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LA MACHINE À EXPLORER LE TEMPS, CHAPITRE VIII – EXPLORATIONS (1)

CHAPITRE VIII – EXPLORATIONS (1)

Aussi loin que je pouvais voir, le monde étalait la même exubérante richesse que la vallée de la Tamise. De chaque colline que je gravis, je pus voir la même abondance d'édifices splendides, infiniment variés de style et de manière ; les mêmes épais taillis de sapins, les mêmes arbres couverts de fleurs et les mêmes fougères géantes. Ici et là, de l'eau brillait comme de l'argent, et au-delà, la campagne s'étendait en bleues ondulations de collines et disparaissait au loin dans la sérénité du ciel. Un trait particulier, qui attira bientôt mon attention, fut la présence de certains puits circulaires, plusieurs, à ce qu'il me sembla, d'une très grande profondeur. L'un d'eux était situé auprès du sentier qui montait la colline, celui que j'avais suivi lors de ma première excursion. Comme les autres, il avait une margelle de bronze curieusement travaillé, et il était protégé de la pluie par une petite coupole. Assis sur le rebord de ces puits, et scrutant leur obscurité profonde, je ne pouvais voir aucun reflet d'eau, ni produire la moindre réflexion avec la flamme de mes allumettes. Mais dans tous j'entendis un certain son : un bruit sourd, par intervalles, comme les battements d'une énorme machine ; et d'après la direction de la flamme de mes allumettes, je découvris qu'un courant d'air régulier était établi dans les puits. En outre, je jetai dans l'orifice de l'un d'eux une feuille de papier, et au lieu de descendre lentement en voltigeant, elle fut immédiatement aspirée et je la perdis de vue.

« En peu de temps, j'en vins à établir un rapport entre ces puits et de hautes tours qui s'élevaient, çà et là, sur les pentes ; car il y avait souvent au-dessus d'elles ce même tremblotement d'air que l'on voit par une journée très chaude au-dessus d'une grève brûlée de soleil. En rassemblant ces observations, j'arrivai à la forte présomption d'un système de ventilation souterraine, dont il m'était difficile d'imaginer le but véritable. Je fus incliné d'abord à l'associer à l'organisation sanitaire de ce monde. C'était une conclusion qui tombait sous le sens, mais elle était absolument fausse.

« Il me faut admettre ici que je n'appris que fort peu de chose des égouts, des horloges, des moyens de transports et autres commodités, pendant mon séjour dans cet avenir réel. Dans quelques-unes des visions d'Utopie et des temps à venir que j'ai lues, il y avait des quantités de détails sur la construction, les arrangements sociaux, et ainsi de suite. Mais ces détails, qui sont assez facile à obtenir quand le monde entier est contenu dans votre seule imagination, sont absolument inaccessibles à un véritable voyageur, surtout parmi la réalité telle que je la rencontrai là. Imaginez-vous ce qu'un nègre arrivant de l'Afrique centrale raconterait de Londres ou de Paris à son retour dans sa tribu ! Que saurait-il des compagnies de chemin de fer, des mouvements sociaux, du téléphone et du télégraphe, des colis postaux, des mandats-poste et autres choses de ce genre ? Et cependant nous, du moins, lui expliquerions volontiers tout cela ! Et même ce qu'il saurait bien, pourrait-il seulement le faire concevoir à un ami de sa savane ? Et puis, songez au peu de différence qu'il y a entre un nègre et un blanc de notre époque, et quel immense intervalle me séparait de cet âge heureux ! J'avais conscience de côtoyer des choses cachées qui contribuaient à mon confort ; mais, excepté l'impression d'une organisation automatique, je crains de ne pas vous faire suffisamment saisir la différence entre notre civilisation et la leur.

« Pour ce qui est des sépultures, par exemple, je ne pouvais voir aucun signe de crémation, ni rien qui puisse faire penser à des tombes ; mais il me vint à l'idée qu'il pouvait exister des cimetières ou des fours crématoires quelque part au-delà de mon champ d'exploration. Ce fut là une question que je me posai et sur ce point ma curiosité fut absolument mise en déroute. La chose m'embarrassait et je fus amené à faire une remarque ultérieure qui m'embarrassa encore plus : c'est qu'il n'y avait parmi ces gens aucun individu âgé ou infirme.

« Je dois avouer que la satisfaction que j'avais de ma première théorie d'une civilisation automatique et d'une humanité en décadence ne dura pas longtemps. Cependant, je n'en pouvais concevoir d'autre. Laissez-moi vous exposer mes difficultés. Les divers grands palais que j'avais explorés n'étaient que de simples résidences, de grandes salles à manger et d'immenses dortoirs.

Je ne pus trouver ni machines, ni matériel d'aucune sorte. Pourtant ces gens étaient vêtus de beaux tissus qu'il fallait bien renouveler de temps à autre, et leurs sandales, quoique sans ornements, étaient des spécimens assez complexes de travail métallique. D'une façon ou d'une autre, il fallait les fabriquer. Et ces petites créatures ne faisaient montre d'aucun vestige de tendances créatrices ; il n'y avait ni boutiques, ni ateliers. Ils passaient tout leur temps à jouer gentiment, à se baigner dans le fleuve, à se faire la cour d'une façon à demi badine, à manger des fruits et à dormir. Je ne pouvais me rendre compte de la manière dont tout cela durait et se maintenait.

« Mais revenons à la Machine du Temps ; quelqu'un, je ne savais qui, l'avait enfermée dans le piédestal creux du Sphinx Blanc. Pourquoi ?

« J'étais absolument incapable de l'imaginer, pas plus qu'il ne m'était possible de découvrir l'usage de ces puits sans eau et de ces colonnes de ventilation. Il me manquait là un fil conducteur. Je sentais… comment vous expliquer cela ? Supposez que vous trouviez une inscription, avec des phrases ici et là claires et écrites en excellent anglais, mais interpolées, d'autres faites de mots, de lettres même qui vous soient absolument inconnues ! Eh bien, le troisième jour de ma visite, c'est de cette manière que se présentait à moi le monde de l'an huit cent deux mil sept cent un.

« Ce jour-là aussi je me fis une amie – en quelque sorte. Comme je regardais quelques-uns de ces petits êtres se baigner dans une anse du fleuve, l'un d'entre eux fut pris de crampes et dériva au fil de l'eau. Le courant principal était assez fort, mais peu redoutable, même pour un nageur ordinaire. Vous aurez une idée de l'étrange indifférence de ces gens, quand je vous aurai dit qu'aucun d'eux ne fit le moindre effort pour aller au secours du petit être qui, en poussant de faibles cris, se noyait sous leurs yeux. Quand je m'en aperçus, je défis en hâte mes vêtements et, entrant dans le fleuve un peu plus bas, j'attrapai la pauvre créature et la ramenai sur la berge. Quelques vigoureuses frictions la ranimèrent bientôt et j'eus la satisfaction de la voir complètement remise avant que je ne parte. J'avais alors si peu d'estime pour ceux de son espèce que je n'espérais d'elle aucune gratitude. Cette fois, cependant, j'avais tort.

« Cela s'était passé le matin ; l'après-midi, au retour d'une exploration, je revis la petite créature, une femme à ce que je pouvais croire, et elle me reçut avec des cris de joie et m'offrit une guirlande de fleurs, évidemment faite à mon intention. Je fus touché de cette attention. Je m'étais senti quelque peu isolé, et je fis de mon mieux pour témoigner combien j'appréciais le don. Bientôt nous fûmes assis sous un bosquet et engagés dans une conversation, composée surtout de sourires. Les témoignages d'amitié de la petite créature m'affectaient exactement comme l'auraient fait ceux d'un enfant. Nous nous présentions des fleurs et elle me baisait les mains. Je baisais aussi les siennes. Puis j'essayai de converser et je sus qu'elle s'appelait Weena, nom qui me sembla suffisamment approprié, encore que je n'eusse la moindre idée de sa signification. Ce fut là le commencement d'une étrange amitié qui dura une semaine et se termina comme je vous le dirai.

« Elle était absolument comme une enfant. Elle voulait sans cesse être avec moi. Elle tâchait de me suivre partout, et à mon voyage suivant, j'avais le cœur serré de la voir s'épuiser de fatigue et je dus la laisser enfin, à bout de forces et m'appelant plaintivement. Car il me fallait pénétrer les mystères de ce monde. Je n'étais pas venu dans le futur, me disais-je, pour mener à bien un flirt en miniature. Pourtant sa détresse quand je la laissais était grande ; ses plaintes et ses reproches à nos séparations étaient parfois frénétiques et je crois qu'en somme je retirais de son attachement autant d'ennuis que de réconfort. Néanmoins elle était une diversion salutaire. Je croyais que ce n'était qu'une simple affection enfantine qui l'avait attachée à moi. Jusqu'à ce qu'il fût trop tard, je ne sus pas clairement quel mal je lui avais fait pendant ce séjour. Jusqu'alors, je ne sus pas non plus exactement tout ce qu'elle avait été pour moi. Car, par ses marques d'affection et sa manière futile de montrer qu'elle s'inquiétait de moi, la curieuse petite poupée donnait à mon retour au voisinage du Sphinx Blanc presque le sentiment du retour chez soi et, dès le sommet de la colline, je cherchais des yeux sa délicate figure pâle et blonde.

Ce fut par elle aussi que j'appris que la crainte n'avait pas disparu de la terre. Elle était assez tranquille dans la journée et avait en moi la plus singulière confiance ; car, une fois, en un moment d'impatience absurde, je lui fis des grimaces menaçantes, et elle se mit tout simplement à rire. Mais elle redoutait l'ombre et l'obscurité, et elle avait peur des choses noires. Les ténèbres étaient pour elle la seule chose effrayante. C'était une émotion singulièrement violente. Je remarquai alors, entre autres choses, que ces petits êtres se rassemblaient dès la nuit à l'intérieur des grands édifices et dormaient par groupes. Entrer au milieu d'eux sans lumière les jetait dans une tumultueuse panique. Jamais après le coucher du soleil je n'en ai rencontré un seul dehors ou dormant isolé. Cependant je fus assez stupide pour ne pas comprendre que cette crainte devait être une leçon pour moi, et, en dépit de la détresse de Weena, je m'obstinai à coucher à l'écart de ces multitudes assoupies.

« Cela la troubla beaucoup, mais à la fin sa singulière affection pour moi triompha, et, pendant les cinq nuits que dura notre liaison, y compris la dernière nuit de toutes, elle dormit avec sa tête posée sur mon bras. Mais, à vous parler d'elle, je m'écarte de mon récit.

« La nuit qui suivit son sauvetage, je m'éveillai avec l'aurore. J'avais été agité, rêvant fort désagréablement que je m'étais noyé et que des anémones de mer me palpaient le visage avec leurs appendices mous. Je m'éveillai en sursaut, avec l'impression bizarre que quelque animal grisâtre venait de s'enfuir hors de la salle. J'essayai de me rendormir, mais j'étais inquiet et mal à l'aise. C'était l'heure terne et grise où les choses surgissent des ténèbres, ou les objets sont incolores et tout en contours et cependant irréels. Je me levai, sortis dans le grand hall et m'arrêtai sur les dalles de pierre du perron du palais ; j'avais l'intention, faisant de nécessité vertu, de contempler le lever du soleil.

« La lune descendait à l'ouest ; sa clarté mourante et les premières pâleurs de l'aurore se mêlaient en demi-lueurs spectrales. Les buissons étaient d'un noir profond, le sol d'un gris sombre, le ciel terne et triste. Au flanc de la colline, je crus apercevoir des fantômes. À trois reprises différentes, tandis que je scrutais la pente devant moi, je vis des formes blanches. Deux fois je crus voir une créature blanche, solitaire, ayant l'aspect d'un singe, qui remontait la colline avec rapidité ; une fois, auprès des ruines, je vis trois de ces formes qui portaient un corps noirâtre. Elles faisaient grande hâte et je ne pus voir ce qu'elles devinrent. Il semblait qu'elles se fussent évanouies parmi les buissons. L'aube était encore indistincte, vous devez le comprendre, et j'avais cette sensation glaciale, incertaine, du petit matin que vous connaissez peut-être.


CHAPITRE VIII – EXPLORATIONS (1) CHAPTER VIII - EXPLORATIONS (1) CAPÍTULO VIII - EXPLORACIONES (1) ГЛАВА VIII - ИССЛЕДОВАНИЯ (1) 第八章 – 探索 (1)

Aussi loin que je pouvais voir, le monde étalait la même exubérante richesse que la vallée de la Tamise. Soweit ich sehen konnte, breitete die Welt denselben üppigen Reichtum aus wie das Tal der Themse. As far as I could see, the world displayed the same exuberant richness as the valley of the Thames. De chaque colline que je gravis, je pus voir la même abondance d'édifices splendides, infiniment variés de style et de manière ; les mêmes épais taillis de sapins, les mêmes arbres couverts de fleurs et les mêmes fougères géantes. From every hill I ascended I could see the same abundance of splendid buildings, infinitely varied in style and manner; the same thick coppice of fir trees, the same trees covered with flowers and the same giant ferns. Ici et là, de l'eau brillait comme de l'argent, et au-delà, la campagne s'étendait en bleues ondulations de collines et disparaissait au loin dans la sérénité du ciel. Here and there the water shone like silver, and beyond it the countryside stretched out in blue undulations of hills and disappeared in the distance into the serenity of the sky. Un trait particulier, qui attira bientôt mon attention, fut la présence de certains puits circulaires, plusieurs, à ce qu'il me sembla, d'une très grande profondeur. A peculiar feature, which soon attracted my attention, was the presence of certain circular wells, several, it seemed to me, of very great depth. L'un d'eux était situé auprès du sentier qui montait la colline, celui que j'avais suivi lors de ma première excursion. One of them was near the path up the hill, the one I had followed on my first excursion. Comme les autres, il avait une margelle de bronze curieusement travaillé, et il était protégé de la pluie par une petite coupole. Like the others, it had a curb of curiously worked bronze, and it was protected from the rain by a small cupola. Assis sur le rebord de ces puits, et scrutant leur obscurité profonde, je ne pouvais voir aucun reflet d'eau, ni produire la moindre réflexion avec la flamme de mes allumettes. Sitting on the edge of these wells, and peering into their deep darkness, I could not see any reflection of water, nor produce the slightest reflection with the flame of my matches. Mais dans tous j'entendis un certain son : un bruit sourd, par intervalles, comme les battements d'une énorme machine ; et d'après la direction de la flamme de mes allumettes, je découvris qu'un courant d'air régulier était établi dans les puits. But in all of them I heard a certain sound: a thud, at intervals, like the beating of an enormous machine; and from the direction of the flame of my matches I found that a steady current of air was established in the shafts. En outre, je jetai dans l'orifice de l'un d'eux une feuille de papier, et au lieu de descendre lentement en voltigeant, elle fut immédiatement aspirée et je la perdis de vue. In addition, I threw a sheet of paper into the opening of one of them, and instead of slowly hovering down, it was immediately sucked in and I lost sight of it.

« En peu de temps, j'en vins à établir un rapport entre ces puits et de hautes tours qui s'élevaient, çà et là, sur les pentes ; car il y avait souvent au-dessus d'elles ce même tremblotement d'air que l'on voit par une journée très chaude au-dessus d'une grève brûlée de soleil. “In a short time, I came to establish a connection between these wells and high towers which rose here and there on the slopes; for there was often above them that same quivering of the air which one sees on a very hot day above a sun-scorched shore. En rassemblant ces observations, j'arrivai à la forte présomption d'un système de ventilation souterraine, dont il m'était difficile d'imaginer le but véritable. Putting these observations together, I arrived at the strong presumption of an underground ventilation system, the true purpose of which it was difficult for me to imagine. Je fus incliné d'abord à l'associer à l'organisation sanitaire de ce monde. I was inclined at first to associate it with the sanitary organization of this world. C'était une conclusion qui tombait sous le sens, mais elle était absolument fausse. It was a self-evident conclusion, but it was absolutely wrong.

« Il me faut admettre ici que je n'appris que fort peu de chose des égouts, des horloges, des moyens de transports et autres commodités, pendant mon séjour dans cet avenir réel. “I must admit here that I learned very little of sewers, clocks, means of transport and other conveniences, during my stay in this real future. "Tengo que admitir que aprendí muy poco sobre alcantarillas, relojes, transporte y otras comodidades durante mi estancia en este futuro real. Dans quelques-unes des visions d'Utopie et des temps à venir que j'ai lues, il y avait des quantités de détails sur la construction, les arrangements sociaux, et ainsi de suite. In some of the visions of Utopia and times to come that I have read, there was a great deal of detail about construction, social arrangements, and so on. Mais ces détails, qui sont assez facile à obtenir quand le monde entier est contenu dans votre seule imagination, sont absolument inaccessibles à un véritable voyageur, surtout parmi la réalité telle que je la rencontrai là. But these details, which are easy enough to obtain when the whole world is contained in your imagination alone, are absolutely inaccessible to a true traveler, especially among reality as I encountered it there. Imaginez-vous ce qu'un nègre arrivant de l'Afrique centrale raconterait de Londres ou de Paris à son retour dans sa tribu ! Imagine what a Negro arriving from Central Africa would say about London or Paris on his return to his tribe! Que saurait-il des compagnies de chemin de fer, des mouvements sociaux, du téléphone et du télégraphe, des colis postaux, des mandats-poste et autres choses de ce genre ? What would he know of railroads, social movements, telephone and telegraph, parcel post, money orders and the like? Et cependant nous, du moins, lui expliquerions volontiers tout cela ! And yet we, at least, would gladly explain all this to him! Et même ce qu'il saurait bien, pourrait-il seulement le faire concevoir à un ami de sa savane ? And even what he knows well, could he even make a friend of his savannah conceive it? Et puis, songez au peu de différence qu'il y a entre un nègre et un blanc de notre époque, et quel immense intervalle me séparait de cet âge heureux ! And then, think how little difference there is between a negro and a white of our time, and what an immense interval separated me from that happy age! J'avais conscience de côtoyer des choses cachées qui contribuaient à mon confort ; mais, excepté l'impression d'une organisation automatique, je crains de ne pas vous faire suffisamment saisir la différence entre notre civilisation et la leur. I was aware of rubbing shoulders with hidden things that contributed to my comfort; but, except for the impression of an automatic organization, I fear I do not make you sufficiently grasp the difference between our civilization and theirs.

« Pour ce qui est des sépultures, par exemple, je ne pouvais voir aucun signe de crémation, ni rien qui puisse faire penser à des tombes ; mais il me vint à l'idée qu'il pouvait exister des cimetières ou des fours crématoires quelque part au-delà de mon champ d'exploration. “As for the graves, for example, I couldn't see any signs of cremation, or anything that might suggest graves; but it occurred to me that there might be cemeteries or crematoria somewhere beyond my field of exploration. Ce fut là une question que je me posai et sur ce point ma curiosité fut absolument mise en déroute. This was a question that I asked myself and on this point my curiosity was absolutely defeated. La chose m'embarrassait et je fus amené à faire une remarque ultérieure qui m'embarrassa encore plus : c'est qu'il n'y avait parmi ces gens aucun individu âgé ou infirme. The thing embarrassed me and I was led to make a later remark which embarrassed me even more: it was that there was not among these people any old or infirm individual.

« Je dois avouer que la satisfaction que j'avais de ma première théorie d'une civilisation automatique et d'une humanité en décadence ne dura pas longtemps. “I must confess that my satisfaction with my first theory of an automatic civilization and a decadent humanity did not last long. Cependant, je n'en pouvais concevoir d'autre. However, I could conceive of none other. Laissez-moi vous exposer mes difficultés. Les divers grands palais que j'avais explorés n'étaient que de simples résidences, de grandes salles à manger et d'immenses dortoirs. The various grand palaces I had explored were mere residences, large dining halls and huge dormitories.

Je ne pus trouver ni machines, ni matériel d'aucune sorte. I couldn't find any machines or materials of any kind. Pourtant ces gens étaient vêtus de beaux tissus qu'il fallait bien renouveler de temps à autre, et leurs sandales, quoique sans ornements, étaient des spécimens assez complexes de travail métallique. Yet these people were dressed in fine fabrics which had to be renewed from time to time, and their sandals, though unadorned, were rather intricate specimens of metal work. D'une façon ou d'une autre, il fallait les fabriquer. One way or another, they had to be made. Et ces petites créatures ne faisaient montre d'aucun vestige de tendances créatrices ; il n'y avait ni boutiques, ni ateliers. And these little creatures showed no vestige of creative tendencies; there were no shops or workshops. Ils passaient tout leur temps à jouer gentiment, à se baigner dans le fleuve, à se faire la cour d'une façon à demi badine, à manger des fruits et à dormir. They spent all their time playing nicely, bathing in the river, courting each other in a half playful way, eating fruit and sleeping. Je ne pouvais me rendre compte de la manière dont tout cela durait et se maintenait. I could not realize how all this lasted and was maintained.

« Mais revenons à la Machine du Temps ; quelqu'un, je ne savais qui, l'avait enfermée dans le piédestal creux du Sphinx Blanc. “But back to the Time Machine; someone, I didn't know who, had locked her in the hollow pedestal of the White Sphinx. Pourquoi ?

« J'étais absolument incapable de l'imaginer, pas plus qu'il ne m'était possible de découvrir l'usage de ces puits sans eau et de ces colonnes de ventilation. “I was absolutely incapable of imagining it, any more than it was possible for me to discover the use of these waterless wells and these ventilation columns. Il me manquait là un fil conducteur. I was missing a common thread here. Je sentais… comment vous expliquer cela ? I felt… how to explain that to you? Supposez que vous trouviez une inscription, avec des phrases ici et là claires et écrites en excellent anglais, mais interpolées, d'autres faites de mots, de lettres même qui vous soient absolument inconnues ! Suppose you find an inscription, with sentences here and there clear and written in excellent English, but interpolated, others made up of words, of letters even which are absolutely unknown to you! Eh bien, le troisième jour de ma visite, c'est de cette manière que se présentait à moi le monde de l'an huit cent deux mil sept cent un. Well, on the third day of my visit, this is how the world of the year eight hundred two thousand seven hundred and one presented itself to me.

« Ce jour-là aussi je me fis une amie – en quelque sorte. “That day too I made a friend – in a way. Comme je regardais quelques-uns de ces petits êtres se baigner dans une anse du fleuve, l'un d'entre eux fut pris de crampes et dériva au fil de l'eau. As I was watching some of these little creatures bathing in a creek in the river, one of them got cramped and drifted down the stream. Le courant principal était assez fort, mais peu redoutable, même pour un nageur ordinaire. The main current was pretty wrong, but hardly daunting even for an ordinary swimmer. Vous aurez une idée de l'étrange indifférence de ces gens, quand je vous aurai dit qu'aucun d'eux ne fit le moindre effort pour aller au secours du petit être qui, en poussant de faibles cris, se noyait sous leurs yeux. You will have an idea of the strange indifference of these people when I tell you that none of them made the slightest effort to go to the aid of the little creature who, uttering weak cries, was drowning before their eyes. Quand je m'en aperçus, je défis en hâte mes vêtements et, entrant dans le fleuve un peu plus bas, j'attrapai la pauvre créature et la ramenai sur la berge. When I noticed this, I hastily undid my clothes and, entering the river a little lower, I caught the poor creature and brought it back to the bank. Cuando me di cuenta, me quité rápidamente la ropa y, entrando en el río un poco más abajo, agarré a la pobre criatura y la llevé de vuelta a la orilla. Quelques vigoureuses frictions la ranimèrent bientôt et j'eus la satisfaction de la voir complètement remise avant que je ne parte. A few vigorous frictions soon revived her and I had the satisfaction of seeing her completely recovered before I left. J'avais alors si peu d'estime pour ceux de son espèce que je n'espérais d'elle aucune gratitude. I had so little esteem then for those of her kind that I expected no gratitude from her. Cette fois, cependant, j'avais tort. This time, however, I was wrong.

« Cela s'était passé le matin ; l'après-midi, au retour d'une exploration, je revis la petite créature, une femme à ce que je pouvais croire, et elle me reçut avec des cris de joie et m'offrit une guirlande de fleurs, évidemment faite à mon intention. “It happened in the morning; in the afternoon, on returning from an exploration, I saw the little creature again, a woman I could believe, and she received me with cries of joy and offered me a garland of flowers, obviously made to my liking. intention. Je fus touché de cette attention. I was touched by this attention. Je m'étais senti quelque peu isolé, et je fis de mon mieux pour témoigner combien j'appréciais le don. I had felt somewhat isolated, and I did my best to show how much I appreciated the gift. Bientôt nous fûmes assis sous un bosquet et engagés dans une conversation, composée surtout de sourires. Les témoignages d'amitié de la petite créature m'affectaient exactement comme l'auraient fait ceux d'un enfant. The little creature's expressions of friendship affected me just as those of a child would. Nous nous présentions des fleurs et elle me baisait les mains. We presented flowers to each other and she kissed my hands. Je baisais aussi les siennes. I also fucked hers. Puis j'essayai de converser et je sus qu'elle s'appelait Weena, nom qui me sembla suffisamment approprié, encore que je n'eusse la moindre idée de sa signification. Then I tried to converse and learned that her name was Weena, a name that seemed appropriate enough to me, although I had no idea what it meant. Ce fut là le commencement d'une étrange amitié qui dura une semaine et se termina comme je vous le dirai. This was the beginning of a strange friendship which lasted a week and ended as I will tell you.

« Elle était absolument comme une enfant. “She was absolutely like a child. Elle voulait sans cesse être avec moi. She always wanted to be with me. Elle tâchait de me suivre partout, et à mon voyage suivant, j'avais le cœur serré de la voir s'épuiser de fatigue et je dus la laisser enfin, à bout de forces et m'appelant plaintivement. She tried to follow me everywhere, and on my next trip, my heart ached to see her exhausted with fatigue and I had to leave her at last, exhausted and calling me plaintively. Car il me fallait pénétrer les mystères de ce monde. Because I had to penetrate the mysteries of this world. Je n'étais pas venu dans le futur, me disais-je, pour mener à bien un flirt en miniature. I hadn't come to the future, I told myself, to carry out a miniature flirtation. Pourtant sa détresse quand je la laissais était grande ; ses plaintes et ses reproches à nos séparations étaient parfois frénétiques et je crois qu'en somme je retirais de son attachement autant d'ennuis que de réconfort. Yet her distress when I left her was great; his complaints and his reproaches at our separations were sometimes frantic and I believe that, on the whole, I derived from his attachment as much trouble as comfort. Sin embargo, su angustia cuando la dejaba era grande; sus quejas y reproches por nuestras separaciones eran a veces frenéticos, y creo que en general su apego me causaba tantos problemas como consuelo. Néanmoins elle était une diversion salutaire. Je croyais que ce n'était qu'une simple affection enfantine qui l'avait attachée à moi. I thought it was just a simple childish affection that had attached her to me. Jusqu'à ce qu'il fût trop tard, je ne sus pas clairement quel mal je lui avais fait pendant ce séjour. Until it was too late, I did not know clearly what harm I had done to her during this stay. Jusqu'alors, je ne sus pas non plus exactement tout ce qu'elle avait été pour moi. Until then, I didn't know exactly what she had meant to me either. Car, par ses marques d'affection et sa manière futile de montrer qu'elle s'inquiétait de moi, la curieuse petite poupée donnait à mon retour au voisinage du Sphinx Blanc presque le sentiment du retour chez soi et, dès le sommet de la colline, je cherchais des yeux sa délicate figure pâle et blonde. For, by her expressions of affection and her futile way of showing that she cared about me, the curious little doll gave my return to the vicinity of the White Sphinx almost the feeling of coming home and, from the top of the hill, I searched with my eyes for her delicate, pale, blond face.

Ce fut par elle aussi que j'appris que la crainte n'avait pas disparu de la terre. It was also through her that I learned that fear had not disappeared from the earth. Elle était assez tranquille dans la journée et avait en moi la plus singulière confiance ; car, une fois, en un moment d'impatience absurde, je lui fis des grimaces menaçantes, et elle se mit tout simplement à rire. She was quiet enough during the day and had the most singular confidence in me; for once, in a moment of absurd impatience, I made menacing faces at her, and she simply laughed. Mais elle redoutait l'ombre et l'obscurité, et elle avait peur des choses noires. But she dreaded shadow and darkness, and she was afraid of black things. Les ténèbres étaient pour elle la seule chose effrayante. Darkness was the only scary thing to her. C'était une émotion singulièrement violente. It was a singularly violent emotion. Je remarquai alors, entre autres choses, que ces petits êtres se rassemblaient dès la nuit à l'intérieur des grands édifices et dormaient par groupes. I noticed then, among other things, that these little beings gathered at night inside the big buildings and slept in groups. Entrer au milieu d'eux sans lumière les jetait dans une tumultueuse panique. Entering their midst without light threw them into a tumultuous panic. Jamais après le coucher du soleil je n'en ai rencontré un seul dehors ou dormant isolé. Never after sunset did I meet a single one outside or sleeping alone. Cependant je fus assez stupide pour ne pas comprendre que cette crainte devait être une leçon pour moi, et, en dépit de la détresse de Weena, je m'obstinai à coucher à l'écart de ces multitudes assoupies. However, I was stupid enough not to understand that this fear should be a lesson for me, and, in spite of Weena's distress, I persisted in sleeping away from these sleeping multitudes.

« Cela la troubla beaucoup, mais à la fin sa singulière affection pour moi triompha, et, pendant les cinq nuits que dura notre liaison, y compris la dernière nuit de toutes, elle dormit avec sa tête posée sur mon bras. “This troubled her greatly, but in the end her singular affection for me triumphed, and during the five nights that our affair lasted, including the last night of all, she slept with her head resting on my arm. "Esto la preocupó mucho, pero al final triunfó su singular afecto por mí, y durante las cinco noches de nuestra aventura, incluida la última de todas, durmió con la cabeza apoyada en mi brazo. Mais, à vous parler d'elle, je m'écarte de mon récit. But speaking to you of her, I digress from my account. Pero hablar de ella es desviarme de mi historia.

« La nuit qui suivit son sauvetage, je m'éveillai avec l'aurore. "In der Nacht nach seiner Rettung wachte ich mit dem Morgengrauen auf. “The night after his rescue, I awoke with the dawn. J'avais été agité, rêvant fort désagréablement que je m'étais noyé et que des anémones de mer me palpaient le visage avec leurs appendices mous. Ich war unruhig gewesen und hatte sehr unangenehm geträumt, dass ich ertrunken sei und Seeanemonen mit ihren weichen Anhängseln mein Gesicht abtasteten. I had been restless, dreaming very unpleasantly that I had drowned and that sea anemones were feeling my face with their soft appendages. Je m'éveillai en sursaut, avec l'impression bizarre que quelque animal grisâtre venait de s'enfuir hors de la salle. I awoke with a start, with the odd feeling that some greyish animal had just fled from the room. J'essayai de me rendormir, mais j'étais inquiet et mal à l'aise. I tried to go back to sleep, but I was worried and uncomfortable. C'était l'heure terne et grise où les choses surgissent des ténèbres, ou les objets sont incolores et tout en contours et cependant irréels. It was the dull, gray hour when things emerge from darkness, or objects are colorless and all outlines and yet unreal. Je me levai, sortis dans le grand hall et m'arrêtai sur les dalles de pierre du perron du palais ; j'avais l'intention, faisant de nécessité vertu, de contempler le lever du soleil. I got up, went out into the great hall and stopped on the stone flagstones of the palace steps; I intended, making a virtue of necessity, to watch the sunrise.

« La lune descendait à l'ouest ; sa clarté mourante et les premières pâleurs de l'aurore se mêlaient en demi-lueurs spectrales. “The moon descended in the west; its dying light and the first pallors of dawn mingled in spectral half-lights. Les buissons étaient d'un noir profond, le sol d'un gris sombre, le ciel terne et triste. The bushes were deep black, the ground dark gray, the sky dull and sad. Au flanc de la colline, je crus apercevoir des fantômes. À trois reprises différentes, tandis que je scrutais la pente devant moi, je vis des formes blanches. On three separate occasions as I scanned the slope ahead of me, I saw white shapes. Deux fois je crus voir une créature blanche, solitaire, ayant l'aspect d'un singe, qui remontait la colline avec rapidité ; une fois, auprès des ruines, je vis trois de ces formes qui portaient un corps noirâtre. Twice I thought I saw a solitary white creature, resembling an ape, rushing up the hill; once, near the ruins, I saw three of these forms which carried a blackish body. Elles faisaient grande hâte et je ne pus voir ce qu'elles devinrent. They were in great haste and I could not see what became of them. Il semblait qu'elles se fussent évanouies parmi les buissons. It seemed as if they had vanished among the bushes. Parecían haber desaparecido entre los arbustos. L'aube était encore indistincte, vous devez le comprendre, et j'avais cette sensation glaciale, incertaine, du petit matin que vous connaissez peut-être. The dawn was still indistinct, you must understand, and I had that cold, uncertain feeling of early morning that you may know.