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Cinq semaines en ballon de Jules Verne, CHAPITRE XVIII

CHAPITRE XVIII

Le Karagwah.—Le lac Ukéréoué.—Une nuit dans une île.—L'Équateur.—Traversée du lac.—Les cascades.—Vue du pays.—Les sources du Nil.—L'île Benga.—La signature d'Andres.—Debono.—Le pavillon aux armes d'Angleterre. Le lendemain dès cinq heures, commençaient les préparatifs du départ.

Joe, avec la hache qu'il avait heureusement retrouvée, brisa les défenses de l'éléphant. Le Victoria , rendu à la liberté, entraîna les voyageurs vers le nord-est avec une vitesse de dix-huit milles.

Le docteur avait soigneusement relevé sa position par la hauteur des étoiles pendant la soirée précédente.

Il était par 2° 40' de latitude au-dessous de l'équateur, soit à cent soixante milles géographiques ; il traversa de nombreux villages sans se préoccuper des cris provoqués par son apparition ; il prit note de la conformation des lieux avec des vues sommaires ; il franchit les rampes du Rubemhé, presque aussi roides que les sommets de l'Ousagara, et rencontra plus tard, à Tenga, les premiers ressauts des chaînes de Karagwah, qui, selon lui, dérivent nécessairement des montagnes de la Lune Or, la légende ancienne qui faisait de ces montagnes le berceau du Nil s'approchait de la vérité, puisqu'elles confinent au lac Ukéréoué, réservoir présumé des eaux du grand fleuve. De Kafuro, grand district des marchands du pays, il aperçut enfin à l'horizon ce lac tant cherché, que le capitaine Speke entrevit le 3 août 1858. Samuel Fergusson se sentait ému, il touchait presque à l'un des points principaux de son exploration, et, la lunette à l' il, il ne perdait pas un coin de cette contrée mystérieuse que son regard détaillait ainsi : Au-dessous de lui, une terre généralement effritée ; à peine quelques ravins cultivés ; le terrain, parsemé de cônes d'une altitude moyenne, se faisait plat aux approches du lac ; les champs d'orge remplaçaient les rizières ; là croissaient ce plantain d'où se lire le vin du pays, et le « mwani », plante sauvage qui sert de café. La réunion d'une cinquantaine de huttes circulaires recouvertes d'un chaume en fleurs, constituait la capitale du Karagwah. On apercevait facilement les figures ébahies d'une race assez belle, au teint jaune brun. Des femmes d'une corpulence invraisemblable se traînaient dans les plantations, et le docteur étonna bien ses compagnons en leur apprenant que cet embonpoint, très apprécié, s'obtenait par un régime obligatoire de lait caillé. A midi, le Victoria se trouvait par 1° 45' de latitude australe ; à une heure, le vent le poussait sur le lac. Ce lac a été nommé Nyauza [Nyanza signifie lac] Victoria par le capitaine Speke.

En cet endroit, il pouvait mesurer quatre-vingt-dix milles de largeur ; à son extrémité méridionale, le capitaine trouva un groupe d'îles, qu'il nomma archipel du Bengale. Il poussa sa reconnaissance jusqu'à Muanza, sur la côte de l'est, où il fut bien reçu par le sultan. Il fit la triangulation de cette partie du lac, mais il ne put se procurer une barque, ni pour le traverser, ni pour visiter la grande île d'Ukéréoué ; cette île, très populeuse, est gouvernée par trois sultans, et ne forme qu'une presqu'île à marée basse. Le Victoria abordait le lac plus au nord, au grand regret du docteur, qui aurait voulu en déterminer les contours inférieurs.

Les bords, hérissés de boissons épineux et de broussailles enchevêtrées, disparaissaient littéralement sous des myriades de moustiques d'un brun clair ; ce pays devait être inhabitable et inhabité ; on voyait des troupes d'hippopotames se vautrer dans des forêts de roseaux, ou s'enfuir sous les eaux blanchâtres du lac. Celui-ci, vu de haut offrait vers l'ouest un horizon si large qu'on eut dit une mer ; la distance est assez grande entre les deux rives pour que des communications ne puissent s'établir ; d'ailleurs les, tempêtes y sont fortes et fréquentes, car les vents font rage dans ce bassin élevé et découvert. Le docteur eut de la peine à se diriger ; il craignait d'être entraîné vers l'est ; mais heureusement un courant le porta directement au nord, et, à six heures du soir, le Victoria s'établit dans une petite île déserte, par 0° 30' de latitude, et 32° 52' de longitude à vingt milles de la côte. Les voyageurs purent s'accrocher à un arbre, et, le vent s'étant calmé vers le soir, ils demeurèrent tranquillement sur leur ancre. On ne pouvait songer à prendre terre ; ici, comme sur les bords du Nyanza, des légions de moustiques couvraient le sol d'un nuage épais Joe même revint de l'arbre couvert de piqûres ; mais il ne se fâcha pas, tant il trouvait cela naturel de la part des moustiques. Néanmoins, le docteur, moins optimiste ; fila le plus de corde qu'il put, afin d'échapper à ces impitoyables insectes qui s'élevaient avec un murmure inquiétant. Le docteur reconnut la hauteur du lac au-dessus du niveau de la mer, telle que l'avait déterminée le capitaine Speke, soit trois mille sept cent cinquante pieds. « Nous voici donc dans une île !

dit Joe, qui se grattait à se rompre les poignets.

—Nous en aurions vite fait le tour, répondit le chasseur, et, sauf ces aimables insectes, on n'y aperçoit pas un être vivant. —-Les îles dont le lac est parsemé, répondit le docteur Fergusson, ne sont, à vrai dire, que des sommets de collines immergées ; mais nous sommes heureux d'y avoir rencontré un abri, car les rives du lac sont habitées par des tribus féroces. Dormez donc, puisque le ciel nous prépare une nuit tranquille.

—Est-ce que tu n'en feras pas autant, Samuel ? —Non ; je ne pourrais fermer l' il. Mes pensées chasseraient tout sommeil. Demain, mes amis, si le vent est favorable, nous marcherons droit au nord, et nous découvrirons peut-être les sources du Nil, ce secret demeuré impénétrable. Si prés des sources du grand fleuve, je ne saurais dormir. Kennedy et Joe, que les préoccupations scientifiques ne troublaient pas à ce point, ne tardèrent pas à s'endormir profondément sous la garde du docteur. Le mercredi 23 avril, le Victoria appareillait à quatre heures du matin par un ciel grisâtre ; la nuit quittait difficilement les eaux du lac, qu'un épais brouillard enveloppait, mais bientôt un vent violent dissipa toute cette brume. Le Victoria fut balancé pendant quelques minutes en sens divers et enfin remonta directement vers le nord.

Le docteur Fergusson frappa des mains avec joie.

« Nous sommes en bon chemin !

s'écria-t-il. Aujourd'hui ou jamais nous verrons le Nil ! Mes amis, voici que nous franchissons l'Équateur ! nous entrons dans notre hémisphère !

—Oh !

fit Joe ; vous pensez, mon maître, que 1 équateur passe par ici ?

—Ici même mon brave garçon !

—Eh bien !

sauf votre respect, il me paraît convenable de l'arroser sans perdre de temps. —Va pour un verre de grog !

répondit le docteur en riant ; tu as une manière d'entendre la cosmographie qui n'est point sotte. Et voilà comment fut célébré le passage de la ligne à bord du Victoria .

Celui-ci filait rapidement.

On apercevait dans l'ouest la côte basse et peu accidentée ; au fond, les plateaux plus élevés de l'Uganda et de l'Usoga. La vitesse du vent devenait excessive : près de trente milles à l'heure. Les eaux du Nyanza, soulevées avec violence, écumaient comme les vagues d'une mer. A certaines lames de fond qui se balançaient 1ongtemps après les accalmies, le docteur reconnut que le lac devait avoir une grande profondeur A peine une ou deux barques grossières furent-elles entrevues pendant cette rapide traversée.

« Le lac, dit le docteur, est évidemment, par sa position élevée, le réservoir naturel des fleuves de la partie orientale d'Afrique ; le ciel lui rend en pluie ce qu'il enlève en vapeurs à ses effluents Il me paraît certain que le Nil doit y prendre sa source. —Nous verrons bien, » répliqua Kennedy.

Vers neuf heures, la côte de l'ouest se rapprocha ; elle paraissait déserte et boisée. Le vent s'éleva un peu vers l'est, et l'on put entrevoir l'autre rive du lac. Elle se courbait de manière à se terminer par un angle très ouvert, vers 2°40' de latitude septentrionale. De hautes montagnes dressaient leurs pics arides à cette extrémité du Nyanza ; mais entre elles une gorge profonde et sinueuse livrait passage à une rivière bouillonnante.

Tout en man uvrant son aérostat, le docteur Fergusson examinait le pays d'un regard avide. « Voyez !

s'écria-t-il, voyez, mes amis ! les récits des Arabes étaient exacts ! Ils parlaient d'un fleuve par lequel le lac Ukéréoué se déchargeait vers le nord, et ce fleuve existe, et nous le descendons, et il coule avec une rapidité comparable à notre propre vitesse ! Et cette goutte d'eau qui s'enfuit sous nos pieds va certainement se confondre avec les flots de la Méditerranée ! C'est le Nil ! —C'est le Nil ! répéta Kennedy, qui se laissait prendre à l'enthousiasme de Samuel Fergusson. —Vive le Nil !

dit Joe, qui s'écriait volontiers vive quelque chose quand il était en joie. Des rochers énormes embarrassaient çà et là le cours de cette mystérieuse rivière.

L'eau écumait ; il se faisait des rapides et des cataractes qui confirmaient le docteur dans ses prévisions. Des montagnes environnantes se déversaient de nombreux torrents, écumants dans leur chute ; l'il les comptait par centaines. On voyait sourdre du sol de minces filets d'eau éparpillés, se croisant, se confondant, luttant de vitesse, et tous couraient à cette rivière naissante, qui se faisait fleuve après les avoir absorbés. « Voilà bien le Nil, répéta le docteur avec conviction.

L'origine de son nom a passionné les savants comme l'origine de ses eaux ; on l'a fait venir du grec, du copte, du sanscrit [Un savant byzantin voyait dans Neilos un nom arithmétique. N représentait 50, E 5, I 10, l'30, O 70, S 200 : ce qui fait le nombre des jours de l'année] ; peu importe, après tout, puisqu'il a dû livrer enfin le secret de ses sources ! —Mais, dit le chasseur, comment s'assurer de l'identité de cette rivière et de celle que les voyageurs du nord ont reconnue ! —Nous aurons des preuves certaines, irrécusables, infaillibles, répondit Fergusson, si le vent nous favorise une heure encore.

Les montagnes se séparaient, faisant place à des villages nombreux, à des champs cultivés de sésame, de dourrah, de cannes à sucre.

Les tribus de ces contrées se montraient agitées, hostiles ; elles semblaient plus près de la colère que de l'adoration ; elles pressentaient des étrangers, et non des dieux. Il semblait qu'en remontant aux sources du Nil on vint leur voler quelque chose Le Victoria dut se tenir hors de la portée des mousquets. Aborder ici sera difficile, dit l'Ecossais. —Eh bien !

répliqua Joe, tant pis pour ces indigènes ; nous les priverons du charme de notre conversation.

—Il faut pourtant que je descende, répondit le docteur Fergusson, ne fût-ce qu'un quart d'heure. Sans cela, je ne puis constater les résultats de notre exploration.

—C'est donc indispensable, Samuel ? —Indispensable, et nous descendrons, quand même nous devrions faire le coup de fusil !

—La chose me va, répondit Kennedy en caressant sa carabine.

—Quand vous voudrez, mon maître, dit Joe en se préparant au combat.

Ce ne sera pas la première fois, répondit le docteur, que l'on aura fait de la science les armes à la main ; pareille chose est arrivée à un savant français, dans les montagnes d'Espagne, quand il mesurait le méridien terrestre. —Sois tranquille, Samuel, et fie-toi à tes deux gardés du corps.

—Y sommes-nous, Monsieur ?

—Pas encore.

Nous allons même nous élever pour saisir la configuration exacte du pays. L'hydrogène se dilata, et, en moins de dix minutes, le Victoria planait à une hauteur de deux mille cinq cents pieds au-dessus du sol. On distinguait de là un inextricable réseau de rivières que le fleuve recevait dans son lit ; il en venait davantage de l'ouest, entre les collines nombreuses, au milieu de campagnes fertiles. « Nous ne sommes pas à quatre-vingt-dix milles de Gondokoro, dit le docteur en pointant sa tête, et à moins de cinq milles du point atteint par les explorateurs venus du nord.

Rapprochons-nous de terre avec précaution. Le Victoria s'abaissa de plus de deux mille pieds. « Maintenant, mes amis, soyez prêts à tout hasard.

—Nous sommes prêts, répondirent Dick et Joe.

- -Bien !

Le Victoria marcha bientôt en suivant le lit du fleuve, et à cent pied peine.

Le Nil mesurait cinquante toises en cet endroit, et les indigène s'agitaient tumultueusement dans les villages qui bordaient ses rives. Au deuxième degré, il forme une cascade à pic de dix pieds de hauteur environ, et par conséquent infranchissable.

« Voilà bien la cascade indiquée par M. Debono, » s'écria le docteur. Le bassin du fleuve s'élargissait, parsemé d'îles nombreuses que Samuel Fergusson dévorait du regard ; il semblait chercher un point de repère qu'il n'apercevait pas encore. Quelques nègres s'étant avancés dans une barque au-dessous du ballon, Kennedy les salua d'un coup de fusil, qui, sans les atteindre, les obligea à regagner la rive au plus vite. « Bon voyage !

leur souhaita Joe ; à leur place, je ne me hasardera pas à revenir ! j'aurais singulièrement peur d'un monstre qui lance la foudre à volonté. Mais voici que le docteur Fergusson saisit soudain sa lunette et la braqua vers une île couchée au milieu du fleuve.

Quatre arbres!

s'écria-t-il ; voyez, là-bas ! En effet, quatre arbres isolés s'élevaient à son extrémité. C'est l'île de Benga ! c'est bien elle ! ajouta-t-il.

—Eh bien, après ?

demanda Dick.

—C'est là que nous descendrons, s'il plaît à Dieu ! —Mais elle paraît habitée, Monsieur Samuel !

—Joe a raison ; si je ne me trompe, voilà un rassemblement d'une vingtaine d'indigènes. —Nous les mettrons en fuite ; cela ne sera pas difficile, répondit Fergusson.

—Va comme il est dit, » répliqua le chasseur.

Le soleil était au zénith.

Le Victoria se rapprocha de l'île. Les nègres, appartenant à la tribu de Makado, poussèrent des cris énergiques.

L'un d'eux agitait en l'air son chapeau d'écorce. Kennedy le prit pour point de mire, fit feu, et le chapeau vola en éclats.

Ce fut une déroute générale.

Les indigènes se précipitèrent dans le fleuve et le traversèrent à la nage ; des deux rives, il vint une grêle de balles et une pluie de flèches, mais sans danger pour l'aérostat dont l'ancre avait mordu une fissure de roc. Joe se laissa couler à terre.

« L'échelle ! s'écria le docteur. Suis-moi, Kennedy

—Que veux-tu faire ?

—Descendons ; il me faut un témoin.

—Me voici.

—Joe, fais bonne garde.

—Soyez tranquille, Monsieur, je réponds de tout.

« Viens, Dick !

» dit le docteur en mettant pied à terre.

Il entraîna son compagnon vers un groupe de rochers qui se dressaient à la pointe de l'île ; là, il chercha quelque temps, fureta dans les broussailles, et se mit les mains en sang. Tout d'un coup, il saisit vivement le bras du chasseur. « Regarde, dit-il.

—Des lettres !

» s'écria Kennedy. En effet, deux lettres gravées sur le roc apparaissaient dans toute leur netteté.

On lisait distinctement :

A.

D.

« A. D., reprit le docteur Fergusson !

Andrea Debono ! La signature même du voyageur qui a remonté le plus avant le cours du Nil !

—Voilà qui est irrécusable, ami Samuel.

—Es-tu convaincu maintenant !

—C'est le Nil ! nous n'en pouvons douter. Le docteur regarda une dernière fois ces précieuses initiales, dont il prit exactement la forme et les dimensions.

« Et maintenant, dit-il, au ballon !

—Vite alors, car voici quelques indigènes qui se préparent à repasser le fleuve.

—Peu nous importe maintenant !

Que le vent nous pousse dans le nord pendant quelques heures, nous atteindrons Gondokoro, et nous presserons la main de nos compatriotes ! Dix minutes après, le Victoria s'enlevait majestueusement, pendant que le docteur Fergusson, en signe de succès, déployait le pavillon aux armes d'Angleterre.


CHAPITRE XVIII CHAPTER XVIII CAPÍTULO XVIII

Le Karagwah.—Le lac Ukéréoué.—Une nuit dans une île.—L'Équateur.—Traversée du lac.—Les cascades.—Vue du pays.—Les sources du Nil.—L'île Benga.—La signature d'Andres.—Debono.—Le pavillon aux armes d'Angleterre. Le lendemain dès cinq heures, commençaient les préparatifs du départ.

Joe, avec la hache qu'il avait heureusement retrouvée, brisa les défenses de l'éléphant. Joe, with the ax he had fortunately found, broke the elephant's tusks. Le  Victoria , rendu à la liberté, entraîna les voyageurs vers le nord-est avec une vitesse de dix-huit milles.

Le docteur avait soigneusement relevé sa position par la hauteur des étoiles pendant la soirée précédente. The doctor had carefully noted his position by the height of the stars the previous evening.

Il était par 2° 40' de latitude au-dessous de l'équateur, soit à cent soixante milles géographiques ; il traversa de nombreux villages sans se préoccuper des cris provoqués par son apparition ; il prit note de la conformation des lieux avec des vues sommaires ; il franchit les rampes du Rubemhé, presque aussi roides que les sommets de l'Ousagara, et rencontra plus tard, à Tenga, les premiers ressauts des chaînes de Karagwah, qui, selon lui, dérivent nécessairement des montagnes de la Lune Or, la légende ancienne qui faisait de ces montagnes le berceau du Nil s'approchait de la vérité, puisqu'elles confinent au lac Ukéréoué, réservoir présumé des eaux du grand fleuve. It was at 2 ° 40 'latitude below the equator, or one hundred and sixty geographic miles; he crossed many villages without worrying about the cries provoked by his appearance; he took note of the conformation of the place with summary views; he crossed the ramps of Rubemhé, almost as steep as the summits of the Ousagara, and later met, in Tenga, the first projections of the chains of Karagwah, which, according to him, necessarily derive from the mountains of the Gold Moon, the legend ancient which made of these mountains the cradle of the Nile approached the truth, since they border on the lake Ukéréoué, presumed reservoir of the waters of the great river. De Kafuro, grand district des marchands du pays, il aperçut enfin à l'horizon ce lac tant cherché, que le capitaine Speke entrevit le 3 août 1858. Aus Kafuro, dem großen Handelsviertel des Landes, sah er schließlich am Horizont diesen begehrten See, den Kapitän Speke am 3. August 1858 erblickte. From Kafuro, the country's great merchant district, he finally saw on the horizon this much-sought-after lake, which Captain Speke glimpsed on August 3, 1858. Samuel Fergusson se sentait ému, il touchait presque à l'un des points principaux de son exploration, et, la lunette à l' il, il ne perdait pas un coin de cette contrée mystérieuse que son regard détaillait ainsi : Samuel Fergusson felt touched, he was almost touching one of the main points of his exploration, and, with his glasses in his eye, he did not lose a corner of this mysterious land that his eyes detailed as follows: Au-dessous de lui, une terre généralement effritée ; à peine quelques ravins cultivés ; le terrain, parsemé de cônes d'une altitude moyenne, se faisait plat aux approches du lac ; les champs d'orge remplaçaient les rizières ; là croissaient ce plantain d'où se lire le vin du pays, et le « mwani », plante sauvage qui sert de café. Unter ihm eine allgemein zerfallende Erde; kaum ein paar gepflegte Schluchten; das mit Kegeln auf mittlerer Höhe übersäte Gelände wurde bei der Annäherung an den See flach; Gerstenfelder ersetzten Reisfelder; Dort wuchs diese Kochbanane, aus der der lokale Wein abgelesen werden kann, und der "Mwani", eine Wildpflanze, die als Kaffee dient. Below him, a generally crumbling earth; barely a few cultivated ravines; the terrain, dotted with cones at an average altitude, became flat on the approaches to the lake; barley fields replaced rice fields; there grew this plantain from which the local wine can be read, and the "mwani", a wild plant which serves as coffee. La réunion d'une cinquantaine de huttes circulaires recouvertes d'un chaume en fleurs, constituait la capitale du Karagwah. The meeting of fifty circular huts covered with a flowering stubble, constituted the capital of Karagwah. On apercevait facilement les figures ébahies d'une race assez belle, au teint jaune brun. Man konnte leicht die erstaunten Gestalten einer ziemlich schönen Rasse mit einem gelbbraunen Teint sehen. You could easily see the amazed figures of a fairly beautiful race, with a yellowish brown complexion. Des femmes d'une corpulence invraisemblable se traînaient dans les plantations, et le docteur étonna bien ses compagnons en leur apprenant que cet embonpoint, très apprécié, s'obtenait par un régime obligatoire de lait caillé. Women of incredible build dragged themselves around the plantations, and the doctor surprised his companions very well when they learned that this overweight, much appreciated, was obtained by a compulsory diet of curdled milk. A midi, le  Victoria se trouvait par 1° 45' de latitude australe ; à une heure, le vent le poussait sur le lac. At noon, the Victoria was at 1 ° 45 'southern latitude; at one o'clock the wind pushed it over the lake. Ce lac a été nommé Nyauza [Nyanza signifie lac]  Victoria par le capitaine Speke. This lake was named Nyauza [Nyanza means lake] Victoria by Captain Speke.

En cet endroit, il pouvait mesurer quatre-vingt-dix milles de largeur ; à son extrémité méridionale, le capitaine trouva un groupe d'îles, qu'il nomma archipel du Bengale. In this place, it could be ninety miles wide; at its southern end, the captain found a group of islands, which he named the Bengal archipelago. Il poussa sa reconnaissance jusqu'à Muanza, sur la côte de l'est, où il fut bien reçu par le sultan. Er dankte Muanza an der Ostküste, wo er vom Sultan gut aufgenommen wurde. He extended his gratitude to Muanza, on the east coast, where he was well received by the sultan. Il fit la triangulation de cette partie du lac, mais il ne put se procurer une barque, ni pour le traverser, ni pour visiter la grande île d'Ukéréoué ; cette île, très populeuse, est gouvernée par trois sultans, et ne forme qu'une presqu'île à marée basse. He triangulated this part of the lake, but he could not get a boat, either to cross it or to visit the large island of Ukéréoué; this very populous island is governed by three sultans and forms only a peninsula at low tide. Le  Victoria abordait le lac plus au nord, au grand regret du docteur, qui aurait voulu en déterminer les contours inférieurs. The Victoria approached the lake further north, much to the doctor's regret, who wanted to determine its lower contours.

Les bords, hérissés de boissons épineux et de broussailles enchevêtrées, disparaissaient littéralement sous des myriades de moustiques d'un brun clair ; ce pays devait être inhabitable et inhabité ; on voyait des troupes d'hippopotames se vautrer dans des forêts de roseaux, ou s'enfuir sous les eaux blanchâtres du lac. The edges, bristling with thorny drinks and tangled undergrowth, literally disappeared under myriads of light brown mosquitoes; this country had to be uninhabitable and uninhabited; hippopotamus troops were seen wallowing in reed forests, or fleeing under the whitish waters of the lake. Celui-ci, vu de haut offrait vers l'ouest un horizon si large qu'on eut dit une mer ; la distance est assez grande entre les deux rives pour que des communications ne puissent s'établir ; d'ailleurs les, tempêtes y sont fortes et fréquentes, car les vents font rage dans ce bassin élevé et découvert. The latter, seen from above, offered a horizon so wide to the west that it looked like a sea; the distance is large enough between the two banks so that communications cannot be established; besides, the storms are strong and frequent, because the winds are raging in this high and open basin. Le docteur eut de la peine à se diriger ; il craignait d'être entraîné vers l'est ; mais heureusement un courant le porta directement au nord, et, à six heures du soir, le  Victoria s'établit dans une petite île déserte, par 0° 30' de latitude, et 32° 52' de longitude à vingt milles de la côte. The doctor found it difficult to navigate; he feared being drawn east; but fortunately a current carried it directly to the north, and, at six o'clock in the evening, the Victoria established itself in a small desert island, at 0 ° 30 'latitude, and 32 ° 52' longitude twenty miles from the coast . Les voyageurs purent s'accrocher à un arbre, et, le vent s'étant calmé vers le soir, ils demeurèrent tranquillement sur leur ancre. The travelers were able to hang on to a tree, and, the wind having subsided towards evening, they remained calmly on their anchor. On ne pouvait songer à prendre terre ; ici, comme sur les bords du Nyanza, des légions de moustiques couvraient le sol d'un nuage épais Joe même revint de l'arbre couvert de piqûres ; mais il ne se fâcha pas, tant il trouvait cela naturel de la part des moustiques. One could not think of taking ground; here, as on the banks of the Nyanza, legions of mosquitoes covered the ground with a thick cloud Joe even returned from the tree covered with bites; but he did not get angry, so natural did he find it from mosquitoes. Néanmoins, le docteur, moins optimiste ; fila le plus de corde qu'il put, afin d'échapper à ces impitoyables insectes qui s'élevaient avec un murmure inquiétant. Nevertheless, the doctor, less optimistic; spun as much rope as he could, in order to escape these pitiless insects which rose with a disturbing murmur. Le docteur reconnut la hauteur du lac au-dessus du niveau de la mer, telle que l'avait déterminée le capitaine Speke, soit trois mille sept cent cinquante pieds. The doctor recognized the height of the lake above sea level, as determined by Captain Speke, three thousand seven hundred and fifty feet. « Nous voici donc dans une île ! "So here we are on an island!"

dit Joe, qui se grattait à se rompre les poignets. said Joe, scratching his wrists.

—Nous en aurions vite fait le tour, répondit le chasseur, et, sauf ces aimables insectes, on n'y aperçoit pas un être vivant. "We would have quickly gone around," replied the hunter, "and, except for these amiable insects, we do not see a living being there." —-Les îles dont le lac est parsemé, répondit le docteur Fergusson, ne sont, à vrai dire, que des sommets de collines immergées ; mais nous sommes heureux d'y avoir rencontré un abri, car les rives du lac sont habitées par des tribus féroces. "The islands with which the lake is strewn," replied Doctor Fergusson, "are, in truth, only summits of submerged hills; but we are happy to have met a shelter there, because the shores of the lake are inhabited by fierce tribes. Dormez donc, puisque le ciel nous prépare une nuit tranquille. Sleep therefore, since the sky prepares us for a quiet night.

—Est-ce que tu n'en feras pas autant, Samuel ? "Aren't you going to do the same, Samuel?" —Non ; je ne pourrais fermer l' il. -No ; I could not close it. Mes pensées chasseraient tout sommeil. My thoughts would drive away all sleep. Demain, mes amis, si le vent est favorable, nous marcherons droit au nord, et nous découvrirons peut-être les sources du Nil, ce secret demeuré impénétrable. Tomorrow, my friends, if the wind is favorable, we will walk straight north, and we may discover the sources of the Nile, this secret which remains impenetrable. Si prés des sources du grand fleuve, je ne saurais dormir. If near the sources of the great river, I cannot sleep. Kennedy et Joe, que les préoccupations scientifiques ne troublaient pas à ce point, ne tardèrent pas à s'endormir profondément sous la garde du docteur. Kennedy and Joe, who were not so troubled by scientific concerns, soon fell asleep deeply under the care of the doctor. Le mercredi 23 avril, le  Victoria appareillait à quatre heures du matin par un ciel grisâtre ; la nuit quittait difficilement les eaux du lac, qu'un épais brouillard enveloppait, mais bientôt un vent violent dissipa toute cette brume. On Wednesday, April 23, the Victoria set sail at four in the morning with a grayish sky; the night hardly left the waters of the lake, which a thick fog enveloped, but soon a violent wind dissipated all this mist. Le  Victoria fut balancé pendant quelques minutes en sens divers et enfin remonta directement vers le nord. The Victoria was swung for several minutes in various directions and finally went straight up to the north.

Le docteur Fergusson frappa des mains avec joie. Doctor Fergusson clapped his hands with joy.

« Nous sommes en bon chemin ! "We are on the right track!"

s'écria-t-il. if he cried. Aujourd'hui ou jamais nous verrons le Nil ! Today or never we will see the Nile! Mes amis, voici que nous franchissons l'Équateur ! My friends, here we are crossing Ecuador! nous entrons dans notre hémisphère ! we are entering our hemisphere!

—Oh !

fit Joe ; vous pensez, mon maître, que 1 équateur passe par ici ? said Joe; you think, my master, that 1 equator goes through here?

—Ici même mon brave garçon ! "Here even my good boy!"

—Eh bien !

sauf votre respect, il me paraît convenable de l'arroser sans perdre de temps. with all due respect, it seems appropriate to water it without wasting time. —Va pour un verre de grog ! “Go for a glass of grog!

répondit le docteur en riant ; tu as une manière d'entendre la cosmographie qui n'est point sotte. replied the doctor, laughing; you have a way of hearing the cosmography which is not stupid. Et voilà comment fut célébré le passage de la ligne à bord du  Victoria . And this is how the passage of the line on the Victoria was celebrated.

Celui-ci filait rapidement. It was spinning quickly.

On apercevait dans l'ouest la côte basse et peu accidentée ; au fond, les plateaux plus élevés de l'Uganda et de l'Usoga. We saw in the west the low and little rugged coast; in the background, the higher plateaus of Uganda and Usoga. La vitesse du vent devenait excessive : près de trente milles à l'heure. The wind speed was becoming excessive: almost thirty miles an hour. Les eaux du Nyanza, soulevées avec violence, écumaient comme les vagues d'une mer. The waters of the Nyanza, raised violently, foamed like the waves of a sea. A certaines lames de fond qui se balançaient 1ongtemps après les accalmies, le docteur reconnut que le lac devait avoir une grande profondeur A peine une ou deux barques grossières furent-elles entrevues pendant cette rapide traversée. At certain bottom slats which swayed a long time after the lulls, the doctor recognized that the lake must have a great depth. Barely one or two coarse boats were glimpsed during this rapid crossing.

« Le lac, dit le docteur, est évidemment, par sa position élevée, le réservoir naturel des fleuves de la partie orientale d'Afrique ; le ciel lui rend en pluie ce qu'il enlève en vapeurs à ses effluents Il me paraît certain que le Nil doit y prendre sa source. "The lake," said the doctor, "is evidently, by its elevated position, the natural reservoir of rivers in the eastern part of Africa; the sky returns to it in rain what it removes in vapors from its effluents It seems certain to me that the Nile must take its source there. —Nous verrons bien, » répliqua Kennedy.

Vers neuf heures, la côte de l'ouest se rapprocha ; elle paraissait déserte et boisée. Around nine o'clock, the west coast approached; it looked deserted and wooded. Le vent s'éleva un peu vers l'est, et l'on put entrevoir l'autre rive du lac. The wind rose a little to the east, and you could see the other side of the lake. Elle se courbait de manière à se terminer par un angle très ouvert, vers 2°40' de latitude septentrionale. It curved so as to end in a very open angle, around 2 ° 40 'north latitude. De hautes montagnes dressaient leurs pics arides à cette extrémité du Nyanza ; mais entre elles une gorge profonde et sinueuse livrait passage à une rivière bouillonnante. High mountains raised their arid peaks at this end of the Nyanza; but between them a deep and sinuous gorge gave way to a bubbling river.

Tout en man uvrant son aérostat, le docteur Fergusson examinait le pays d'un regard avide. While maneuvering his aerostat, Doctor Fergusson looked eagerly at the country. « Voyez !

s'écria-t-il, voyez, mes amis ! les récits des Arabes étaient exacts ! the accounts of the Arabs were correct! Ils parlaient d'un fleuve par lequel le lac Ukéréoué se déchargeait vers le nord, et ce fleuve existe, et nous le descendons, et il coule avec une rapidité comparable à notre propre vitesse ! They were talking about a river through which the Ukéréoué lake discharged towards the north, and this river exists, and we descend it, and it flows with a speed comparable to our own speed! Et cette goutte d'eau qui s'enfuit sous nos pieds va certainement se confondre avec les flots de la Méditerranée ! And this drop of water which flees under our feet will certainly merge with the waves of the Mediterranean! C'est le Nil ! —C'est le Nil ! répéta Kennedy, qui se laissait prendre à l'enthousiasme de Samuel Fergusson. repeated Kennedy, who let himself be taken in by Samuel Fergusson's enthusiasm. —Vive le Nil !

dit Joe, qui s'écriait volontiers vive quelque chose quand il était en joie. said Joe, who cried out gladly something when he was in joy. Des rochers énormes embarrassaient çà et là le cours de cette mystérieuse rivière. Huge rocks hindered here and there the course of this mysterious river.

L'eau écumait ; il se faisait des rapides et des cataractes qui confirmaient le docteur dans ses prévisions. The water was foaming; he was making rapids and cataracts which confirmed the doctor in his forecasts. Des montagnes environnantes se déversaient de nombreux torrents, écumants dans leur chute ; l'il les comptait par centaines. Numerous torrents poured out from the surrounding mountains, foaming in their fall; he counted them by the hundreds. On voyait sourdre du sol de minces filets d'eau éparpillés, se croisant, se confondant, luttant de vitesse, et tous couraient à cette rivière naissante, qui se faisait fleuve après les avoir absorbés. You could see thin streams of water scattered from the ground, intersecting, merging, struggling at speed, and all were running at this nascent river, which became river after having absorbed them. « Voilà bien le Nil, répéta le docteur avec conviction. "This is the Nile," repeated the doctor with conviction.

L'origine de son nom a passionné les savants comme l'origine de ses eaux ; on l'a fait venir du grec, du copte, du sanscrit [Un savant byzantin voyait dans Neilos un nom arithmétique. The origin of its name fascinated scholars as well as the origin of its waters; they brought it from Greek, Coptic, Sanskrit [A Byzantine scholar saw in Neilos an arithmetic name. N représentait 50, E 5, I 10, l'30, O 70, S 200 : ce qui fait le nombre des jours de l'année] ; peu importe, après tout, puisqu'il a dû livrer enfin le secret de ses sources ! N represented 50, E 5, I 10, the 30, O 70, S 200: which makes the number of days in the year]; it doesn't matter, after all, since he had to finally reveal the secret of his sources! —Mais, dit le chasseur, comment s'assurer de l'identité de cette rivière et de celle que les voyageurs du nord ont reconnue ! "But," said the hunter, "how can we be sure of the identity of this river and that which the travelers of the north have recognized! —Nous aurons des preuves certaines, irrécusables, infaillibles, répondit Fergusson, si le vent nous favorise une heure encore. "We will have certain, irrefutable, infallible proofs," replied Fergusson, "if the wind favors us for an hour more."

Les montagnes se séparaient, faisant place à des villages nombreux, à des champs cultivés de sésame, de dourrah, de cannes à sucre. The mountains separated, making way for numerous villages, cultivated fields of sesame, dourrah, sugar cane.

Les tribus de ces contrées se montraient agitées, hostiles ; elles semblaient plus près de la colère que de l'adoration ; elles pressentaient des étrangers, et non des dieux. The tribes of these regions were agitated, hostile; they seemed closer to anger than worship; they sensed strangers, not gods. Il semblait qu'en remontant aux sources du Nil on vint leur voler quelque chose Le  Victoria dut se tenir hors de la portée des mousquets. It seemed that when going back to the sources of the Nile they came to steal something from them. The Victoria had to keep out of the reach of muskets. Aborder ici sera difficile, dit l'Ecossais. Approaching here will be difficult, says the Scot. —Eh bien !

répliqua Joe, tant pis pour ces indigènes ; nous les priverons du charme de notre conversation. replied Joe, too bad for these natives; we will deprive them of the charm of our conversation.

—Il faut pourtant que je descende, répondit le docteur Fergusson, ne fût-ce qu'un quart d'heure. "I must go down, however," replied Doctor Fergusson, "even for a quarter of an hour." Sans cela, je ne puis constater les résultats de notre exploration. Without this, I cannot see the results of our exploration.

—C'est donc indispensable, Samuel ? —Indispensable, et nous descendrons, quand même nous devrions faire le coup de fusil !

—La chose me va, répondit Kennedy en caressant sa carabine. "The thing is fine with me," replied Kennedy, stroking his rifle.

—Quand vous voudrez, mon maître, dit Joe en se préparant au combat.

Ce ne sera pas la première fois, répondit le docteur, que l'on aura fait de la science les armes à la main ; pareille chose est arrivée à un savant français, dans les montagnes d'Espagne, quand il mesurait le méridien terrestre. —Sois tranquille, Samuel, et fie-toi à tes deux gardés du corps.

—Y sommes-nous, Monsieur ? “Are we there, sir?

—Pas encore.

Nous allons même nous élever pour saisir la configuration exacte du pays. We will even climb up to capture the exact configuration of the country. L'hydrogène se dilata, et, en moins de dix minutes, le  Victoria planait à une hauteur de deux mille cinq cents pieds au-dessus du sol. On distinguait de là un inextricable réseau de rivières que le fleuve recevait dans son lit ; il en venait davantage de l'ouest, entre les collines nombreuses, au milieu de campagnes fertiles. One could see from there an inextricable network of rivers which the river received in its bed; it came more from the west, between the numerous hills, in the middle of fertile countryside. « Nous ne sommes pas à quatre-vingt-dix milles de Gondokoro, dit le docteur en pointant sa tête, et à moins de cinq milles du point atteint par les explorateurs venus du nord. "We are not ninety miles from Gondokoro," said the doctor, pointing his head, "and less than five miles from the point reached by explorers from the north.

Rapprochons-nous de terre avec précaution. Le  Victoria s'abaissa de plus de deux mille pieds. The Victoria sank more than two thousand feet. « Maintenant, mes amis, soyez prêts à tout hasard.

—Nous sommes prêts, répondirent Dick et Joe.

- -Bien !

Le  Victoria marcha bientôt en suivant le lit du fleuve, et à cent pied peine.

Le Nil mesurait cinquante toises en cet endroit, et les indigène s'agitaient tumultueusement dans les villages qui bordaient ses rives. Au deuxième degré, il forme une cascade à pic de dix pieds de hauteur environ, et par conséquent infranchissable. In the second degree, it forms a steep waterfall about ten feet high, and therefore impassable.

« Voilà bien la cascade indiquée par M. Debono, » s'écria le docteur. Le bassin du fleuve s'élargissait, parsemé d'îles nombreuses que Samuel Fergusson dévorait du regard ; il semblait chercher un point de repère qu'il n'apercevait pas encore. The river basin widened, dotted with numerous islands that Samuel Fergusson devoured with his gaze; he seemed to be looking for a landmark he did not yet see. Quelques nègres s'étant avancés dans une barque au-dessous du ballon, Kennedy les salua d'un coup de fusil, qui, sans les atteindre, les obligea à regagner la rive au plus vite. Some negroes came forward in a boat below the balloon, and Kennedy saluted them with a rifle shot, which, without hitting them, forced them to return to shore as quickly as possible. « Bon voyage !

leur souhaita Joe ; à leur place, je ne me hasardera pas à revenir ! Joe wished them; in their place, I will not venture to return! j'aurais singulièrement peur d'un monstre qui lance la foudre à volonté. I would be singularly afraid of a monster which unleashes lightning at will. Mais voici que le docteur Fergusson saisit soudain sa lunette et la braqua vers une île couchée au milieu du fleuve.

Quatre arbres!

s'écria-t-il ; voyez, là-bas ! En effet, quatre arbres isolés s'élevaient à son extrémité. C'est l'île de Benga ! c'est bien elle ! ajouta-t-il.

—Eh bien, après ?

demanda Dick.

—C'est là que nous descendrons, s'il plaît à Dieu ! —Mais elle paraît habitée, Monsieur Samuel !

—Joe a raison ; si je ne me trompe, voilà un rassemblement d'une vingtaine d'indigènes. —Nous les mettrons en fuite ; cela ne sera pas difficile, répondit Fergusson.

—Va comme il est dit, » répliqua le chasseur.

Le soleil était au zénith.

Le  Victoria se rapprocha de l'île. Les nègres, appartenant à la tribu de Makado, poussèrent des cris énergiques.

L'un d'eux agitait en l'air son chapeau d'écorce. Kennedy le prit pour point de mire, fit feu, et le chapeau vola en éclats.

Ce fut une déroute générale.

Les indigènes se précipitèrent dans le fleuve et le traversèrent à la nage ; des deux rives, il vint une grêle de balles et une pluie de flèches, mais sans danger pour l'aérostat dont l'ancre avait mordu une fissure de roc. Joe se laissa couler à terre.

« L'échelle ! s'écria le docteur. Suis-moi, Kennedy

—Que veux-tu faire ?

—Descendons ; il me faut un témoin.

—Me voici.

—Joe, fais bonne garde.

—Soyez tranquille, Monsieur, je réponds de tout.

« Viens, Dick !

» dit le docteur en mettant pied à terre.

Il entraîna son compagnon vers un groupe de rochers qui se dressaient à la pointe de l'île ; là, il chercha quelque temps, fureta dans les broussailles, et se mit les mains en sang. Tout d'un coup, il saisit vivement le bras du chasseur. « Regarde, dit-il.

—Des lettres !

» s'écria Kennedy. En effet, deux lettres gravées sur le roc apparaissaient dans toute leur netteté.

On lisait distinctement :

A.

D.

« A. D., reprit le docteur Fergusson !

Andrea Debono ! La signature même du voyageur qui a remonté le plus avant le cours du Nil !

—Voilà qui est irrécusable, ami Samuel.

—Es-tu convaincu maintenant !

—C'est le Nil ! nous n'en pouvons douter. Le docteur regarda une dernière fois ces précieuses initiales, dont il prit exactement la forme et les dimensions.

« Et maintenant, dit-il, au ballon !

—Vite alors, car voici quelques indigènes qui se préparent à repasser le fleuve.

—Peu nous importe maintenant !

Que le vent nous pousse dans le nord pendant quelques heures, nous atteindrons Gondokoro, et nous presserons la main de nos compatriotes ! Dix minutes après, le  Victoria s'enlevait majestueusement, pendant que le docteur Fergusson, en signe de succès, déployait le pavillon aux armes d'Angleterre.