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Nota Bene, 4 clichés sur l'Égypte ancienne (2)

4 clichés sur l'Égypte ancienne (2)

En Égypte ancienne, toute représentation était censée pouvoir prendre vie si on l'activait

magiquement par des rituels, des formules et tout un arsenal magique. Et pour que telle

ou telle chose puisse être animée, il fallait que tout ce qui la caractérise soit représenté,

non pas avec réalisme, mais de façon visible et explicite. Pas la peine de montrer les deux yeux,

donc, mais celui qui est représenté doit l'être le plus clairement possible. Idem

avec les membres qui, s'ils paraissent parfois un peu désarticulés, doivent être

bien visibles et suffisamment distincts pour être reconnus.

Alors vous allez me dire : « Oui mais là tu cherches la petite bête, parce que quand tu

regardes vite fait, ça donne quand même vachement l'impression que tout est de profil ». Et… oui,

c'est vrai que dans l'ensemble, si on ne s'attarde pas sur les détails,

on peut avoir cette sensation. Mais là encore, des contre exemples viennent briser cette idée reçue !

La déesse Hathor par exemple, voit son visage souvent représenté de face. C'est le cas,

par exemple, en haut des colonnes du temple de Dendéra qui lui est dédié,

au sud de l'Égypte. Là, le visage est bien de face, avec les deux yeux, la bouche et

tout le reste. Notez que ses oreilles sont des oreilles de vache, car c'est la forme qu'elle

prend lorsqu'elle est représentée en animal… Autre cas particulier : le dieu Bès. Un dieu

est spécial sous plein d'aspect. Déjà, c'est un dieu nain, ce qui n'est pas banal. En plus,

ses attributs sont moitié humains, moitié animaux, avec un visage un peu félin au poil hirsute,

une peau de léopard qui lui couvre le corps, et parfois même une queue de lion dans le

dos ! Divinité liée à la protection des foyers, ses mimiques repoussent les animaux dangereux et

les mauvais esprits tout en apportant sérénité à la famille. Mais ce qui nous intéresse ici,

c'est qu'il est presque toujours représenté de face, son visage grimaçant bien mis en

avant pour s'assurer la meilleure protection possible contre les dangers du quotidien.

Bon, je ne vais pas multiplier les exemples, mais ce qu'il faut retenir,

c'est que considérer l'art égyptien comme étant rempli de trucs de profil, c'est faire un très,

très gros raccourci qui ne rend vraiment pas justice au savoir-faire des artistes de l'époque !

C'est d'ailleurs aussi valable pour d'autres préjugés sur l'art égyptien : « il n'y a pas

de perspective », « il n'a pas évolué durant 3000 ans »… tout ça, c'est faux ! Comme quoi, il y a

toujours matière à faire un nouvel épisode, alors dites-moi dans les commentaires si ça vous tente !

On pourrait se dire qu'avec tout ce qui a été déterré en Egypte,

y'a plus grand chose à trouver...Pour être franc au moment où on a commencé à préparer cette vidéo,

personne ne s'attendait à ce que le Ministère des Antiquités de l'Egypte

annonce la découverte de plusieurs dizaines de sarcophages à Saqqâra, une immense nécropole

à côté du Caire. Et rien qu'avec cette découverte, la question de ce qu'il reste

à trouver en Egypte ne se pose même plus ! Mais arrêtons-nous quand même rapidement là-dessus.

L'Egypte est l'un des pays dont l'Antiquité a livré le plus de vestiges au monde. Avec

plus de 3000 ans d'histoire ancienne, sans même compter les époques préhistoriques,

le sol égyptien constitue pour les archéologues et historiens

du monde entier un exceptionnel terrain de découvertes, et ce depuis toujours !

Il n'y a qu'à pousser la porte d'un musée et se balader dans son département égyptien pour

observer des centaines, parfois des milliers d'objets en tous genres : sarcophages,

stèles, papyrus, statues, outils en bois, en pierre, en métal, etc. etc.

Et, cerise sur le gâteau, en plus de tous ces vestiges conservés dans les musées, les monuments

égyptiens sont parmi les mieux conservés de toutes les civilisations antiques ! Bien

aidés par le climat et relativement épargnés par les conquêtes successives, les temples,

pyramides et autres tombeaux sont encore majoritairement debout, offrant au visiteur

toute la beauté de leur architecture et la magnificence de leurs colonnades…

Bref, entre les collections bien remplies et les vestiges sur place, beaucoup se posent la

question de savoir s'il reste vraiment quelque chose à découvrir en Egypte. Et cette question

se pose au moins depuis le début du XXe siècle, alors qu'on n'avait pas encore

trouvé le tombeau de Toutânkhamon ou le buste de Néfertiti par exemple ! C'est pas nouveau !

La plupart des égyptologues s'accordent au moins sur un point : encore aujourd'hui,

nous sommes très, très loin d'avoir tout découvert

en Egypte. Qu'il s'agisse de grandes ou de petites découvertes, les archéologues

continuent de travailler d'arrache-pied pour mettre au jour de nouveaux sites,

de nouveaux monuments ou de nouveaux vestiges enfouis depuis des milliers d'années.

Même sur les sites déjà connus comme le temple de Karnak, à côté de Louxor,

et en dépit des cohortes de touristes qui se rendent sur le site chaque jour, les spécialistes

continuent de travailler et de fouiller chaque recoin de la zone. Certains estiment même que

nous n'avons dégagé qu'à peine 20% du site, alors qu'il est fouillé depuis le XIXe siècle !

En-dehors des monuments déjà connus, le sol égyptien regorge de sites qui

restent à être mis au jour et valorisés comme ils le mériteraient. Toutefois,

de nombreux obstacles se dressent sur la route des archéologues qui souhaiteraient se pencher sur ces

lieux encore méconnus. Des obstacles financiers, bien sûr, mais aussi dus à l'histoire plus ou

moins récente de l'Egypte elle-même. En effet, la croissance démographique et l'urbanisation

galopante du pays durant tout le XXe siècle et encore en cours aujourd'hui ont définitivement

enterré certaines zones dont le sous-sol aurait pu offrir de fascinantes découvertes. De même,

certaines régions comme le Delta et le Fayoum, cette énorme oasis à l'ouest du Caire, sont plus

difficiles à fouiller du fait de leurs conditions mêmes : forte humidité, marécages… Non seulement

les vestiges y sont moins bien conservés, mais en plus, les archéologues pâtissent de

conditions de travail bien plus délicates que dans le désert ou dans les grandes nécropoles.

Mais là encore, même si les villes modernes et les conditions climatiques ont pu faire

disparaître certains vestiges à tout jamais, les égyptologues continuent de mettre au jour,

chaque année, voire chaque mois, de nouvelles tombes,

de nouveaux sarcophages, de nouvelles zones d'habitation, et j'en passe.

Y'a quelques années, j'ai un projet Nota Bene qui est tombé à l'eau mais je devais

partir en Egypte et on m'avait proposé de rentrer le premier dans une tombe

fraîchement découverte. Bon, je l'ai pas fais, j'ai les boules, mais c'est juste

pour vous montrer que c'est pas rare ! L'actualité le prouve : en 2019 et 2020,

les découvertes se sont enchaînées, avec comme point culminant l'annonce

de plusieurs dizaines de sarcophages mis au jour par des archéologues égyptiens fin 2020.

En résumé, nous sommes encore bien loin d'avoir extrait du sol égyptien toutes

les traces du passé que celui-ci a à nous offrir. Les égyptologues de tous les pays

continuent leur travail sur place et dans les laboratoires pour continuer à affiner

nos connaissances de l'histoire égyptienne, et les récentes découvertes en sont un bon

témoin : l'Egypte a encore de quoi nous faire rêver pendant très, très longtemps…

Les clichés sur l'Egypte passent aussi par

les grands personnages de son Histoire. Et Cléopatre...clairement, y'en a du cliché !

On ne compte plus les films, clips ou encore publicités mettant en scène la reine d'Egypte,

le plus souvent incarnée par des actrices ou chanteuses magnifiques

vêtues de façon plus ou moins provocante. Mais d'où vient cette idée que Cléopâtre

était une femme à la beauté fatale, une reine séductrice prête à tout pour parvenir à ses fins ?

Cette réputation se retrouve dès l'Antiquité, notamment chez certains

auteurs romains contemporains du règne de la reine. Mais avant toute chose,

il est important de rappeler un truc : si Cléopâtre fut bien la dernière reine d'Egypte,

elle n'était pourtant pas égyptienne. On ne connaît rien de sa mère, mais son père,

Ptolémée XII, était lui-même pharaon. Cléopâtre appartient ainsi à la dynastie

dite « lagide », ou « ptolémaïque », qui prend place sur le trône d'Egypte après la

mort d'Alexandre le Grand en -323. Elle n'est donc pas d'origine égyptienne, mais bien macédonienne.

Ça n'a que pas beaucoup d'importance pour le sujet qui nous intéresse maintenant,

mais ça remet certaines choses en perspectives vis-à-vis de certains débats…

Cléopâtre fut d'abord l'amante de Jules César, avec qui elle conçut un fils,

Césarion. Elle épousa ensuite Marc Antoine, devenu l'un des hommes forts de Rome à la

mort de César. A travers ce mariage, Cléopâtre se retrouve opposée à Octave, le futur Auguste,

premier empereur romain. Octave déclare en effet la guerre à Marc-Antoine,

qu'il juge perverti par la reine d'Egypte et qu'il fait déclarer ennemi de Rome. Octave

sort vainqueur de cette guerre à la suite de laquelle Marc Antoine et Cléopâtre se suicident,

laissant les mains libres à leur adversaire pour raconter sa propre version des faits.

Octave, devenu Auguste entre-temps, ne se fait pas prier, et lance une violente campagne de

propagande contre Cléopâtre et Antoine, visant particulièrement la reine en l'accusant de tous

les vices possibles. Si, en Egypte, le souvenir de Cléopâtre conserve une certaine aura glorieuse,

à Rome et dans l'empire en général, c'est l'image d'une femme ambitieuse,

séductrice et immorale qui domine. Le poète Lucain, au Ier s. de notre ère, va

même jusqu'à désigner Cléopâtre comme « l'incestueuse fille des Ptolémées » !

Cette réputation traverse les siècles jusqu'à aujourd'hui, même si depuis le milieu du XXe

siècle, Cléopâtre se mue peu à peu de femme fatale en icône féministe incarnant force de caractère,

résilience et indépendance. Si dans la culture populaire, Cléopâtre est toujours montrée sous

des traits particulièrement séduisants, le plus souvent vêtue de tenues suggestives,

c'est pour lui conférer un caractère contestataire vis-à-vis d'un patriarcat conservateur. Cléopâtre

n'est plus une femme dépravée, mais une femme forte dont les convictions vont

au-delà des règles établies, et qui ne se laisse pas dicter sa conduite par d'autres.

Problème, comme durant l'Antiquité, cette image moderne de la reine s'ancre dans la pensée du

moment. Elle répond à des attentes propres à l'opinion d'aujourd'hui. Dans notre société

on met de plus en plus en avant des femmes fortes alors forcément on fait de Cléopatre

l'archétype de la femme forte et indépendante, quitte à totalement pipoter l'Histoire. En gros,

ça fait 2000 ans que Cléopâtre est l'un des outils favoris de différents mouvements pour

défendre leurs idées, même si ces idées sont parfois complètement opposées !

Mais en-dehors des qualités et des défauts qu'on lui prête depuis des

siècles qui était réellement Cléopâtre ?

Comme souvent, on ne dispose que d'infimes éléments pour dresser un portrait de la femme

qu'a pu être Cléopâtre. Si on connaît les actes de la reine, on connaît beaucoup moins la personne

qui se cache derrière le rôle qui fut le sien. L'un des traits qui ressort le plus de tout ce

qui fit Cléopâtre, c'est sa volonté farouche de préserver l'indépendance de l'Egypte et de

protéger son peuple avant tout. Ses différentes alliances, ses unions successives, ont participé

à cette volonté de maintenir l'Egypte hors de la domination de Rome. Mais en-dehors de ces calculs

politiques, Cléopâtre a de toute évidence développé de véritables passions avec César

et Marc Antoine. Cela transparaît notamment dans les actes des deux Romains eux-mêmes qui, chacun

leur tour, prirent le risque de se mettre Rome à dos dans le seul but de plaire à Cléopâtre et

d'offrir à leurs enfants respectifs des positions importantes dans le jeu politique de l'époque.

De plus, Cléopâtre, après la mort de Marc Antoine et la victoire incontestable d'Octave, refusa

de se rendre et de se lier à celui-ci, préférant mourir que de prendre le risque d'être manipulée,

voire exécutée, par un homme qui venait de détruire sa vie et de soumettre son pays.

En résumé, l'image d'une Cléopâtre séductrice, calculatrice et dépravée,


4 clichés sur l'Égypte ancienne (2) 4 clichés about ancient Egypt (2)

En Égypte ancienne, toute représentation était  censée pouvoir prendre vie si on l'activait

magiquement par des rituels, des formules et  tout un arsenal magique. Et pour que telle

ou telle chose puisse être animée, il fallait  que tout ce qui la caractérise soit représenté,

non pas avec réalisme, mais de façon visible et  explicite. Pas la peine de montrer les deux yeux,

donc, mais celui qui est représenté doit  l'être le plus clairement possible. Idem

avec les membres qui, s'ils paraissent  parfois un peu désarticulés, doivent être

bien visibles et suffisamment  distincts pour être reconnus.

Alors vous allez me dire : « Oui mais là tu  cherches la petite bête, parce que quand tu So you're going to say to me: "Yes, but you're looking for the small beast here, because when you

regardes vite fait, ça donne quand même vachement  l'impression que tout est de profil ». Et… oui, take a quick look, it looks like everything's in profile". And... yes,

c'est vrai que dans l'ensemble, si  on ne s'attarde pas sur les détails, it's true that on the whole, if you don't dwell on the details,

on peut avoir cette sensation. Mais là encore, des  contre exemples viennent briser cette idée reçue !

La déesse Hathor par exemple, voit son visage  souvent représenté de face. C'est le cas,

par exemple, en haut des colonnes du  temple de Dendéra qui lui est dédié,

au sud de l'Égypte. Là, le visage est bien  de face, avec les deux yeux, la bouche et

tout le reste. Notez que ses oreilles sont des  oreilles de vache, car c'est la forme qu'elle

prend lorsqu'elle est représentée en animal… Autre cas particulier : le dieu Bès. Un dieu

est spécial sous plein d'aspect. Déjà, c'est  un dieu nain, ce qui n'est pas banal. En plus,

ses attributs sont moitié humains, moitié animaux,  avec un visage un peu félin au poil hirsute,

une peau de léopard qui lui couvre le corps,  et parfois même une queue de lion dans le

dos ! Divinité liée à la protection des foyers,  ses mimiques repoussent les animaux dangereux et

les mauvais esprits tout en apportant sérénité  à la famille. Mais ce qui nous intéresse ici,

c'est qu'il est presque toujours représenté  de face, son visage grimaçant bien mis en

avant pour s'assurer la meilleure protection  possible contre les dangers du quotidien.

Bon, je ne vais pas multiplier les  exemples, mais ce qu'il faut retenir,

c'est que considérer l'art égyptien comme étant  rempli de trucs de profil, c'est faire un très,

très gros raccourci qui ne rend vraiment pas  justice au savoir-faire des artistes de l'époque !

C'est d'ailleurs aussi valable pour d'autres  préjugés sur l'art égyptien : « il n'y a pas

de perspective », « il n'a pas évolué durant 3000  ans »… tout ça, c'est faux ! Comme quoi, il y a

toujours matière à faire un nouvel épisode, alors  dites-moi dans les commentaires si ça vous tente !

On pourrait se dire qu'avec tout  ce qui a été déterré en Egypte,

y'a plus grand chose à trouver...Pour être franc  au moment où on a commencé à préparer cette vidéo,

personne ne s'attendait à ce que le  Ministère des Antiquités de l'Egypte

annonce la découverte de plusieurs dizaines de  sarcophages à Saqqâra, une immense nécropole

à côté du Caire. Et rien qu'avec cette  découverte, la question de ce qu'il reste

à trouver en Egypte ne se pose même plus ! Mais  arrêtons-nous quand même rapidement là-dessus.

L'Egypte est l'un des pays dont l'Antiquité  a livré le plus de vestiges au monde. Avec

plus de 3000 ans d'histoire ancienne, sans  même compter les époques préhistoriques,

le sol égyptien constitue pour  les archéologues et historiens

du monde entier un exceptionnel terrain  de découvertes, et ce depuis toujours !

Il n'y a qu'à pousser la porte d'un musée et  se balader dans son département égyptien pour

observer des centaines, parfois des milliers  d'objets en tous genres : sarcophages,

stèles, papyrus, statues, outils en  bois, en pierre, en métal, etc. etc.

Et, cerise sur le gâteau, en plus de tous ces  vestiges conservés dans les musées, les monuments

égyptiens sont parmi les mieux conservés  de toutes les civilisations antiques ! Bien

aidés par le climat et relativement épargnés  par les conquêtes successives, les temples,

pyramides et autres tombeaux sont encore  majoritairement debout, offrant au visiteur

toute la beauté de leur architecture  et la magnificence de leurs colonnades…

Bref, entre les collections bien remplies et  les vestiges sur place, beaucoup se posent la

question de savoir s'il reste vraiment quelque  chose à découvrir en Egypte. Et cette question

se pose au moins depuis le début du XXe  siècle, alors qu'on n'avait pas encore

trouvé le tombeau de Toutânkhamon ou le buste  de Néfertiti par exemple ! C'est pas nouveau !

La plupart des égyptologues s'accordent au  moins sur un point : encore aujourd'hui,

nous sommes très, très loin d'avoir tout découvert

en Egypte. Qu'il s'agisse de grandes ou  de petites découvertes, les archéologues

continuent de travailler d'arrache-pied  pour mettre au jour de nouveaux sites,

de nouveaux monuments ou de nouveaux vestiges  enfouis depuis des milliers d'années.

Même sur les sites déjà connus comme  le temple de Karnak, à côté de Louxor,

et en dépit des cohortes de touristes qui se  rendent sur le site chaque jour, les spécialistes

continuent de travailler et de fouiller chaque  recoin de la zone. Certains estiment même que

nous n'avons dégagé qu'à peine 20% du site,  alors qu'il est fouillé depuis le XIXe siècle !

En-dehors des monuments déjà connus,  le sol égyptien regorge de sites qui

restent à être mis au jour et valorisés  comme ils le mériteraient. Toutefois,

de nombreux obstacles se dressent sur la route des  archéologues qui souhaiteraient se pencher sur ces

lieux encore méconnus. Des obstacles financiers,  bien sûr, mais aussi dus à l'histoire plus ou

moins récente de l'Egypte elle-même. En effet,  la croissance démographique et l'urbanisation

galopante du pays durant tout le XXe siècle et  encore en cours aujourd'hui ont définitivement

enterré certaines zones dont le sous-sol aurait  pu offrir de fascinantes découvertes. De même,

certaines régions comme le Delta et le Fayoum,  cette énorme oasis à l'ouest du Caire, sont plus

difficiles à fouiller du fait de leurs conditions  mêmes : forte humidité, marécages… Non seulement

les vestiges y sont moins bien conservés,  mais en plus, les archéologues pâtissent de

conditions de travail bien plus délicates que  dans le désert ou dans les grandes nécropoles.

Mais là encore, même si les villes modernes  et les conditions climatiques ont pu faire

disparaître certains vestiges à tout jamais,  les égyptologues continuent de mettre au jour,

chaque année, voire chaque  mois, de nouvelles tombes,

de nouveaux sarcophages, de nouvelles  zones d'habitation, et j'en passe.

Y'a quelques années, j'ai un projet Nota  Bene qui est tombé à l'eau mais je devais

partir en Egypte et on m'avait proposé  de rentrer le premier dans une tombe

fraîchement découverte. Bon, je l'ai pas  fais, j'ai les boules, mais c'est juste freshly discovered. Well, I didn't do it, I'm pissed off, but it's just

pour vous montrer que c'est pas rare ! L'actualité le prouve : en 2019 et 2020,

les découvertes se sont enchaînées,  avec comme point culminant l'annonce

de plusieurs dizaines de sarcophages mis au  jour par des archéologues égyptiens fin 2020.

En résumé, nous sommes encore bien loin  d'avoir extrait du sol égyptien toutes

les traces du passé que celui-ci a à nous  offrir. Les égyptologues de tous les pays

continuent leur travail sur place et dans  les laboratoires pour continuer à affiner

nos connaissances de l'histoire égyptienne,  et les récentes découvertes en sont un bon

témoin : l'Egypte a encore de quoi nous  faire rêver pendant très, très longtemps…

Les clichés sur l'Egypte passent aussi par

les grands personnages de son Histoire. Et  Cléopatre...clairement, y'en a du cliché !

On ne compte plus les films, clips ou encore  publicités mettant en scène la reine d'Egypte,

le plus souvent incarnée par des  actrices ou chanteuses magnifiques

vêtues de façon plus ou moins provocante. Mais d'où vient cette idée que Cléopâtre

était une femme à la beauté fatale, une reine  séductrice prête à tout pour parvenir à ses fins ?

Cette réputation se retrouve dès  l'Antiquité, notamment chez certains

auteurs romains contemporains du règne  de la reine. Mais avant toute chose,

il est important de rappeler un truc : si  Cléopâtre fut bien la dernière reine d'Egypte,

elle n'était pourtant pas égyptienne. On  ne connaît rien de sa mère, mais son père,

Ptolémée XII, était lui-même pharaon.  Cléopâtre appartient ainsi à la dynastie

dite « lagide », ou « ptolémaïque », qui  prend place sur le trône d'Egypte après la

mort d'Alexandre le Grand en -323. Elle n'est donc  pas d'origine égyptienne, mais bien macédonienne.

Ça n'a que pas beaucoup d'importance pour  le sujet qui nous intéresse maintenant,

mais ça remet certaines choses en  perspectives vis-à-vis de certains débats…

Cléopâtre fut d'abord l'amante de Jules  César, avec qui elle conçut un fils,

Césarion. Elle épousa ensuite Marc Antoine,  devenu l'un des hommes forts de Rome à la

mort de César. A travers ce mariage, Cléopâtre  se retrouve opposée à Octave, le futur Auguste,

premier empereur romain. Octave déclare  en effet la guerre à Marc-Antoine,

qu'il juge perverti par la reine d'Egypte et  qu'il fait déclarer ennemi de Rome. Octave

sort vainqueur de cette guerre à la suite de  laquelle Marc Antoine et Cléopâtre se suicident,

laissant les mains libres à leur adversaire  pour raconter sa propre version des faits.

Octave, devenu Auguste entre-temps, ne se fait  pas prier, et lance une violente campagne de

propagande contre Cléopâtre et Antoine, visant  particulièrement la reine en l'accusant de tous

les vices possibles. Si, en Egypte, le souvenir  de Cléopâtre conserve une certaine aura glorieuse,

à Rome et dans l'empire en général,  c'est l'image d'une femme ambitieuse,

séductrice et immorale qui domine. Le  poète Lucain, au Ier s. de notre ère, va

même jusqu'à désigner Cléopâtre comme  « l'incestueuse fille des Ptolémées » !

Cette réputation traverse les siècles jusqu'à  aujourd'hui, même si depuis le milieu du XXe

siècle, Cléopâtre se mue peu à peu de femme fatale  en icône féministe incarnant force de caractère,

résilience et indépendance. Si dans la culture  populaire, Cléopâtre est toujours montrée sous

des traits particulièrement séduisants, le  plus souvent vêtue de tenues suggestives,

c'est pour lui conférer un caractère contestataire  vis-à-vis d'un patriarcat conservateur. Cléopâtre

n'est plus une femme dépravée, mais une  femme forte dont les convictions vont

au-delà des règles établies, et qui ne se  laisse pas dicter sa conduite par d'autres.

Problème, comme durant l'Antiquité, cette image  moderne de la reine s'ancre dans la pensée du

moment. Elle répond à des attentes propres à  l'opinion d'aujourd'hui. Dans notre société

on met de plus en plus en avant des femmes  fortes alors forcément on fait de Cléopatre

l'archétype de la femme forte et indépendante,  quitte à totalement pipoter l'Histoire. En gros,

ça fait 2000 ans que Cléopâtre est l'un des  outils favoris de différents mouvements pour

défendre leurs idées, même si ces idées  sont parfois complètement opposées !

Mais en-dehors des qualités et des  défauts qu'on lui prête depuis des

siècles qui était réellement Cléopâtre ?

Comme souvent, on ne dispose que d'infimes  éléments pour dresser un portrait de la femme

qu'a pu être Cléopâtre. Si on connaît les actes  de la reine, on connaît beaucoup moins la personne

qui se cache derrière le rôle qui fut le sien. L'un des traits qui ressort le plus de tout ce behind the role he played. One of the most striking features of all this

qui fit Cléopâtre, c'est sa volonté farouche  de préserver l'indépendance de l'Egypte et de

protéger son peuple avant tout. Ses différentes  alliances, ses unions successives, ont participé

à cette volonté de maintenir l'Egypte hors de la  domination de Rome. Mais en-dehors de ces calculs

politiques, Cléopâtre a de toute évidence  développé de véritables passions avec César

et Marc Antoine. Cela transparaît notamment dans  les actes des deux Romains eux-mêmes qui, chacun

leur tour, prirent le risque de se mettre Rome  à dos dans le seul but de plaire à Cléopâtre et

d'offrir à leurs enfants respectifs des positions  importantes dans le jeu politique de l'époque.

De plus, Cléopâtre, après la mort de Marc Antoine  et la victoire incontestable d'Octave, refusa

de se rendre et de se lier à celui-ci, préférant  mourir que de prendre le risque d'être manipulée,

voire exécutée, par un homme qui venait de  détruire sa vie et de soumettre son pays.

En résumé, l'image d'une Cléopâtre  séductrice, calculatrice et dépravée,