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George Sand : La Mare au Diable, chapitre 4

chapitre 4

GERMAIN LE FIN LABOUREUR

Oui, j'ai quelqu'un en vue, répondit le père Maurice. C'est une Léonard, veuve d'un Guérin, qui demeure à Fourche. Je ne connais ni la femme ni l'endroit, répondit Germain résigné, mais de plus en plus triste. Elle s'appelle Catherine, comme ta défunte. Catherine? Oui, ça me fera plaisir d'avoir à dire ce nom-là; Catherine! Et pourtant, si je ne peux pas l'aimer autant que l'autre, ça me fera encore plus de peine, ça me la rappellera plus souvent. Je te dis que tu l'aimeras: c'est un bon sujet, une femme de grand cur; je ne l'ai pas vue depuis longtemps, elle n'était pas laide fille alors; mais elle n'est plus jeune, elle a trente-deux ans. Elle est d'une bonne famille, tous braves gens, et elle a bien pour huit ou dix mille francs de terres, qu'elle vendrait volontiers pour en acheter d'autres dans l'endroit où elle s'établirait; car elle songe aussi à se remarier, et je sais que, si ton caractère lui convenait, elle ne trouverait pas ta position mauvaise. Vous avez donc déjà arrangé tout cela?

Oui, sauf votre avis à tous les deux; et c'est ce qu'il faudrait vous demander l'un à l'autre, en faisant connaissance. Le père de cette femme-là est un peu mon parent, et il a été beaucoup mon ami. Tu le connais bien, le père Léonard?

Oui, je l'ai vu vous parler dans les foires, et, à la dernière, vous avez déjeuné ensemble; c'est donc de cela qu'il vous entretenait si longuement? Sans doute; il te regardait vendre tes bêtes et il trouvait que tu t'y prenais bien, que tu étais un garçon de bonne mine, que tu paraissais actif et entendu; et quand je lui eus dit tout ce que tu es et comme tu te conduis bien avec nous, depuis huit ans que nous vivons et travaillons ensemble, sans avoir jamais eu un mot de chagrin ou de colère, il s'est mis dans la tête de te faire épouser sa fille; ce qui me convient aussi, je te le confesse, d'après la bonne renommée qu'elle a, d'après l'honnêteté de sa famille et les bonnes affaires où je sais qu'ils sont. Je vois, père Maurice, que vous tenez un peu aux bonnes affaires.

Sans doute, j'y tiens. Est-ce que tu n'y tiens pas aussi? J'y tiens si vous voulez, pour vous faire plaisir; mais vous savez que, pour ma part, je ne m'embarrasse jamais de ce qui me revient ou de ce qui ne me revient pas dans nos profits. Je ne m'entends pas à faire des partages, et ma tête n'est pas bonne pour ces choses-là. Je connais la terre, je connais les bufs, les chevaux, les attelages, les semences, la battaison, les fourrages. Pour les moutons, la vigne, le jardinage, les menus profits et la culture fine, vous savez que ça regarde votre fils et que je ne m'en mêle pas beaucoup. Quant à l'argent, ma mémoire est courte, et j'aimerais mieux tout céder que de disputer sur le tien et le mien. Je craindrais de me tromper et de réclamer ce qui ne m'est pas dû, et si les affaires n'étaient pas simples et claires, je ne m'y retrouverais jamais. C'est tant pis, mon fils, et voilà pourquoi j'aimerais que tu eusses une femme de tête pour me remplacer quand je n'y serai plus. Tu n'as jamais voulu voir clair dans nos comptes, et ça pourrait t'amener du désagrément avec mon fils, quand vous ne m'aurez plus pour vous mettre d'accord et vous dire ce qui vous revient à chacun. Puissiez-vous vivre longtemps, père Maurice! Mais ne vous inquiétez pas de ce qui sera après vous; jamais je ne me disputerai avec votre fils. Je me fie à Jacques comme à vous- même, et comme je n'ai pas de bien à moi, que tout ce qui peut me revenir provient de votre fille et appartient à nos enfants, je peux être tranquille et vous aussi; Jacques ne voudrait pas dépouiller les enfants de sa sur pour les siens, puisqu'il les aime quasi autant les uns que les autres. Tu as raison en cela, Germain. Jacques est un bon fils, un bon frère et un homme qui aime la vérité. Mais Jacques peut mourir avant toi, avant que vos enfants soient élevés, et il faut toujours songer, dans une famille, à ne pas laisser des mineurs sans un chef pour les bien conseiller et régler leurs différends. Autrement les gens de loi s'en mêlent, les brouillent ensemble et leur font tout manger en procès. Ainsi donc, nous ne devons pas penser à mettre chez nous une personne de plus, soit homme, soit femme, sans nous dire qu'un jour cette personne-là aura peut-être à diriger la conduite et les affaires d'une trentaine d'enfants, petits-enfants, gendres et brus… On ne sait pas combien une famille peut s'accroître, et quand la ruche est trop pleine, qu'il faut essaimer, chacun songe à emporter son miel. Quand je t'ai pris pour gendre, quoique ma fille fût riche et toi pauvre, je ne lui ai pas fait reproche de t'avoir choisi. Je te voyais bon travailleur, et je savais bien que la meilleure richesse pour des gens de campagne comme nous, c'est une paire de bras et un cur comme les tiens. Quand un homme apporte cela dans une famille, il apporte assez. Mais une femme, c'est différent: son travail dans la maison est bon pour conserver, non pour acquérir. D'ailleurs, à présent que tu es père et que tu cherches femme, il faut songer que tes nouveaux enfants, n'ayant rien à prétendre dans l'héritage de ceux du premier lit, se trouveraient dans la misère si tu venais à mourir, à moins que ta femme n'eût quelque bien de son côté. Et puis, les enfants dont tu vas augmenter notre colonie coûteront quelque chose à nourrir. Si cela retombait sur nous seuls, nous les nourririons, bien certainement, et sans nous en plaindre; mais le bien-être de tout le monde en serait diminué, et les premiers enfants auraient leur part de privations là-dedans. Quand les familles augmentent outre mesure sans que le bien augmente en proportion, la misère vient, quelque courage qu'on y mette. Voilà mes observations, Germain, pèse-les, et tâche de te faire agréer à la veuve Guérin; car sa bonne conduite et ses écus apporteront ici de l'aide dans le présent et de la tranquillité pour l'avenir C'est dit, mon père. Je vais tâcher de lui plaire et qu'elle me plaise. Pour cela il faut la voir et aller la trouver.

Dans son endroit? A Fourche? C'est loin d'ici, n'est-ce pas? et nous n'avons guère le temps de courir dans cette saison. Quand il s'agit d'un mariage d'amour, il faut s'attendre à perdre du temps; mais quand c'est un mariage de raison entre deux personnes qui n'ont pas de caprices et savent ce qu'elles veulent, c'est bientôt décidé. C'est demain samedi; tu feras ta journée de labour un peu courte, tu partiras vers les deux heures après dîner; tu seras à Fourche à la nuit; la lune est grande dans ce moment-ci, les chemins sont bons, et il n'y a pas plus de trois lieues de pays. C'est près du Magnier. D'ailleurs tu prendras la jument. J'aimerais autant aller à pied, par ce temps frais. Oui, mais la jument est belle, et un prétendu qui arrive aussi bien monté a meilleur air. Tu mettras tes habits neufs, et tu porteras un joli présent de gibier au père Léonard. Tu arriveras de ma part, tu causeras avec lui, tu passeras la journée du dimanche avec sa fille, et tu reviendras avec un oui ou un non lundi matin.

C'est entendu, répondit tranquillement Germain; et pourtant il n'était pas tout à fait tranquille. Germain avait toujours vécu sagement comme vivent les paysans laborieux. Marié à vingt ans, il n'avait aimé qu'une femme dans sa vie, et, depuis son veuvage, quoiqu'il fût d'un caractère impétueux et enjoué, il n'avait ri et folâtré avec aucune autre. Il avait porté fidèlement un véritable regret dans son cur, et ce n'était pas sans crainte et sans tristesse qu'il cédait à son beau-père; mais le beau-père avait toujours gouverné sagement la famille, et Germain, qui s'était dévoué tout entier à l'uvre commune, et, par conséquent, à celui qui la personnifiait, au père de famille, Germain ne comprenait pas qu'il eût pu se révolter contre de bonnes raisons, contre l'intérêt de tous. Néanmoins il était triste. Il se passait peu de jours qu'il ne pleurât sa femme en secret, et, quoique la solitude commençât à lui peser, il était plus effrayé de former une union nouvelle que désireux de se soustraire à son chagrin. Il se disait vaguement que l'amour eût pu le consoler, en venant le surprendre, car l'amour ne console pas autrement. On ne le trouve pas quand on le cherche; il vient à nous quand nous ne l'attendons pas. Ce froid projet de mariage que lui montrait le père Maurice, cette fiancée inconnue, peut-être même tout ce bien qu'on lui disait de sa raison et de sa vertu, lui donnaient à penser. Et il s'en allait, songeant, comme songent les hommes qui n'ont pas assez d'idées pour qu'elles se combattent entre elles, c'est-à-dire ne se formulant pas à lui-même de belles raisons de résistance et d'égoïsme, mais souffrant d'une douleur sourde, et ne luttant pas contre un mal qu'il fallait accepter. Cependant le père Maurice était rentré à la métairie, tandis que Germain, entre le coucher du soleil et la nuit, occupait la dernière heure du jour à fermer les brèches que les moutons avaient faites à la bordure d'un enclos voisin des bâtiments. Il relevait les tiges d'épine et les soutenait avec des mottes de terre, tandis que les grives babillaient dans le buisson voisin et semblaient lui crier de se hâter, curieuses qu'elles étaient de venir examiner son ouvrage aussitôt qu'il serait parti.

chapitre 4 chapter 4 capítulo 4

GERMAIN LE FIN LABOUREUR GERMAIN THE LABORER

Oui, j'ai quelqu'un en vue, répondit le père Maurice. Yes, I have someone in sight, replied Father Maurice. C'est une Léonard, veuve d'un Guérin, qui demeure à Fourche. She is a Léonard, widow of a Guérin, who lives at Fourche. Je ne connais ni la femme ni l'endroit, répondit Germain résigné, mais de plus en plus triste. I don't know the woman or the place, replied Germain resignedly, but more and more sad. Elle s'appelle Catherine, comme ta défunte. Her name is Catherine, like your deceased. Catherine? Catherine? Oui, ça me fera plaisir d'avoir à dire ce nom-là; Catherine! Yes, I will be happy to have to say that name; Catherine! Et pourtant, si je ne peux pas l'aimer autant que l'autre, ça me fera encore plus de peine, ça me la rappellera plus souvent. And yet, if I can't love her as much as the other, it will hurt me even more, it will remind me of her more often. Je te dis que tu l'aimeras: c'est un bon sujet, une femme de grand cur; je ne l'ai pas vue depuis longtemps, elle n'était pas laide fille alors; mais elle n'est plus jeune, elle a trente-deux ans. I tell you that you will like her: she is a good subject, a woman with a big heart; I haven't seen her for a long time, she wasn't ugly then; but she is no longer young, she is thirty-two years old. Elle est d'une bonne famille, tous braves gens, et elle a bien pour huit ou dix mille francs de terres, qu'elle vendrait volontiers pour en acheter d'autres dans l'endroit où elle s'établirait; car elle songe aussi à se remarier, et je sais que, si ton caractère lui convenait, elle ne trouverait pas ta position mauvaise. She comes from a good family, all good people, and she has land worth eight or ten thousand francs, which she would gladly sell to buy more in the place where she would settle; because she is also thinking of remarrying, and I know that, if your character suited her, she would not find your position bad. Vous avez donc déjà arrangé tout cela? So you have already arranged all this?

Oui, sauf votre avis à tous les deux; et c'est ce qu'il faudrait vous demander l'un à l'autre, en faisant connaissance. Yes, except your advice to both of you; and that's what you should ask of each other, getting to know each other. Le père de cette femme-là est un peu mon parent, et il a été beaucoup mon ami. The father of that woman is kind of my relative, and he has been my friend a lot. Tu le connais bien, le père Léonard? Do you know him well, Father Leonard?

Oui, je l'ai vu vous parler dans les foires, et, à la dernière, vous avez déjeuné ensemble; c'est donc de cela qu'il vous entretenait si longuement? Yes, I saw him talk to you at fairs, and at the last one you had lunch together; is that what he spoke to you so at length about? Sans doute; il te regardait vendre tes bêtes et il trouvait que tu t'y prenais bien, que tu étais un garçon de bonne mine, que tu paraissais actif et entendu; et quand je lui eus dit tout ce que tu es et comme tu te conduis bien avec nous, depuis huit ans que nous vivons et travaillons ensemble, sans avoir jamais eu un mot de chagrin ou de colère, il s'est mis dans la tête de te faire épouser sa fille; ce qui me convient aussi, je te le confesse, d'après la bonne renommée qu'elle a, d'après l'honnêteté de sa famille et les bonnes affaires où je sais qu'ils sont. Without a doubt; he watched you sell your animals and he found that you were doing it well, that you were a good-looking boy, that you appeared active and heard; and when I had told him everything you are and how well you behave with us, for eight years that we live and work together, without ever having had a word of grief or anger, he got into his head to make you marry his daughter; which also suits me, I confess, according to the good reputation she has, the honesty of her family and the good business where I know they are. Je vois, père Maurice, que vous tenez un peu aux bonnes affaires. I see, Father Maurice, that you care a little about good business.

Sans doute, j'y tiens. No doubt, I want to. Est-ce que tu n'y tiens pas aussi? Don't you want it too? J'y tiens si vous voulez, pour vous faire plaisir; mais vous savez que, pour ma part, je ne m'embarrasse jamais de ce qui me revient ou de ce qui ne me revient pas dans nos profits. I want it if you want, to please you; but you know that, for my part, I never worry about what comes to me or what does not come back to me in our profits. Je ne m'entends pas à faire des partages, et ma tête n'est pas bonne pour ces choses-là. I don't get along with sharing, and my head is not good at these things. Je connais la terre, je connais les bufs, les chevaux, les attelages, les semences, la battaison, les fourrages. I know the land, I know the oxen, the horses, the teams, the seeds, the threshing, the fodder. Pour les moutons, la vigne, le jardinage, les menus profits et la culture fine, vous savez que ça regarde votre fils et que je ne m'en mêle pas beaucoup. For the sheep, the vines, the gardening, the small profits and the fine culture, you know that it concerns your son and that I do not interfere much. Quant à l'argent, ma mémoire est courte, et j'aimerais mieux tout céder que de disputer sur le tien et le mien. As for the money, my memory is short, and I would rather give everything away than argue over yours and mine. Je craindrais de me tromper et de réclamer ce qui ne m'est pas dû, et si les affaires n'étaient pas simples et claires, je ne m'y retrouverais jamais. I would fear making a mistake and claiming what is not due to me, and if things weren't straightforward and clear, I would never find my way around. C'est tant pis, mon fils, et voilà pourquoi j'aimerais que tu eusses une femme de tête pour me remplacer quand je n'y serai plus. Too bad, my son, and that's why I would like you to have a leading woman to replace me when I'm no longer there. Tu n'as jamais voulu voir clair dans nos comptes, et ça pourrait t'amener du désagrément avec mon fils, quand vous ne m'aurez plus pour vous mettre d'accord et vous dire ce qui vous revient à chacun. You never wanted to see clearly in our accounts, and that could bring you some inconvenience with my son, when you will no longer have me to come to an agreement and tell you what belongs to you each. Puissiez-vous vivre longtemps, père Maurice! May you live long, Father Maurice! Mais ne vous inquiétez pas de ce qui sera après vous; jamais je ne me disputerai avec votre fils. But don't worry about what will be after you; I will never quarrel with your son. Je me fie à Jacques comme à vous- même, et comme je n'ai pas de bien à moi, que tout ce qui peut me revenir provient de votre fille et appartient à nos enfants, je peux être tranquille et vous aussi; Jacques ne voudrait pas dépouiller les enfants de sa sur pour les siens, puisqu'il les aime quasi autant les uns que les autres. I trust Jacques as well as yourself, and as I have no property of mine, that all that can come to me comes from your daughter and belongs to our children, I can be at peace and you too; Jacques would not want to strip the children of his sister for his own, since he loves them almost as much as the others. Tu as raison en cela, Germain. You are right about that, Germain. Jacques est un bon fils, un bon frère et un homme qui aime la vérité. Jacques is a good son, a good brother and a man who loves the truth. Mais Jacques peut mourir avant toi, avant que vos enfants soient élevés, et il faut toujours songer, dans une famille, à ne pas laisser des mineurs sans un chef pour les bien conseiller et régler leurs différends. But Jacques can die before you, before your children are brought up, and it is always necessary to think, in a family, of not leaving minors without a leader to advise them well and settle their differences. Autrement les gens de loi s'en mêlent, les brouillent ensemble et leur font tout manger en procès. Otherwise the lawyers get involved, scramble them together and make them eat everything in court. Ainsi donc, nous ne devons pas penser à mettre chez nous une personne de plus, soit homme, soit femme, sans nous dire qu'un jour cette personne-là aura peut-être à diriger la conduite et les affaires d'une trentaine d'enfants, petits-enfants, gendres et brus… On ne sait pas combien une famille peut s'accroître, et quand la ruche est trop pleine, qu'il faut essaimer, chacun songe à emporter son miel. So therefore, we should not think of putting one more person in our house, either male or female, without telling ourselves that one day that person will perhaps have to manage the conduct and affairs of about thirty people. 'children, grandchildren, sons-in-law and daughters-in-law ... We don't know how much a family can increase, and when the hive is too full, that we have to swarm, everyone thinks of taking their honey. Quand je t'ai pris pour gendre, quoique ma fille fût riche et toi pauvre, je ne lui ai pas fait reproche de t'avoir choisi. When I took you for a son-in-law, although my daughter was rich and you poor, I did not reproach her for choosing you. Je te voyais bon travailleur, et je savais bien que la meilleure richesse pour des gens de campagne comme nous, c'est une paire de bras et un cur comme les tiens. I saw you as a good worker, and I knew very well that the best wealth for country people like us is a pair of arms and a heart like yours. Quand un homme apporte cela dans une famille, il apporte assez. When a man brings this into a family, he brings enough. Mais une femme, c'est différent: son travail dans la maison est bon pour conserver, non pour acquérir. But a woman is different: her work in the house is good for preserving, not for acquiring. D'ailleurs, à présent que tu es père et que tu cherches femme, il faut songer que tes nouveaux enfants, n'ayant rien à prétendre dans l'héritage de ceux du premier lit, se trouveraient dans la misère si tu venais à mourir, à moins que ta femme n'eût quelque bien de son côté. Moreover, now that you are a father and that you are looking for a wife, it must be remembered that your new children, having nothing to claim in the inheritance of those of the first bed, would find themselves in misery if you were to die. unless your wife has some good on her side. Et puis, les enfants dont tu vas augmenter notre colonie coûteront quelque chose à nourrir. And then, the children for whom you are going to increase our colony will cost something to feed. Si cela retombait sur nous seuls, nous les nourririons, bien certainement, et sans nous en plaindre; mais le bien-être de tout le monde en serait diminué, et les premiers enfants auraient leur part de privations là-dedans. If it fell on us alone, we would feed them, of course, and without complaining; but the well-being of everyone would be diminished, and the first children would have their share of deprivation in this. Quand les familles augmentent outre mesure sans que le bien augmente en proportion, la misère vient, quelque courage qu'on y mette. When families increase excessively without the good increasing in proportion, misery arises, whatever courage one puts into it. Voilà mes observations, Germain, pèse-les, et tâche de te faire agréer à la veuve Guérin; car sa bonne conduite et ses écus apporteront ici de l'aide dans le présent et de la tranquillité pour l'avenir Here are my observations, Germain, weigh them, and try to make you agree to the widow Guérin; because his good conduct and his shields will bring help here in the present and peace for the future C'est dit, mon père. It is said, my father. Je vais tâcher de lui plaire et qu'elle me plaise. I will try to please her and that she will please me. Pour cela il faut la voir et aller la trouver. For that you have to see it and go find it.

Dans son endroit? In his place? A Fourche? A Fork? C'est loin d'ici, n'est-ce pas? It's far from here, isn't it? et nous n'avons guère le temps de courir dans cette saison. and we hardly have time to race in this season. Quand il s'agit d'un mariage d'amour, il faut s'attendre à perdre du temps; mais quand c'est un mariage de raison entre deux personnes qui n'ont pas de caprices et savent ce qu'elles veulent, c'est bientôt décidé. When it comes to a marriage of love, expect to waste time; but when it is a marriage of convenience between two people who have no whims and know what they want, it is soon decided. C'est demain samedi; tu feras ta journée de labour un peu courte, tu partiras vers les deux heures après dîner; tu seras à Fourche à la nuit; la lune est grande dans ce moment-ci, les chemins sont bons, et il n'y a pas plus de trois lieues de pays. It's tomorrow Saturday; you will make your plowing day a little short, you will leave around two o'clock after dinner; you will be at Fourche at night; the moon is large at this moment, the roads are good, and there are no more than three leagues of country. C'est près du Magnier. It is near Le Magnier. D'ailleurs tu prendras la jument. Besides, you will take the mare. J'aimerais autant aller à pied, par ce temps frais. I would like to go on foot, in this cool weather. Oui, mais la jument est belle, et un prétendu qui arrive aussi bien monté a meilleur air. Yes, but the mare is beautiful, and a so-called who arrives just as well ridden looks better. Tu mettras tes habits neufs, et tu porteras un joli présent de gibier au père Léonard. You will put on your new clothes, and you will bring a pretty present of game to Father Leonard. Tu arriveras de ma part, tu causeras avec lui, tu passeras la journée du dimanche avec sa fille, et tu reviendras avec un oui ou un non lundi matin. You will come from me, you will chat with him, you will spend the day Sunday with his daughter, and you will come back with a yes or a no on Monday morning.

C'est entendu, répondit tranquillement Germain; et pourtant il n'était pas tout à fait tranquille. It is understood, replied Germain calmly; and yet he was not quite at ease. Germain avait toujours vécu sagement comme vivent les paysans laborieux. Germain had always lived wisely as hard-working peasants live. Marié à vingt ans, il n'avait aimé qu'une femme dans sa vie, et, depuis son veuvage, quoiqu'il fût d'un caractère impétueux et enjoué, il n'avait ri et folâtré avec aucune autre. Married at the age of twenty, he had loved only one woman in his life, and since his widowhood, although he was of an impetuous and cheerful character, he had laughed and frolicked with no other. Il avait porté fidèlement un véritable regret dans son cur, et ce n'était pas sans crainte et sans tristesse qu'il cédait à son beau-père; mais le beau-père avait toujours gouverné sagement la famille, et Germain, qui s'était dévoué tout entier à l'uvre commune, et, par conséquent, à celui qui la personnifiait, au père de famille, Germain ne comprenait pas qu'il eût pu se révolter contre de bonnes raisons, contre l'intérêt de tous. He had faithfully carried genuine regret in his heart, and it was not without fear and sadness that he gave in to his father-in-law; but the father-in-law had always wisely governed the family, and Germain, who had devoted himself entirely to the common work, and, consequently, to the one who personified her, to the father of the family, Germain did not understand that he could have revolted against good reasons, against the interests of all. Néanmoins il était triste. Nevertheless he was sad. Il se passait peu de jours qu'il ne pleurât sa femme en secret, et, quoique la solitude commençât à lui peser, il était plus effrayé de former une union nouvelle que désireux de se soustraire à son chagrin. A few days passed before he mourned his wife in secret, and although loneliness began to weigh on him, he was more afraid of forming a new union than anxious to escape her grief. Il se disait vaguement que l'amour eût pu le consoler, en venant le surprendre, car l'amour ne console pas autrement. He vaguely told himself that love could have consoled him by coming to surprise him, for love does not console otherwise. On ne le trouve pas quand on le cherche; il vient à nous quand nous ne l'attendons pas. You don't find it when you look for it; it comes to us when we are not expecting it. Ce froid projet de mariage que lui montrait le père Maurice, cette fiancée inconnue, peut-être même tout ce bien qu'on lui disait de sa raison et de sa vertu, lui donnaient à penser. This cold marriage plan shown to him by Father Maurice, this unknown bride, perhaps even all the good things he was told about her reason and her virtue, gave her food for thought. Et il s'en allait, songeant, comme songent les hommes qui n'ont pas assez d'idées pour qu'elles se combattent entre elles, c'est-à-dire ne se formulant pas à lui-même de belles raisons de résistance et d'égoïsme, mais souffrant d'une douleur sourde, et ne luttant pas contre un mal qu'il fallait accepter. And he would go away, thinking, as men think who do not have enough ideas for them to fight with each other, that is to say, not formulating for themselves fine reasons for resistance and selfishness, but suffering from a dull pain, and not struggling against an evil that had to be accepted. Cependant le père Maurice était rentré à la métairie, tandis que Germain, entre le coucher du soleil et la nuit, occupait la dernière heure du jour à fermer les brèches que les moutons avaient faites à la bordure d'un enclos voisin des bâtiments. However, Father Maurice had returned to the farm, while Germain, between sunset and night, occupied the last hour of the day in closing the breaches the sheep had made at the edge of an enclosure near the buildings. Il relevait les tiges d'épine et les soutenait avec des mottes de terre, tandis que les grives babillaient dans le buisson voisin et semblaient lui crier de se hâter, curieuses qu'elles étaient de venir examiner son ouvrage aussitôt qu'il serait parti. He picked up the thorn stems and supported them with clods of earth, while the thrushes babbled in the nearby bush and seemed to cry out to him to hurry, curious as they were to come and examine his work as soon as he was gone.