×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.

image

InnerFrench - Vol. 1, #35 - L'Étranger d'Albert Camus (1)

#35 - L'Étranger d'Albert Camus (1)

Salut, à tous. Pour ce 35ème épisode, je vais vous raconter l'histoire de L'Étranger.

Bonjour à tous ou bonsoir (selon l'heure à laquelle vous m'écoutez) ! Je suis ravi de vous retrouver pour ce nouvel épisode. Si vous écoutez ce podcast, ça veut dire que vous apprenez le français et laissez-moi vous dire que c'est une excellente idée ! Moi, je suis là pour vous aider et pour rendre votre apprentissage plus agréable, plus plaisant. L'apprentissage vous savez, c'est l'action d'apprendre. Alors pour faire ça, je prépare des sujets qui me semblent intéressants et je vous en parle de façon simple. Mon but, c'est que vous oubliiez que vous êtes en train de faire du français et que vous appreniez de nouvelles choses. D'ailleurs, il y a deux semaines vous avez peut-être reçu un email de ma part. J'ai écrit aux personnes qui sont membres du site innerFrench, celles qui se sont inscrites pour avoir accès aux transcriptions des podcasts. Je vous ai écrit pour vous poser trois questions sur votre apprentissage du français et vos difficultés.

Et je veux profiter de cet épisode pour remercier tous les auditeurs et les auditrices qui m'ont répondu. J'ai reçu énormément de réponses qui ont été très utiles. Maintenant, j'ai plein d'idées pour vous aider encore plus. Ça va me demander pas mal de travail, mais j'espère pouvoir concrétiser la première idée d'ici la fin du mois. Je vous en dirai plus à ce moment-là. Ah d'ailleurs ça c'est une expression très utile : « en dire plus à quelqu'un ». Vous savez qu'en français, il y a beaucoup d'expressions avec « en ». Bon, je ne vais pas entrer dans les détails, mais normalement le pronom « en » remplace un complément qui est introduit par « de » , par la préposition « de ». Sauf qu'il y a certaines expressions où « en » ne remplace rien de concret, il suggère simplement quelque chose. Par exemple l'expression « en dire plus », suggère qu'on a d'autres choses à ajouter. Vous pouvez l'utilisez comme ça : « Je t'en dirai plus demain » ou « pour le moment, je ne t'en dis pas plus ». Et moi, je vous en dirai plus sur mon idée la prochaine fois !

Mais aujourd'hui, je vais plutôt vous raconter une histoire, celle du célèbre roman d'Albert Camus – L'Étranger. Je suis presque sûr que vous en avez déjà entendu parler. C'est le 2ème roman francophone le plus lu dans le monde après le Petit Prince ! Et c'est un roman que je recommande à mes élèves car il est assez facile à comprendre. En plus, comme il a été écrit au XXème siècle, il est plus simple que les romans de Maupassant ou de Zola. Le problème avec ces auteurs, c'est qu'ils ont un style et un vocabulaire très différents du français actuel, du français contemporain. Donc ils peuvent être vraiment difficiles à lire pour des non-francophones. C'est pour ça que je recommande plutôt de lire des œuvres du XXème siècle, et si possible d'après la seconde guerre mondiale. Leur style est beaucoup plus proche du français d'aujourd'hui.

Alors L'Étranger, c'est le tout premier roman de Camus. Il nous raconte l'histoire d'un homme qui vit à Alger, la capitale de l'Algérie, au moment où ce pays était encore une colonie française. On ne sait pas exactement en quelle année l'histoire se passe mais on peut imaginer que c'est vers la fin des années 30. Le héros s'appelle Meursault. C'est lui le narrateur, on découvre sa vie à travers ses yeux. Et vous allez voir que Meursault est un peu différent de vous et moi. À vrai dire, on a l'impression qu'il ne ressent pas grand chose, que les événements qu'il vit ne l'affectent pas. Il décrit tout ça avec une certaine distance, avec indifférence. C'est aussi pour ça que le roman est facile à comprendre. Moi, j'ai repris une grande partie du texte original, mais j'ai aussi coupé certains passages et réécrit certaines phrases pour que ce soit plus facile à suivre. Il y a deux parties dans ce roman. Aujourd'hui, je vais seulement vous lire la première et nous ferons la deuxième dans le prochain épisode.

Allez, je vous ai assez fait attendre. Maintenant, il est temps de rencontrer l'Étranger.

Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.

J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain.

Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.

L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit : « Ce n'est pas de ma faute. » Il n'a pas répondu.

J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout semblera plus officiel.

Je devais prendre l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit : « On n'a qu'une mère. » J'ai couru pour ne pas manquer le départ du bus. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Quand je suis arrivé à l'asile, le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. C'était un petit vieux. Il a consulté un dossier et m'a dit : « Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J'ai cru qu'il me reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a interrompu : « Vous n'avez pas à vous justifier. J'ai lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez pas subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici. » J'ai dit : « Oui, monsieur le Directeur. » Il a ajouté : « Vous savez, elle avait des amis, des gens de son âge. Vous, vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. » C'était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps à me suivre des yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à l'asile, elle pleurait souvent. Mais c'était à cause de l'habitude. Au bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on l'avait retirée de l'asile.

Toujours à cause de l'habitude. C'est un peu pour cela que dans la dernière année je n'y suis presque plus allé. Et aussi parce que cela me prenait mon dimanche – sans compter l'effort pour aller à l'autobus, prendre des tickets et faire deux heures de route.

Puis le directeur m'a dit : « Je suppose que vous voulez voir votre mère. » Je me suis levé sans rien dire et il m'a accompagné jusqu'au bâtiment où se trouvait maman. Une fois à la porte, le directeur m'a quitté.

Je suis entré mais je n'ai pas voulu voir le corps de maman. Le concierge est arrivé lui aussi et nous avons commencé à bavarder.

La nuit est tombée rapidement et les amis de maman, les autres patients de l'asile, sont venus nous rejoindre.

Nous ne nous sommes pas parlé. Une des femmes a pleuré pendant un long moment. Je fumais et buvais du café. Puis j'ai fini par m'endormir. Quand je me suis réveillé le matin, le concierge a fait sortir les vieux qui dormaient encore là et il m'a conduit chez lui pour boire un café au lait qui était très bon.

Quand je suis sorti, le soleil brillait. C'était une belle journée qui se préparait. Ça faisait longtemps que j'étais allé à la campagne et je sentais quel plaisir j'aurais pris à me promener s'il n'y avait pas eu maman. Le directeur m'a à nouveau appelé dans son bureau. Il m'a fait signé plusieurs papiers puis il m'a annoncé que tout était prêt pour l'enterrement. « Voulez-vous voir votre mère une dernière fois ? » m'a-t-il demandé. J'ai répondu que non.

Ensuite il m'a dit qu'il assisterait à l'enterrement et je l'ai remercié.

Il faisait de plus en plus chaud. Tout l'enterrement s'est passé avec tant de précipitation, de certitude et de naturel, que je me souviens seulement de quelques images. Je me souviens surtout de ma joie quand l'autobus est revenu à Alger et que j'ai pensé que j'allais me coucher et dormir pendant douze heures.

En me réveillant, j'ai compris pourquoi mon patron avait l'air mécontent quand je lui ai demandé mes deux jours de congé : c'est aujourd'hui samedi. Mon patron, tout naturellement, a pensé que j'aurais ainsi quatre jours de vacances avec mon dimanche et cela ne pouvait pas lui faire plaisir. Mais d'une part, ce n'est pas ma faute si on a enterré maman hier au lieu d'aujourd'hui et d'autre part, j'aurais eu mon samedi et mon dimanche de toute façon. Mais je comprends quand même mon patron.

J'ai décidé d'aller à la plage pour me baigner. Là, j'ai retrouvé dans l'eau Marie Cardona, une ancienne secrétaire de mon bureau qui m'attirait à l'époque.

Je crois que je lui plaisais aussi. Nous avons nagé ensemble, puis je lui ai demandé si elle voulait venir au cinéma, le soir. Elle a accepté. Le film était drôle par moments et puis vraiment trop bête. Vers la fin de la séance, je l'ai embrassée et elle est venue chez moi après le film.

Quand je me suis réveillé, Marie était partie. Elle m'avait expliqué qu'elle devait aller chez sa tante. J'ai pensé que c'était dimanche et cela m'a ennuyé : je n'aime pas le dimanche. Alors, j'ai fait la grasse matinée en fumant des cigarettes dans mon lit jusqu'à midi. Le reste de la journée est passé, je n'ai rien fait de spécial à part regarder les passants depuis mon balcon. J'ai pensé que c'était juste un dimanche de plus, que maman était maintenant enterrée, que j'allais reprendre mon travail et que, finalement, rien n'avait changé.

Aujourd'hui j'ai beaucoup travaillé au bureau. Le patron a été aimable.

Il m'a demandé si je n'étais pas trop fatigué et il a voulu savoir aussi l'âge de maman. J'ai dit « une soixantaine d'années », pour ne pas me tromper.

À midi, je suis allé manger chez Céleste avec mon collègue Emmanuel.

Il m'a demandé si « ça allait quand même ». Je lui ai dit que oui et que j'avais faim. J'ai mangé très vite et j'ai pris du café. Puis je suis rentré chez moi, j'ai fait une sieste parce que j'avais trop bu de vin et, en me réveillant, j'ai eu envie de fumer. Ensuite je suis retourné au bureau et j'ai travaillé tout l'après-midi.

En rentrant chez moi, j'ai croisé le vieux Salamano, mon voisin. Il était avec son chien. Ils se ressemblaient tous les deux mais ils se détestaient. Salamano passait son temps à battre son chien. Mon deuxième voisin, Raymond Sintès, est entré dans l'immeuble. Il était assez petit, avec de larges épaules et un nez de boxeur, toujours bien habillé. On ne l'appréciait pas trop dans le quartier. Il paraissait qu'il gagnait de l'argent grâce à des prostituées. Mais moi je passais du temps avec lui car je trouvais qu'il racontait des choses intéressantes.

Raymond m'a invité à manger chez lui et j'ai accepté. J'ai vu qu'il avait une blessure à la main, et il m'a raconté qu'il s'était battu avec un homme qui l'avait provoqué dans la rue. « Justement, j'ai un conseil au sujet de cette affaire à vous demander » m'a-t-il dit. « Si vous acceptez de m'écouter et de m'aider, on deviendra copains ». J'ai répondu que ça m'était égal. Il a eu l'air satisfait et il a commencé à me raconter son histoire : « J'ai connu une dame… c'était pour ainsi dire ma maîtresse. » L'homme avec qui il s'était battu était le frère de cette femme.

Learn languages from TV shows, movies, news, articles and more! Try LingQ for FREE