les autres, plus lointaines, apparaissait un cône prodigieusement élevé, au sommet duquel s’agitait un panache de fumée. Towards the west, distant coasts rounded off the horizon; on some were outlined blue mountains of harmonious conformation; on the others, more distant, appeared a prodigiously high cone, at the top of which waved a plume of smoke. Ближче до заходу сонця далекі береги огинали обрій; на одних з них вимальовувалися блакитні гори гармонійної форми; на інших, ще далі, з'являвся неймовірно високий конус, на вершині якого клубочився шлейф диму. Dans le nord, une immense étendue d’eau étincelait sous les rayons solaires, laissant poindre ça et là l’extrémité d’une mâture ou la convexité d’une voile gonflée au vent. In the north, a huge expanse of water sparkled in the sunlight, showing here and there the end of a mast or the convexity of a sail swollen in the wind. No norte, uma imensa extensão de água cintilava sob os raios do sol, mostrando aqui e ali a ponta de um mastro ou a convexidade de uma vela inflada pelo vento. На півночі величезний водний простір виблискував під сонячними променями, де-не-де виднілася верхівка щогли або опуклість вітрила, надутого вітром.

L’imprévu d’un pareil spectacle en centuplait encore les merveilleuses beautés, The unexpectedness of such a spectacle further increased the marvelous beauties, Непередбачуваність такого видовища зробила його дивовижну красу ще більш очевидною,

« Où sommes-nous ? où sommes-nous ? » répétais-je à mi-voix.

Hans fermait les yeux avec indifférence, et mon oncle regardait sans comprendre.

« Quelle que soit cette montagne, dit-il enfin, il y fait un peu chaud ; les explosions ne discontinuent pas, et ce ne serait vraiment pas la peine d’être sortis d’une éruption pour recevoir un morceau de roc sur la tête. “Whatever mountain it is,” he said at last, “it's a little hot there; the explosions don't stop, and it really wouldn't be worth it to come out of an eruption to get a piece of rock on your head. “Seja qual for a montanha”, disse ele por fim, “está um pouco quente lá; as explosões não param e realmente não valeria a pena sair de uma erupção para colocar um pedaço de pedra na cabeça. Чим би ця гора не була, - сказав він нарешті, - вона трохи гаряча, вибухи не припиняються, і не хотілося б, щоб, вийшовши з виверження, вам на голову впав шматок скелі. Descendons, et nous saurons à quoi nous en tenir. Let's go down, and we'll know what to do with it. Давайте спустимося вниз і з'ясуємо, з чим ми маємо справу. D’ailleurs je meurs de faim et de soif. Besides, I'm dying of hunger and thirst. Décidément le professeur n’était point un esprit contemplatif. Decidedly the professor was not a contemplative mind. Pour mon compte, oubliant le besoin et les fatigues, je serais resté à cette place pendant de longues heures encore, mais il fallut suivre mes compagnons. For my part, forgetting the need and the fatigue, I would have remained in this place for many more hours, but I had to follow my companions. De minha parte, esquecendo a necessidade e o cansaço, teria permanecido muitas horas neste lugar, mas tinha que seguir meus companheiros. Зі свого боку, забувши про нужду і втому, я б залишився на тому місці ще на багато годин, але мені треба було йти за своїми супутниками.

Le talus du volcan offrait des pentes très-roides ; nous glissions dans de véritables fondrières de cendres, évitant les ruisseaux de lave qui s’allongeaient comme des serpents de feu. The slope of the volcano presented very steep slopes; we slipped into veritable mires of ash, avoiding the streams of lava which stretched out like serpents of fire. A encosta do vulcão apresentava encostas muito íngremes; escorregamos em verdadeiros atoleiros de cinzas, evitando as correntes de lava que se estendiam como serpentes de fogo. Схил вулкану був дуже крутим, ми пробиралися через справжні попелища, уникаючи потоків лави, що тягнулися вогняними зміями. Tout en descendant, je causais avec volubilité, car mon imagination était trop remplie pour ne point s’en aller en paroles. While descending, I talked with volubility, for my imagination was too busy not to go away in words. Ao descer as escadas, falava de volubilidade, pois minha imaginação estava cheia demais para não entrar em palavras. Коли я спускався, я голосно базікав, бо моя уява була надто переповнена, щоб не висловити її словами.

« Nous sommes en Asie, m’écriai-je, sur les côtes de l’Inde, dans les îles Malaises, en pleine Océanie ! Nous avons traversé la moitié du globe pour aboutir aux antipodes de l’Europe.

— Mais la boussole ? répondit mon oncle.

— Oui ! la boussole ! disais-je d’un air embarrassé. À l’en croire, nous avons toujours marché au nord. Segundo ele, sempre caminhamos para o norte. За його словами, ми завжди йшли на північ.

— Elle a donc menti ?

— Oh ! menti !

— À moins que ceci ne soit le pôle nord ! - Unless this is the North Pole! - Якщо тільки це не Північний полюс!

— Le pôle ! non ; mais… »

Il y avait là un fait inexplicable. Je ne savais qu’imaginer.

Cependant nous nous rapprochions de cette verdure qui faisait plaisir à voir. La faim me tourmentait et la soif aussi. Heureusement, après deux heures de marche, une jolie campagne s’offrit à nos regards, entièrement couverte d’oliviers, de grenadiers et de vignes qui avaient l’air d’appartenir à tout le monde. Fortunately, after two hours of walking, a pretty countryside opened up to our eyes, entirely covered with olive trees, pomegranate trees and vines which seemed to belong to everyone. На щастя, через дві години ходьби перед нашими очима постала гарна сільська місцевість, суцільно вкрита оливковими деревами, гранатами та виноградними лозами, які, здавалося, належали всім. D’ailleurs, dans notre dénûment, nous n’étions point gens à y regarder de si près. Moreover, in our destitution, we were not people to look at it so closely. Além disso, em nossa miséria, não éramos pessoas para olhar tão de perto. До того ж, у злиднях ми не були схильні придивлятися так пильно. Quelle jouissance ce fut de presser ces fruits savoureux sur nos lèvres et de mordre à pleines grappes dans ces vignes vermeilles ! What a pleasure it was to squeeze these tasty fruits on our lips and to bite deeply into these ruddy vines! Як приємно було притискати ці смачні плоди до губ і кусати ці рум'яні лозини! Non loin, dans l’herbe, à l’ombre délicieuse des arbres, je découvris une source d’eau fraîche, où notre figure et nos mains se plongèrent voluptueusement. Not far away, in the grass, in the delicious shade of the trees, I discovered a spring of fresh water, into which our face and our hands plunged voluptuously. Неподалік, у траві, в апетитній тіні дерев, я виявив джерело з прісною водою, куди ми з насолодою занурили обличчя і руки.

Pendant que chacun s’abandonnait ainsi à toutes les douceurs du repos, un enfant apparut entre deux touffes d’oliviers. While each was thus abandoning himself to all the delights of rest, a child appeared between two tufts of olive trees. Поки всі насолоджувалися солодким відпочинком, між двома кущами оливкових дерев з'явилася дитина.

« Ah ! m’écriai-je, un habitant de cette heureuse contrée ! C’était une espèce de petit pauvre, très-misérablement vêtu, assez souffreteux, et que notre aspect parut effrayer beaucoup ; en effet, demi-nus, avec nos barbes incultes, nous avions fort mauvaise mine, et, à moins que ce pays ne fût un pays de voleurs, nous étions faite de manière à effrayer ses habitants. It was a kind of poor little one, very miserably clothed, rather sickly, and our appearance seemed to frighten many; indeed, half-naked, with our uneducated beards, we looked very bad, and, unless this country was a country of robbers, we were made so as to frighten its inhabitants. Ele era uma espécie de menino pobre, muito mal vestido, um tanto sofredor, e a quem nossa aparência parecia assustar muito; de fato, seminus, com nossas barbas não cultivadas, estávamos muito mal, e, a menos que este país fosse um país de ladrões, fomos feitos de modo a amedrontar seus habitantes. Це був якийсь бідолашний чоловічок, дуже убого одягнений, стражденний, і наш вигляд, здавалося, дуже його налякав; справді, напівголі, з нестриженими бородами, ми виглядали дуже погано, і, якщо це не була країна злодіїв, ми були зроблені таким чином, щоб лякати її мешканців.

Au moment ou le gamin allait prendre la fuite, Hans courut après lui et le ramena, malgré ses cris et ses coups de pied. By the time the kid ran away, Hans ran after him and brought him back, despite his screaming and kicking. Quando o menino estava prestes a levantar vôo, Hans correu atrás dele e o trouxe de volta, apesar de seus gritos e chutes. Тільки-но хлопчик зібрався тікати, Ганс побіг за ним і повернув назад, незважаючи на його крики та штовхання.

Mon oncle commença par le rassurer de son mieux et lui dit en bon allemand :

« Quel est le nom de cette montagne, mon petit ami ? L’enfant ne répondit pas.

« Bon, fit mon oncle, nous ne sommes point en Allemagne. Et il redit la même demande en anglais.

L’enfant ne répondit pas davantage. J’étais très-intrigué.

« Est-il donc muet ? » s’écria le professeur, qui, très fier de son polyglottisme, recommença la même demande en français.

Même silence de l’enfant.

« Alors essayons de l’italien », reprit mon oncle ; et il dit en cette langue :

«  Dove noi siamo ?

— Oui ! où sommes-nous ? » répétai-je avec impatience.

L’enfant de ne point répondre. Дитина не відповіла.

« Ah ça ! " Oh aquilo ! parleras-tu ? s’écria mon oncle, que la colère commençait à gagner, et qui secoua l’enfant par les oreilles. Come si noma, questa isola ? Come si noma, questa isola?

— Stromboli , » répondit le petit pâtre, qui s’échappa des mains de Hans et gagna la plaine à travers les oliviers. "Stromboli," replied the little shepherd, who slipped out of Hans's hands and reached the plain through the olive trees. "Stromboli", respondeu o pastorzinho, que escapuliu das mãos de Hans e alcançou a planície por entre as oliveiras.

Nous ne pensions guère à lui ! We did not think of him! Quase não pensamos nele! Le Stromboli ! Quel effet produisit sur mon imagination ce nom inattendu ! What effect did this unexpected name have on my imagination! Який вплив ця несподівана назва справила на мою уяву! Nous étions en pleine Méditerranée, au milieu de l’archipel éolien de mythologique mémoire, dans l’ancienne Strongyle, ou Éole tenait à la chaîne les vents et les tempêtes. We were in the middle of the Mediterranean, in the middle of the Aeolian archipelago of mythological memory, in ancient Strongyle, where Aeolus held on to the winds and storms. Estávamos no meio do Mediterrâneo, no meio do arquipélago eólico da memória mitológica, no antigo estilo forte, onde Éolo mantinha os ventos e as tempestades em cadeia. Ми були посеред Середземномор'я, посеред Еолового архіпелагу міфологічної пам'яті, у стародавньому Стронґілі, де Еол тримав у своїх руках вітри та бурі. Et ces montagnes bleues qui s’arrondissaient au levant, c’étaient les montagnes de la Calabre ! Et ce volcan dressé à l’horizon du sud, l’Etna, le farouche Etna lui-même. And this volcano erected on the southern horizon, Etna, the fierce Etna itself. E este vulcão ergueu-se no horizonte sul, Etna, o próprio Etna feroz.

« Stromboli ! le Stromboli ! » répétai-je.Mon oncle m’accompagnait de ses gestes et de ses paroles. Nous avions l’air de chanter un chœur ! We seemed to sing a chorus! Parecíamos estar cantando um coro! Здавалося, що ми співаємо хором!

Ah ! quel voyage ! what a journey ! Quel merveilleux voyage ! Entrés par un volcan, nous étions sortis par un autre, et cet autre était situé à plus de douze cents lieues du Sneffels, de cet aride pays de l’Islande jeté aux confins du monde ! Entered by a volcano, we had left by another, and this other was located more than twelve hundred leagues from Sneffels, of this arid country of Iceland thrown to the borders of the world! Entrados por um vulcão, saímos por outro, e este outro estava localizado a mais de mil e duzentas léguas de Sneffels, deste árido país da Islândia, lançado às fronteiras do mundo! Les hasards de cette expédition nous avaient transportés au sein des plus harmonieuses contrées de la terre. The chances of this expedition had transported us to the most harmonious regions of the earth. Nous avions abandonné la région des neiges éternelles pour celle de la verdure infinie et laissé au-dessus de nos têtes le brouillard grisâtre des zones glacées pour revenir au ciel azuré de la Sicile ! Ми покинули край вічних снігів заради нескінченної зелені і залишили сірий туман крижаних зон над головою, щоб повернутися до блакитного неба Сицилії!

Après un délicieux repas composé de fruits et d’eau fraîche, nous nous remîmes en route pour gagner le port de Stromboli. After a delicious meal of fruit and fresh water, we set off again for the port of Stromboli. Dire comment nous étions arrivés dans l’île ne nous parut pas prudent ; l’esprit superstitieux des Italiens n’eût pas manqué de voir en nous dés démons vomis du sein des enfers ; il fallut donc, se résigner à passer pour d’humbles naufragés. Dizer como chegamos à ilha não nos pareceu prudente; o espírito supersticioso dos italianos não teria deixado de ver em nós demônios vomitados do seio do inferno; era preciso, portanto, resignar-nos a passar por humildes náufragos. Розповідати про те, як ми потрапили на острів, не здавалося розсудливим; забобонний дух італійців неодмінно побачив би в нас демонів, вивержених з лона підземного царства; тому нам довелося змиритися з тим, що ми виглядаємо як смиренні вигнанці. C’était moins glorieux, mais plus sûr.

Chemin faisant, j’entendais mon oncle murmurer : Ao longo do caminho, ouvi meu tio sussurrar:

« Mais la boussole ! la boussole, qui marquait le nord ! компас, який показував на північ! comment expliquer ce fait ? how to explain this fact?

— Ma foi ! - Боже мій! dis-je avec un grand air de dédain, il ne faut pas l’expliquer, c’est plus facile ! Я сказала з великим презирством: "Не треба нічого пояснювати, так простіше!".

— Par exemple ! un professeur au Johannaeum qui ne trouverait pas la raison d’un phénomène cosmique, ce serait une honte ! um professor do Johannaeum que não conseguia encontrar o motivo de um fenômeno cósmico, seria uma pena! Було б прикро, якби професор з Йоганнеуму не знайшов причину космічного явища! En parlant ainsi, mon oncle, demi-nu, sa bourse de cuir autour des reins et dressant ses lunettes sur son nez, redevint le terrible professeur de minéralogie. Speaking thus, my uncle, half-naked, his leather purse around his loins and raising his glasses to his nose, became again the terrible professor of mineralogy. Falando assim, meu tio, seminu, a bolsa de couro na cintura e levando os óculos ao nariz, voltou a ser o terrível professor de mineralogia. Поки він говорив, мій дядько, напівоголений, зі шкіряним гаманцем на поясі і в окулярах, насунутих на ніс, перетворився на жахливого професора мінералогії.

Mon oncle, demi-nu et dressant ses lunettes sur son nez. My uncle, half-naked and raising his glasses to his nose. Мій дядько, напівоголений, насунувши окуляри на ніс.

Une heure après avoir quitté le bois d’oliviers, nous arrivions au port de San-Vicenzo, où Hans réclamait le prix de sa treizième semaine de service, qui lui fut compté avec de chaleureuses poignées de main. An hour after leaving the olive grove, we arrived at the port of San Vicenzo, where Hans claimed the price of his thirteenth week of service, which was counted on him with warm handshakes. Uma hora depois de deixar o olival, chegamos ao porto de San-Vicenzo, onde Hans reivindicou o prêmio por sua décima terceira semana de serviço, que lhe foi contado com calorosos apertos de mão. Через годину після виходу з оливкового гаю ми прибули в порт Сан-Віченцо, де Ганс зажадав свою тринадцяту тижневу службу, яка була відрахована теплими рукостисканнями.

En cet instant, s’il ne partagea pas notre émotion bien naturelle, il se laissa aller du moins à un mouvement d’expansion extraordinaire. At that moment, if he did not share our natural emotion, he at least let himself go to an extraordinary expansion. У той момент, якщо він і не розділив нашу природну емоцію, то принаймні дозволив собі надзвичайно розширитися.

Du bout de ses doigts il pressa légèrement nos deux mains et se mit à sourire. With the tips of his fingers he squeezed our hands lightly and began to smile. Ele apertou nossas mãos levemente com a ponta dos dedos e sorriu. Кінчиками пальців він ніжно стиснув обидві наші руки і почав посміхатися.