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InnerFrench - Vol. 1, #76 - Pourquoi l'humour français s'exporte-t-il mal ? (1)

#76 - Pourquoi l'humour français s'exporte-t-il mal ? (1)

Salut et bonne année à toutes et à tous ! Oui, je sais, je suis très en retard. J'ai reçu beaucoup d'emails de personnes qui s'inquiétaient et qui se demandaient pourquoi il n'y avait pas de nouvel épisode ni de nouvelle vidéo sur la chaîne YouTube. La raison, elle est toute bête : j'avais juste besoin de faire une pause.

Je me suis beaucoup mis la pression en 2019 pour faire le podcast, lancer la chaîne YouTube et créer mon deuxième cours. À côté de ça, la communauté innerFrench n'a pas arrêté de grandir et j'ai commencé à recevoir de plus en plus d'emails, de sollicitations etc. J'adore ce que je fais et je suis très chanceux d'avoir trouvé un public aussi génial que vous. Mais même quand on fait quelque chose qu'on adore, si on le fait trop et qu'on se met trop la pression, ça finit par devenir une corvée.

Je l'ai appris à mes dépens l'année dernière et j'ai eu un peu de mal à retrouver la motivation de m'y remettre. J'essayais mais je n'arrivais plus à créer quoi que ce soit d'intéressant. J'ouvrais un document et je restais devant une page blanche, ou alors j'écrivais quelques paragraphes et puis j'effaçais tout juste après. À ce moment-là, j'ai compris que j'avais vraiment besoin d'une pause, d'où mon absence prolongée.

Mais rassurez-vous, grâce à ces quelques semaines de repos et à tous les messages d'encouragement que vous m'avez envoyés, j'ai repris des forces ! Je voulais juste vous expliquer un peu où j'en suis vu que certains d'entre vous s'inquiétaient. Je trouve ça important de vous montrer l'envers du décor. Vous savez, au théâtre, il y a un décor pour faire croire que la scène se passe à un certain endroit : dans la pièce d'un château, dans un jardin etc. Et puis, il y a tout ce qui est derrière ce décor et que le public ne voit pas : l'éclairage, les câbles, les coulisses où les acteurs et actrices se préparent et attendent d'entrer sur scène. C'est de là que vient cette expression : l'envers du décor, ce qui se passe derrière et que le public ne voit pas.

Donc voilà, maintenant, vous connaissez le « pourquoi du comment » comme on dit, la raison de mon absence. Pour être honnête, je ne sais pas encore quel sera le rythme de publication dans les mois à venir. Je suis en pleine phase de réorganisation donc je peux rien vous promettre pour le moment, si ce n'est que je vais faire mon maximum pour continuer de publier régulièrement et ne pas vous laisser tomber !

Sans transition, on va passer aux choses sérieuses. Enfin, pas si sérieuses que ça, vous allez voir.

La semaine dernière, je suis allé au cinéma voir un film français (parce que oui, de temps en temps, il y a des films français qui passent en Pologne), un film réalisé par Quentin Dupieux. Si vous ne connaissez pas ce réalisateur, il fait des films assez particuliers avec un humour noir et absurde. Par exemple, celui que j'ai vu s'appelait « Le Daim », avec l'acteur Jean Dujardin dans le rôle principal, et il racontait l'histoire d'un homme qui achète une veste et cette veste change complètement sa personnalité. Donc bon, c'est pas vraiment un film grand public, c'est plutôt niche. Mais si vous appréciez ce type d'humour, Quentin Dupieux, c'est vraiment un maître en la matière. Dupieux, ça s'écrit d-u-p-i-e-u-x. Je vous rappelle que, comme d'habitude, vous pouvez retrouver toutes les ressources mentionnées dans la description de l'épisode sur innerfrench.com ainsi que la transcription complète.

Bref, on était seulement une dizaine de spectateurs dans la salle mais on a tous bien rigolé du début à la fin. Et pour moi, c'était cool de voir que des Polonais apprécient ce type d'humour. Avant de voir le film, je me disais que c'était un humour très français. Mais j'ai eu la preuve du contraire.

Et en pensant à ça, je me suis souvenu du message envoyé par Laura, une auditrice du podcast. Je l'ai diffusé dans l'épisode précédent. Dedans, Laura disait qu'elle voulait en savoir plus sur les comiques français. Du coup, je me suis dit que ça serait un sujet parfait pour commencer l'année du bon pied.

Alors, j'ai fait un petit sondage auprès des étudiants de mes cours « Build a Strong Core » et « Raconte ton histoire », dans les groupes privés qu'on partage, et je leur ai demandé si dans leur pays, les Français ont la réputation d'avoir un bon sens de l'humour. J'imaginais que la réponse serait positive parce que moi, je trouve que mes compatriotes sont très drôles ! Mais plus des trois quarts des gens ont répondu « non » ! Honnêtement, c'était un peu vexant. Ah oui, « vexant », ça veut dire que quelque chose vous blesse dans votre amour-propre, dans votre estime personnelle. C'était un peu vexant d'entendre que les Français n'ont pas la réputation d'être drôles à l'étranger. Bien sûr, c'était pas un sondage officiel avec un échantillon représentatif de la population mondiale. Mais quand même, les réponses étaient assez unanimes et elles contredisaient l'impression que j'avais eue en voyant les réactions des spectateurs polonais pendant la comédie de Quentin Dupieux.

Du coup, j'ai fait des recherches pour essayer de comprendre pourquoi l'humour français s'exporte mal. J'ai trouvé des choses assez intéressantes que je vais partager avec vous et, avec un peu de chance, je réussirai peut-être à vous faire apprécier notre sens de l'humour !

Mais avant ça, je vous propose de faire un petit détour par le Japon en écoutant le message d'une auditrice.

« Salut Hugo. Je m'appelle Kaori. Je suis japonaise. Je voudrais t'envoyer ce message pour te témoigner mon remerciement pour tes vidéos que j'ai trouvé sur YouTube par hasard et les podcasts par la suite. Cela m'a fait croire : « tiens, mon français est impeccable ! Je comprends parfaitement ce qu'il dit ». Mais tout de suite après, j'ai compris bien sûr parce que tu parlais assez lentement et très clairement.

En tout cas, grâce à cela, je suis très motivée pour continuer à apprendre le français plus sérieusement. Pourquoi sérieusement ? Parce que je suis quelqu'un qui n'aime pas faire des efforts.

Actuellement, je travaille à mi-temps dans une petite société d'importation de céréales bio de France. Là, je sens parfois des difficultés pour les échanges d'emails ainsi que Skype quand on a un entretien avec un autre partenaire commercial. Surtout, comme je ne suis pas bonne à l'oral, je suis toujours tendue. Donc à cette occasion, j'ai pris la décision de renforcer mes compétences avec tes vidéos et podcasts.

Pour finir, je voudrais ajouter une chose. Depuis 5 ans, je prends des leçons de chant pour chanter des chansons françaises. Chez nous, au Japon, il existe le mot « chanson » en japonais. Ça se prononce « chanson », et ça signifie uniquement les chansons françaises de l'époque d'Edith Piaf, Yves Montand, Barbara, etc. En général, elles sont chantées en japonais. Mais, personnellement, je préfère les chanter en français car je trouve que c'est plus naturel.

Voilà ce que je voulais te dire. J'espère bien qu'un jour, tu viendras au Japon. Merci de m'avoir écoutée. J'attends impatiemment ton prochain épisode. À bientôt ! » Kaori, Japon Merci beaucoup pour ton enregistrement Kaori et merci pour ta patience vu que tu me l'as envoyé en juillet ! J'en profite pour vous rappeler que si vous aussi, vous voulez passer dans le podcast, je vous conseille d'attendre encore quelques mois avant de m'envoyer votre message parce que j'en ai déjà énormément en stock.

Alors, Kaori, comme je te l'ai dit dans mon email de réponse, ta prononciation est vraiment impeccable, parfaite. Je n'entends pas du tout l'accent japonais quand tu parles. Ça me fait plaisir de savoir que je t'ai motivée à te remettre sérieusement au français. Mais honnêtement, je ne pense pas que tu en aies besoin. La méthode que tu as utilisée jusqu'ici a l'air de bien marcher vu le niveau que tu as atteint. Donc je te conseille juste de continuer comme ça.

En plus, tu as trouvé une activité qui te donne du plaisir : chanter des chansons françaises. Et je suis sûr que ça t'a beaucoup aidée en matière de prononciation. D'ailleurs, si vous aussi vous aussi vous aimeriez apprendre le français en chanson, je vous recommande d'aller sur le site Lyrics Training ou de télécharger leur application. Dessus, il y a des chansons françaises avec des activités où vous devez compléter les paroles. Donc ça vous permet 1) d'améliorer votre compréhension orale et 2) de travailler sur votre prononciation en chantant des chansons, comme au karaoké. Et puis tout est sous forme de jeu avec des points à gagner etc. du coup, c'est assez ludique. Voilà, je répète le nom : lyrics training.

Encore merci pour ton message Kaori et continue comme ça !

Dans le monde, les Français sont connus pour leur gastronomie, leurs vins, leur littérature, leurs marques de luxe. Ça n'est pas un hasard car au XXème siècle, quand la France s'est rendu compte qu'elle était en train de perdre du terrain face aux autres grandes puissances économiques, elle a décidé de changer de stratégie en misant sur son influence culturelle. Mais si elle a réussi à exporter sa langue et ses grands auteurs, il faut croire qu'elle a eu plus de mal à partager son sens de l'humour (du moins si j'en crois le sondage que j'ai fait auprès de mes étudiants). Alors qu'est-ce qui bloque ? Pourquoi l'humour français n'est-il pas plus populaire sur la scène internationale ?

Pour tenter d'apporter des éléments de réponse, on verra que l'humour est une question de forme et de fond. Il s'exprime à travers certains formats qui sont appréciés dans un pays et pas dans un autre. Mais il dépend aussi des sujets dont s'empare les humoristes et de la définition du politiquement correct qui, là encore, n'est pas la même partout.

Un dernier avertissement pour terminer cette longue introduction. Avec ce genre de sujet, il est difficile de ne pas tomber dans les généralisations. Il n'y a pas « un seul humour français », et heureusement car tous les Français n'apprécient pas les mêmes blagues. Je suis obligé de simplifier les choses pour vous en donner une idée générale. Mais c'est seulement mon point de vue, comment moi, je perçois l'humour français, notamment avec mon recul d'expatrié. Maintenant que vous êtes prévenus, je ferme la parenthèse et on peut y aller !

Connaissez-vous la différence entre les mots « humeur » et « humour » ? Enfin, déjà, est-ce que vous entendez cette différence : « humeur » / « humour » ? « Humeur », ça s'écrit h-u-m-e-u-r et ça signifie « l'état d'esprit dans lequel vous êtes à un moment donné ». Par exemple, ce matin, quand vous vous êtes réveillés, vous aviez bien dormi, le soleil brillait dehors, vous vous êtes fait un bon café et vous étiez de bonne humeur, vous étiez contents. Ensuite, vous avez reçu un coup de téléphone de votre chef qui vous a hurlé dessus en vous ordonnant de venir immédiatement au bureau pour régler un problème urgent. Vous vous êtes habillés en vitesse sans avoir le temps de manger votre petit déjeuner, et sur le chemin du travail, il s'est mis à pleuvoir. Donc là, en arrivant au bureau, vous étiez de mauvaise humeur.

Mais ça, ça n'est pas le sujet de notre épisode. Le sujet de notre épisode c'est l'humour, h-u-m-o-u-r. On peut le définir comme une forme d'esprit qui souligne avec ironie et détachement les aspects plaisants, drôles ou bizarres de la réalité.

Si ces deux mots sont aussi proches, c'est parce que jusqu'au XVIIIème siècle, le mot « humour » n'existait pas en France, il y avait seulement le mot « humeur ». On utilisait parfois le mot « esprit », « faire de l'esprit » ou « avoir de l'esprit » pour dire que quelqu'un était capable de dire des choses amusantes avec intelligence. Mais c'est grâce à nos voisins anglais que le mot « humour » a fait son apparition chez nous.

Enfin, à l'origine, ce sont les Anglais qui ont pris le mot français « humeur » et qui l'ont transformé en « humour » avec un sens légèrement différent. Ensuite, au XVIIIème siècle, les Français se sont mis à l'utiliser parce qu'il n'y avait pas d'équivalent.

« – Baron, comment avez-vous trouvé les Anglais ?

– Très distrayants. Ils ont une forme de conversation appelée “humour”, qui fait beaucoup rire. Enfin, ce qu'ils appellent « rire ».

– “Humour” ? – C'est une forme d'esprit? – Non, pas vraiment, non. – Et comment le traduisez-vous ? – On ne peut le comparer à rien. – Ah, ce mystère ! Vous nous faites brûler de curiosité ! – Mais enfin, un art de conversation qui fait rire, il faut bien que cela soit une sorte d'esprit ? – Non, ce n'est pas “esprit” le mot juste. Il nous manque un terme à nous Français. » Ridicule. Patrice Leconte, 1996. Ça, c'était un passage d'un film de Patrice Leconte intitulé « Ridicule ». Il me semble que je vous en ai déjà passé un extrait dans un autre épisode. C'est un film qui montre la vie à la cour du Roi Louis XVI, juste avant la Révolution française. Et justement, on voit qu'il y a une compétition permanente entre les membres de la cour, les courtisans, pour être celui qui a le plus d'esprit, celui qui est capable de divertir les autres pendant un dîner en faisant des remarques ironiques, sarcastiques. Ils font tout pour ridiculiser les autres et ne jamais perdre la face. C'est pour ça que le film s'appelle « Ridicule », parce qu'il y a cette peur constante du ridicule. Je vous recommande vraiment de le voir si cette époque vous intéresse. Les dialogues sont excellents et il a reçu de nombreuses récompenses en France.

D'ailleurs, on dit souvent que ces joutes verbales, ces combats de bons mots entre courtisans, elles ont façonné l'humour français. Les Anglais sont connus pour leur sens de l'autodérision alors que nous, les Français, on préfère se moquer des autres. Il y a toujours cette peur de perdre la face, de tomber dans le ridicule, même encore aujourd'hui. On revendique notre liberté d'expression, mais c'est en général pour pouvoir se moquer de ceux qui sont différents, de par leurs origines, leur classe sociale, leur religion ou leur orientation sexuelle. Par contre, quand il s'agit de se moquer de nous-mêmes, là on a tendance à vite prendre la mouche. « Prendre la mouche », c'est une expression pour dire « se vexer », justement, le verbe dont je vous ai parlé tout à l'heure. Donc se moquer des autres, très bien, on adore. Se moquer de nous-mêmes, rire de nos défauts, là on a plus de mal à le faire. Bien sûr, je généralise, il y a des exceptions. Je trouve juste que cet esprit de corps et cette peur du ridicule est encore bien présente dans l'esprit des Français.

Mais revenons-en à nos moutons. On parlait de la distinction entre les mots « humeur » et « humour ». Alors, de la même manière que le mot « humour » était intraduisible pour les Français du XVIIIème siècle, peut-être qu'il est tout simplement impossible de traduire le sens de l'humour d'une langue à l'autre. Souvent, l'effet comique réside dans l'utilisation qu'on fait de sa langue. On joue avec les mots pour leur donner un double sens, pour souligner l'ironie d'une situation. D'ailleurs, certaines de ces blagues s'appellent des « jeux de mots ». Le choix d'une tournure de phrase plutôt qu'une autre, le rythme, comme les célèbres « one-liner » en anglais, ce sont toutes ces subtilités qui rendent une blague drôle ou au contraire, font un bide. « Faire un bide », vous l'avez compris, ça signifie dire une blague qui ne fait rire personne, qui tombe à plat. Finalement, c'est un peu comme avec la poésie. C'est très difficile de restituer toutes ces subtilités du langage.

Une bonne illustration de ça, ce sont les blagues « Monsieur et Madame ». Elles sont très populaires en France. Ce sont des devinettes, il faut deviner la réponse à une question. Je vous donne un exemple, ça sera plus parlant : « Monsieur et Madame Fraichi ont une fille, comment s'appelle-t-elle ? Elle s'appelle Sarah, Sarah Fraichi. Donc vous voyez, le prénom + le nom, ça donne une phrase : « Ça rafraîchit » (le verbe « rafraîchir »). Il existe même des variantes où Monsieur et Madame ont plusieurs enfants : deux fils et une fille, trois filles, etc. Donc là, ça devient encore plus complexe. Peut-être que ça vous fait penser aux blagues anglaises « Knock–knock. Who's there? » (« Toc-toc. Qui est là ? »). C'est le genre de blague qu'on ne peut pas traduire directement d'une langue à l'autre, ça ne marche pas.

Alors vous allez me dire que c'est un peu réducteur. L'humour, ce n'est pas seulement des jeux de mots. Une histoire drôle peut être traduite et garder son effet comique.

Eh bien justement, il y a un humoriste français qui a fait le test, c'est Gad Elmaleh. Je dis « un humoriste français » mais Gad Elmaleh, c'est plus que ça. Les médias l'ont surnommé « le roi de l'humour français ». Donc c'est vraiment une superstar ici. Il a joué dans toutes les plus grandes salles, dans des comédies qui ont très bien marché au cinéma. Il a même fait des tournées mondiales où tous les expats français venaient le voir. Et il y a quelques années, il a décidé de tenter le rêve américain, il a essayé de conquérir les États-Unis. Là, il a dû repartir de zéro et apprendre à jouer en anglais. Comme vous allez l'entendre dans cet extrait d'interview, ses débuts n'ont pas été faciles.

« La 1ère fois que j'ai pris mon billet d'avion et que je me suis dit : “allez, let's go, tu vas à New York”, on m'avait booké un passage dans un comedy club, au pire endroit de la programmation (parce que quand on vous connaît pas, on vous met soit au moment où on paye l'addition parce que tout le monde bouffe et boit des coups dans ces lieux, soit en tout premier, ce qui n'est pas génial). Et je fais pour la 1ère fois un bide mais… retentissant […] J'arrache deux ou trois rires sur 15 minutes. Et des traductions de vannes du français à l'anglais qui marchent pas du tout. Ça m'a secoué, ça m'a secoué. Je m'en rappelle cette nuit, je suis rentré à l'hôtel, je me suis commandé du vin rouge, tout seul, je regardais passer les voitures comme ça, là. Je me suis dit : “mais qu'est-ce que je suis en train de faire là ?”. Source : 7 à 8 / Portrait – Gad Elmaleh, un nouveau départ. Comme vous l'avez entendu, il dit que les traductions de vannes du français à l'anglais ne marchaient pas du tout. « Une vanne », c'est un mot familier pour dire « une blague ». Heureusement, Gad Elmaleh n'a pas abandonné après ce premier échec. Il a continué de jouer dans des petits comedy clubs partout aux États-Unis, il a changé son spectacle, amélioré son anglais, et il a fini par jouer dans la mythique salle du Carnegie Hall à New York. Si vous vivez aux États-Unis, vous l'avez peut-être vu à la télévision parce qu'il est passé dans pas mal de talk shows. D'ailleurs, son spectacle intitulé American Dream est disponible sur Netflix.

Mais ce qui est intéressant, c'est que maintenant, il a un regard à la fois sur l'humour en France et aux États-Unis. Et il a bien compris les ingrédients universels pour faire rire dans les deux langues, comme il le dit dans cette autre interview :

« – Alors comment ça se passe de faire rire les Américains ? Est-ce que c'est le même humour, déjà ?

– Je pense que ce qui est universel est universel et on peut faire rire le monde entier avec des sujets qui nous parlent, des sujets auxquels on peut vraiment s'identifier. Je parle du quotidien, des observations parce que c'est mon humour. C'est « sociologique » entre guillemets. C'est le comportement des gens, la culture, les décalages. Donc ça, ils en rient. Et bien sûr, j'ai pas des références ni de jeux de mots puisque c'est pas possible. Je peux pas faire tout ce que je fais en France avec la langue. Tout ce qui parle de la vie de tous les jours et surtout de ma vision sur les Américains, ça leur plaît énormément.» Source : « Gad Elmaleh, le roi de l'humour, vit son rêve américain » France 24 Ce que dit Gad Elmaleh dans cet extrait, ça illustre bien ces problèmes de traduction. Il ne peut pas faire les mêmes jeux de mots qu'en français, ce qui est assez handicapant vu qu'une grande partie de ses sketchs repose sur ces mécanismes. D'un autre côté, il explique aussi qu'il y a des sujets universels qui peuvent faire rire dans toutes les langues, des observations sur la vie quotidienne par exemple.

D'ailleurs, ça marche tellement bien que Gad Elmaleh et d'autres humoristes français se sont récemment retrouvés au cœur d'une polémique quand une chaîne YouTube appelée CopyComic a révélé qu'ils avaient volé plusieurs de leurs blagues à des humoristes étrangers, notamment des Américains.

Ça a créé un véritable scandale puisque, comme je vous l'ai dit, Gad Elmaleh est considéré comme le patron de l'humour en France. Au départ, il a essayé de démentir ces accusations, de dire qu'elles étaient fausses. Mais d'autres médias ont mené l'enquête et ils ont apporté des preuves supplémentaires. Donc face à ce scandale, Gad Elmaleh a fini par admettre qu'effectivement, il avait repris et traduit des blagues de comiques américains qu'il admirait. Pour se défendre, il a dit qu'à l'époque où il a commencé sa carrière, le stand up n'existait quasiment pas en France. Donc lui et d'autres humoristes de sa génération se sont inspirés de ce qui se faisait aux États-Unis.

Alors, c'est vrai que dans le domaine de la création, de l'art, les artistes s'inspirent toujours les un des autres. Mais le problème avec l'affaire CopyComic, c'est qu'on est plutôt face à du plagiat. Ces humoristes ont repris mot pour mot certaines blagues des grands noms du stand up américain. Bien sûr, ils n'ont pas copié les spectacles en entier, seulement quelques répliques ici et là. Mais ça a suffi pour ternir leur image auprès d'une partie de leurs fans. Dans tous les cas, cette histoire prouve que des blagues peuvent rester drôles même après avoir été traduites.

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