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Nota Bene, Pourquoi il y a toujours des travaux sur les lignes de train ? (1)

Pourquoi il y a toujours des travaux sur les lignes de train ? (1)

Mes chers camarades, bien le bonjour, Aujourd'hui, je vous propose un bon gros

reportage sur un sujet qui touche à plein de choses différentes : l'histoire du chemin de

fer en France et plus particulièrement en Île-de-France ! Allez hop ! En voiture,

personne ne descend ! Avant toute chose, il faut

bien le spécifier au risque de heurter notre côté chauvin: le chemin de fer n'a pas été inventé en

France ! Non. Le rail est une recette typiquement anglaise mais contrairement au pudding, c'est une

invention qui s'est plutôt bien exportée ! Paris n'a donc pas abrité la première ligne de chemin

de fer ! Non. La première ligne de chemin de fer au monde se trouve au sud de Londres ; la Surrey

Iron Railway est mise en service en 1802 et en opération plus ou moins continue jusqu'en 1846.

Autre grande révélation ! On utilisait déjà le chemin de fer alors que la locomotive à

vapeur n'avait même pas été inventée ! Les premiers wagons étaient en réalité tirés par

des chevaux et ironiquement, ces chevaux transportaient du charbon… le combustible

pour les machines à vapeur du temps… Au risque de vous retourner le cerveau on

peut faire un constat : le rail reste dans l'imaginaire collectif associé à la vapeur,

pourtant on parle de chevaux-vapeur pour parler de la puissance des locomotives et des moteurs… Donc,

la puissance du rail ne réside ni dans la vapeur ni dans les chevaux, mais dans le

rail. Tout ça c'est une question de PHYSIQUE ! D'ailleurs, vous pouvez tenter une expérience à la

maison : Essayez de déplacer une boîte remplie de cailloux sur le sol. Après avoir bien sué,

ajoutez quatre coussinets sous la boîte. D'un coup, c'est beaucoup plus facile ! Pourquoi ? A

cause de la friction ! En réduisant la surface de contact, on réduit la perte

d'énergie produite par la friction. Le résultat est sans appel : il est possible de déplacer des

charges plus lourdes avec moins d'énergie. Pour simplifier : sur des rails, ça glisse

bien et c'est mieux parce que ça fatigue moins ! Pousser sur des rails des wagons organisés en

train permet de transporter de lourdes charges à moindre coût et beaucoup plus rapidement que

sur des barges dans des canaux à écluses. Pour faire cours : le rail, ça marche bien… ou plutôt

roule bien… ou ça glisse bien… … bref le rail anglais fonctionne partout y compris en France.

L'Étoile de Legrand Et si toutes les routes

mènent à Rome, en France tous les chemins de fer mènent à Paris… mais littéralement.

Il suffit de regarder une carte du réseau pour constater que toutes les lignes convergent vers

un point : Paris, la capitale et le centre de l'univers comme en témoigne ce schéma en étoile…

Ce schéma radial aura une énorme influence sur la vie sociale et économique de la France au

XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui. Bien qu'on puisse le penser, ce plan stellaire n'est

pas le produit des desseins machiavéliques d'un astrologue délirant souhaitant invoquer un dieu

ancien du fin fond des abysses cosmiques…Non. Ce plan est hérité de la première phase de

construction du réseau ferroviaire au XIXe siècle. Le grand architecte derrière ce plan c'est

l'ingénieur Baptiste Alexis Victor Legrand, directeur général des Ponts et chaussées et

des Mines. C'est ce monsieur qui trace en 1838 le premier plan radial centré à Paris. C'est

pourquoi on parle de L'Étoile de Legrand… L'Étoile de la Mort ça aurait eu un peu

plus de gueule, mais il s'appelait Legrand et pas Lamort... Dommage !

Pourquoi ce plan en forme d'étoile ? Les raisons sont multiples. Déjà,

le réseau routier au XVIIIe siècle empruntait ce plan. Ensuite, l'obsession de projeter le

pouvoir central sur l'ensemble du territoire n'est bien sûr pas étrangère à l'affaire.

Ce qui est assez étonnant, c'est que ce schéma en forme d'étoile impacte encore fortement la

circulation des chemins de fer aujourd'hui, et quand un incident se produit à Paris,

il y a immédiatement des répercussions sur l'ensemble de la ligne, jusqu'en Province ! C'est

une sorte d'onde de choc que l'on peut visualiser et qui matérialise très bien cette volonté de

pouvoir central à Paris dès le XIXe siècle. On en trouve la trace dans un mémoire adressé

à l'Empereur Napoléon en 1814 par l'ingénieur en chef des mines, Pierre Michel Moisson-Desroches,

intitulé : Sur la possibilité d'abréger les distances en sillonnant l'empire de sept

grandes voies ferrées. L'idée aurait bien été pratique pour déplacer des armées aux quatre

coins de l'Empire français… malheureusement, Napoléon rencontra son Waterloo. Le mémoire de

Moisson-Desroches restera lettre morte. Mais l'idée de lignes de chemin de fer

partant de Paris pour se disperser dans toutes les directions ne disparaît pas

avec le Premier Empire. Un demi-siècle après la Restauration, le plan se concrétise.

La phase initiale de construction du réseau de chemins de fer français commence en 1823

par la concession par Louis XVIII de la ligne Saint-Étienne-Andrézieux dans la Loire autour

de l'industrie sidérurgique du Creuzot, grande consommatrice de charbon. De ce premier embryon,

le rail s'étendra dans plusieurs régions où les mines fournissent ce charbon.

Les séjours à la campagne des citadins motivent aussi la pose de rails. Le 24 août 1837 est

inaugurée la ligne Paris-St-Germain-en-Laye. Longue de 18 km pour un trajet d'une durée de

25 minutes, cette ligne constitue une première en France, car elle est dédiée entièrement au

transport de voyageurs et ses wagons sont tractés par des locomotives à vapeur.

Derrière cette initiative innovante : les frères Pereire.

Ces Bordelais d'origine portugaise, les frères Émile Pereire et Isaac Pereire sont au centre

des premières entreprises industrielles du Second Empire. Les deux frères ont

un portefeuille très diversifié dans divers secteurs tels que : la banque, l'immobilier,

les transports maritimes, les assurances et, bien entendu, les chemins de fer.

En 1837, le chemin de fer débarque donc à Paris, mais il s'arrête à la périphérie,

à la hauteur approximative de l'ancien mur des Fermiers généraux d'avant la Révolution.

Pourquoi ? Pour des logiques de rentabilité ! Et oui, construire dans le tissu urbain très

dense de Paris, ça coûte cher et ça représente des défis assez importants ! Et d'ailleurs,

l'extension du rail, ce n'est pas le monde des bisounours et il s'accompagne de sa part d'ombre.

En 1842 a lieu l'accident du Meudon sur la ligne reliant Versailles à Paris. Avec ses 55 victimes,

ce déraillement constitue la première grande catastrophe ferroviaire de l'histoire mondiale.

La même année, le parlement vote la Loi relative à l'établissement des

grandes lignes de chemin de fer en France ; l'idée est d'accélérer l'industrialisation

du pays grâce au chemin de fer. Parmi les grands projets prioritaires

lancés par cette loi se trouve la réalisation d'une ligne reliant Paris à la frontière belge,

le cœur industriel de l'Europe du Nord à l'époque. En quinze ans, plusieurs compagnies privées

construisent les premiers axes qui partent — de manière générale — de Paris pour rejoindre la

mer (comme les lignes de Normandie, de Lyon et de Marseille) ou vers les frontières avec l'Allemagne

et la Belgique (Compagnie de l'Est et du Nord). Mais comment ça se développe tout ça ? Qui

choisit ? Et bien à la fois le privé et l'Etat ! L'état, en fonction de ce qu'il veut développer,

offre le chantier et l'exploitation du rail à des compagnies privées. Les oligarques du rail,

on va les appeler comme ça, se partagent ainsi le territoire après des batailles entre eux dont les

armes sont les considérations techniques et les enjeux de rentabilité. Chaque ligne est

construite par une compagnie privée dont les actifs sont soutenus par le pouvoir

politique central et adossés à des groupes financiers. On imagine bien les enjeux de

pouvoir qui pouvaient se cacher derrière tout ça ! En 1843, le baron James de Rothschild – financier

des Bourbons sous la Restauration puis de Louis-Philippe sous la Monarchie de

Juillet – reçoit la concession de la Compagnie des chemins de fer du Nord, la plus rentable

des quatre compagnies ferroviaires françaises. Tels des seigneurs du Moyen Âge désirant exposer

leurs grandeurs, les compagnies ferroviaires construisent des châteaux à leurs gloires ;

les gares monumentales qui s'égrènent le long et aux extrémités des voies servent à exposer leurs

prospérités et la beauté des territoires — comme autant de fiefs — qu'elles desservent. Terminus et

point de départ, les gares parisiennes jouent le double rôle de siège social et de vitrine.

L'embarcadère de l'Europe, qu'on appelle aujourd'hui la Gare de Paris-Saint-Lazare,

est le premier arrêt parisien affecté par la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest,

suivi trois ans plus tard par les embarcadères de la barrière du Main, aujourd'hui la Gare de

Paris-Montparnasse, qui est une possession de la Compagnie Paris-Versailles et de celle d'Orléans,

aujourd'hui Gare de Paris-Austerlitz, tenu pour sa part par la Compagnie Paris-Orléans. En 1843,

la construction d'un quatrième point d'embarquement parisien est lancé.

Inaugurée le 4 juin 1846, la première Gare du Nord, parce qu'il en aura deux, est construite

sous la supervision des ingénieurs des ponts et chaussées d'après les plans de Léonce Reynaud,

professeur d'architecture à l'École polytechnique. Reynaud, qui sera surtout connu pour ses phares,

dessine une façade en pierre de style classique tout en longueur et en sobriété avec huit arcades

séparées par des piliers encastrés dans le mur, avec deux pavillons à fronton aux extrémités.

L'aménagement intérieur est beaucoup plus original avec notamment ses toilettes à

chasse d'eau : un gadget tout neuf à l'époque ! Le premier modèle a été mis sur le marché par

le britannique Thomas Crapper en 1836. Après avoir traversé une cour grillagée

et être passés devant un des deux portiques sous lesquels prolifèrent plusieurs petits commerces,

les voyageurs accédaient à un hall d'entrée. À l'arrière, ils trouvaient les guichets pour

l'achat des billets et les salles d'attente : une pour les premières classes et une pour les autres.

Faudrait pas que la populace se mélange à la haute non plus hein !

A cette époque, la gare du Nord compte seulement deux voies : l'une pour les trains entrants et

l'autre pour les trains sortants. Près d'un an après son ouverture, les voies sont déjà saturées.

La Compagnie hésite un temps entre construire de nouvelles lignes et de nouveaux bâtiments

ou tout simplement... reconstruire la gare : et c'est la seconde option qui est retenue !

En 1860, la gare du Nord est démontée et réaménagée ; sa façade est démontée pierre par

pierre puis remontée ailleurs. On lui ajoute une horloge et on l'élève d'un étage, c'est l'actuelle

façade de la gare de Lille-Flandres à Lille ! Oui, ils l'ont carrément changé de ville !

Le baron de Rothschild, propriétaire de la Compagnie de chemin de fer du Nord, choisit

l'architecte français d'origine allemande Jacques Ignace Hittorf pour conduire les travaux de

réaménagement. Mais rappelez-vous, le rail, avant de véhiculer les passagers, véhicule le pouvoir.

Les gares parisiennes sont donc conçues comme des monuments à la gloire de la solidité financière

des compagnies, des banques et du pouvoir de l'État sur son territoire. Rien de moins !

Les travaux commencent en mai 1861 et se terminent en décembre 1865. Le bâtiment est agrandi et on

ravale totalement la façade. Hittorff dessine un nouveau bâtiment en forme de « U » auquel

est adjoint une façade monumentale de style classique dont le pavillon central évoque un arc

de triomphe à trois arcs ; ornée de vingt-trois statues représentant les principales villes de

destination, la devanture donne sur les grandes percées urbaines du baron Haussmann. Derrière

cette façade on trouve un grand hangar industriel avec ses colonnes de fonte conçu pour composer

avec le volume gigantesque de la gare ; le nombre de voies passe de deux à huit ; une

moitié est affectée aux services des banlieues, l'autre moitié est réservée aux entrées et aux

sorties en provenance des Grandes Lignes. Développer le transport en Île-de-France,

ça se passe plutôt bien, mais il reste un problème. Le passage d'une gare à l'autre,

d'un réseau à l'autre, ne se fait pas facilement dans un Paris qui n'a pas encore été désencombré

par les travaux du baron Haussmann. Traverser la ville en calèche,


Pourquoi il y a toujours des travaux sur les lignes de train ? (1) Γιατί γίνονται πάντα έργα στις γραμμές του τρένου; (1) Why is there always work on train lines? (1) Perché ci sono sempre lavori sulle linee ferroviarie? (1) Waarom zijn er altijd werken op treinlijnen? (1) Porque é que há sempre obras nas linhas de comboio? (1) Tren hatlarında neden her zaman çalışma var? (1) 为什么火车线路总是在施工? (1)

Mes chers camarades, bien le bonjour, Aujourd'hui, je vous propose un bon gros

reportage sur un sujet qui touche à plein de  choses différentes : l'histoire du chemin de

fer en France et plus particulièrement en  Île-de-France !  Allez hop ! En voiture,

personne ne descend !  Avant toute chose, il faut no one goes down! Before anything else, you must

bien le spécifier au risque de heurter notre côté  chauvin: le chemin de fer n'a pas été inventé en at the risk of offending our chauvinistic side: the railroad was not invented in

France ! Non. Le rail est une recette typiquement  anglaise mais contrairement au pudding, c'est une France! No. The rail is a typically English recipe but unlike the pudding, it is a

invention qui s'est plutôt bien exportée ! Paris  n'a donc pas abrité la première ligne de chemin an invention that has been exported quite well! So Paris was not the site of the first railway line

de fer ! Non. La première ligne de chemin de fer  au monde se trouve au sud de Londres ; la Surrey

Iron Railway est mise en service en 1802 et en  opération plus ou moins continue jusqu'en 1846.

Autre grande révélation ! On utilisait déjà  le chemin de fer alors que la locomotive à

vapeur n'avait même pas été inventée ! Les  premiers wagons étaient en réalité tirés par

des chevaux et ironiquement, ces chevaux  transportaient du charbon… le combustible horses and ironically, these horses carried coal... the fuel

pour les machines à vapeur du temps…  Au risque de vous retourner le cerveau on for the steam engines of the time... At the risk of turning your brain over we

peut faire un constat  : le rail reste dans  l'imaginaire collectif associé à la vapeur, can make one observation: rail remains associated with steam in the collective imagination,

pourtant on parle de chevaux-vapeur pour parler de  la puissance des locomotives et des moteurs… Donc,

la puissance du rail ne réside ni dans la  vapeur ni dans les chevaux, mais dans le

rail. Tout ça c'est une question de PHYSIQUE !   D'ailleurs, vous pouvez tenter une expérience à la

maison :  Essayez de déplacer une boîte remplie  de cailloux sur le sol. Après avoir bien sué,

ajoutez quatre coussinets sous la boîte. D'un  coup, c'est beaucoup plus facile ! Pourquoi ? A

cause de la friction ! En réduisant la  surface de contact, on réduit la perte

d'énergie produite par la friction. Le résultat  est sans appel : il est possible de déplacer des

charges plus lourdes avec moins d'énergie. Pour simplifier : sur des rails, ça glisse

bien et c'est mieux parce que ça fatigue moins ! Pousser sur des rails des wagons organisés en

train permet de transporter de lourdes charges  à moindre coût et beaucoup plus rapidement que

sur des barges dans des canaux à écluses. Pour  faire cours : le rail, ça marche bien… ou plutôt

roule bien… ou ça glisse bien… … bref le rail  anglais fonctionne partout y compris en France.

L'Étoile de Legrand Et si toutes les routes

mènent à Rome, en France tous les chemins  de fer mènent à Paris… mais littéralement.

Il suffit de regarder une carte du réseau pour  constater que toutes les lignes convergent vers

un point : Paris, la capitale et le centre de  l'univers comme en témoigne ce schéma en étoile…

Ce schéma radial aura une énorme influence sur  la vie sociale et économique de la France au

XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui. Bien qu'on  puisse le penser, ce plan stellaire n'est

pas le produit des desseins machiavéliques d'un  astrologue délirant souhaitant invoquer un dieu

ancien du fin fond des abysses cosmiques…Non. Ce plan est hérité de la première phase de

construction du réseau ferroviaire au XIXe siècle. Le grand architecte derrière ce plan c'est

l'ingénieur Baptiste Alexis Victor Legrand,  directeur général des Ponts et chaussées et

des Mines. C'est ce monsieur qui trace en 1838  le premier plan radial centré à Paris. C'est

pourquoi on parle de L'Étoile de Legrand… L'Étoile de la Mort ça aurait eu un peu

plus de gueule, mais il s'appelait  Legrand et pas Lamort... Dommage !

Pourquoi ce plan en forme d'étoile ?  Les raisons sont multiples. Déjà,

le réseau routier au XVIIIe siècle empruntait  ce plan. Ensuite, l'obsession de projeter le

pouvoir central sur l'ensemble du territoire  n'est bien sûr pas étrangère à l'affaire.

Ce qui est assez étonnant, c'est que ce schéma  en forme d'étoile impacte encore fortement la

circulation des chemins de fer aujourd'hui,  et quand un incident se produit à Paris,

il y a immédiatement des répercussions sur  l'ensemble de la ligne, jusqu'en Province ! C'est

une sorte d'onde de choc que l'on peut visualiser  et qui matérialise très bien cette volonté de

pouvoir central à Paris dès le XIXe siècle.  On en trouve la trace dans un mémoire adressé

à l'Empereur Napoléon en 1814 par l'ingénieur en  chef des mines, Pierre Michel Moisson-Desroches,

intitulé : Sur la possibilité d'abréger les  distances en sillonnant l'empire de sept

grandes voies ferrées. L'idée aurait bien été  pratique pour déplacer des armées aux quatre

coins de l'Empire français… malheureusement,  Napoléon rencontra son Waterloo. Le mémoire de

Moisson-Desroches restera lettre morte. Mais l'idée de lignes de chemin de fer

partant de Paris pour se disperser dans  toutes les directions ne disparaît pas

avec le Premier Empire. Un demi-siècle après  la Restauration, le plan se concrétise.

La phase initiale de construction du réseau  de chemins de fer français commence en 1823

par la concession par Louis XVIII de la ligne  Saint-Étienne-Andrézieux dans la Loire autour

de l'industrie sidérurgique du Creuzot, grande  consommatrice de charbon. De ce premier embryon,

le rail s'étendra dans plusieurs régions  où les mines fournissent ce charbon.

Les séjours à la campagne des citadins motivent  aussi la pose de rails. Le 24 août 1837 est

inaugurée la ligne Paris-St-Germain-en-Laye.  Longue de 18 km pour un trajet d'une durée de

25 minutes, cette ligne constitue une première  en France, car elle est dédiée entièrement au

transport de voyageurs et ses wagons sont  tractés par des locomotives à vapeur.

Derrière cette initiative  innovante : les frères Pereire.

Ces Bordelais d'origine portugaise, les frères  Émile Pereire et Isaac Pereire sont au centre

des premières entreprises industrielles  du Second Empire. Les deux frères ont

un portefeuille très diversifié dans divers  secteurs tels que : la banque, l'immobilier,

les transports maritimes, les assurances  et, bien entendu, les chemins de fer.

En 1837, le chemin de fer débarque donc à  Paris, mais il s'arrête à la périphérie,

à la hauteur approximative de l'ancien mur  des Fermiers généraux d'avant la Révolution.

Pourquoi ? Pour des logiques de rentabilité ! Et oui, construire dans le tissu urbain très

dense de Paris, ça coûte cher et ça représente  des défis assez importants ! Et d'ailleurs,

l'extension du rail, ce n'est pas le monde des  bisounours et il s'accompagne de sa part d'ombre.

En 1842 a lieu l'accident du Meudon sur la ligne  reliant Versailles à Paris. Avec ses 55 victimes,

ce déraillement constitue la première grande  catastrophe ferroviaire de l'histoire mondiale.

La même année, le parlement vote la  Loi relative à l'établissement des

grandes lignes de chemin de fer en France ;  l'idée est d'accélérer l'industrialisation

du pays grâce au chemin de fer. Parmi les grands projets prioritaires

lancés par cette loi se trouve la réalisation  d'une ligne reliant Paris à la frontière belge,

le cœur industriel de l'Europe du Nord à l'époque.  En quinze ans, plusieurs compagnies privées

construisent les premiers axes qui partent — de  manière générale — de Paris pour rejoindre la

mer (comme les lignes de Normandie, de Lyon et de  Marseille) ou vers les frontières avec l'Allemagne

et la Belgique (Compagnie de l'Est et du Nord). Mais comment ça se développe tout ça ? Qui

choisit ? Et bien à la fois le privé et l'Etat !  L'état, en fonction de ce qu'il veut développer,

offre le chantier et l'exploitation du rail à  des compagnies privées. Les oligarques du rail,

on va les appeler comme ça, se partagent ainsi le  territoire après des batailles entre eux dont les

armes sont les considérations techniques et  les enjeux de rentabilité. Chaque ligne est

construite par une compagnie privée dont  les actifs sont soutenus par le pouvoir

politique central et adossés à des groupes  financiers. On imagine bien les enjeux de

pouvoir qui pouvaient se cacher derrière tout ça ! En 1843, le baron James de Rothschild – financier

des Bourbons sous la Restauration puis  de Louis-Philippe sous la Monarchie de

Juillet – reçoit la concession de la Compagnie  des chemins de fer du Nord, la plus rentable

des quatre compagnies ferroviaires françaises. Tels des seigneurs du Moyen Âge désirant exposer

leurs grandeurs, les compagnies ferroviaires  construisent des châteaux à leurs gloires ;

les gares monumentales qui s'égrènent le long et  aux extrémités des voies servent à exposer leurs

prospérités et la beauté des territoires — comme  autant de fiefs — qu'elles desservent. Terminus et

point de départ, les gares parisiennes jouent  le double rôle de siège social et de vitrine.

L'embarcadère de l'Europe, qu'on appelle  aujourd'hui la Gare de Paris-Saint-Lazare,

est le premier arrêt parisien affecté par  la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest,

suivi trois ans plus tard par les embarcadères  de la barrière du Main, aujourd'hui la Gare de

Paris-Montparnasse, qui est une possession de la  Compagnie Paris-Versailles et de celle d'Orléans,

aujourd'hui Gare de Paris-Austerlitz, tenu pour  sa part par la Compagnie Paris-Orléans. En 1843,

la construction d'un quatrième point  d'embarquement parisien est lancé.

Inaugurée le 4 juin 1846, la première Gare du  Nord, parce qu'il en aura deux, est construite

sous la supervision des ingénieurs des ponts et  chaussées d'après les plans de Léonce Reynaud,

professeur d'architecture à l'École polytechnique.  Reynaud, qui sera surtout connu pour ses phares,

dessine une façade en pierre de style classique  tout en longueur et en sobriété avec huit arcades

séparées par des piliers encastrés dans le mur,  avec deux pavillons à fronton aux extrémités.

L'aménagement intérieur est beaucoup plus  original avec notamment ses toilettes à

chasse d'eau : un gadget tout neuf à l'époque !  Le premier modèle a été mis sur le marché par

le britannique Thomas Crapper en 1836.  Après avoir traversé une cour grillagée

et être passés devant un des deux portiques sous  lesquels prolifèrent plusieurs petits commerces,

les voyageurs accédaient à un hall d'entrée.  À l'arrière, ils trouvaient les guichets pour

l'achat des billets et les salles d'attente : une  pour les premières classes et une pour les autres.

Faudrait pas que la populace se  mélange à la haute non plus hein !

A cette époque, la gare du Nord compte seulement  deux voies : l'une pour les trains entrants et

l'autre pour les trains sortants. Près d'un an  après son ouverture, les voies sont déjà saturées.

La Compagnie hésite un temps entre construire  de nouvelles lignes et de nouveaux bâtiments

ou tout simplement... reconstruire la gare :  et c'est la seconde option qui est retenue !

En 1860, la gare du Nord est démontée et  réaménagée ; sa façade est démontée pierre par

pierre puis remontée ailleurs. On lui ajoute une  horloge et on l'élève d'un étage, c'est l'actuelle

façade de la gare de Lille-Flandres à Lille !  Oui, ils l'ont carrément changé de ville !

Le baron de Rothschild, propriétaire de la  Compagnie de chemin de fer du Nord, choisit

l'architecte français d'origine allemande Jacques  Ignace Hittorf pour conduire les travaux de

réaménagement. Mais rappelez-vous, le rail, avant  de véhiculer les passagers, véhicule le pouvoir.

Les gares parisiennes sont donc conçues comme des  monuments à la gloire de la solidité financière

des compagnies, des banques et du pouvoir de  l'État sur son territoire. Rien de moins !

Les travaux commencent en mai 1861 et se terminent  en décembre 1865. Le bâtiment est agrandi et on

ravale totalement la façade. Hittorff dessine  un nouveau bâtiment en forme de « U » auquel

est adjoint une façade monumentale de style  classique dont le pavillon central évoque un arc

de triomphe à trois arcs ; ornée de vingt-trois  statues représentant les principales villes de

destination, la devanture donne sur les grandes  percées urbaines du baron Haussmann. Derrière

cette façade on trouve un grand hangar industriel  avec ses colonnes de fonte conçu pour composer

avec le volume gigantesque de la gare ; le  nombre de voies passe de deux à huit ; une

moitié est affectée aux services des banlieues,  l'autre moitié est réservée aux entrées et aux

sorties en provenance des Grandes Lignes. Développer le transport en Île-de-France,

ça se passe plutôt bien, mais il reste un  problème. Le passage d'une gare à l'autre,

d'un réseau à l'autre, ne se fait pas facilement  dans un Paris qui n'a pas encore été désencombré

par les travaux du baron Haussmann. Traverser la ville en calèche,