#75 - Le pouvoir des histoires (1)
Épisode 75 : le pouvoir des histoires.
Salut à toutes et à tous, bienvenue ! C'est Hugo et comme d'habitude, je suis très content de vous retrouver pour ce nouvel épisode. La fin de l'année approche et en Pologne, il commence à faire assez froid. Mais d'un autre côté, il y a cette ambiance particulière, cette atmosphère de Noël. Les rues sont décorées avec de très jolies illuminations multicolores. Donc, même si le soleil se couche de plus en plus tôt, c'est assez agréable de se promener le soir et de voir toutes ces décorations.
Mais dans cet épisode, on ne va pas parler de Noël parce que c'est un sujet que j'ai déjà traité. Donc, si vous voulez savoir un peu comment se passe Noël en France, je vous invite à écouter celui que j'avais fait l'année dernière, il me semble, ou alors peut-être que c'était il y a deux ans. Je ne me rappelle plus. Bref, vous pouvez le trouver facilement. Le titre, c'était « Noël en France ».
Dans cet épisode, comme je l'ai annoncé dans le titre, on va plutôt parler des histoires et de leur pouvoir, de leur influence. Mais avant de commencer, je vais laisser la parole à un auditeur du podcast qui s'appelle Trevor.
Salut Hugo,
Je m'appelle Trevor et j'habite à Portland, une ville qui se trouve à l'ouest des Etats-Unis. D'abord, je voulais dire : merci d'avoir créé ce podcast. Je l'ai découvert lorsque j'ai été à Madagascar. Mon taf était dans les Peace Corps (c'est comme une ONG américaine, autrement dit une association qui aide d'autres pays, mais c'est payé par le gouvernement américain).
Au début, on était ensemble, environ 40 personnes, pour une formation près de la capitale malgache, pendant trois mois. On a appris la langue malgache et aussi la culture malgache. C'est une belle langue, pleine d'expressions, tellement uniques. Après cette formation-là, on a déménagé dans beaucoup de villes de différentes tailles. Mais souvent, on habitait dans des petits villages. Ensuite, je me suis mis à travailler dans un CSP, ça veut dire « Centre de Santé de base ». C'est le plus bas niveau d'hôpital dans ce pays.
A part ça, j'ai fait beaucoup de choses. Puisqu'il n'y a pas de restaurant dans le village où j'habitais, je devais cuisiner tous les jours avec des produits du marché qui avait lieu entre 7 et 8 heures du matin. J'ai aussi joué avec des enfants tous les jours, bien sûr. J'ai aussi enseigné l'anglais au lycée. C'était un changement très transformateur. Je sentais que j'avais plongé dans le grand bain, mais en général, je suis content d'avoir fait cette expérience.
J'avais beaucoup de temps libre. Du coup, j'ai aussi décidé d'apprendre le français. J'ai commencé il y a presque deux ans. À Madagascar, peu de gens parlent le français, surtout dans la brousse. Mais il y avait toujours des mots et des expressions français, en malgache, très utilisé par les Malgaches dans leur vie quotidienne. Madagascar était une colonie française autrefois et la France est toujours proche de Madagascar dans beaucoup de domaines. Je pense que la France donne un coup de main de temps en temps et c'est pour ça que c'est difficile pour ce pays de lâcher et de trouver son propre chemin.
Il y a beaucoup de problèmes à Madagascar et je pourrais en discuter pendant des heures. Mais je pense que j'ai terminé.
Merci de m'avoir écouté, bonne journée à tous et à bientôt !
Merci beaucoup Trevor pour ce message. Et surtout, merci pour ta patience parce que tu me l'as envoyé en juillet et je le passe seulement maintenant dans le podcast. Comme je vous le dis, j'ai un stock assez conséquent de témoignages. Et comme je fais des épisodes de moins en moins souvent, eh bien ces témoignages s'accumulent. J'ai pris beaucoup de retard. Donc voilà, merci Trevor d'avoir été patient et d'avoir attendu jusqu'à aujourd'hui pour t'entendre.
Bon Trevor, tu m'impressionnes, comme beaucoup d'auditeurs d'ailleurs, parce que tu apprends le français depuis seulement deux ans mais tu le parles déjà très bien. Et ce qui est intéressant aussi, c'est que, dans ton témoignage, tu as utilisé plusieurs mots d'argot. Donc l'argot, c'est la langue on pourra dire « informelle ». Par exemple, tu as utilisé le mot « taf ». Tu as dit : « mon taf ». Alors si vous ne connaissez pas ce mot, le taf, c'est un mot d'argot pour dire « le travail ». Donc « mon taf », ça veut dire « mon travail » et ça s'écrit tout simplement : t-a-f.
Bref, j'ai trouvé que ton témoignage était vraiment très intéressant. Ton expérience à Madagascar avec les Peace Corps. Tu nous as donné pleins de détails. Par exemple, le fait que tu devais te lever tôt le matin pour aller faire le marché. Bon en France, en général, les marchés durent un peu plus longtemps. On n'est pas obligé de se lever à 7 heures pour y aller. Mais j'imagine que là-bas, le rythme de vie est complètement différent.
Et en plus, tu as eu l'occasion de tester, de faire plein de choses différentes en travaillant dans ce centre de santé, en enseignant l'anglais au lycée, etc. Donc, comme tu l'as dit, je suis sûr que c'était vraiment une expérience très formatrice et un grand merci à toi de l'avoir partagée avec nous.
Effectivement, comme tu l'as dit, Madagascar a été une colonie française et il y a encore d'étroites relations entre les deux pays. Ah oui, ça, c'est un adjectif, l'adjectif « étroit », c'est le contraire de « large ». Par exemple, quand on dit qu'une rue est « étroite », ça veut dire qu'elle n'est pas large. Et on dit aussi, pour parler de relations, quand on dit « des relations étroites », ça veut dire des relations assez proches (mais plutôt que « proches », en général, on utilise l'adjectif « étroit », « étroite »). Donc, effectivement, la France et Madagascar ont encore des relations étroites. D'ailleurs, ça fera peut être un sujet intéressant pour un épisode. Je vais y réfléchir pour l'année prochaine.
Bref, encore merci Trevor. Je pense que t'as acquis des bases vraiment solides. Tu as un très bon français et j'espère que tu vas continuer d'utiliser la langue et d'approfondir ton apprentissage.
Maintenant, sans transition, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer.
Mon nouveau programme est enfin terminé, après quasiment six mois de travail. Ça m'a pris beaucoup plus de temps que ce que j'avais imaginé. Mais je suis vraiment très content du résultat et surtout, je suis content de pouvoir enfin vous le présenter, vous montrer le fruit de mon travail. C'est un programme qui s'intitule « Raconte ton histoire ». Et vous vous demandez peut-être pourquoi j'ai choisi ce titre et pourquoi j'ai décidé de centrer ce programme autour des histoires. Justement, je vais essayer de vous apporter la réponse à travers cet épisode. On va voir pourquoi les histoires sont tellement importantes pour nous et en quoi elles peuvent vous aider dans l'apprentissage d'une langue. Allez, sans plus attendre, on commence !
Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais quand j'étais petit, j'étais un grand fan de mythologie grecque. À chaque fois que j'allais à la bibliothèque, j'empruntais un livre et j'adorais lire ces histoires sur les dieux, les déesses, les héros, les monstres, etc. Par exemple, j'essayais d'apprendre tous les travaux d'Hercule (ou Héraclès), vous savez, ce héros grec qui était le fils de Zeus et d'une mortelle et qui a réussi à devenir immortel à son tour et à devenir un dieu grâce à ses exploits.
Moi, je trouvais que toutes ces histoires étaient vraiment passionnantes et je ne me lassais pas de les lire. Ah oui, ça c'est un bon verbe : se lasser de faire quelque chose. Ça veut dire que quelque chose devient ennuyeux et que vous n'avez plus envie de le faire, « se lasser de ». Donc moi, je ne me lassais pas de lire toutes ces histoires sur ces héros et ces dieux grecs. Je pense d'ailleurs avoir lu tous les livres qui étaient disponibles dans la bibliothèque de ma ville sur le sujet.
Et puis, un peu plus tard, j'ai découvert que ces mythes, ces histoires, eh bien, ils remplissaient une fonction très importante dans la société grecque et plus tard, dans la société romaine. Ces histoires, en réalité, elles n'étaient pas vraiment destinées aux enfants. En fait, leur fonction, c'était d'expliquer à la fois la création du monde et celle des hommes. Par exemple, les Grecs expliquaient que le mont Olympe, une montagne qui est présente en Grèce, était en réalité la demeure des dieux, que les dieux avaient créé le mont Olympe après la Titanomachie (la Titanomachie, c'était une guerre qui a opposé les Titans et les dieux olympiens, donc Zeus etc.) et donc, que ce monde Olympe a été créé après la Titanomachie et qu'une grande partie des dieux a décidé d'aller y vivre.
Et puis à côté de ça, il y avait d'autres mythes pour expliquer notre naissance à nous, les hommes et puis, plus généralement, la condition humaine. Par exemple, vous connaissez sûrement cette célèbre histoire, le mythe de Pandore. Comment la première femme de l'humanité a ouvert une boîte qui a libéré tous les maux qui nous affectent. Les maux, ici, c'est le pluriel de « mal » (m-a-u-x) : les maux. Autrement dit, tous les problèmes qui nous touchent, comme la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, etc. Au départ, ils étaient enfermés dans une boîte. Mais Pandore, la première femme de l'humanité, a eu la mauvaise idée de l'ouvrir parce qu'elle était très curieuse. Et depuis, l'espèce humaine est affectée par tous ces problèmes.
Grâce à ces mythes, les Grecs étaient capables d'expliquer la plupart des choses qui nous entouraient, d'expliquer pourquoi le monde était tel qu'il était.
Mais ces mythes ont aussi été repris dans d'autres domaines. Par exemple, les auteurs de tragédies les utilisaient, et il les utilisaient d'une façon assez intéressante parce qu'ils prenaient ces histoires comme base pour illustrer des problèmes contemporains. Ils montraient des excès de leurs personnages et avec ça, ils essayaient de mettre en garde le public contre ses propres excès.
Ah oui, « mettre en garde », c'est une expression qui veut dire « prévenir », « avertir ». Par exemple, vous pouvez mettre en garde quelqu'un en lui disant : « Attention, tu ne devrais pas faire ça parce que tu vas te faire mal.» Ça, c'est une « mise en garde » et l'expression « mettre en garde ».
Donc les auteurs des tragédies grecques utilisaient les mythes pour illustrer tous les problèmes qui étaient liés à l'hubris. L'hubris, c'est un mot grec qui désigne la démesure, quand on commet des excès et que ces excès conduisent à notre perte. Grâce aux mythes, les auteurs des tragédies grecques pouvaient mettre en scène tous ces problèmes, les montrer au public. Et ils espéraient que ça éviterait que les Grecs ne commettent les mêmes erreurs. Donc, on pourrait presque dire qu'à travers les tragédies, les mythes avaient pour rôle de donner une leçon de morale.
Et ce qui est intéressant, c'est que pendant l'Antiquité, les Grecs ne faisaient pas de distinction tranchée, de distinction nette, entre les mythes et l'Histoire (« l'Histoire » au sens des évènements historiques). Par exemple, ils considéraient que les grands héros comme Achille, Thésée, etc. avaient vraiment existé, qu'ils avaient vraiment vécu à une époque qu'ils appelaient « l'époque héroïque » et qui s'était déroulée seulement quelques générations avant eux. Et les grandes familles nobles, les familles royales, utilisaient même ces héros en disant qu'ils faisaient partie de la même famille, que ces nobles étaient les descendants de ces grands héros. En fait, ils utilisaient ces généalogies mythiques, héroïques, comme un argument dans les accords diplomatiques entre les familles, entre les cités, etc.
En plus de ces mythes, il y a deux récits qui ont vraiment joué un rôle fondateur pour la civilisation grecque, c'est bien sûr l'Iliade et l'Odyssée, deux épopées qui ont été écrites par Homère.
Alors il y a des théories qui disent qu'en fait, Homère n'existait pas et que l'Iliade et l'Odyssée ont été écrites par plusieurs poètes et qu'ensuite ces textes ont été rassemblés. Bon, ces théories ont été démenties. Aujourd'hui, les experts n'y croient pas. Ils sont sûrs qu'un poète nommé Homère a vraiment existé et a vraiment écrit l'Iliade et l'Odyssée. Mais ensuite, effectivement, il y a peut être eu quelques ajouts qui ont été faits par d'autres auteurs.
D'après leurs recherches, l'Iliade et l'Odyssée ont été écrites entre le neuvième et le huitième siècle avant Jésus-Christ et ce sont des récits qui racontent l'histoire de deux héros. D'un côté, Ulysse dans l'Odyssée, qui est un voyageur. C'est le roi d'une cité qui s'appelle Ithaque et il part dans un long voyage en mer, un périple. Et il doit affronter plusieurs épreuves avant de pouvoir rentrer chez lui. Et de l'autre côté, on a l'Iliade, qui raconte la célèbre guerre de Troie avec le héros grec Achille.
Mais il faut savoir qu'à cette époque, l'Iliade et l'Odyssée n'étaient pas simplement des récits littéraires. En fait, dans l'Antiquité, c'étaient des œuvres que tous les citoyens, en tout cas les citoyens éduqués, étaient censés avoir lues et ils devaient même parfois les apprendre par cœur. Donc bon, je ne sais pas si vous avez déjà lu l'Iliade et l'Odyssée, mais c'est assez long donc ça devait pas être facile de les apprendre par cœur. J'imagine qu'ils apprenaient seulement quelques passages.
En fait, dans l'Iliade et l'Odyssée, Homère aborde aussi des thèmes comme la géographie, en faisant des descriptions des régions que traverse Ulysse par exemple, de la morale avec des exemples de personnages héroïques comme Achille, et puis aussi la botanique quand il fait des descriptions de différentes espèces végétales. Bref, à l'époque, l'Iliade et l'Odyssée étaient plus que des histoires, c'étaient des véritables encyclopédies. Mais aussi des guides de développement personnel, parce que les Grecs pouvaient s'en inspirer pour savoir comment mener sa vie, quelles valeurs avoir pour être un héros. En fait, c'étaient vraiment une grande source d'inspiration pour tous les Grecs de l'époque.
Ces textes avaient une place tellement centrale qu'on peut dire qu'ils étaient les textes fondateurs de la Grèce antique et plus largement, les premiers chefs d'œuvre de la littérature occidentale. Parce qu'aujourd'hui, 2800 ans plus tard, on les étudie toujours à l'école. Ils continuent d'inspirer des auteurs, des artistes, d'autres histoires. Bref, ils ont toujours une place très importante dans la culture occidentale.
Et puis quelques siècles plus tard, d'autres textes ont fait leur apparition et ils ont eux aussi joué un rôle déterminant pour certaines civilisations. Je veux bien sûr parler de la Bible (avec L'Ancien Testament pour les Juifs, le Nouveau Testament pour les Chrétiens) et le Coran également pour les Musulmans. Là aussi, ces textes avaient pour vocation d'expliquer l'origine du monde (avec la Genèse et le rôle de Dieu), mais également l'origine des hommes, avec par exemple, l'histoire d'Adam et Ève.
Et puis, il y avait tout un tas de leçons de morale, des histoires qui étaient censées, un peu comme les tragédies grecques, permettre aux croyants de prendre les bonnes décisions. Je pense notamment à l'histoire d'Abel et Caïn, toutes ces histoires qui étaient censées, finalement, servir d'exemple; parfois des exemples à suivre et au contraire, parfois, des exemples à éviter.
Bref, tous ces textes sacrés devaient apporter une réponse à la question fondamentale qui obsède les hommes : quel est le sens de la vie ? Et là aussi, comme pour l'Iliade et l'Odyssée, ce sont des textes qui ont traversé les siècles et qui continuent d'influencer nos civilisations contemporaines.