×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

VERNE, Jules – Voyage au centre de la Terre, 42

42

Je suppose qu'il devait être alors dix heures du soir. Le premier de mes sens qui fonctionna après ce dernier assaut fut le sens de l'ouïe. J'entendis presque aussitôt, car ce fut acte d'audition véritable, j'entendis le silence se faire dans la galerie, et succéder à ces mugissements qui, depuis de longues heures, remplissaient mes oreilles. Enfin ces paroles de mon oncle m'arrivèrent comme un murmure :

« Nous montons !

— Que voulez-vous dire ? m'écriai-je.

— Oui, nous montons ! nous montons ! J'étendis le bras ; je touchai la muraille ; ma main fut mise en sang. Nous remontions avec une extrême rapidité.

« La torche ! la torche ! » s'écria le professeur.

Hans, non sans difficultés, parvint à l'allumer, et la flamme, se maintenant de bas en haut, malgré le mouvement ascensionnel, jeta assez de clarté pour éclairer toute la scène.

La torche jeta assez de clarté pour éclairer toute la scène.

« C'est bien ce que je pensais, dit mon oncle. Nous sommes dans un puits étroit, qui n'a pas quatre toises de diamètre. L'eau, arrivée au fond du gouffre, reprend son niveau et nous monte avec elle.

— Où ?

— Je l'ignore, mais il faut se tenir prêts à tout événement. Nous montons avec une vitesse que j'évalue à deux toises par secondes, soit cent vingt toises par minute, ou plus de trois lieues et demie à l'heure. De ce train-là, on fait du chemin.

— Oui, si rien ne nous arrête, si ce puits a une issue ! Mais s'il est bouché, si l'air se comprime peu à peu sous la pression de la colonne d'eau, si nous allons être écrasés !

— Axel, répondit le professeur avec un grand calme, la situation est presque désespérée, mais il y a quelques chances de salut, et ce sont celles-là que j'examine. Si à chaque instant nous pouvons périr, à chaque instant aussi nous pouvons être sauvés, Soyons donc on mesure de profiter des moindres circonstances.

— Mais que faire ?

— Réparer nos forces en mangeant. À ces mots, je regardai mon oncle d'un œil hagard. Ce que je n'avais pas voulu avouer, il fallait enfin le dire :

« Manger ? répétai-je.

— Oui, sans retard. Le professeur ajouta quelques mots en danois. Hans secoua la tête.

« Quoi ! s'écria mon oncle, nos provisions sont perdues ?

— Oui, voilà ce qui reste de vivres ! un morceau de viande sèche pour nous trois ! Mon oncle me regardait sans vouloir comprendre mes paroles.

« Eh bien ! dis-je, croyez-vous encore que nous puissions être sauvés ? Ma demande n'obtint aucune réponse.

Une heure se passa. Je commençais à éprouver une faim violente. Mes compagnons souffraient aussi, et pas un de nous n'osait toucher à ce misérable reste d'aliments.

Cependant nous montions toujours avec une extrème rapidité. Parfois l'air nous coupait la respiration comme aux aéronautes dont l'ascension est trop rapide. Mais si ceux-ci éprouvent un froid proportionnel à mesure qu'ils s'élèvent dans les couches atmosphériques, nous subissions un effet absolument contraire. La chaleur s'accroissait d'une inquiétante façon et devait certainement atteindre quarante degrés.

Que signifiait un pareil changement ? Jusqu'alors les faits avaient donné raison aux théories de Davy et de Lidenbrock ; jusqu'alors des conditions particulières de roches réfractaires, d'électricité, de magnétisme avaient modifié les lois générales de la nature, en nous faisant une température modérée, car la théorie du feu central restait, à mes yeux, la seule vraie, la seule explicable. Allions-nous donc revenir à un milieu où ces phénomènes s'accomplissaient dans toute leur rigueur et dans lequel la chaleur réduisait les roches à un complet état de fusion ? Je le craignais, et je dis au professeur :

« Si nous ne sommes pas noyés ou brisés, si nous ne mourons pas de faim, il nous reste toujours la chance d'être brûlés vifs. Il se contenta de hausser les épaules et retomba dans ses réflexions.

Une heure s'écoula, et, sauf un léger accroissement dans la température, aucun incident ne modifia la situation. Enfin mon oncle rompit le silence :

« Voyons, dit-il, il faut prendre un parti.

— Prendre un parti ? répliquai-je.

— Oui. Il faut réparer nos forces, si nous essayons, en ménageant ce reste de nourriture, de prolonger notre existence de quelques heures, nous serons faibles jusqu'à la fin.

— Oui, jusqu'à la fin, qui ne se fera pas attendre.

— Eh bien ! qu'une chance de salut se présente, qu'un moment d'action soit nécessaire, où trouverons-nous la force d'agir, si nous nous laissons affaiblir par l'inanition ?

— Eh ! mon oncle, ce morceau de viande dévoré, que nous restera-t-il ?

— Rien, Axel, rien. Mais te nourrira-t-il davantage à le manger de tes yeux ? Tu fais là les raisonnements d'homme sans volonté, d'un être sans énergie !

— Ne désespérez-vous donc pas ? m'écriai-je avec irritation.

— Non ! répliqua fermement le professeur.

— Quoi ! vous croyez encore à quelque chance de salut ?

— Oui ! certes oui ! et tant que son cœur bat, tant que sa chair palpite, je n'admets pas qu'un être doué de volonté laisse en lui place au désespoir. Quelles paroles ! L'homme qui les prononçait en de pareilles circonstances était certainement d'une trempe peu commune.

« Enfin, dis-je, que prétendez-vous faire ?

— Manger ce qui reste de nourriture jusqu'à la dernière miette et réparer nos forces perdues. Ce repas sera notre dernier, soit ! mais au moins, au lieu d'être épuisés, nous serons redevenus des hommes.

— Eh bien ! dévorons ! » m'écriai-je.

Mon oncle prit le morceau de viande et les quelques biscuits échappés au naufrage ; il fit trois portions égales et les distribua. Cela faisait environ une livre d'aliments pour chacun. Le professeur mangea avidement, avec une sorte d'emportement fébrile ; moi, sans plaisir, malgré ma faim, et presque avec dégoût ; Hans, tranquillement, modérément, mâchant sans bruit de petites bouchées, les savourant avec le calme d'un homme que les soucis de l'avenir ne pouvaient inquiéter. Il avait, en furetant bien, retrouvé une gourde à demi pleine de genièvre ; il nous l'offrit, et cette bienfaisante liqueur eut la force de me ranimer un peu.

« Förtrafflig ! dit Hans en buvant à son tour.

— Excellente ! » riposta mon oncle.

J'avais repris quelque espoir. Mais notre dernier repas venait d'être achevé. Il était alors cinq heures du matin.

L'homme est ainsi fait, que sa santé est un effet purement négatif ; une fois le besoin de manger satisfait on se figure difficilement les horreurs de la faim ; il faut les éprouver, pour les comprendre. Aussi, au sortir d'un long jeûne, quelques bouchées de biscuit et de viande triomphèrent de nos douleurs passées.

Cependant, après ce repas, chacun se laissa aller à ses réflexions. À quoi songeait Hans, cet homme de l'extrême Occident, que dominait la résignation fataliste des Orientaux ? Pour mon compte, mes pensées n'étaient faites que de souvenirs, et ceux-ci me ramenaient à la surface de ce globe que je n'aurais jamais dû quitter. La maison de König-strasse, ma pauvre Graüben, la bonne Marthe, passèrent comme des visions devant mes yeux, et, dans les grondements lugubres qui couraient à travers le massif, je croyais surprendre le bruit des cités de la terre.

Pour mon oncle, « toujours à son affaire », la torche à la main, il examinait avec attention la nature des terrains ; il cherchait à reconnaître sa situation par l'observation des couches superposées. Ce calcul, ou mieux cette estime, ne pouvait être que fort approximative ; mais un savant est toujours un savant, quand il parvient à conserver son sang-froid, et certes, le professeur Lidenbrock possédait cette qualité à un degré peu ordinaire. Je l'entendais murmurer des mots de la science géologique ; je les comprenais, et je m'intéressais malgré moi à cette étude suprême.

« Granit éruptif, disait-il ; nous sommes encore à l'époque primitive ; mais nous montons ! nous montons ! Qui sait ? Qui sait ? Il espérait toujours.

De sa main il tâtait la paroi verticale, et, quelques instants plus tard, il reprenait ainsi :

« Voilà les gneiss ! voilà les micaschistes ! Bon ! à bientôt les terrains de l'époque de transition, et alors… »

Que voulait dire le professeur ? Pouvait-il mesurer l'épaisseur de l'écorce terrestre suspendue sur notre tête ? Possédait-il un moyen quelconque de faire ce calcul ? Non. Le manomètre lui manquait, et nulle estime ne pouvait le suppléer.

Cependant la température s'accroissait dans une forte proportion et je me sentais baigné au milieu d'une atmosphère brûlante. Je ne pouvais la comparer qu'à la chaleur renvoyée par les fourneaux d'une fonderie à l'heure des coulées. Peu à peu, Hans, mon oncle et moi, nous avions dû quitter nos vestes et nos gilets ; le moindre vêtement devenait une cause de malaise, pour ne pas dire de souffrances.

Peu à peu, nous avions dû quitter nos vêtements.

« Montons-nous donc vers un foyer incandescent ? m'écriai-je, à un moment où la chaleur redoublait.

— Non, répondit mon oncle, c'est impossible ! c'est impossible !

— Cependant, dis-je en tâtant la paroi, cette muraille est brûlante ! Au moment où je prononçai ces paroles, ma main ayant effleuré l'eau, je dus la retirer au plus vite.

— L'eau est brûlante ! » m'écriai-je.

Le professeur, cette fois, ne répondit que par un geste de colère.

Alors, une invincible épouvante s'empara de mon cerveau et ne le quitta plus. J'avais le sentiment d'une catastrophe prochaine, et telle que la plus audacieuse imagination n'aurait pu la concevoir. Une idée, d'abord vague, incertaine, se changeait en certitude dans mon esprit. Je la repoussai, mais elle revint avec obstination. Je n'osais la formuler. Cependant quelques observations involontaires déterminèrent ma conviction. À la lueur douteuse de la torche, je remarquai des mouvements désordonnés dans les couches granitiques ; un phénomène allait évidemment se produire, dans lequel l'électricité jouait un rôle ; puis cette chaleur excessive, cette eau bouillonnante !… Je résolus d'observer la boussole.

42 42 42 42

Je suppose qu’il devait être alors dix heures du soir. Le premier de mes sens qui fonctionna après ce dernier assaut fut le sens de l’ouïe. Першим з моїх почуттів, яке запрацювало після цього останнього нападу, був слух. J’entendis presque aussitôt, car ce fut acte d’audition véritable, j’entendis le silence se faire dans la galerie, et succéder à ces mugissements qui, depuis de longues heures, remplissaient mes oreilles. I heard almost immediately, for it was a true act of hearing, I heard the silence fall in the gallery, and succeed those bellowings which, for long hours, filled my ears. Ouvi quase imediatamente, pois foi um ato de verdadeira audição, ouvi o silêncio cair na galeria, e sucedendo aqueles berros que, por longas horas, encheram meus ouvidos. Я почув майже відразу, бо це був акт справжнього слуху, я почув тишу в галереї, яка прийшла на зміну гуркоту, що протягом багатьох годин заповнював мої вуха. Enfin ces paroles de mon oncle m’arrivèrent comme un murmure : At last these words from my uncle reached me like a whisper:

« Nous montons ! " We are climbing ! "Ми піднімаємося!

— Que voulez-vous dire ? - Що ти маєш на увазі? m’écriai-je.

— Oui, nous montons ! nous montons ! J’étendis le bras ; je touchai la muraille ; ma main fut mise en sang. Я простягнув руку, доторкнувся до стіни, моя рука була в крові. Nous remontions avec une extrême rapidité. Ми летіли вгору з надзвичайною швидкістю.

« La torche ! la torche ! » s’écria le professeur.

Hans, non sans difficultés, parvint à l’allumer, et la flamme, se maintenant de bas en haut, malgré le mouvement ascensionnel, jeta assez de clarté pour éclairer toute la scène. Гансу не без зусиль вдалося запалити його, і полум'я, утримуючи себе, незважаючи на висхідний рух, кидало достатньо світла, щоб освітити всю сцену.

La torche jeta assez de clarté pour éclairer toute la scène.

« C’est bien ce que je pensais, dit mon oncle. Я так і думав, - сказав мій дядько. Nous sommes dans un puits étroit, qui n’a pas quatre toises de diamètre. Ми у вузькому колодязі, діаметром не більше чотирьох тузів. L’eau, arrivée au fond du gouffre, reprend son niveau et nous monte avec elle. The water, having arrived at the bottom of the abyss, regains its level and we rise with it. A água, chegando ao fundo do abismo, volta ao seu nível e subimos com ela.

— Où ? - Or ?

— Je l’ignore, mais il faut se tenir prêts à tout événement. - I don't know, but you have to be ready for anything. - Не знаю, але ми повинні бути готові до всього. Nous montons avec une vitesse que j’évalue à deux toises par secondes, soit cent vingt toises par minute, ou plus de trois lieues et demie à l’heure. We are climbing at a speed that I estimate at two fathoms per second, that is to say 120 fathoms per minute, or more than three and a half leagues an hour. Estamos subindo a uma velocidade que estimo de duas braças por segundo, ou seja, cento e vinte braças por minuto, ou mais de três léguas por hora. Ми піднімаємося зі швидкістю, яку я оцінюю в два туази на секунду, або сто двадцять туазів на хвилину, або понад три з половиною ліги на годину. De ce train-là, on fait du chemin. From this train, we make a path. Ми пройшли довгий шлях у цьому відношенні.

— Oui, si rien ne nous arrête, si ce puits a une issue ! - Yes, if nothing stops us, if this well has an outlet! - Так, якщо нас ніщо не зупинить, якщо з цього колодязя є вихід! Mais s’il est bouché, si l’air se comprime peu à peu sous la pression de la colonne d’eau, si nous allons être écrasés ! But if it is clogged, if the air is gradually compressed under the pressure of the water column, if we are going to be crushed! Mas se estiver entupido, se o ar for comprimido gradualmente sob a pressão da coluna d'água, se vamos ser esmagados!

— Axel, répondit le professeur avec un grand calme, la situation est presque désespérée, mais il y a quelques chances de salut, et ce sont celles-là que j’examine. Si à chaque instant nous pouvons périr, à chaque instant aussi nous pouvons être sauvés, Soyons donc on mesure de profiter des moindres circonstances. Якщо в будь-який момент ми можемо загинути, то в будь-який момент можемо врятуватися, тож вміймо скористатися найменшими обставинами.

— Mais que faire ?

— Réparer nos forces en mangeant. - Repair our strength by eating. - Відновлюємо сили через їжу. À ces mots, je regardai mon oncle d’un œil hagard. Ce que je n’avais pas voulu avouer, il fallait enfin le dire : What I did not want to confess, we had to finally say:

« Manger ? répétai-je.

— Oui, sans retard. - Sim, sem demora. Le professeur ajouta quelques mots en danois. Hans secoua la tête.

« Quoi ! s’écria mon oncle, nos provisions sont perdues ?

— Oui, voilà ce qui reste de vivres ! - Так, це те, що залишилося від їжі! un morceau de viande sèche pour nous trois ! Mon oncle me regardait sans vouloir comprendre mes paroles.

« Eh bien ! dis-je, croyez-vous encore que nous puissions être sauvés ? Я запитав: "Ти все ще віриш, що ми можемо спастися?". Ma demande n’obtint aucune réponse.

Une heure se passa. Je commençais à éprouver une faim violente. Mes compagnons souffraient aussi, et pas un de nous n’osait toucher à ce misérable reste d’aliments.

Cependant nous montions toujours avec une extrème rapidité. No entanto, ainda subimos extremamente rápido. Однак ми завжди лазили з екстремальною швидкістю. Parfois l’air nous coupait la respiration comme aux aéronautes dont l’ascension est trop rapide. Mais si ceux-ci éprouvent un froid proportionnel à mesure qu’ils s’élèvent dans les couches atmosphériques, nous subissions un effet absolument contraire. But if these experience a proportional cold as they rise in the atmospheric layers, we experience an absolutely opposite effect. Mas se eles experimentam um frio proporcional à medida que sobem nas camadas atmosféricas, experimentamos um efeito absolutamente oposto. Але якби вони відчували пропорційне похолодання в міру того, як піднімалися в атмосферних шарах, ми б відчули абсолютно протилежний ефект. La chaleur s’accroissait d’une inquiétante façon et devait certainement atteindre quarante degrés.

Que signifiait un pareil changement ? Що означала така зміна? Jusqu’alors les faits avaient donné raison aux théories de Davy et de Lidenbrock ; jusqu’alors des conditions particulières de roches réfractaires, d’électricité, de magnétisme avaient modifié les lois générales de la nature, en nous faisant une température modérée, car la théorie du feu central restait, à mes yeux, la seule vraie, la seule explicable. Until then the facts had given reason to the theories of Davy and Lidenbrock; until then particular conditions of refractory rocks, electricity, magnetism had modified the general laws of nature, making us a moderate temperature, because the theory of central fire remained, in my eyes, the only true, the only explainable. До того часу факти підтверджували теорії Деві та Ліденброка; до того часу конкретні умови вогнетривкої породи, електрики, магнетизму змінювали загальні закони природи, створюючи нам помірну температуру, бо теорія центрального вогнища залишалася в моїх очах єдино вірною, єдиною, яку можна було пояснити. Allions-nous donc revenir à un milieu où ces phénomènes s’accomplissaient dans toute leur rigueur et dans lequel la chaleur réduisait les roches à un complet état de fusion ? Чи повинні ми повернутися в середовище, в якому ці явища відбувалися у всій своїй суворості, і в якому тепло доводило гірські породи до стану повного розплавлення? Je le craignais, et je dis au professeur :

« Si nous ne sommes pas noyés ou brisés, si nous ne mourons pas de faim, il nous reste toujours la chance d’être brûlés vifs. Il se contenta de hausser les épaules et retomba dans ses réflexions. He just shrugged his shoulders and fell back to his thoughts. Він просто знизав плечима і знову поринув у свої думки.

Une heure s’écoula, et, sauf un léger accroissement dans la température, aucun incident ne modifia la situation. Enfin mon oncle rompit le silence :

« Voyons, dit-il, il faut prendre un parti. “Come on,” he said, “we must take a side. Подивимось, - сказав він, - нам треба прийняти рішення.

— Prendre un parti ? - Take a party? - Dê uma festa? répliquai-je.

— Oui. Il faut réparer nos forces, si nous essayons, en ménageant ce reste de nourriture, de prolonger notre existence de quelques heures, nous serons faibles jusqu’à la fin. Devemos restaurar nossas forças, se tentarmos, poupando esse resto de comida, prolongar nossa existência por algumas horas, seremos fracos até o fim. Ми повинні відновити свої сили, якщо ми спробуємо, економлячи цю їжу, що залишилася, продовжити наше існування на кілька годин, ми будемо слабкими до кінця.

— Oui, jusqu’à la fin, qui ne se fera pas attendre. - Yes, until the end, which will not wait. - Так, до кінця, який не забариться.

— Eh bien ! qu’une chance de salut se présente, qu’un moment d’action soit nécessaire, où trouverons-nous la force d’agir, si nous nous laissons affaiblir par l’inanition ? que se apresenta uma chance de salvação, que é necessário um momento de ação, onde encontraremos a força para agir, se nos permitirmos ser enfraquecidos pela fome?

— Eh ! mon oncle, ce morceau de viande dévoré, que nous restera-t-il ? tio, este pedaço de carne devorado, o que nos resta? Дядьку, цей шматок м'яса з'їли, що нам залишиться?

— Rien, Axel, rien. Mais te nourrira-t-il davantage à le manger de tes yeux ? But will it feed you more to eat it with your eyes? Mas ele vai alimentá-lo mais comendo-o com os olhos? Но будет ли он кормить вас больше, чтобы съесть его своими глазами? Але чи буде вона ситнішою, якщо їсти її очима? Tu fais là les raisonnements d’homme sans volonté, d’un être sans énergie ! You're doing the reasoning of a man without willpower, of a being without energy! Ти міркуєш як людина без волі, як істота без енергії!

— Ne désespérez-vous donc pas ? - Ви не впадаєте у відчай? m’écriai-je avec irritation.

— Non ! répliqua fermement le professeur.

— Quoi ! vous croyez encore à quelque chance de salut ?

— Oui ! certes oui ! et tant que son cœur bat, tant que sa chair palpite, je n’admets pas qu’un être doué de volonté laisse en lui place au désespoir. and as long as his heart beats, as long as his flesh beats, I do not admit that a being endowed with will leaves room for despair in him. e enquanto seu coração bater, enquanto sua carne bater, não admito que um ser dotado de vontade deixe espaço para o desespero. і поки б'ється його серце, поки пульсує його плоть, я не визнаю, що істота, наділена волею, залишає в собі місце для відчаю. Quelles paroles ! L’homme qui les prononçait en de pareilles circonstances était certainement d’une trempe peu commune. O homem que as pronunciou em tais circunstâncias certamente era de um calibre incomum. Людина, яка промовила їх за таких обставин, безумовно, була непересічною особистістю.

« Enfin, dis-je, que prétendez-vous faire ? Я сказав: "Ну, що ти намагаєшся зробити?

— Manger ce qui reste de nourriture jusqu’à la dernière miette et réparer nos forces perdues. - Coma o que sobra de comida até a última migalha e conserte nossas forças perdidas. Ce repas sera notre dernier, soit ! This meal will be our last, either! mais au moins, au lieu d’être épuisés, nous serons redevenus des hommes. mas pelo menos, em vez de ficarmos exaustos, voltaremos a ser homens. але, принаймні, замість того, щоб бути виснаженими, ми знову станемо чоловіками.

— Eh bien ! dévorons ! » m’écriai-je.

Mon oncle prit le morceau de viande et les quelques biscuits échappés au naufrage ; il fit trois portions égales et les distribua. Cela faisait environ une livre d’aliments pour chacun. Это было около фунта еды для всех. Це було близько фунта їжі на кожного. Le professeur mangea avidement, avec une sorte d’emportement fébrile ; moi, sans plaisir, malgré ma faim, et presque avec dégoût ; Hans, tranquillement, modérément, mâchant sans bruit de petites bouchées, les savourant avec le calme d’un homme que les soucis de l’avenir ne pouvaient inquiéter. Професор їв жадібно, з якимось гарячковим збудженням; я їв без задоволення, незважаючи на голод, і майже з огидою; Ганс їв спокійно, помірковано, безшумно пережовуючи маленькі шматочки, смакуючи їх зі спокоєм людини, яку не турбують турботи про майбутнє. Il avait, en furetant bien, retrouvé une gourde à demi pleine de genièvre ; il nous l’offrit, et cette bienfaisante liqueur eut la force de me ranimer un peu. Ele havia, enquanto procurava cuidadosamente, encontrado uma cabaça cheia de zimbro pela metade; ele nos ofereceu, e essa bebida benéfica teve a força de me reanimar um pouco.

« Förtrafflig ! dit Hans en buvant à son tour.

— Excellente ! » riposta mon oncle.

J’avais repris quelque espoir. Mais notre dernier repas venait d’être achevé. But our last meal had just been completed. Il était alors cinq heures du matin.

L’homme est ainsi fait, que sa santé est un effet purement négatif ; une fois le besoin de manger satisfait on se figure difficilement les horreurs de la faim ; il faut les éprouver, pour les comprendre. Man is thus made, that his health is a purely negative effect; once the need to eat is satisfied, it is difficult to imagine the horrors of hunger; they must be tested to understand them. O homem é feito de tal forma que sua saúde é um efeito puramente negativo; satisfeita a necessidade de comer, é difícil imaginar os horrores da fome; você tem que vivenciá-los para entendê-los. Людина так влаштована, що її здоров'я має суто негативний вплив; як тільки потреба в їжі задоволена, важко уявити собі жахи голоду; щоб їх зрозуміти, треба їх пережити. Aussi, au sortir d’un long jeûne, quelques bouchées de biscuit et de viande triomphèrent de nos douleurs passées. Além disso, no final de um longo jejum, algumas mordidas de biscoito e carne triunfaram sobre nossas dores do passado. Отже, після тривалого посту кілька шматочків печива та м'яса перемогли наші минулі болі.

Cependant, après ce repas, chacun se laissa aller à ses réflexions. Втім, після трапези кожен залишився сам на сам з власними думками. À quoi songeait Hans, cet homme de l’extrême Occident, que dominait la résignation fataliste des Orientaux ? O que Hans estava pensando, esse homem do Far West, dominado pela resignação fatalista dos orientais? Про що думав Ганс, цей чоловік з далекого Заходу, в якому домінувала фаталістична покірність Сходу? Pour mon compte, mes pensées n’étaient faites que de souvenirs, et ceux-ci me ramenaient à la surface de ce globe que je n’aurais jamais dû quitter. For my part, my thoughts were only memories, and these brought me back to the surface of this globe that I should never have left. La maison de König-strasse, ma pauvre Graüben, la bonne Marthe, passèrent comme des visions devant mes yeux, et, dans les grondements lugubres qui couraient à travers le massif, je croyais surprendre le bruit des cités de la terre. The house of König-strasse, my poor Graüben, the good Marthe, passed like visions before my eyes, and in the mournful rumblings that ran through the mountain, I thought I was surprised at the noise of the cities of the earth. A casa da König-strasse, minha pobre Graüben, a boa Marthe, passou como visões diante dos meus olhos e, nos estrondos sombrios que percorriam o maciço, pensei ter ouvido o barulho das cidades da terra. Будинок на Кенігштрассе, моя бідна Ґраубен, добра Марта пропливали перед моїми очима, як видіння, а в скорботному гуркоті, що прокотився гірським хребтом, мені здавалося, що я чую звуки міст на землі.

Pour mon oncle, « toujours à son affaire », la torche à la main, il examinait avec attention la nature des terrains ; il cherchait à reconnaître sa situation par l’observation des couches superposées. Para meu tio, "sempre em serviço", tocha na mão, ele examinou cuidadosamente a natureza do terreno; ele tentou reconhecer sua situação observando as camadas sobrepostas. Ce calcul, ou mieux cette estime, ne pouvait être que fort approximative ; mais un savant est toujours un savant, quand il parvient à conserver son sang-froid, et certes, le professeur Lidenbrock possédait cette qualité à un degré peu ordinaire. Je l’entendais murmurer des mots de la science géologique ; je les comprenais, et je m’intéressais malgré moi à cette étude suprême. Я почув, як він бурмоче слова геологічної науки, зрозумів їх і, незважаючи ні на що, зацікавився цією найвищою наукою.

« Granit éruptif, disait-il ; nous sommes encore à l’époque primitive ; mais nous montons ! nous montons ! Qui sait ? Хто знає? Qui sait ? Il espérait toujours. He was still hoping. Він все ще сподівався.

De sa main il tâtait la paroi verticale, et, quelques instants plus tard, il reprenait ainsi : Він намацав рукою вертикальну стіну і через кілька хвилин сказав:

« Voilà les gneiss ! voilà les micaschistes ! here are the mica schists! aqui estão os micaxistos! Bon ! à bientôt les terrains de l’époque de transition, et alors… » vejo vocês em breve, as terras do período de transição, e então ... ”

Que voulait dire le professeur ? Pouvait-il mesurer l’épaisseur de l’écorce terrestre suspendue sur notre tête ? Could he measure the thickness of the earth's crust hanging over our heads? Чи зміг би він виміряти товщину земної кори, що нависає над нашими головами? Possédait-il un moyen quelconque de faire ce calcul ? Чи був у нього якийсь спосіб зробити цей розрахунок? Non. Le manomètre lui manquait, et nulle estime ne pouvait le suppléer. He lacked the manometer, and no esteem could replace it.

Cependant la température s’accroissait dans une forte proportion et je me sentais baigné au milieu d’une atmosphère brûlante. Je ne pouvais la comparer qu’à la chaleur renvoyée par les fourneaux d’une fonderie à l’heure des coulées. I could only compare it to the heat returned by the furnaces of a foundry at the time of casting. Eu só poderia compará-lo com o calor retornado pelos fornos de uma fundição na hora da fundição. Peu à peu, Hans, mon oncle et moi, nous avions dû quitter nos vestes et nos gilets ; le moindre vêtement devenait une cause de malaise, pour ne pas dire de souffrances. Aos poucos, Hans, meu tio e eu tivemos que tirar nossas jaquetas e coletes; a menor roupa tornava-se causa de desconforto, para não dizer de sofrimento.

Peu à peu, nous avions dû quitter nos vêtements. Поступово нам довелося роздягатися.

« Montons-nous donc vers un foyer incandescent ? "Are we going up to a glowing hearth then?" "Підійдемо до палаючого вогнища? m’écriai-je, à un moment où la chaleur redoublait.

— Non, répondit mon oncle, c’est impossible ! - Ні, - сказав дядько, - це неможливо! c’est impossible !

— Cependant, dis-je en tâtant la paroi, cette muraille est brûlante ! - Однак, - сказав я, обмацуючи стіну, - ця стіна гаряча! Au moment où je prononçai ces paroles, ma main ayant effleuré l’eau, je dus la retirer au plus vite. No momento em que pronunciei essas palavras, minha mão tendo escovado a água, tive que retirá-la o mais rápido possível. Коли я говорив це, моя рука торкнулася води, і мені довелося витягнути її якомога швидше.

— L’eau est brûlante ! » m’écriai-je.

Le professeur, cette fois, ne répondit que par un geste de colère.

Alors, une invincible épouvante s’empara de mon cerveau et ne le quitta plus. Então, um terror invencível apoderou-se do meu cérebro e nunca mais o deixou. J’avais le sentiment d’une catastrophe prochaine, et telle que la plus audacieuse imagination n’aurait pu la concevoir. I had the feeling of a coming catastrophe, and such that the most daring imagination could not have conceived it. У мене було відчуття катастрофи, що наближалася, і такої, яку не могла уявити найсміливіша уява. Une idée, d’abord vague, incertaine, se changeait en certitude dans mon esprit. Je la repoussai, mais elle revint avec obstination. I pushed her away, but she stubbornly returned. Je n’osais la formuler. Cependant quelques observations involontaires déterminèrent ma conviction. À la lueur douteuse de la torche, je remarquai des mouvements désordonnés dans les couches granitiques ; un phénomène allait évidemment se produire, dans lequel l’électricité jouait un rôle ; puis cette chaleur excessive, cette eau bouillonnante !… Je résolus d’observer la boussole. In the dubious light of the torch, I noticed disordered movements in the granite layers; a phenomenon was obviously about to occur, in which electricity played a part; then this excessive heat, this bubbling water!... I resolved to observe the compass. У сумнівному світлі ліхтаря я помітив невпорядковані рухи в гранітних шарах; очевидно, мало відбутися явище, в якому відігравала роль електрика; потім ця надмірна спека, ця булькаюча вода!... Я вирішив спостерігати за компасом.