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George Sand : La Mare au Diable, chapitre 8

chapitre 8

SOUS LES GRANDS CHENES

Eh bien! prenons patience, Germain, dit la petite Marie. Nous ne sommes pas mal sur cette petite hauteur. La pluie ne perce pas la feuillée de ces gros chênes, et nous pouvons allumer du feu, car je sens de vieilles souches qui ne tiennent à rien et qui sont assez sèches pour flamber. Vous avez bien du feu, Germain? Vous fumiez votre pipe tantôt.

J'en avais! mon briquet était sur le bât dans mon sac, avec le gibier que je portais à ma future; mais la maudite jument a tout emporté, même mon manteau, qu'elle va perdre et déchirer à toutes les branches. Non pas, Germain; la bâtine, le manteau, le sac, tout est là par terre, à vos pieds. La Grise a cassé les sangles et tout jeté à côté d'elle en partant. C'est, vrai Dieu, certain! dit le laboureur; et si nous pouvons trouver un peu de bois mort à tâtons, nous réussirons à nous sécher et à nous réchauffer.

Ce n'est pas difficile, dit la petite Marie, le bois mort craque partout sous les pieds; mais donnez-moi d'abord ici la bâtine. Qu'en veux-tu faire? Un lit pour le petit: non, pas comme ça, à l'envers; il ne roulera pas dans la ruelle; et c'est encore tout chaud du dos de la bête. Calez-moi ça de chaque côté avec ces pierres que vous voyez là!

Je ne les vois pas, moi! Tu as donc des yeux de chat!

Tenez! voilà qui est fait, Germain! Donnez-moi votre manteau, que j'enveloppe ses petits pieds, et ma cape par- dessus son corps. Voyez! s'il n'est pas couché là aussi bien que dans son lit! et tâtez-le comme il a chaud!

C'est vrai! tu t'entends à soigner les enfants, Marie! Ce n'est pas bien sorcier. A présent, cherchez votre briquet dans votre sac, et je vais arranger le bois.

Ce bois ne prendra jamais, il est trop humide.

Vous doutez de tout, Germain! vous ne vous souvenez donc pas d'avoir été pâtour et d'avoir fait de grands feux aux champs, au beau milieu de la pluie? Oui, c'est le talent des enfants qui gardent les bêtes; mais moi j'ai été toucheur de bufs aussitôt que j'ai su marcher. C'est pour cela que vous êtes plus fort de vos bras qu'adroit de vos mains. Le voilà bâti ce bûcher, vous allez voir s'il ne flambera pas! Donnez-moi le feu et une poignée de fougère sèche. C'est bien! soufflez à présent; vous n'êtes pas poumonique? Non pas que je sache, dit Germain en soufflant comme un soufflet de forge. Au bout d'un instant, la flamme brilla, jeta d'abord une lumière rouge, et finit par s'élever en jets bleuâtres sous le feuillage des chênes, luttant contre la brume et séchant peu à peu l'atmosphère à dix pieds à la ronde. Maintenant, je vais m'asseoir auprès du petit pour qu'il ne lui tombe pas d'étincelles sur le corps, dit la jeune fille. Vous, mettez du bois et animez le feu, Germain! nous n'attraperons ici ni fièvre ni rhume, je vous en réponds. Ma foi, tu es une fille d'esprit, dit Germain, et tu sais faire le feu comme une petite sorcière de nuit. Je me sens tout ranimé, et le cur me revient; car avec les jambes mouillées jusqu'aux genoux, et l'idée de rester comme cela jusqu'au point du jour, j'étais de fort mauvaise humeur tout à l'heure. Et quand on est de mauvaise humeur, on ne s'avise de rien, reprit la petite Marie. Et tu n'es donc jamais de mauvaise humeur, toi? Eh non! jamais. A quoi bon?

Oh! ce n'est bon à rien, certainement; mais le moyen de s'en empêcher, quand on a des ennuis! Dieu sait que tu n'en as pas manqué, toi, pourtant, ma pauvre petite: car tu n'as pas toujours été heureuse! C'est vrai, nous avons souffert, ma pauvre mère et moi. Nous avions du chagrin, mais nous ne perdions jamais courage.

Je ne perdrais pas courage pour quelque ouvrage que ce fût, dit Germain; mais la misère me fâcherait; car je n'ai jamais manqué de rien. Ma femme m'avait fait riche et je le suis encore; je le serai tant que je travaillerai à la métairie: ce sera toujours, j'espère; mais chacun doit avoir sa peine! j'ai souffert autrement. Oui, vous avez perdu votre femme, et c'est grand'pitié! N'est-ce pas? Oh! je l'ai bien pleurée, allez, Germain! car elle était si bonne! Tenez, n'en parlons plus; car je la pleurerais encore, tous mes chagrins sont en train de me revenir aujourd'hui. C'est vrai qu'elle t'aimait beaucoup, petite Marie! elle faisait grand cas de toi et de ta mère. Allons! tu pleures? Voyons, ma fille, je ne veux pas pleurer, moi…

Vous pleurez, pourtant, Germain! Vous pleurez aussi! Quelle honte y a-t-il pour un homme à pleurer sa femme? Ne vous gênez pas, allez! je suis bien de moitié avec vous dans cette peine- là!

Tu as un bon cur, Marie, et ça me fait du bien de pleurer avec toi. Mais approche donc tes pieds du feu; tu as tes jupes toutes mouillées aussi, pauvre petite fille! Tiens, je vas prendre ta place auprès du petit, chauffe-toi mieux que ça.

J'ai assez chaud, dit Marie; et si vous voulez vous asseoir, prenez un coin du manteau, moi je suis très bien. Le fait est qu'on n'est pas mal ici, dit Germain en s'asseyant tout auprès d'elle. Il n'y a que la faim qui me tourmente un peu. Il est bien neuf heures du soir, et j'ai eu tant de peine à marcher dans ces mauvais chemins, que je me sens tout affaibli. Est-ce que tu n'as pas faim, aussi, toi, Marie? Moi? pas du tout. Je ne suis pas habituée, comme vous, à faire quatre repas, et j'ai été tant de fois me coucher sans souper, qu'une fois de plus ne m'étonne guère. Eh bien, c'est commode une femme comme toi; ça ne fait pas de dépense, dit Germain en soudant. Je ne suis pas une femme, dit naïvement Marie, sans s'apercevoir de la tournure que prenaient les idées du laboureur. Est-ce que vous rêvez?

Oui, je crois que je rêve, répondit Germain; c'est la faim qui me fait divaguer peut-être! Que vous êtes donc gourmand! reprit-elle en s'égayant un peu à son tour; eh bien! si vous ne pouvez pas vivre cinq ou six heures sans manger, est-ce que vous n'avez pas là du gibier dans votre sac, et du feu pour le faire cuire? Diantre! c'est une bonne idée! mais le présent à mon futur beau-père?

Vous avez six perdrix et un lièvre! Je pense qu'il ne faut pas tout cela pour vous rassasier? Mais faire cuire cela ici, sans broche et sans landiers, ça deviendra du charbon!

Non pas, dit la petite Marie; je me charge de vous le faire cuire sous la cendre sans goût de fumée. Est-ce que vous n'avez jamais attrapé d'alouettes dans les champs, et que vous ne les avez pas fait cuire entre deux pierres? Ah! c'est vrai! j'oublie que vous n'avez pas été pastour! Voyons, plumez cette perdrix! Pas si fort! vous lui arrachez la peau!

Tu pourrais bien plumer l'autre pour me montrer! Vous voulez donc en manger deux? Quel ogre! Allons, les voilà plumées, je vais les cuire.

Tu ferais une parfaite cantinière, petite Marie; mais, par malheur, tu n'as pas de cantine, et je serai réduit à boire l'eau de cette mare. Vous voudriez du vin, pas vrai? Il vous faudrait peut-être du café? vous vous croyez à la foire sous la ramée! Appelez l'aubergiste: de la liqueur au fin laboureur de Belair! Ah! petite méchante, vous vous moquez de moi? Vous ne boiriez pas du vin, vous, si vous en aviez?

Moi? j'en ai bu ce soir avec vous chez la Rebec, pour la seconde fois de ma vie; mais si vous êtes bien sage, je vais vous en donner une bouteille quasi pleine, et du bon encore! Comment, Marie, tu es donc sorcière, décidément?

Est-ce que vous n'avez pas fait la folie de demander deux bouteilles de vin à la Rebec? Vous en avez bu une avec votre petit, et j'ai à peine avalé trois gouttes de celle que vous aviez mise devant moi. Cependant vous les avez payées toutes les deux sans y regarder.

Eh bien?

Eh bien, j'ai mis dans mon panier celle qui n'avait pas été bue, parce que j'ai pensé que vous ou votre petit auriez soif en route; et la voilà. Tu es la fille la plus avisée que j'aie jamais rencontrée. Voyez! elle pleurait pourtant, cette pauvre enfant, en sortant de l'auberge! ça ne l'a pas empêchée de penser aux autres plus qu'à elle-même. Petite Marie, l'homme qui t'épousera ne sera pas sot. Je l'espère, car je n'aimerais pas un sot. Allons, mangez vos perdrix, elles sont cuites à point; et, faute de pain, vous vous contenterez de châtaignes.

Et où diable as-tu pris aussi des châtaignes?

C'est bien étonnant! tout le long du chemin, j'en ai pris aux branches en passant, et j'en ai rempli mes poches. Et elles sont cuites aussi?

A quoi donc aurais-je eu l'esprit si je ne les avais pas mises dans le feu dès qu'il a été allumé? Ça se fait toujours, aux champs.

Ah çà, petite Marie, nous allons souper ensemble! je veux boire à ta santé et te souhaiter un bon mari… là, comme tu le souhaiterais toi-même. Dis-moi un peu cela!

J'en serais fort empêchée, Germain, car je n'y ai pas encore songé. Comment, pas du tout? jamais? dit Germain, en commençant à manger avec un appétit de laboureur, mais coupant les meilleurs morceaux pour les offrir à sa compagne, qui refusa obstinément et se contenta de quelques châtaignes. Dis-moi donc, petite Marie, reprit-il, voyant qu'elle ne songeait pas à lui répondre, tu n'as pas encore eu l'idée du mariage? tu es en âge, pourtant!

Peut-être, dit-elle; mais je suis trop pauvre. Il faut au moins cent écus pour entrer en ménage, et je dois travailler cinq ou six ans pour les amasser.

Pauvre fille! je voudrais que le père Maurice voulût bien me donner cent écus pour t'en faire cadeau. Grand merci, Germain. Eh bien! qu'est-ce qu'on dirait de moi? Que veux-tu qu'on dise? on sait bien que je suis vieux et que je ne peux pas t'épouser. Alors on ne supposerait pas que je… que tu…

Dites donc, laboureur! voilà votre enfant qui se réveille, dit la petite Marie.


chapitre 8 chapter 8

SOUS LES GRANDS CHENES UNDER THE BIG CHENES

Eh bien! Well! prenons patience, Germain, dit la petite Marie. let us be patient, Germain, said little Marie. Nous ne sommes pas mal sur cette petite hauteur. We are not bad on this small height. La pluie ne perce pas la feuillée de ces gros chênes, et nous pouvons allumer du feu, car je sens de vieilles souches qui ne tiennent à rien et qui sont assez sèches pour flamber. The rain does not pierce the leaves of those big oaks, and we can light a fire, for I can smell old stumps which do not hold on to anything and which are dry enough to blaze. Vous avez bien du feu, Germain? Do you have a fire, Germain? Vous fumiez votre pipe tantôt. You were smoking your pipe earlier.

J'en avais! I did not have! mon briquet était sur le bât dans mon sac, avec le gibier que je portais à ma future; mais la maudite jument a tout emporté, même mon manteau, qu'elle va perdre et déchirer à toutes les branches. my lighter was on the pack in my bag, with the game I was carrying to my future; but the accursed mare took everything away, even my coat, which she will lose and tear in every branch. Non pas, Germain; la bâtine, le manteau, le sac, tout est là par terre, à vos pieds. No, Germain; the batine, the coat, the bag, everything is there on the ground, at your feet. La Grise a cassé les sangles et tout jeté à côté d'elle en partant. La Grise broke the straps and threw everything beside her as she left. C'est, vrai Dieu, certain! It is, true God, certain! dit le laboureur; et si nous pouvons trouver un peu de bois mort à tâtons, nous réussirons à nous sécher et à nous réchauffer. said the plowman; and if we can grope some dead wood, we will succeed in drying out and warming up.

Ce n'est pas difficile, dit la petite Marie, le bois mort craque partout sous les pieds; mais donnez-moi d'abord ici la bâtine. It's not difficult, says little Marie, dead wood cracks everywhere under your feet; but give me the batin first here. Qu'en veux-tu faire? What do you want to do with it? Un lit pour le petit: non, pas comme ça, à l'envers; il ne roulera pas dans la ruelle; et c'est encore tout chaud du dos de la bête. A bed for the little one: no, not like that, upside down; he will not roll into the alley; and it's still hot from the back of the beast. Calez-moi ça de chaque côté avec ces pierres que vous voyez là! Wedge me that on each side with these stones that you see there!

Je ne les vois pas, moi! I don't see them! Tu as donc des yeux de chat! So you have cat eyes!

Tenez! Hold! voilà qui est fait, Germain! that's it, Germain! Donnez-moi votre manteau, que j'enveloppe ses petits pieds, et ma cape par- dessus son corps. Give me your coat, which I wrap her little feet, and my cloak over her body. Voyez! See! s'il n'est pas couché là aussi bien que dans son lit! if he is not lying there as well as in his bed! et tâtez-le comme il a chaud! and feel it how hot it is!

C'est vrai! It's true! tu t'entends à soigner les enfants, Marie! you understand to look after the children, Marie! Ce n'est pas bien sorcier. It's not rocket science. A présent, cherchez votre briquet dans votre sac, et je vais arranger le bois. Now find your lighter in your bag, and I will arrange the wood.

Ce bois ne prendra jamais, il est trop humide. This wood will never take, it is too wet.

Vous doutez de tout, Germain! You doubt everything, Germain! vous ne vous souvenez donc pas d'avoir été pâtour et d'avoir fait de grands feux aux champs, au beau milieu de la pluie? So you don't remember having been in the past and having made big fires in the fields, in the midst of the rain? Oui, c'est le talent des enfants qui gardent les bêtes; mais moi j'ai été toucheur de bufs aussitôt que j'ai su marcher. Yes, it is the talent of the children who keep the animals; but I was a hacker as soon as I knew how to walk. C'est pour cela que vous êtes plus fort de vos bras qu'adroit de vos mains. This is why you are stronger with your arms than skilful with your hands. Le voilà bâti ce bûcher, vous allez voir s'il ne flambera pas! Here he is built this pyre, you will see if it will not burn! Donnez-moi le feu et une poignée de fougère sèche. Give me the fire and a handful of dry fern. C'est bien! It's good! soufflez à présent; vous n'êtes pas poumonique? blow now; you are not lung? Non pas que je sache, dit Germain en soufflant comme un soufflet de forge. Not that I know of, said Germain, blowing like a forge bellows. Au bout d'un instant, la flamme brilla, jeta d'abord une lumière rouge, et finit par s'élever en jets bleuâtres sous le feuillage des chênes, luttant contre la brume et séchant peu à peu l'atmosphère à dix pieds à la ronde. After a moment, the flame shone, first threw a red light, and finally rose in bluish jets under the foliage of the oaks, fighting against the mist and gradually drying the atmosphere ten feet away. Round. Maintenant, je vais m'asseoir auprès du petit pour qu'il ne lui tombe pas d'étincelles sur le corps, dit la jeune fille. Now I am going to sit down next to the little one so that no sparks fall on his body, said the young girl. Vous, mettez du bois et animez le feu, Germain! You, put wood and animate the fire, Germain! nous n'attraperons ici ni fièvre ni rhume, je vous en réponds. we won't catch a fever or a cold here, I'll tell you. Ma foi, tu es une fille d'esprit, dit Germain, et tu sais faire le feu comme une petite sorcière de nuit. Faith, you are a witty girl, said Germain, and you know how to make fire like a little night witch. Je me sens tout ranimé, et le cur me revient; car avec les jambes mouillées jusqu'aux genoux, et l'idée de rester comme cela jusqu'au point du jour, j'étais de fort mauvaise humeur tout à l'heure. I feel quite revived, and my heart comes back to me; because with wet legs up to my knees, and the idea of staying like that until dawn, I was in a very bad mood earlier. Et quand on est de mauvaise humeur, on ne s'avise de rien, reprit la petite Marie. And when you're in a bad mood, you don't notice anything, resumed little Marie. Et tu n'es donc jamais de mauvaise humeur, toi? And so you're never in a bad mood, are you? Eh non! Oh no! jamais. A quoi bon? What's the point?

Oh! ce n'est bon à rien, certainement; mais le moyen de s'en empêcher, quand on a des ennuis! it is good for nothing, certainly; but the means of preventing it, when one is in trouble! Dieu sait que tu n'en as pas manqué, toi, pourtant, ma pauvre petite: car tu n'as pas toujours été heureuse! God knows that you have not lacked, you, however, my poor little one: because you have not always been happy! C'est vrai, nous avons souffert, ma pauvre mère et moi. It's true, we suffered, my poor mother and me. Nous avions du chagrin, mais nous ne perdions jamais courage. We were in sorrow, but we never lost heart.

Je ne perdrais pas courage pour quelque ouvrage que ce fût, dit Germain; mais la misère me fâcherait; car je n'ai jamais manqué de rien. I would not lose heart for any work whatsoever, said Germain; but misery would annoy me; because I have never lacked for anything. Ma femme m'avait fait riche et je le suis encore; je le serai tant que je travaillerai à la métairie: ce sera toujours, j'espère; mais chacun doit avoir sa peine! My wife made me rich and I still am; I will be so as long as I work on the farm: it will always be, I hope; but each must have his trouble! j'ai souffert autrement. I suffered differently. Oui, vous avez perdu votre femme, et c'est grand'pitié! Yes, you have lost your wife, and it is great pity! N'est-ce pas? Oh! Oh! je l'ai bien pleurée, allez, Germain! I cried for her, come on, Germain! car elle était si bonne! because she was so good! Tenez, n'en parlons plus; car je la pleurerais encore, tous mes chagrins sont en train de me revenir aujourd'hui. Here, let's not talk about it any more; because I would mourn her again, all my sorrows are coming back to me today. C'est vrai qu'elle t'aimait beaucoup, petite Marie! It is true that she loved you very much, little Marie! elle faisait grand cas de toi et de ta mère. she cared a great deal about you and your mother. Allons! tu pleures? you cry? Voyons, ma fille, je ne veux pas pleurer, moi… Come on, my girl, I don't want to cry, me ...

Vous pleurez, pourtant, Germain! You cry, however, Germain! Vous pleurez aussi! You cry too! Quelle honte y a-t-il pour un homme à pleurer sa femme? What shame is it for a man to mourn his wife? Ne vous gênez pas, allez! Don't be shy, come on! je suis bien de moitié avec vous dans cette peine- là! I'm halfway with you in this pain!

Tu as un bon cur, Marie, et ça me fait du bien de pleurer avec toi. You have a good heart, Marie, and it makes me feel good to cry with you. Mais approche donc tes pieds du feu; tu as tes jupes toutes mouillées aussi, pauvre petite fille! But bring your feet to the fire; you have your skirts all wet too, poor little girl! Tiens, je vas prendre ta place auprès du petit, chauffe-toi mieux que ça. Here, I'm going to take your place with the little one, warm up better than that.

J'ai assez chaud, dit Marie; et si vous voulez vous asseoir, prenez un coin du manteau, moi je suis très bien. I'm hot enough, said Marie; and if you want to sit down, take a corner of the mantle, I'm fine. Le fait est qu'on n'est pas mal ici, dit Germain en s'asseyant tout auprès d'elle. The point is, we're not bad here, said Germain, sitting down beside her. Il n'y a que la faim qui me tourmente un peu. It's only hunger that torments me a little. Il est bien neuf heures du soir, et j'ai eu tant de peine à marcher dans ces mauvais chemins, que je me sens tout affaibli. It is indeed nine o'clock in the evening, and I have had so much difficulty walking in these bad roads, that I feel quite weakened. Est-ce que tu n'as pas faim, aussi, toi, Marie? Aren't you hungry, too, you, Marie? Moi? pas du tout. Je ne suis pas habituée, comme vous, à faire quatre repas, et j'ai été tant de fois me coucher sans souper, qu'une fois de plus ne m'étonne guère. Like you, I'm not used to having four meals, and I have gone to bed so many times without supper that once again it hardly surprises me. Eh bien, c'est commode une femme comme toi; ça ne fait pas de dépense, dit Germain en soudant. Well, a woman like you is convenient; that doesn't cost any money, said Germain, soldering. Je ne suis pas une femme, dit naïvement Marie, sans s'apercevoir de la tournure que prenaient les idées du laboureur. I am not a woman, said Marie naively, without noticing the turn taken by the ideas of the plowman. Est-ce que vous rêvez? Are you dreaming?

Oui, je crois que je rêve, répondit Germain; c'est la faim qui me fait divaguer peut-être! Yes, I think I am dreaming, replied Germain; maybe it's hunger that makes me wander! Que vous êtes donc gourmand! How greedy you are! reprit-elle en s'égayant un peu à son tour; eh bien! she continued, cheering up a little in her turn; well! si vous ne pouvez pas vivre cinq ou six heures sans manger, est-ce que vous n'avez pas là du gibier dans votre sac, et du feu pour le faire cuire? if you can't go five or six hours without eating, don't you have game in your bag, and fire to cook it? Diantre! Goddamn! c'est une bonne idée! It's a good idea! mais le présent à mon futur beau-père? but the present to my future father-in-law?

Vous avez six perdrix et un lièvre! You have six partridges and a hare! Je pense qu'il ne faut pas tout cela pour vous rassasier? I think it doesn't take all of this to fill you up? Mais faire cuire cela ici, sans broche et sans landiers, ça deviendra du charbon! But cook it here, without a spit and without landiers, it will turn into charcoal!

Non pas, dit la petite Marie; je me charge de vous le faire cuire sous la cendre sans goût de fumée. No, said little Marie; I will cook it for you under the ashes without the taste of smoke. Est-ce que vous n'avez jamais attrapé d'alouettes dans les champs, et que vous ne les avez pas fait cuire entre deux pierres? Have you never caught larks in the fields, and cooked them between two stones? Ah! Ah! c'est vrai! it is true! j'oublie que vous n'avez pas été pastour! I forget that you were not pastour! Voyons, plumez cette perdrix! Come on, pluck that partridge! Pas si fort! Not so hard! vous lui arrachez la peau! you tear off his skin!

Tu pourrais bien plumer l'autre pour me montrer! You could pluck the other one to show me! Vous voulez donc en manger deux? So you want to eat two? Quel ogre! What an ogre! Allons, les voilà plumées, je vais les cuire. Come on, here they are plucked, I'm going to cook them.

Tu ferais une parfaite cantinière, petite Marie; mais, par malheur, tu n'as pas de cantine, et je serai réduit à boire l'eau de cette mare. You would make a perfect canteen, little Marie; but, unfortunately, you don't have a canteen, and I will be reduced to drinking the water from this pond. Vous voudriez du vin, pas vrai? You want some wine, right? Il vous faudrait peut-être du café? Maybe you need some coffee? vous vous croyez à la foire sous la ramée! you think you are at the fair under the row! Appelez l'aubergiste: de la liqueur au fin laboureur de Belair! Call the innkeeper: liquor to the fine plowman of Belair! Ah! Ah! petite méchante, vous vous moquez de moi? little bad girl, are you kidding me? Vous ne boiriez pas du vin, vous, si vous en aviez? You wouldn't drink wine if you had it?

Moi? Me? j'en ai bu ce soir avec vous chez la Rebec, pour la seconde fois de ma vie; mais si vous êtes bien sage, je vais vous en donner une bouteille quasi pleine, et du bon encore! I drank it this evening with you at La Rebec, for the second time in my life; but if you are very good, I will give you an almost full bottle of it, and more! Comment, Marie, tu es donc sorcière, décidément? What, Marie, are you really a witch?

Est-ce que vous n'avez pas fait la folie de demander deux bouteilles de vin à la Rebec? Didn't you do the folly to ask for two bottles of wine at the Rebec? Vous en avez bu une avec votre petit, et j'ai à peine avalé trois gouttes de celle que vous aviez mise devant moi. You drank one with your little one, and I barely swallowed three drops of the one you put in front of me. Cependant vous les avez payées toutes les deux sans y regarder. However, you paid for them both without looking at it.

Eh bien? Well?

Eh bien, j'ai mis dans mon panier celle qui n'avait pas été bue, parce que j'ai pensé que vous ou votre petit auriez soif en route; et la voilà. Well, I put the one that hadn't been drunk in my basket, because I thought you or your little one would be thirsty on the way; and there it is. Tu es la fille la plus avisée que j'aie jamais rencontrée. You are the smartest girl I have ever met. Voyez! elle pleurait pourtant, cette pauvre enfant, en sortant de l'auberge! yet she was crying, that poor child, on leaving the inn! ça ne l'a pas empêchée de penser aux autres plus qu'à elle-même. that didn't stop her from thinking about others more than herself. Petite Marie, l'homme qui t'épousera ne sera pas sot. Little Marie, the man who will marry you will not be foolish. Je l'espère, car je n'aimerais pas un sot. I hope so, because I wouldn't like a fool. Allons, mangez vos perdrix, elles sont cuites à point; et, faute de pain, vous vous contenterez de châtaignes. Come on, eat your partridges, they are cooked to perfection; and, for lack of bread, you will be satisfied with chestnuts.

Et où diable as-tu pris aussi des châtaignes? And where the hell did you get chestnuts too?

C'est bien étonnant! It is quite astonishing! tout le long du chemin, j'en ai pris aux branches en passant, et j'en ai rempli mes poches. all along the way, I took some from the branches as I passed, and I filled my pockets with them. Et elles sont cuites aussi? And are they cooked too?

A quoi donc aurais-je eu l'esprit si je ne les avais pas mises dans le feu dès qu'il a été allumé? So what would I have been thinking if I hadn't put them in the fire as soon as it was lit? Ça se fait toujours, aux champs. It is always done in the fields.

Ah çà, petite Marie, nous allons souper ensemble! Ah, little Marie, we are going to have supper together! je veux boire à ta santé et te souhaiter un bon mari… là, comme tu le souhaiterais toi-même. I want to drink to your health and wish you a good husband… there, as you would like yourself. Dis-moi un peu cela! Tell me a little about that!

J'en serais fort empêchée, Germain, car je n'y ai pas encore songé. I should be very much prevented from doing so, Germain, for I have not yet thought of it. Comment, pas du tout? How, not at all? jamais? never? dit Germain, en commençant à manger avec un appétit de laboureur, mais coupant les meilleurs morceaux pour les offrir à sa compagne, qui refusa obstinément et se contenta de quelques châtaignes. said Germain, beginning to eat with the appetite of a plowman, but cutting the best pieces to offer them to his companion, who stubbornly refused and contented herself with a few chestnuts. Dis-moi donc, petite Marie, reprit-il, voyant qu'elle ne songeait pas à lui répondre, tu n'as pas encore eu l'idée du mariage? Tell me, little Marie, he resumed, seeing that she was not thinking of answering him, you haven't yet had the idea of marriage? tu es en âge, pourtant! you are old enough, however!

Peut-être, dit-elle; mais je suis trop pauvre. Maybe, she said; but I am too poor. Il faut au moins cent écus pour entrer en ménage, et je dois travailler cinq ou six ans pour les amasser. It takes at least a hundred crowns to get married, and I have to work five or six years to collect it.

Pauvre fille! Poor daughter! je voudrais que le père Maurice voulût bien me donner cent écus pour t'en faire cadeau. I would like Father Maurice to give me a hundred crowns as a present. Grand merci, Germain. Thank you very much, Germain. Eh bien! Well! qu'est-ce qu'on dirait de moi? what would they say about me? Que veux-tu qu'on dise? What do you want us to say? on sait bien que je suis vieux et que je ne peux pas t'épouser. we know very well that I am old and that I cannot marry you. Alors on ne supposerait pas que je… que tu… So we wouldn't assume that I ... that you ...

Dites donc, laboureur! Say, plowman! voilà votre enfant qui se réveille, dit la petite Marie. your child is waking up, said little Marie.