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VERNE, Jules – Voyage au centre de la Terre, 41

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Le lendemain, jeudi, 27 août, fut une date célèbre de ce voyage subterrestre. Elle ne me revient pas à l'esprit sans que l'épouvante ne fasse encore battre mon cœur, À partir de ce moment, notre raison, notre jugement, notre ingéniosité, n'ont plus voix au chapitre, et nous allons devenir le jouet des phénomènes de la terre.

À six heures, nous étions sur pied. Le moment approchait de nous frayer par la poudre un passage à travers l'écorce de granit.

Je sollicitai l'honneur de mettre le feu à la mine. Cela fait, je devais rejoindre mes compagnons sur le radeau qui n'avait point été déchargé ; puis nous prendrions au large, afin de parer aux dangers de l'explosion, dont les effets pouvaient ne pas se concentrer à l'intérieur du massif.

La mèche devait brûler pondant dix minutes, selon nos calculs, avant de porter le feu à la chambre des poudres. J'avais donc le temps nécessaire pour regagner le radeau. Je me préparai à remplir mon rôle, non sans une certaine émotion.

Après un repas rapide, mon oncle et le chasseur s'embarquèrent, tandis que je restais sur le rivage. J'étais muni d'une lanterne allumée qui devait me servir à mettre le feu à la mèche.

« Va, mon garçon, me dit mon oncle, et reviens immédiatement nous rejoindre.

— Soyez tranquille, répondis-je, je ne m'amuserai point en route. Aussitôt je me dirigeai vers l'orifice de la galerie, j'ouvris ma lanterne, et je saisis l'extrémité de la mèche.

Le professeur tenait son chronomètre à la main.

« Es-tu prêt ? me cria-t-il.

— Je suis prêt.

— Eh bien ! feu, mon garçon ! Je plongeai rapidement dans la flamme la mèche, qui pétilla à son contact, et, tout en courant, je revins au rivage.

« Embarque, fit mon oncle, et débordons. Hans, d'une vigoureuse poussée, nous rejeta en mer. Le radeau s'éloigna d'une vingtaine de toises.

C'était un moment palpitant, Le professeur suivait de l'œil l'aiguille du chronomètre.

« Encore cinq minutes, disait-il. Encore quatre ! Encore trois ! Mon pouls battait des demi-secondes.

« Encore deux ! Une !… Croulez, montagnes de granit ! « Croulez, montages de granit ! Que se passa-t-il alors ? Le bruit de la détonation, je crois que je ne l'entendis pas. Mais la forme des rochers se modifia subitement à mes regards ; ils s'ouvrirent comme un rideau. J'aperçus un insondable abîme qui se creusait en plein rivage. La mer, prise de vertige, ne fut plus qu'une vague énorme, sur le dos de laquelle le radeau s'éleva perpendiculairement.

Nous fûmes renversés tous les trois. En moins d'une seconde, la lumière fit place à la plus profonde obscurité. Puis je sentis l'appui solide manquer, non à mes pieds, mais au radeau. Je crus qu'il coulait à pic. Il n'en était rien. J'aurais voulu adresser la parole à mon oncle ; mais le mugissement des eaux, l'eût empêché de m'entendre.

Malgré les ténèbres, le bruit, la surprise, l'émotion, je compris ce qui venait de se passer.

Au delà du roc qui venait de sauter, il existait un abîme. L'explosion avait déterminé une sorte de tremblement de terre dans ce sol coupé de fissures, le gouffre s'était ouvert, et la mer, changée en torrent, nous y entraînait avec elle.

Je me sentis perdu.

Une heure, deux heures, que sais-je ! se passèrent ainsi. Nous nous serrions les coudes, nous nous tenions les mains afin de n'être pas précipités hors du radeau. Des chocs d'une extrême violence se produisaient, quand il heurtait la muraille. Cependant ces heurts étaient rares, d'où je conclus que la galerie s'élargissait considérablement. C'était, à n'en pas douter, le chemin de Saknussemm ; mais, au lieu de le descendre seul, nous avions, par notre imprudence, entraîné toute une mer avec nous.

Ces idées, on le comprend, se présentèrent à mon esprit sous une forme vague et obscure. Je les associais difficilement pendant cette course vertigineuse qui ressemblait à une chute. À en juger par l'air qui me fouettait le visage, elle devait surpasser celle des trains les plus rapides. Allumer une torche dans ces conditions était donc impossible, et notre dernier appareil électrique avait été brisé au moment de l'explosion.

Je fus donc fort surpris de voir une lumière, briller tout à coup près de moi. La figure calme de Hans s'éclaira. L'adroit chasseur était parvenu à allumer la lanterne, et, bien que sa flamme vacillât à s'éteindre, elle jeta quelques lueurs dans l'épouvantable obscurité.

La galerie était large. J'avais eu raison de la juger telle. Notre insuffisante lumière ne nous permettait pas d'apercevoir ses deux murailles à la fois. La pente des eaux qui nous emportaient dépassait celle des plus insurmontables rapides de l'Amérique. Leur surface semblait faite d'un faisceau de flèches liquides décochées avec une extrême puissance. Je ne puis rendre mon impression par une comparaison plus juste. Le radeau, pris par certains remous, filait parfois en tournoyant Lorsqu'il s'approchait des parois de la galerie, j'y projetais la lumière de la lanterne, et je pouvais juger de sa vitesse à voir les saillies du roc se changer en traits continus, de telle sorte que nous étions enserrés dans un réseau de lignes mouvantes. J'estimai que notre vitesse devait atteindre trente lieues à l'heure.

Mon oncle et moi, nous regardions d'un œil hagard, accotés au tronçon du mât, qui, au moment de la catastrophe, s'était rompu net. Nous tournions le dos à l'air, afin de ne pas être étouffés par la rapidité d'un mouvement que nulle puissance humaine ne pouvait enrayer.

Cependant les heures s'écoulèrent. La situation ne changeait pas, mais un incident vint la compliquer.

En cherchant à mettre un peu d'ordre dans la cargaison, je vis que la plus grande partie des objets embarqués avaient disparu au moment de l'explosion, lorsque la mer nous assaillit si violemment ! Je voulus savoir exactement à quoi m'en tenir sur nos ressources, et, la lanterne à la main, je commençai mes recherches. De nos instruments, il ne restait plus que la boussole et le chronomètre. Les échelles et les cordes se réduisaient à un bout de câble enroulé autour du tronçon de mât. Pas une pioche, pas un pic, pas un marteau, et, malheur irréparable, nous n'avions pas de vivres pour un jour ! Je fouillai les interstices du radeau, les moindres coins formés par les poutres et la jointure des planches ! Rien ! Nos provisions consistaient uniquement en un morceau de viande sèche et quelques biscuits.

Je regardais d'un air stupide ! Je ne voulais pas comprendre ! Et cependant de quel danger me préoccupais-je ? Quand les vivres eussent été suffisants pour des mois, pour des années, comment sortir des abîmes où nous entraînait cet irrésistible torrent ? À quoi bon craindre les tortures de la faim, quand la mort s'offrait déjà sous tant d'autres formes ? Mourir d'inanition, est-ce que nous en aurions le temps ?

Pourtant, par une inexplicable bizarrerie de l'imagination, j'oubliai le péril immédiat pour les menaces de l'avenir qui m'apparurent dans toute leur horreur. D'ailleurs, peut-être pourrions-nous échapper aux fureurs du torrent et revenir à la surface du globe. Comment ? je l'ignore. Où ? Qu'importe ! Une chance sur mille est toujours une chance, tandis que la mort par la faim ne nous laissait d'espoir dans aucune proportion, si petite qu'elle fût.

La pensée me vint de tout dire à mon oncle, de lui montrer à quel dénûment nous étions réduits, et de faire l'exact calcul du temps qui nous restait à vivre. Mais j'eus le courage de me taire. Je voulais lui laisser tout son sang-froid.

En ce moment, la lumière de la lanterne baissa peu à peu et s'éteignit entièrement. La mèche avait brûlé jusqu'au bout. L'obscurité redevint absolue. Il ne fallait plus songer à dissiper ces impénétrables ténèbres. Il restait encore une torche, mais elle n'aurait pu se maintenir allumée. Alors, comme un enfant, je fermai les yeux pour ne pas voir toute cette obscurité.

Après un laps de temps assez long, la vitesse de notre course redoubla. Je m'en aperçus à la réverbération de l'air sur mon visage. La pente des eaux devenait excessive. Je crois véritablement que nous ne glissions plus. Nous tombions. J'avais en moi l'impression d'une chute presque verticale. La main de mon oncle et celle de Hans, cramponnées à mes bras, me retenaient avec vigueur.

Tout à coup, après un temps inappréciable, je ressentis comme un choc ; le radeau n'avait pas heurté un corps dur, mais il s'était subitement arrêté dans sa chute. Une trombe d'eau, une immense colonne liquide s'abattit à sa surface. Je fus suffoqué. Je me noyais…

Cependant, cette inondation soudaine ne dura pas. En quelques secondes je me trouvai a l'air libre que j'aspirai à pleins poumons. Mon oncle et Hans me serraient le bras à le briser, et le radeau nous portait encore tous les trois.


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Le lendemain, jeudi, 27 août, fut une date célèbre de ce voyage subterrestre. Elle ne me revient pas à l’esprit sans que l’épouvante ne fasse encore battre mon cœur, À partir de ce moment, notre raison, notre jugement, notre ingéniosité, n’ont plus voix au chapitre, et nous allons devenir le jouet des phénomènes de la terre. It does not come back to my mind without the fear still making my heart beat, From that moment, our reason, our judgment, our ingenuity, have no voice, and we will become the toy phenomena of the earth. Não me vem à mente sem medo ainda fazendo meu coração bater, A partir deste momento, nossa razão, nosso julgamento, nossa engenhosidade, não tem voz no capítulo, e nos tornaremos os fenômenos de brinquedo da terra. З цього моменту наш розум, наше судження, наша винахідливість більше не мають права голосу, і ми станемо іграшкою земних явищ.

À six heures, nous étions sur pied. Às seis horas estávamos de pé. Le moment approchait de nous frayer par la poudre un passage à travers l’écorce de granit. The moment was approaching for us to force our way through the granite bark with the powder. Наближався час пробивати шлях крізь гранітну кору.

Je sollicitai l’honneur de mettre le feu à la mine. Implorei a honra de colocar fogo na mina. Cela fait, je devais rejoindre mes compagnons sur le radeau qui n’avait point été déchargé ; puis nous prendrions au large, afin de parer aux dangers de l’explosion, dont les effets pouvaient ne pas se concentrer à l’intérieur du massif. This done, I was to join my companions on the raft which had not been unloaded; then we would take off, in order to ward off the dangers of the explosion, the effects of which might not be concentrated inside the massif. Feito isso, deveria me juntar aos meus companheiros na balsa que não havia sido descarregada; depois decolaríamos, para evitar os perigos da explosão, cujos efeitos talvez não se concentrassem no interior do maciço. Коли це було зроблено, я мав приєднатися до своїх товаришів на плоту, який ще не розвантажили; потім ми мали вийти в море, щоб відвернути небезпеку вибуху, наслідки якого могли бути не сконцентровані всередині масиву.

La mèche devait brûler pondant dix minutes, selon nos calculs, avant de porter le feu à la chambre des poudres. The wick was to burn for ten minutes, according to our calculations, before bringing fire to the powder chamber. O pavio deveria queimar por dez minutos, de acordo com nossos cálculos, antes de levar o fogo para a câmara de pólvora. За нашими підрахунками, гніт мав горіти десять хвилин, перш ніж його підпалили в порохівниці. J’avais donc le temps nécessaire pour regagner le radeau. So I had enough time to get back to the raft. Тож у мене було достатньо часу, щоб повернутися на пліт. Je me préparai à remplir mon rôle, non sans une certaine émotion. Я готувався до виконання своєї ролі не без хвилювання.

Après un repas rapide, mon oncle et le chasseur s’embarquèrent, tandis que je restais sur le rivage. J’étais muni d’une lanterne allumée qui devait me servir à mettre le feu à la mèche. Recebi uma lanterna acesa que deveria ser usada para atear fogo ao pavio.

« Va, mon garçon, me dit mon oncle, et reviens immédiatement nous rejoindre.

— Soyez tranquille, répondis-je, je ne m’amuserai point en route. 'Don't worry,' I replied, 'I won't have fun on the way. - Не хвилюйся, - відповів я, - я не буду розважатися в дорозі. Aussitôt je me dirigeai vers l’orifice de la galerie, j’ouvris ma lanterne, et je saisis l’extrémité de la mèche. Immediately I walked towards the opening of the gallery, I opened my lantern, and I seized the end of the wick. Imediatamente caminhei em direção à abertura da galeria, abri minha lanterna e agarrei a ponta do pavio.

Le professeur tenait son chronomètre à la main.

« Es-tu prêt ? me cria-t-il.

— Je suis prêt.

— Eh bien ! feu, mon garçon ! Je plongeai rapidement dans la flamme la mèche, qui pétilla à son contact, et, tout en courant, je revins au rivage. I quickly plunged the wick into the flame, which sparkled on contact with it, and while running I came back to the shore. Я швидко занурив гніт у полум'я, яке зашипіло від дотику, і, біжучи, повернувся до берега.

« Embarque, fit mon oncle, et débordons. “Get on board,” said my uncle, “and let's run over. "Suba a bordo", disse meu tio, "e vamos atropelar." Hans, d’une vigoureuse poussée, nous rejeta en mer. Hans, with a vigorous push, threw us back into the sea. Hans, com um empurrão vigoroso, nos jogou de volta ao mar. Le radeau s’éloigna d’une vingtaine de toises. A balsa se afastou cerca de vinte braças.

C’était un moment palpitant, Le professeur suivait de l’œil l’aiguille du chronomètre. Це був хвилюючий момент, професор не зводив очей з секундоміра.

« Encore cinq minutes, disait-il. Encore quatre ! Encore trois ! Mon pouls battait des demi-secondes. My pulse beat for half a second. Meu pulso bateu por meio segundo.

« Encore deux ! Une !… Croulez, montagnes de granit ! « Croulez, montages de granit ! Que se passa-t-il alors ? Що сталося потім? Le bruit de la détonation, je crois que je ne l’entendis pas. Не думаю, що я чула звук пострілу. Mais la forme des rochers se modifia subitement à mes regards ; ils s’ouvrirent comme un rideau. But the shape of the rocks suddenly changed in my eyes; they opened like a curtain. Mas a forma das rochas mudou repentinamente diante de meus olhos; eles se abriram como uma cortina. Але форма скель раптом змінилася в моїх очах, вони відкрилися, наче завіса. J’aperçus un insondable abîme qui se creusait en plein rivage. I saw an unfathomable abyss that was being dug out on the shore. Eu vi um abismo insondável que se alargava no meio da costa. La mer, prise de vertige, ne fut plus qu’une vague énorme, sur le dos de laquelle le radeau s’éleva perpendiculairement. The sea, dizzy, was no more than an enormous wave, on whose back the raft rose perpendicularly. Море, запаморочившись, перетворилося на величезну хвилю, на спині якої перпендикулярно піднявся пліт.

Nous fûmes renversés tous les trois. The three of us were knocked down. Мы были расстроены всеми тремя. En moins d’une seconde, la lumière fit place à la plus profonde obscurité. In less than a second, light gave way to the deepest darkness. Менш ніж за секунду світло змінилося глибокою темрявою. Puis je sentis l’appui solide manquer, non à mes pieds, mais au radeau. Then I felt the solid support fail, not at my feet, but at the raft. Потім я відчув, що мені бракує твердої опори, не ніг, а плоту. Je crus qu’il coulait à pic. I thought he was going straight. Achei que estava afundando muito. Я думал, что он идет прямо. Я думав, що він тоне. Il n’en était rien. It wasn't. Це було не так. J’aurais voulu adresser la parole à mon oncle ; mais le mugissement des eaux, l’eût empêché de m’entendre. I wanted to speak to my uncle, but the roar of the water prevented him from hearing me. Я хотів би поговорити з дядьком, але рев води завадив би йому почути мене.

Malgré les ténèbres, le bruit, la surprise, l’émotion, je compris ce qui venait de se passer. Despite the darkness, the noise, the surprise, the emotion, I understood what had just happened. Незважаючи на темряву, шум, здивування, емоції, я зрозумів, що щойно сталося.

Au delà du roc qui venait de sauter, il existait un abîme. Beyond the rock that had just jumped, there was an abyss. За скалой, которая только что прыгнула, была бездна. За скелею, яка щойно підстрибнула, була прірва. L’explosion avait déterminé une sorte de tremblement de terre dans ce sol coupé de fissures, le gouffre s’était ouvert, et la mer, changée en torrent, nous y entraînait avec elle. A explosão causou uma espécie de terremoto neste solo cortado com rachaduras, o abismo se abriu, e o mar, transformado em torrente, nos carregou até lá. Вибух спричинив щось на кшталт землетрусу в потрісканій землі, прірва розверзлася, і море, перетворившись на потік, потягнуло нас за собою.

Je me sentis perdu. Я почувався розгубленим.

Une heure, deux heures, que sais-je ! One hour, two hours, what do I know! se passèrent ainsi. сталося ось так. Nous nous serrions les coudes, nous nous tenions les mains afin de n’être pas précipités hors du radeau. We would stand together, hold hands so that we would not be thrown out of the raft. Nos abraçamos, seguramos as mãos um do outro para não sermos precipitados para fora da jangada. Ми трималися за лікті, ми трималися за руки, щоб нас не викинуло з плоту. Des chocs d’une extrême violence se produisaient, quand il heurtait la muraille. Shocks of extreme violence were occurring when he struck the wall. Cependant ces heurts étaient rares, d’où je conclus que la galerie s’élargissait considérablement. However, these clashes were rare, from which I conclude that the gallery widened considerably. Однак ці зіткнення були рідкісними, з чого я зробив висновок, що галерея стає набагато ширшою. C’était, à n’en pas douter, le chemin de Saknussemm ; mais, au lieu de le descendre seul, nous avions, par notre imprudence, entraîné toute une mer avec nous. It was, without doubt, Saknussemm's way; but, instead of going down alone, we had, by our imprudence, dragged a whole sea with us. Це, безперечно, був шлях до Сакнуссемма; але замість того, щоб іти ним наодинці, ми, через свою необачність, принесли з собою ціле море.

Ces idées, on le comprend, se présentèrent à mon esprit sous une forme vague et obscure. These ideas, understandably, presented themselves to my mind in a vague and obscure form. Je les associais difficilement pendant cette course vertigineuse qui ressemblait à une chute. I had difficulty associating them during this vertiginous race that resembled a fall. Я ледве могла асоціювати їх під час цієї запаморочливої гонки, схожої на падіння. À en juger par l’air qui me fouettait le visage, elle devait surpasser celle des trains les plus rapides. Judging by the air that whipped my face, it had to surpass that of the fastest trains. A julgar pelo ar chicoteando meu rosto, deve ter ultrapassado o dos trens mais rápidos. Судячи з того, як повітря било мені в обличчя, він, мабуть, їхав швидше за найшвидші поїзди. Allumer une torche dans ces conditions était donc impossible, et notre dernier appareil électrique avait été brisé au moment de l’explosion. Lighting a torch in these conditions was therefore impossible, and our last electrical device had been shattered in the explosion.

Je fus donc fort surpris de voir une lumière, briller tout à coup près de moi. I was very surprised to see a light suddenly shine near me. Тому я був дуже здивований, коли раптом побачив світло, що засяяло біля мене. La figure calme de Hans s’éclaira. Спокійне обличчя Ганса засвітилося. L’adroit chasseur était parvenu à allumer la lanterne, et, bien que sa flamme vacillât à s’éteindre, elle jeta quelques lueurs dans l’épouvantable obscurité. The skillful hunter had succeeded in lighting the lantern, and although its flame flickered to be extinguished, it cast a few glimmers into the dreadful darkness. O hábil caçador conseguira acender a lanterna e, embora sua chama tremeluzisse para se extinguir, lançou alguns lampejos na escuridão terrível. Вправний мисливець встиг запалити ліхтар, і хоча його полум'я майже згасло, воно кинуло кілька відблисків у жахливу темряву.

La galerie était large. J’avais eu raison de la juger telle. Notre insuffisante lumière ne nous permettait pas d’apercevoir ses deux murailles à la fois. La pente des eaux qui nous emportaient dépassait celle des plus insurmontables rapides de l’Amérique. The slope of the waters that swept us away exceeded that of America's most insurmountable rapids. Leur surface semblait faite d’un faisceau de flèches liquides décochées avec une extrême puissance. Their surface seemed to be made of a bundle of liquid arrows fired with extreme power. Sua superfície parecia ser feita de um feixe de flechas líquidas disparadas com extrema potência. Їх поверхня здавалася зробленою з пучка рідких стріл, випущених з надзвичайною силою. Je ne puis rendre mon impression par une comparaison plus juste. I can not make my impression by a more just comparison. Я не можу зробити більш точного порівняння. Le radeau, pris par certains remous, filait parfois en tournoyant Lorsqu’il s’approchait des parois de la galerie, j’y projetais la lumière de la lanterne, et je pouvais juger de sa vitesse à voir les saillies du roc se changer en traits continus, de telle sorte que nous étions enserrés dans un réseau de lignes mouvantes. The raft, taken by some eddies, sometimes spinning while spinning As he approached the walls of the gallery, I projected the light of the lantern, and I could judge of its speed to see the projections of the rock to change into continuous lines, so that we were enclosed in a network of moving lines. A jangada, levada por certos redemoinhos, às vezes girava em um turbilhão, linhas contínuas, de modo que ficávamos presos em uma rede de linhas em movimento. Плот, сделанный некоторыми вихрями, иногда вращался, когда он вращался. Когда он подошел к стенам галереи, я проецировал свет фонаря, и я мог судить о его скорости, чтобы увидеть, как проекции горной породы превращаются в непрерывные линии, так что мы были заключены в сеть движущихся линий. Пліт, підхоплений вихорами, іноді кружляв, наближаючись до стін галереї, я проектував на нього світло ліхтаря, і я міг судити про його швидкість, бачачи, як виступи скелі перетворюються на суцільні лінії, так що ми опинилися в мережі рухомих ліній. J’estimai que notre vitesse devait atteindre trente lieues à l’heure.

Mon oncle et moi, nous regardions d’un œil hagard, accotés au tronçon du mât, qui, au moment de la catastrophe, s’était rompu net. My uncle and I watched with haggard eyes, leaning against the section of the mast, which, at the time of the disaster, had snapped off. Ми з дядьком дивилися на це виснаженими очима, притулившись до частини щогли, яка відламалася в момент катастрофи. Nous tournions le dos à l’air, afin de ne pas être étouffés par la rapidité d’un mouvement que nulle puissance humaine ne pouvait enrayer. We turned our backs to the air, so as not to be suffocated by the rapidity of a movement that no human power could stop. Мы повернулись спиной в воздух, чтобы не задохнуться от быстроты движения, которое ни одна человеческая сила не могла остановить. Ми повернулися спиною до повітря, щоб не задихнутися від швидкості руху, який не могла зупинити жодна людська сила.

Cependant les heures s’écoulèrent. However, the hours passed. Але години минали. La situation ne changeait pas, mais un incident vint la compliquer. Ситуація не змінилася, але її ускладнив інцидент.

En cherchant à mettre un peu d’ordre dans la cargaison, je vis que la plus grande partie des objets embarqués avaient disparu au moment de l’explosion, lorsque la mer nous assaillit si violemment ! As I tried to sort out the cargo, I saw that most of the items on board had disappeared by the time the explosion hit, when the sea had battered us so violently! Намагаючись розібратися з вантажем, я побачив, що більшість речей, які були на борту, зникли під час вибуху, коли нас так сильно вдарило море! Je voulus savoir exactement à quoi m’en tenir sur nos ressources, et, la lanterne à la main, je commençai mes recherches. I wanted to know exactly what to expect with our resources, and, lantern in hand, I began my research. Queria saber exatamente o que esperar de nossos recursos e, com a lanterna na mão, comecei minha pesquisa. De nos instruments, il ne restait plus que la boussole et le chronomètre. З інструментів у нас залишилися тільки компас і хронометр. Les échelles et les cordes se réduisaient à un bout de câble enroulé autour du tronçon de mât. Ladders and ropes were reduced to a piece of cable wrapped around the mast section. Pas une pioche, pas un pic, pas un marteau, et, malheur irréparable, nous n’avions pas de vivres pour un jour ! Not a pickaxe, not a pickaxe, not a hammer, and, irreparable misfortune, we had no food for a day! Nem uma picareta, nem uma picareta, nem um martelo, e, desgraça irreparável, não tivemos comida por um dia! Ні кирки, ні кайла, ні молотка, і, непоправне нещастя, у нас не було їжі цілий день! Je fouillai les interstices du radeau, les moindres coins formés par les poutres et la jointure des planches ! I searched the interstices of the raft, the smallest corners formed by the beams and the joints of the planks! Procurei nos interstícios da jangada, nos cantos mais pequenos formados pelas vigas e pelas juntas das tábuas! Я шукав щілини в плоті, найменші куточки, утворені балками і стиками дощок! Rien ! Nos provisions consistaient uniquement en un morceau de viande sèche et quelques biscuits. Our provisions consisted only of a piece of dried meat and a few cookies.

Je regardais d’un air stupide ! I looked stupidly! Je ne voulais pas comprendre ! Я не хотів розуміти! Et cependant de quel danger me préoccupais-je ? And yet what danger was I worried about? І все ж, про яку небезпеку я турбувався? Quand les vivres eussent été suffisants pour des mois, pour des années, comment sortir des abîmes où nous entraînait cet irrésistible torrent ? When the provisions had been sufficient for months, for years, how to get out of the abysses into which this irresistible torrent was leading us? Se as provisões já bastavam há meses, anos, como sair dos abismos para os quais esta torrente irresistível nos conduzia? À quoi bon craindre les tortures de la faim, quand la mort s’offrait déjà sous tant d’autres formes ? What was the point of fearing the tortures of hunger, when death was already available in so many other forms? De que adiantava temer as torturas da fome, quando a morte já se oferecia em tantas outras formas? Какая польза от страха перед пытками голода, когда смерть уже была предложена во многих других формах? Mourir d’inanition, est-ce que nous en aurions le temps ? Would we have time to die of starvation? Para morrer de fome, temos tempo? Чи встигнемо ми померти з голоду?

Pourtant, par une inexplicable bizarrerie de l’imagination, j’oubliai le péril immédiat pour les menaces de l’avenir qui m’apparurent dans toute leur horreur. Yet, by some inexplicable quirk of the imagination, I forgot the immediate peril for the threats of the future, which appeared to me in all their horror. Проте, за якимось незбагненним вибриком уяви, я забув про безпосередню небезпеку, про загрози майбутнього, які постали переді мною в усьому своєму жахливому вигляді. D’ailleurs, peut-être pourrions-nous échapper aux fureurs du torrent et revenir à la surface du globe. Besides, perhaps we could escape the fury of the torrent and return to the surface of the globe. Comment ? je l’ignore. I do not know. Où ? Qu’importe ! Une chance sur mille est toujours une chance, tandis que la mort par la faim ne nous laissait d’espoir dans aucune proportion, si petite qu’elle fût. A chance in a thousand is always a chance, while death from hunger left us with no hope in any proportion, however small it was. Uma chance em mil é sempre uma chance, enquanto a morte por fome não nos deixou nenhuma esperança em qualquer proporção, por menor que seja. Один шанс на тисячу - це все ж таки шанс, тоді як смерть від голоду не залишала нам жодної надії, хоч би якою малою вона була.

La pensée me vint de tout dire à mon oncle, de lui montrer à quel dénûment nous étions réduits, et de faire l’exact calcul du temps qui nous restait à vivre. The thought came to me to tell my uncle everything, to show him how destitute we were, and to make an exact calculation of the time we had left to live. Ocorreu-me a idéia de contar tudo a meu tio, mostrar-lhe a que miséria estávamos reduzidos e fazer o cálculo exato do tempo que nos restava de viver. Mais j’eus le courage de me taire. Але мені вистачило мужності промовчати. Je voulais lui laisser tout son sang-froid. I wanted to give him all his cool.

En ce moment, la lumière de la lanterne baissa peu à peu et s’éteignit entièrement. La mèche avait brûlé jusqu’au bout. Запобіжник перегорів. L’obscurité redevint absolue. Il ne fallait plus songer à dissiper ces impénétrables ténèbres. It was no longer necessary to think of dispelling this impenetrable darkness. Não era mais necessário pensar em dissipar essa escuridão impenetrável. Il restait encore une torche, mais elle n’aurait pu se maintenir allumée. There was still a torch, but it couldn't have stayed lit. Alors, comme un enfant, je fermai les yeux pour ne pas voir toute cette obscurité. So, like a child, I closed my eyes to avoid seeing all that darkness. Тож, як дитина, я заплющив очі, щоб не бачити всю цю темряву.

Après un laps de temps assez long, la vitesse de notre course redoubla. After a rather long lapse of time, the speed of our race redoubled. Depois de um longo lapso de tempo, a velocidade de nossa corrida dobrou. Je m’en aperçus à la réverbération de l’air sur mon visage. I could tell by the way the air reflected off my face. La pente des eaux devenait excessive. Je crois véritablement que nous ne glissions plus. I truly believe that we do not slip anymore. Nous tombions. Ми падали. J’avais en moi l’impression d’une chute presque verticale. La main de mon oncle et celle de Hans, cramponnées à mes bras, me retenaient avec vigueur. My uncle's hand and Hans', clinging to my arms, held me tight.

Tout à coup, après un temps inappréciable, je ressentis comme un choc ; le radeau n’avait pas heurté un corps dur, mais il s’était subitement arrêté dans sa chute. Suddenly, after an invaluable time, I felt like a shock; the raft had not struck a hard body, but had suddenly stopped in its fall. De repente, depois de um tempo inestimável, me senti um choque; a jangada não havia atingido um corpo rígido, mas parou repentinamente em sua queda. Раптом, через безцінний час, я відчув шок; пліт не вдарився об тверде тіло, але раптово зупинився у своєму падінні. Une trombe d’eau, une immense colonne liquide s’abattit à sa surface. A shower of water, a huge liquid column fell to its surface. Uma tromba d'água, uma imensa coluna de líquido caiu em sua superfície. На його поверхню впав водоспад - величезний стовп рідини. Je fus suffoqué. I was suffocated. Я задихався. Je me noyais… I was drowning ...

Cependant, cette inondation soudaine ne dura pas. However, this sudden flood did not last. Однак ця раптова повінь тривала недовго. En quelques secondes je me trouvai a l’air libre que j’aspirai à pleins poumons. In a few seconds I found myself in the open air that I inhaled at the top of my lungs. Em alguns segundos, eu me encontrei ao ar livre e inalei com toda a força dos meus pulmões. Mon oncle et Hans me serraient le bras à le briser, et le radeau nous portait encore tous les trois. My uncle and Hans squeezed my arm to break it, and the raft still carried the three of us. Meu tio e Hans apertaram meu braço para quebrá-lo, e a balsa ainda carregava nós três. Мой дядя и Ганс держали меня за руку, чтобы сломать его, а на плоту все трое. Дядько і Ганс так міцно тримали мене за руку, що вона зламалася, але пліт все одно ніс нас трьох.