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Cinq semaines en ballon de Jules Verne, CHAPITRE XX

CHAPITRE XX

La bouteille céleste.—Les figuiers-palmiers.—Les « mammoth trees. » L'arbre de guerre.—L'attelage ailé.—Combats de deux peuplades.—Massacre.—Intervention divine. Le vent devenait violent et irrégulier. Le Victoria courait de véritables bordées dans les airs. Rejeté tantôt dans le nord, tantôt dans le sud, il ne pouvait rencontrer un souffle constant.

« Nous marchons très vite sans avancer beaucoup, dit Kennedy, en remarquant les fréquentes oscillations de l'aiguille aimantée, —Le Victoria file avec une vitesse d'au moins trente lieues à l'heure, dit Samuel Fergusson. Penchez-vous, et voyez comme la campagne disparaît rapidement sous nos pieds. Tenez ! cette forêt a l'air de se précipiter au-devant de nous ! —La forêt est déjà devenue une clairière, répondit le chasseur.

—Et la clairière un village, riposta Joe, quelques instants plus tard. Voilà-t-il des faces de nègres assez ébahies !

—C'est bien naturel, répondit le docteur. Les paysans de France, à la première apparition des ballons, ont tiré dessus, les prenant pour de monstres aériens ; il est donc permis à un nègre du Soudan d'ouvrir de grands yeux. —Ma foi! dit Joe, pendant que le Victoria rasait un village à cent pied du sol, je m'en vais leur jeter une bouteille vide, avec votre permission mon maître ; si elle arrive saine et sauve, ils l'adoreront ; si elle se casse ils se feront des talismans avec les morceaux! Et, ce disant, il lança une bouteille, qui ne manqua pas de se briser en mille pièces, tandis que les indigènes se précipitaient dans leurs hutte rondes, en poussant de grands cris.

Un peu plus loin, Kennedy s'écria : « Regardez donc cet arbre singulier ! il est d'une espèce par en haut, et d'une autre par en bas. —Bon ! fit Joe ; voilà un pays où les arbres poussent les uns sur les autres.

—C'est tout simplement un tronc de figuier, répondit le docteur, sur lequel il s'est répandu un peu de terre végétale. Le vent un beau jour y a jeté une graine de palmier, et le palmier a poussé comme en plein champ.

—Une fameuse mode, dit Joe, et que j'importerai en Angleterre ; cela fera bien dans les parcs de Londres ; sans compter que ce serait un moyen de multiplier les arbres à fruit ; on aurait des jardins en hauteur ; voilà qui sera goûté de tous les petits propriétaires. En ce moment, il fallut élever le Victoria pour franchir une forêt d'arbres hauts de plus de trois cents pieds, sortes de banians séculaires. « Voilà de magnifiques arbres, s'écria Kennedy ; je ne connais rien de beau comme l'aspect de ces vénérables forêts. Vois donc, Samuel.

—La hauteur de ces banians est vraiment merveilleuse, mon cher Dick ; et cependant elle n'aurait rien d'étonnant dans les forêts du Nouveau-Monde. —Comment ! il existe des arbres plus élevés ?

—Sans doute, parmi ceux que nous appelons les « mammouth trees. Ainsi, en Californie, on a trouvé un cèdre élevé de quatre cent cinquante pieds, hauteur qui dépasse la tour du Parlement, et même la grande pyramide d'Égypte. La base avait cent vingt pieds de tour, et les couches concentriques de son bois lui donnaient plus de quatre mille ans d'existence. —Eh ! Monsieur, cela n'a rien d'étonnant alors ! Quand on vit quatre mille ans, quoi de plus naturel que d'avoir une belle taille ? Mais, pendant l'histoire du docteur et la réponse de Joe, la forêt avait déjà fait place à une grande réunion de huttes circulairement disposées autour d'une place. Au milieu croissait un arbre unique, et Joe de s'écrier à sa vue : Eh bien ! s'il y a quatre mille ans que celui-là produit de pareilles fleurs, je ne lui en fais pas mon compliment. Et il montrait un sycomore gigantesque dont le tronc disparaissait en entier sous un amas d'ossements humains. Les fleurs dont parlait Joe étaient des têtes fraîchement coupées, suspendues à des poignards fixés dans l'écorce. L'arbre de guerre des cannibales ! dit le docteur. Les Indiens enlèvent la peau du crâne, les Africains la tête entière.

—Affaire de mode, » dit Joe.

Mais déjà le village aux têtes sanglantes disparaissait à l'horizon ; un autre plus loin offrait un spectacle non moins repoussant ; des cadavres à demi dévorés, des squelettes tombant en poussière, des membres humains épars çà et là, étaient laissés en pâture aux hyènes et aux chacals. « Ce sont sans doute les corps des criminels ; ainsi que cela se pratique dans l'Abyssinie, on les expose aux bêtes féroces, qui achèvent de les dévorer à leur aise, après les avoir étranglés d'un coup de dent. —Ce n'est pas beaucoup plus cruel que la potence, dit l'Écossais. C'est plus sale, voilà tout. —Dans les régions du sud de l'Afrique, reprit le docteur, on se contente de renfermer le criminel dans sa propre hutte, avec ses bestiaux, et peut-être sa famille ; on y met le feu, et tout brûle en même temps. J'appelle cela de la cruauté, mais j'avoue avec Kennedy que, si la potence est moins cruelle, elle est aussi barbare. Joe, avec l'excellente vue dont il se servait si bien, signala quelques bandes d'oiseaux carnassiers qui planaient à l'horizon. « Ce sont des aigles, s'écria Kennedy, après les avoir reconnus avec la lunette, de magnifiques oiseaux dont le vol est aussi rapide que le notre. —Le ciel nous préserve de leurs attaques ! dit le docteur ; ils sont plutôt à craindre pour nous que les bêtes féroces ou les tribus sauvages.

—Bah ! répondit le chasseur, nous les écarterions à coups de fusil.

—J'aime autant, mon cher Dick, ne pas recourir à ton adresse ; le taffetas de notre ballon ne résisterait pas à un de leurs coups de bec ; heureusement, je crois ces redoutables oiseaux plus effrayés qu'attirés par notre machine. — Eh mais ! une idée, dit Joe, car aujourd'hui les idées me poussent par douzaines ; si nous parvenions à prendre un attelage d'aigles vivants, nous les attacherions à notre nacelle, et ils nous traîneraient dans les airs ! —Le moyen a été sérieusement proposé, répondit le docteur ; mais je le crois peu praticable avec des animaux assez rétifs de leur naturel.

—On les dresserait, reprit Joe ; au lieu de mors, on les guiderait avec des illères qui leur intercepteraient la vue ; borgnes, ils iraient à droite ou à gauche ; aveugles, ils s'arrêteraient. —Permets-moi, mon brave Joe, de préférer un vent favorable à tes aigles attelés ; cela coûte moins cher à nourrir, et c'est plus sûr. —Je vous le permets, Monsieur, mais je garde mon idée. Il était midi ; le Victoria , depuis quelque temps, se tenait à une allure plus modérée ; le pays marchait au-dessous de lui, il ne fuyait plus.

Tout d'un coup, des cris et des sifflements parvinrent aux oreilles des voyageurs ; ceux-ci se penchèrent et aperçurent dans une plaine ouverte un spectacle fait pour les émouvoir Deux peuplades aux prises se battaient avec acharnement et faisaient voler des nuées de flèches dans les airs. Les combattants, avides de s'entre-tuer, ne s'apercevaient pas de l'arrivée du Victoria ; ils étaient environ trois cents, se choquant dans une inextricable mêlée ; la plupart d'entre eux, rouges du sang des blessés dans lequel ils se vautraient, formaient un ensemble hideux à voir. A l'apparition de l'aérostat, il y eut un temps d'arrêt ; les hurlements redoublèrent ; quelques flèches furent lancées vers la nacelle, et l'une d'elles assez près pour que Joe l'arrêtât de la main. « Montons hors de leur portée ! s'écria le docteur Fergusson! Pas d'imprudence ! cela ne nous est pas permis »

Le massacre continuait de part et d'autre, à coups de haches et de sagaies ; dès qu'un ennemi gisait sur le sol, son adversaire se hâtait de lui couper la tête ; les femmes, mêlées à cette cohue, ramassaient les têtes sanglantes et les empilaient à chaque extrémité du champ de bataille ; souvent elles se battaient pour conquérir ce hideux trophée. « L'affreuse scène ! s'écria Kennedy avec un profond dégoût. —Ce sont de vilains bonshommes ! dit Joe Après cela, s'ils avaient un uniforme, ils seraient comme tous les guerriers du monde. —J'ai une furieuse envie d'intervenir dans le combat, reprit le chasseur en brandissant sa carabine. —Non pas répondit vivement le docteur ! non pas ! mêlons-nous de ce qui nous regarde ? Sais-tu qui a tort ou raison, pour jouer le rôle de la Providence ? Fuyons au plus tôt ce spectacle repoussant ! Si les grands capitaines pouvaient dominer ainsi le théâtre de leurs exploits, ils finiraient peut-être par perdre le goût du sang et des conquêtes ! Le chef de l'un de ces partis sauvages se distinguait par une taille athlétique, jointe à une force d'hercule D'une main il plongeait sa lance dans les rangées compactes de ses ennemis, et de l'autre y faisait de grandes trouées à coups de hache. A un moment, il rejeta loin de lui sa sagaie rouge de sang, se précipita sur un blessé dont il trancha le bras d'un seul coup, prit ce bras d'une main, et, le portant à sa bouche, il y mordit à pleines dents. « Ah ! dit Kennedy, l'horrible bête! je n'y tiens plus ! Et le guerrier, frappé d'une balle au front, tomba en arrière. A sa chute, une profonde stupeur s'empara de ses guerriers ; cette mort surnaturelle les épouvanta en ranimant l'ardeur de leurs adversaires, et en une seconde le champ de bataille fut abandonné de la moitié des combattants. « Allons chercher plus haut un courant qui nous emporte, dit le docteur. Je suis écoeuré de ce spectacle. Mais il ne partit pas si vite qu'il ne pût voir la tribu victorieuse, se précipitant sur les morts et les blessés, se disputer cette chair encore chaude, et s'en repaître avidement. « Pouah ! fit Joe, cela est repoussant ! Le Victoria s'élevait en se dilatant ; les hurlements de cette horde en délire le poursuivirent pendant quelques instants ; mais enfin, ramené vers le sud, il s'éloigna de cette scène de carnage et de cannibalisme. Le terrain offrait alors des accidents variés, avec de nombreux cours d'eau qui s'écoulaient vers l'est ; ils se jetaient sans doute dans ces affluents du lac Nû ou du fleuve des Gazelles, sur lequel M. Guillaume Lejean a donné de si curieux détails. La nuit venue, le Victoria jeta l'ancre par 27° de longitude, et 4° 20' de latitude septentrionale, après une traversée de 150 milles.


CHAPITRE XX CHAPTER XX CAPÍTULO XX CAPÍTULO XX

La bouteille céleste.—Les figuiers-palmiers.—Les « mammoth trees. The celestial bottle. — The fig-palm trees. — The “mammoth trees. » L'arbre de guerre.—L'attelage ailé.—Combats de deux peuplades.—Massacre.—Intervention divine. The war tree. — The winged team. — Combats of two peoples. — Massacre. — Divine intervention. Le vent devenait violent et irrégulier. The wind was getting violent and irregular. Le  Victoria courait de véritables bordées dans les airs. The Victoria was running veritable broadsides in the air. Rejeté tantôt dans le nord, tantôt dans le sud, il ne pouvait rencontrer un souffle constant. Rejected sometimes in the north, sometimes in the south, it could not meet a constant breath.

« Nous marchons très vite sans avancer beaucoup, dit Kennedy, en remarquant les fréquentes oscillations de l'aiguille aimantée, "We walk very fast without advancing much," says Kennedy, noticing the frequent oscillations of the magnetic needle, —Le  Victoria file avec une vitesse d'au moins trente lieues à l'heure, dit Samuel Fergusson. "The Victoria spins at a speed of at least thirty leagues an hour," said Samuel Fergusson. Penchez-vous, et voyez comme la campagne disparaît rapidement sous nos pieds. Bend down, and see how the countryside quickly disappears under our feet. Tenez ! Hold ! cette forêt a l'air de se précipiter au-devant de nous ! this forest seems to rush ahead of us! —La forêt est déjà devenue une clairière, répondit le chasseur. "The forest has already become a clearing," replied the hunter.

—Et la clairière un village, riposta Joe, quelques instants plus tard. Voilà-t-il des faces de nègres assez ébahies ! There are faces of negroes quite amazed!

—C'est bien naturel, répondit le docteur. Les paysans de France, à la première apparition des ballons, ont tiré dessus, les prenant pour de monstres aériens ; il est donc permis à un nègre du Soudan d'ouvrir de grands yeux. The peasants of France, at the first appearance of the balloons, shot at them, taking them for aerial monsters; it is therefore permissible for a negro from Sudan to open wide eyes. —Ma foi! dit Joe, pendant que le  Victoria rasait un village à cent pied du sol, je m'en vais leur jeter une bouteille vide, avec votre permission mon maître ; si elle arrive saine et sauve, ils l'adoreront ; si elle se casse ils se feront des talismans avec les morceaux! said Joe, while the Victoria razed a village a hundred feet from the ground, I am going to throw them an empty bottle, with your permission my master; if it arrives unharmed, they will adore it; if it breaks they will make talismans with the pieces! Et, ce disant, il lança une bouteille, qui ne manqua pas de se briser en mille pièces, tandis que les indigènes se précipitaient dans leurs hutte rondes, en poussant de grands cris. And, saying so, he threw a bottle, which did not fail to break into a thousand pieces, while the natives rushed into their round huts, uttering loud cries.

Un peu plus loin, Kennedy s'écria : A little further, Kennedy exclaimed: « Regardez donc cet arbre singulier ! "Look at this singular tree! il est d'une espèce par en haut, et d'une autre par en bas. there is one species from above, and another from below. —Bon ! fit Joe ; voilà un pays où les arbres poussent les uns sur les autres. said Joe; here is a country where trees grow on top of each other

—C'est tout simplement un tronc de figuier, répondit le docteur, sur lequel il s'est répandu un peu de terre végétale. "It is quite simply a fig tree trunk," replied the doctor, on which he spread a little vegetable soil. Le vent un beau jour y a jeté une graine de palmier, et le palmier a poussé comme en plein champ. One day the wind threw a palm seed into it, and the palm grew as in the open field.

—Une fameuse mode, dit Joe, et que j'importerai en Angleterre ; cela fera bien dans les parcs de Londres ; sans compter que ce serait un moyen de multiplier les arbres à fruit ; on aurait des jardins en hauteur ; voilà qui sera goûté de tous les petits propriétaires. "A famous fashion," said Joe, "which I will bring to England; it will do well in London's parks; not to mention that it would be a means of multiplying fruit trees; we would have high gardens; this will be tasted by all the small owners. En ce moment, il fallut élever le  Victoria pour franchir une forêt d'arbres hauts de plus de trois cents pieds, sortes de banians séculaires. At that moment, it was necessary to raise the Victoria to cross a forest of trees taller than three hundred feet, sort of ancient banyan trees. « Voilà de magnifiques arbres, s'écria Kennedy ; je ne connais rien de beau comme l'aspect de ces vénérables forêts. "These are magnificent trees," cried Kennedy; I know nothing beautiful like the appearance of these venerable forests. Vois donc, Samuel.

—La hauteur de ces banians est vraiment merveilleuse, mon cher Dick ; et cependant elle n'aurait rien d'étonnant dans les forêts du Nouveau-Monde. “The height of these banyan trees is truly marvelous, my dear Dick; and yet it would not be surprising in the forests of the New World. —Comment ! il existe des arbres plus élevés ?

—Sans doute, parmi ceux que nous appelons les « mammouth trees. - Without doubt, among those we call "mammoth trees." Ainsi, en Californie, on a trouvé un cèdre élevé de quatre cent cinquante pieds, hauteur qui dépasse la tour du Parlement, et même la grande pyramide d'Égypte. La base avait cent vingt pieds de tour, et les couches concentriques de son bois lui donnaient plus de quatre mille ans d'existence. The base was 120 feet round, and the concentric layers of its wood made it more than four thousand years old. —Eh ! Monsieur, cela n'a rien d'étonnant alors ! Sir, this is not surprising then! Quand on vit quatre mille ans, quoi de plus naturel que d'avoir une belle taille ? When you live four thousand years, what could be more natural than having a good size? Mais, pendant l'histoire du docteur et la réponse de Joe, la forêt avait déjà fait place à une grande réunion de huttes circulairement disposées autour d'une place. But, during the doctor's story and Joe's response, the forest had already given way to a large gathering of huts circularly arranged around a square. Au milieu croissait un arbre unique, et Joe de s'écrier à sa vue : In the middle grew a single tree, and Joe to exclaim at his sight: Eh bien ! s'il y a quatre mille ans que celui-là produit de pareilles fleurs, je ne lui en fais pas mon compliment. if it has been four thousand years since this one has produced such flowers, I do not make him my compliment. Et il montrait un sycomore gigantesque dont le tronc disparaissait en entier sous un amas d'ossements humains. And he showed a gigantic sycamore, the whole trunk of which disappeared under a mass of human bones. Les fleurs dont parlait Joe étaient des têtes fraîchement coupées, suspendues à des poignards fixés dans l'écorce. The flowers that Joe was talking about were freshly cut heads hanging from daggers fixed in the bark. L'arbre de guerre des cannibales ! The cannibal war tree! dit le docteur. Les Indiens enlèvent la peau du crâne, les Africains la tête entière. The Indians remove the skin from the skull, the Africans the entire head.

—Affaire de mode, » dit Joe. "Fashion business," said Joe.

Mais déjà le village aux têtes sanglantes disparaissait à l'horizon ; un autre plus loin offrait un spectacle non moins repoussant ; des cadavres à demi dévorés, des squelettes tombant en poussière, des membres humains épars çà et là, étaient laissés en pâture aux hyènes et aux chacals. But already the village with bloody heads was disappearing on the horizon; another further on presented a spectacle no less repulsive; half-devoured corpses, skeletons falling to dust, scattered human limbs here and there, were left to pasture for hyenas and jackals. « Ce sont sans doute les corps des criminels ; ainsi que cela se pratique dans l'Abyssinie, on les expose aux bêtes féroces, qui achèvent de les dévorer à leur aise, après les avoir étranglés d'un coup de dent. “These are probably the bodies of the criminals; as is the practice in Abyssinia, they are exposed to ferocious beasts, which finish devouring them at their ease, after having choked them with a tooth. —Ce n'est pas beaucoup plus cruel que la potence, dit l'Écossais. "It's not much more cruel than the gallows," said the Scotsman. C'est plus sale, voilà tout. It's dirtier, that's all. —Dans les régions du sud de l'Afrique, reprit le docteur, on se contente de renfermer le criminel dans sa propre hutte, avec ses bestiaux, et peut-être sa famille ; on y met le feu, et tout brûle en même temps. "In the regions of southern Africa," replied the doctor, "we are content to enclose the criminal in his own hut, with his cattle, and perhaps his family; we set it on fire, and everything burns at the same time. J'appelle cela de la cruauté, mais j'avoue avec Kennedy que, si la potence est moins cruelle, elle est aussi barbare. I call it cruelty, but I admit with Kennedy that, if the gallows is less cruel, it is also barbaric. Joe, avec l'excellente vue dont il se servait si bien, signala quelques bandes d'oiseaux carnassiers qui planaient à l'horizon. Joe, with the excellent sight he used so well, pointed to a few bands of predatory birds hovering on the horizon. « Ce sont des aigles, s'écria Kennedy, après les avoir reconnus avec la lunette, de magnifiques oiseaux dont le vol est aussi rapide que le notre. "They are eagles," cried Kennedy, after recognizing them with the telescope, "magnificent birds whose flight is as fast as ours." —Le ciel nous préserve de leurs attaques ! “Heaven protects us from their attacks! dit le docteur ; ils sont plutôt à craindre pour nous que les bêtes féroces ou les tribus sauvages. said the doctor; they are more to be feared for us than ferocious beasts or wild tribes.

—Bah ! répondit le chasseur, nous les écarterions à coups de fusil. replied the hunter.

—J'aime autant, mon cher Dick, ne pas recourir à ton adresse ; le taffetas de notre ballon ne résisterait pas à un de leurs coups de bec ; heureusement, je crois ces redoutables oiseaux plus effrayés qu'attirés par notre machine. “I like it as much, my dear Dick, not to have recourse to your address; the taffeta of our balloon would not resist one of their pecks; fortunately, I believe these frightening birds more frightened than attracted by our machine. — Eh mais ! - Well! une idée, dit Joe, car aujourd'hui les idées me poussent par douzaines ; si nous parvenions à prendre un attelage d'aigles vivants, nous les attacherions à notre nacelle, et ils nous traîneraient dans les airs ! an idea, says Joe, because today ideas push me by the dozen; if we could get a team of live eagles, we would tie them to our gondola, and they would drag us through the air! —Le moyen a été sérieusement proposé, répondit le docteur ; mais je le crois peu praticable avec des animaux assez rétifs de leur naturel. "The means have been seriously proposed," replied the doctor; but I think it impractical with animals that are fairly reticent in their natural way.

—On les dresserait, reprit Joe ; au lieu de mors, on les guiderait avec des illères qui leur intercepteraient la vue ; borgnes, ils iraient à droite ou à gauche ; aveugles, ils s'arrêteraient. "We would train them," said Joe; instead of bits, they would be guided with lights that would intercept their sight; blind, they would go right or left; blind, they would stop. —Permets-moi, mon brave Joe, de préférer un vent favorable à tes aigles attelés ; cela coûte moins cher à nourrir, et c'est plus sûr. “Allow me, my brave Joe, to prefer a favorable wind to your harnessed eagles; it costs less to feed, and it's safer. —Je vous le permets, Monsieur, mais je garde mon idée. "I allow you, sir, but I keep my idea. Il était midi ; le  Victoria , depuis quelque temps, se tenait à une allure plus modérée ; le pays marchait au-dessous de lui, il ne fuyait plus. It was noon; the Victoria, for some time, had been at a more moderate pace; the country was walking below him, he no longer fled.

Tout d'un coup, des cris et des sifflements parvinrent aux oreilles des voyageurs ; ceux-ci se penchèrent et aperçurent dans une plaine ouverte un spectacle fait pour les émouvoir Suddenly, cries and whistles came to the ears of the travelers; they leaned over and saw in a plain open a spectacle made to move them Deux peuplades aux prises se battaient avec acharnement et faisaient voler des nuées de flèches dans les airs. Two struggling tribes fought fiercely and flew clouds of arrows in the air. Les combattants, avides de s'entre-tuer, ne s'apercevaient pas de l'arrivée du  Victoria ; ils étaient environ trois cents, se choquant dans une inextricable mêlée ; la plupart d'entre eux, rouges du sang des blessés dans lequel ils se vautraient, formaient un ensemble hideux à voir. The combatants, eager to kill each other, did not notice the arrival of the Victoria; there were about three hundred of them, shocking each other in an inextricable melee; most of them, red with the blood of the wounded in which they were wallowing, formed a hideous whole to see. A l'apparition de l'aérostat, il y eut un temps d'arrêt ; les hurlements redoublèrent ; quelques flèches furent lancées vers la nacelle, et l'une d'elles assez près pour que Joe l'arrêtât de la main. When the aerostat appeared, there was a downtime; the howls redoubled; a few arrows were launched at the pod, and one was close enough for Joe to stop it with his hand. « Montons hors de leur portée ! "Let's go out of their reach!" s'écria le docteur Fergusson! Pas d'imprudence ! No recklessness! cela ne nous est pas permis » that is not allowed to us "

Le massacre continuait de part et d'autre, à coups de haches et de sagaies ; dès qu'un ennemi gisait sur le sol, son adversaire se hâtait de lui couper la tête ; les femmes, mêlées à cette cohue, ramassaient les têtes sanglantes et les empilaient à chaque extrémité du champ de bataille ; souvent elles se battaient pour conquérir ce hideux trophée. The massacre continued on both sides, with axes and spears; as soon as an enemy lay on the ground, his adversary hastened to cut off his head; the women, mingled with this crowd, gathered up the bloody heads and piled them up at each end of the battlefield; often they fought to conquer this hideous trophy. « L'affreuse scène ! “The awful scene! s'écria Kennedy avec un profond dégoût. Kennedy exclaimed in deep disgust. —Ce sont de vilains bonshommes ! "They're ugly guys!" dit Joe Après cela, s'ils avaient un uniforme, ils seraient comme tous les guerriers du monde. said Joe After that, if they had a uniform, they would be like all the warriors in the world. —J'ai une furieuse envie d'intervenir dans le combat, reprit le chasseur en brandissant sa carabine. "I have a furious desire to intervene in the fight," continued the hunter, brandishing his carbine. —Non pas répondit vivement le docteur ! -No," replied the doctor sharply. non pas ! not ! mêlons-nous de ce qui nous regarde ? do we mix with what concerns us? Sais-tu qui a tort ou raison, pour jouer le rôle de la Providence ? Do you know who is right or wrong to play the role of Providence? Fuyons au plus tôt ce spectacle repoussant ! Let us flee this repulsive spectacle as soon as possible! Si les grands capitaines pouvaient dominer ainsi le théâtre de leurs exploits, ils finiraient peut-être par perdre le goût du sang et des conquêtes ! If the great captains could thus dominate the theater of their exploits, they might end up losing the taste for blood and conquests! Le chef de l'un de ces partis sauvages se distinguait par une taille athlétique, jointe à une force d'hercule D'une main il plongeait sa lance dans les rangées compactes de ses ennemis, et de l'autre y faisait de grandes trouées à coups de hache. The leader of one of these wild parties was distinguished by an athletic stature, joined to a force of hercules With one hand he plunged his spear into the compact rows of his enemies, and with the other made large holes with an ax. A un moment, il rejeta loin de lui sa sagaie rouge de sang, se précipita sur un blessé dont il trancha le bras d'un seul coup, prit ce bras d'une main, et, le portant à sa bouche, il y mordit à pleines dents. At one point he threw his blood-red spear away from him, rushed to a wounded man, whose arm he cut off suddenly, took that arm with one hand, and, bringing it to his mouth, he bit into it toothy. « Ah ! dit Kennedy, l'horrible bête! je n'y tiens plus ! I can't take it anymore! Et le guerrier, frappé d'une balle au front, tomba en arrière. And the warrior, struck in the forehead, fell back. A sa chute, une profonde stupeur s'empara de ses guerriers ; cette mort surnaturelle les épouvanta en ranimant l'ardeur de leurs adversaires, et en une seconde le champ de bataille fut abandonné de la moitié des combattants. When he fell, a deep stupor took possession of his warriors; this supernatural death terrified them by reviving the ardor of their adversaries, and in a second the battlefield was abandoned by half of the combatants. « Allons chercher plus haut un courant qui nous emporte, dit le docteur. "Let's go and find a current that carries us higher," said the doctor. Je suis écoeuré de ce spectacle. I am disgusted with this show. Mais il ne partit pas si vite qu'il ne pût voir la tribu victorieuse, se précipitant sur les morts et les blessés, se disputer cette chair encore chaude, et s'en repaître avidement. But he did not leave so quickly that he could not see the victorious tribe, rushing over the dead and the wounded, fighting over this still hot flesh, and eagerly feasting on it. « Pouah ! “Ugh! fit Joe, cela est repoussant ! said Joe, that's repulsive! Le  Victoria s'élevait en se dilatant ; les hurlements de cette horde en délire le poursuivirent pendant quelques instants ; mais enfin, ramené vers le sud, il s'éloigna de cette scène de carnage et de cannibalisme. The Victoria rose as it expanded; the screams of this delirious horde chased him for a few moments; but finally, brought back to the south, he moved away from this scene of carnage and cannibalism. Le terrain offrait alors des accidents variés, avec de nombreux cours d'eau qui s'écoulaient vers l'est ; ils se jetaient sans doute dans ces affluents du lac Nû ou du fleuve des Gazelles, sur lequel M. Guillaume Lejean a donné de si curieux détails. The terrain then offered various accidents, with many rivers flowing east; they undoubtedly threw themselves into these tributaries of Lake Nû or the Gazelles River, on which M. Guillaume Lejean gave so curious details. La nuit venue, le  Victoria jeta l'ancre par 27° de longitude, et 4° 20' de latitude septentrionale, après une traversée de 150 milles.