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Cinq semaines en ballon de Jules Verne, CHAPITRE XI

CHAPITRE XI

Arrivée à Zanzibar,—Le consul anglais.—Mauvaises dispositions des habitants.

—L'île Koumbeni.—Les faiseurs de pluie —Gonflement du ballon.—Départ du 18 avril.— Dernier adieu.—Le Victoria.

Un vent constamment favorable avait hâté la marche du Resolute vers le lieu de sa destination.

La navigation du canal de Mozambique fut particulièrement paisible. La traversée maritime faisait bien augurer de la traversée aérienne Chacun aspirait au moment de l'arrivée, et voulait mettre la dernière main aux préparatifs du docteur Fergusson.

Enfin le bâtiment vint en vue de la ville de Zanzibar, située sur l'île du même nom, et le 15 avril, à onze heures du matin, l'laissa tomber l'ancre dans le port

L'île de Zanzibar appartient à l'imam de Mascate, allié de la France et de l'Angleterre, et c'est à coup sûr sa plus belle colonie.

Le port reçoit un grand nombre de navires des contrées avoisinantes.

L'île n'est séparée de la côte africaine que par un canal dont la plus grande largeur n'excède pas trente milles [Douze lieues et demie].

Elle fait un grand commerce de gomme, d'ivoire, et surtout d'ébène, car Zanzibar est le grand marché d'esclaves.

Là vient se concentrer tout ce butin conquis dans les batailles que les chefs de l'intérieur se livrent incessamment. Ce trafic s'étend aussi sur toute la côte orientale, et jusque sous les latitudes du Nil, et M G. Lejean y a vu faire ouvertement la traite sous pavillon français. Dès l'arrivée du Resolute , le consul anglais de Zanzibar vint à bord se mettre à la disposition du docteur, des projets duquel, depuis un mois, les journaux d'Europe l'avaient tenu au courant. Mais jusque-là il faisait partie de la nombreuse phalange des incrédules.

« Je doutais, dit-il en tendant la main à Samuel Fergusson, mais maintenant je ne doute plus.

» Il offrit sa propre maison au docteur, à Dick Kennedy, et naturellement au brave Joe. Par ses soins, le docteur prit connaissance de diverses lettres qu'il avait reçues du capitaine Speke.

Le capitaine et ses compagnons avaient eu à souffrir terriblement de la faim et du mauvais temps avant d'atteindre le pays d'Ugogo ; ils ne s'avançaient qu'avec une extrême difficulté et ne pensaient plus pouvoir donner promptement de leurs nouvelles.

« Voilà des périls et des privations que nous saurons éviter, » dit le docteur.

Les bagages des trois voyageurs furent transportés à la maison du consul.

On se disposait à débarquer le ballon sur la plage de Zanzibar ; il y avait près du mât des signaux un emplacement favorable, auprès d'uneénorme construction qui l'eut abrité des vents d'est. Cette grosse tour, semblable à un tonneau dressé sur sa base, et près duquel la tonne d'Heidelberg n'eut été qu'un simple baril, servait de fort, et sur sa plate-forme veillaient des Beloutchis armés de lances, sorte de garnisaires fainéants et braillards.

Mais, lors du débarquement de l'aérostat, le consul fut averti que la population de l'île s'y opposerait par la force.

Rien de plus aveugle que les passions fanatisées. La nouvelle de l'arrivée d'un chrétien qui devait s'enlever dans les airs fut reçue avec irritation ; les nègres, plus émus que les Arabes, virent dans ce projet des intentions hostiles à leur religion ; ils se. figuraient qu'on en voulait au soleil et à la lune. Or, ces deux astres sont un objet de vénération pour les peuplades africaines. On résolut donc de s'opposer à cette expédition sacrilège.

Le consul, instruit de ces dispositions, en conféra avec le docteur Fergusson et le commandant Pennet.

Celui-ci ne voulait pas reculer devant des menaces ; mais son ami lui fit entendre raison à ce sujet.

« Nous finirons certainement par l'emporter lui dit-il ; les garnisaires mêmes de l'iman nous prêteraient main-forte ; au besoin ; mais, mon cher commandant, un accident est vite arrivé ; il suffirait d'un mauvais coup pour causer au ballon un accident irréparable, et le voyage serait compromis sans remise ; il faut donc agir avec de grandes précautions.

—Mais que faire ?

Si nous débarquons sur la côte d'Afrique, nous rencontrerons les mêmes difficultés ! Que faire ?

—Rien n'est plus simple, répondit.

le consul. Voyez ces îles situées au delà du port ; débarquez votre aérostat dans l'une d'elles, entourez-vous d'une ceinture de matelots, et vous n'aurez aucun risque à courir :

—Parfait, dit le docteur, et nous serons à notre aise pour achever nos préparatifs.

Le commandant se rendit à ce conseil.

Le Resolute s'approcha de l'île de Koumbeni. Pendant la matinée du 16 avril, le ballon fut mis en sûreté au milieu d'une clairière, entre les grands bois dont le sol est hérissé.

On dressa deux mats hauts de quatre-vingts pieds et placés à une pareille distance l'un de l'autre ; un jeu de poulies fixées à leur extrémité permit d'enlever l'aérostat au moyen d'un câble transversal ; il était alors entièrement dégonflé.

Le ballon intérieur se trouvait rattaché au sommet du ballon extérieur de manière à être soulevé comme lui.

C'est à l'appendice inférieur de chaque ballon que furent fixés les deux tuyaux d'introduction de l'hydrogène.

La journée du 17 se passa à disposer l'appareil destiné à produire le gaz ; i1 se composait de trente tonneaux, dans lesquels la décomposition de l'eau se faisait au moyen de ferraille et d'acide sulfurique mis en présence dans une grande quantité d'eau.

L'hydrogène se rendait dans une vaste tonne centrale après avoir été lavé à son passage, et de là il passait dans chaque aérostat par les tuyaux d'introduction. De cette façon, chacun d'eux se remplissait d'une quantité de gaz parfaitement déterminée.

Il fallut employer, pour cette opération, dix-huit cent soixante-six gallons [Trois mille deux cent cinquante litres] d'acide sulfurique, seize mille cinquante livres de fer [Plus de huit tonnes de fer] et neuf cent soixante-six gallons d'eau [Prés de quarante et un mille deux cent cinquante litres].

Cette opération commença dans la nuit suivante, vers trois heures du matin ; elle dura près de huit heures.

Le lendemain, l'aérostat, recouvert de son filet, se balançait gracieusement au-dessus de-là nacelle, retenu par un grand nombre de sacs de terre. L'appareil de dilatation fut monté avec un grand soin, et les tuyaux sortant de l'aérostat furent adaptés à la boîte cylindrique.

Les ancres, les cordes, les instruments, les couvertures de voyage, la tente, les vivres, les armes, durent prendre dans la nacelle la place qui leur était assignée ; la provision d'eau fut faite à Zanzibar.

Les deux cents livres de lest furent réparties dans cinquante sacs placés au fond de la nacelle, mais cependant à portée de la main.

Ces préparatifs se terminaient vers cinq heures du soir ; des sentinelles veillaient sans cesse autour de l'île, et les embarcations du Resolute sillonnaient le canal.

Les nègres continuaient à manifester leur colère par des cris, des grimaces et des contorsions.

Les sorciers parcouraient les groupes irrités, en soufflant sur toute cette irritation ; quelques fanatiques essayèrent de gagner l'île à la nage, mais on les éloigna facilement.

Alors les sortilèges et les incantations commencèrent ; les faiseurs de pluie, qui prétendent commander aux nuages, appelèrent les ouragans et les « averses de pierres [Nom que les Nègres donnent à la grêle] » à leur secours ; pour cela, ils cueillirent des feuilles de tous les arbres différents du pays ; ils les firent bouillir à petit feu, pendant que l'on tuait un mouton en lui enfonçant une longue aiguille dans le coeur.

Mais, en dépit de leurs cérémonies, le ciel demeura pur, et ils en furent pour leur mouton et leurs grimaces.

Les nègres se livrèrent alors à de furieuses orgies, s'enivrant du « tembo,» liqueur ardente tirée du cocotier, ou d'une bière extrêmement capiteuse appelée « togwa.

» Leurs chants, sans mélodie appréciable, mais dont le rythme est très juste, se poursuivirent fort avant dans la nuit.

Vers six heures du soir un dernier dîner réunit les voyageurs à la table du commandant et de ses officiers.

Kennedy, que personne n'interrogeait plus, murmurait tout bas des paroles insaisissables ; il ne quittait pas des yeux le docteur Fergusson.

Ce repas d'ailleurs fut triste.

L'approche du moment suprême inspirait à tous de pénibles réflexions. Que réservait la destinée à ces hardis voyageurs ? Se retrouveraient-ils jamais au milieu de leurs amis, assis au foyer domestique ? Si les moyens de transport venaient à manquer, que devenir au sein de peuplades féroces, dans ces contrées inexplorées, au milieu de déserts immenses ?

Ces idées, éparses jusque-là, et auxquelles on s'attachait peu, assiégeaient alors les imaginations surexcitées ; Le docteur Fergusson, toujours froid, toujours impassible, causa de choses et d'autres ; mais en vain chercha-t-il à dissiper cette tristesse communicative ; il ne put y parvenir.

Comme on craignait quelques démonstrations contre la personne du docteur et de ses compagnons, ils couchèrent tous les trois à bord du Resolute .

A six heures du matin, ils quittaient leur cabine et se rendaient à l'île de Koumbeni.

Le ballon se balançait légèrement au souffle du vent de l'est.

Les sacs de terre qui le retenaient avaient été remplacés par vingt matelots. Le commandant Pennet et ses officiers assistaient à ce départ solennel.

En ce moment, Kennedy alla droit au docteur, lui prit la main et dit :

« Il est bien décidé, Samuel, que tu pars ?

Cela est très décidé, mon cher Dick.

—j'ai bien fait tout ce qui dépendait de moi pour empêcher ce voyage ?

—'Tout.

—-Alors j'ai la conscience tranquille à cet égard, et je t'accompagne.

—J'en étais sûr, » répondit le docteur, en laissant voir sur ses traits une rapide émotion.

L'instant des derniers adieux arrivait.

Le commandant et ses officiers embrassèrent avec effusion leurs intrépides amis, sans en excepter le digne Joe, fier et joyeux. Chacun des assistants voulut prendre sa part des poignées de main du docteur Fergusson.

A neuf heures, les trois compagnons de route prirent place dans la nacelle : le docteur alluma son chalumeau et poussa la flamme de manière à produire une chaleur rapide.

Le ballon, qui se maintenait à terre en parfait équilibre, commença à se soulever au bout de quelques minutes. Les matelots durent filer un peu des cordes qui le retenaient. La nacelle s'éleva d'une vingtaine de pieds.

« Mes amis, s'écria le docteur debout entre ses deux compagnons et ôtant son chapeau, donnons à notre navire aérien un nom qui lui porte bonheur !

qu'il soit baptisé le Victoria ! » Un hourra formidable retentit : «Vive la reine !

Vive l'Angleterre !»

En ce moment, la force ascensionnelle de l'aérostat s'accroissait prodigieusement.

Fergusson, Kennedy et Joe lancèrent un dernier adieu à leur amis.

« Lâchez tout !

s'écria le docteur. » Et le Victoria s'éleva rapidement dans les airs, tandis que les quatre caronades du Resolute tonnaient en son honneur.

CHAPITRE XI CHAPTER XI CAPÍTULO XI CAPÍTULO XI

Arrivée à Zanzibar,—Le consul anglais.—Mauvaises dispositions des habitants. Arrival in Zanzibar, —The English consul. — Poor disposition of the inhabitants.

—L'île Koumbeni.—Les faiseurs de pluie —Gonflement du ballon.—Départ du 18 avril.— Dernier adieu.—Le Victoria.

Un vent constamment favorable avait hâté la marche du  Resolute vers le lieu de sa destination. A constantly favorable wind had hastened the march from the Resolute to the place of its destination.

La navigation du canal de Mozambique fut particulièrement paisible. The navigation of the Mozambique Channel was particularly peaceful. La traversée maritime faisait bien augurer de la traversée aérienne Chacun aspirait au moment de l'arrivée, et voulait mettre la dernière main aux préparatifs du docteur Fergusson. The sea crossing augured well for the air crossing Everyone aspired at the time of arrival, and wanted to finalize the preparations of Doctor Fergusson.

Enfin le bâtiment vint en vue de la ville de Zanzibar, située sur l'île du même nom, et le 15 avril, à onze heures du matin, l'laissa tomber l'ancre dans le port Finally the building came within sight of the city of Zanzibar, located on the island of the same name, and on April 15, at eleven o'clock in the morning, dropped it anchor in the port

L'île de Zanzibar appartient à l'imam de Mascate, allié de la France et de l'Angleterre, et c'est à coup sûr sa plus belle colonie. The island of Zanzibar belongs to the imam of Muscat, an ally of France and England, and it is undoubtedly his most beautiful colony.

Le port reçoit un grand nombre de navires des contrées avoisinantes. The port receives a large number of ships from neighboring countries.

L'île n'est séparée de la côte africaine que par un canal dont la plus grande largeur n'excède pas trente milles [Douze lieues et demie]. The island is only separated from the African coast by a canal whose greatest width does not exceed thirty miles [Twelve and a half leagues].

Elle fait un grand commerce de gomme, d'ivoire, et surtout d'ébène, car Zanzibar est le grand marché d'esclaves. She trades extensively in gum, ivory, and especially ebony, because Zanzibar is the big slave market.

Là vient se concentrer tout ce butin conquis dans les batailles que les chefs de l'intérieur se livrent incessamment. There comes to concentrate all this booty conquered in the battles that the chiefs of the interior wage themselves incessantly. Ce trafic s'étend aussi sur toute la côte orientale, et jusque sous les latitudes du Nil, et M G. Lejean y a vu faire ouvertement la traite sous pavillon français. This traffic also extends over the entire eastern coast, and even under the latitudes of the Nile, and Mr. G. Lejean has seen it openly trafficked under the French flag. Dès l'arrivée du  Resolute , le consul anglais de Zanzibar vint à bord se mettre à la disposition du docteur, des projets duquel, depuis un mois, les journaux d'Europe l'avaient tenu au courant. As soon as the Resolute arrived, the English consul from Zanzibar came on board to place himself at the disposal of the doctor, projects of which, for a month, European newspapers had kept him informed. Mais jusque-là il faisait partie de la nombreuse phalange des incrédules. But until then he was part of the numerous phalanx of unbelievers.

« Je doutais, dit-il en tendant la main à Samuel Fergusson, mais maintenant je ne doute plus. “I doubted, he said, holding out his hand to Samuel Fergusson, but now I no longer doubt.

» Il offrit sa propre maison au docteur, à Dick Kennedy, et naturellement au brave Joe. Par ses soins, le docteur prit connaissance de diverses lettres qu'il avait reçues du capitaine Speke. Through her care, the doctor became acquainted with various letters which he had received from Captain Speke.

Le capitaine et ses compagnons avaient eu à souffrir terriblement de la faim et du mauvais temps avant d'atteindre le pays d'Ugogo ; ils ne s'avançaient qu'avec une extrême difficulté et ne pensaient plus pouvoir donner promptement de leurs nouvelles. The captain and his companions had suffered terribly from hunger and bad weather before reaching the country of Ugogo; they advanced only with extreme difficulty and no longer thought they could give their news promptly.

« Voilà des périls et des privations que nous saurons éviter, » dit le docteur. “Here are dangers and privations that we will know how to avoid,” said the doctor.

Les bagages des trois voyageurs furent transportés à la maison du consul.

On se disposait à débarquer le ballon sur la plage de Zanzibar ; il y avait près du mât des signaux un emplacement favorable, auprès d'uneénorme construction qui l'eut abrité des vents d'est. We were getting ready to land the ball on the beach of Zanzibar; there was a favorable location near the signal mast, next to a huge structure which sheltered it from the east winds. Cette grosse tour, semblable à un tonneau dressé sur sa base, et près duquel la tonne d'Heidelberg n'eut été qu'un simple baril, servait de fort, et sur sa plate-forme veillaient des Beloutchis armés de lances, sorte de garnisaires fainéants et braillards. This large tower, similar to a barrel erected on its base, and near which the Heidelberg ton was only a simple barrel, served as a fort, and on its platform watched Beloutchis armed with spears, a sort of lazy and shouting garrisoners.

Mais, lors du débarquement de l'aérostat, le consul fut averti que la population de l'île s'y opposerait par la force. But, when the balloon landed, the consul was warned that the population of the island would oppose it by force.

Rien de plus aveugle que les passions fanatisées. Nothing is more blind than fanatic passions. La nouvelle de l'arrivée d'un chrétien qui devait s'enlever dans les airs fut reçue avec irritation ; les nègres, plus émus que les Arabes, virent dans ce projet des intentions hostiles à leur religion ; ils se. The news of the arrival of a Christian who was to take flight was received with irritation; the negroes, more moved than the Arabs, saw in this project intentions hostile to their religion; they. figuraient qu'on en voulait au soleil et à la lune. figured that we wanted it in the sun and the moon. Or, ces deux astres sont un objet de vénération pour les peuplades africaines. However, these two stars are an object of veneration for African peoples. On résolut donc de s'opposer à cette expédition sacrilège. It was therefore resolved to oppose this sacrilegious expedition.

Le consul, instruit de ces dispositions, en conféra avec le docteur Fergusson et le commandant Pennet. The consul, informed of these provisions, conferred with Doctor Fergusson and Major Pennet.

Celui-ci ne voulait pas reculer devant des menaces ; mais son ami lui fit entendre raison à ce sujet. The latter did not want to back down from threats; but his friend made him hear reason about it.

« Nous finirons certainement par l'emporter lui dit-il ; les garnisaires mêmes de l'iman nous prêteraient main-forte ; au besoin ; mais, mon cher commandant, un accident est vite arrivé ; il suffirait d'un mauvais coup pour causer au ballon un accident irréparable, et le voyage serait compromis sans remise ; il faut donc agir avec de grandes précautions. "We will certainly prevail," he said to him; the iman's own garrisoners would lend us a hand; if needed ; but, my dear commander, an accident quickly happened; it would be enough of a bad blow to cause the balloon an irreparable accident, and the journey would be compromised without replacement; great care must therefore be taken.

—Mais que faire ? -But what to do ?

Si nous débarquons sur la côte d'Afrique, nous rencontrerons les mêmes difficultés ! If we land on the African coast, we will encounter the same difficulties! Que faire ? What to do ?

—Rien n'est plus simple, répondit. "Nothing is more simple," replied.

le consul. the consul. Voyez ces îles situées au delà du port ; débarquez votre aérostat dans l'une d'elles, entourez-vous d'une ceinture de matelots, et vous n'aurez aucun risque à courir : See these islands located beyond the port; disembark your aerostat in one of them, surround yourself with a seaman's belt, and you will have no risk to run:

—Parfait, dit le docteur, et nous serons à notre aise pour achever nos préparatifs. “Perfect,” said the doctor, “and we will be at ease to complete our preparations.

Le commandant se rendit à ce conseil. The commander went to this council.

Le  Resolute s'approcha de l'île de Koumbeni. The Resolute approached the island of Koumbeni. Pendant la matinée du 16 avril, le ballon fut mis en sûreté au milieu d'une clairière, entre les grands bois dont le sol est hérissé. During the morning of April 16, the balloon was put in safety in the middle of a clearing, between the large woods of which the ground is bristling.

On dressa deux mats hauts de quatre-vingts pieds et placés à une pareille distance l'un de l'autre ; un jeu de poulies fixées à leur extrémité permit d'enlever l'aérostat au moyen d'un câble transversal ; il était alors entièrement dégonflé. Two masts were raised eighty feet high and placed at such a distance from each other; a set of pulleys fixed at their ends made it possible to remove the aerostat by means of a transverse cable; he was then completely deflated.

Le ballon intérieur se trouvait rattaché au sommet du ballon extérieur de manière à être soulevé comme lui. The inner balloon was attached to the top of the outer balloon so that it was lifted like him.

C'est à l'appendice inférieur de chaque ballon que furent fixés les deux tuyaux d'introduction de l'hydrogène. The two hydrogen introduction pipes were attached to the lower appendix of each balloon.

La journée du 17 se passa à disposer l'appareil destiné à produire le gaz ; i1 se composait de trente tonneaux, dans lesquels la décomposition de l'eau se faisait au moyen de ferraille et d'acide sulfurique mis en présence dans une grande quantité d'eau. The day of the 17th was spent disposing of the apparatus intended to produce the gas; It consisted of thirty barrels, in which the decomposition of the water was effected by means of scrap iron and sulfuric acid brought together in a large quantity of water.

L'hydrogène se rendait dans une vaste tonne centrale après avoir été lavé à son passage, et de là il passait dans chaque aérostat par les tuyaux d'introduction. The hydrogen went into a vast central barrel after having been washed in its passage, and from there it passed into each aerostat through the introduction pipes. De cette façon, chacun d'eux se remplissait d'une quantité de gaz parfaitement déterminée. In this way, each of them was filled with a perfectly determined quantity of gas.

Il fallut employer, pour cette opération, dix-huit cent soixante-six gallons [Trois mille deux cent cinquante litres] d'acide sulfurique, seize mille cinquante livres de fer [Plus de huit tonnes de fer] et neuf cent soixante-six gallons d'eau [Prés de quarante et un mille deux cent cinquante litres]. Eighteen hundred and sixty-six gallons [Three thousand two hundred and fifty liters] of sulfuric acid, sixteen thousand and fifty pounds of iron [More than eight tonnes of iron] and nine hundred and sixty-six gallons were required for this operation. of water [Near forty-one thousand two hundred and fifty liters].

Cette opération commença dans la nuit suivante, vers trois heures du matin ; elle dura près de huit heures. This operation began the following night, around three in the morning; it lasted nearly eight hours.

Le lendemain, l'aérostat, recouvert de son filet, se balançait gracieusement au-dessus de-là nacelle, retenu par un grand nombre de sacs de terre. The next day, the balloon, covered with its net, swung gracefully above the basket, held by a large number of bags of soil. L'appareil de dilatation fut monté avec un grand soin, et les tuyaux sortant de l'aérostat furent adaptés à la boîte cylindrique. The dilator was assembled with great care, and the hoses coming out of the aerostat were adapted to the cylindrical box.

Les ancres, les cordes, les instruments, les couvertures de voyage, la tente, les vivres, les armes, durent prendre dans la nacelle la place qui leur était assignée ; la provision d'eau fut faite à Zanzibar. The anchors, the ropes, the instruments, the travel blankets, the tent, the food, the weapons, had to take in the nacelle the place which was assigned to them; the water supply was made in Zanzibar.

Les deux cents livres de lest furent réparties dans cinquante sacs placés au fond de la nacelle, mais cependant à portée de la main. The two hundred pounds of ballast were distributed in fifty bags placed at the bottom of the basket, but still within reach.

Ces préparatifs se terminaient vers cinq heures du soir ; des sentinelles veillaient sans cesse autour de l'île, et les embarcations du  Resolute sillonnaient le canal. These preparations ended around five in the evening; sentries kept vigil around the island, and the Resolute boats plied the canal.

Les nègres continuaient à manifester leur colère par des cris, des grimaces et des contorsions. The negroes continued to express their anger with cries, grimaces and contortions.

Les sorciers parcouraient les groupes irrités, en soufflant sur toute cette irritation ; quelques fanatiques essayèrent de gagner l'île à la nage, mais on les éloigna facilement. The wizards roamed the irritated groups, blowing on all this irritation; some fanatics tried to swim the island, but they were easily removed.

Alors les sortilèges et les incantations commencèrent ; les faiseurs de pluie, qui prétendent commander aux nuages, appelèrent les ouragans et les « averses de pierres [Nom que les Nègres donnent à la grêle] » à leur secours ; pour cela, ils cueillirent des feuilles de tous les arbres différents du pays ; ils les firent bouillir à petit feu, pendant que l'on tuait un mouton en lui enfonçant une longue aiguille dans le coeur. Then the spells and incantations began; the rainmakers, who pretend to command the clouds, called the hurricanes and the "stone showers [Name which the Negroes give to the hail]" to their aid; for this, they gathered leaves from all the different trees in the country; they boiled them slowly, while a sheep was killed by sticking a long needle in its heart.

Mais, en dépit de leurs cérémonies, le ciel demeura pur, et ils en furent pour leur mouton et leurs grimaces. But, in spite of their ceremonies, the sky remained pure, and they were there for their sheep and their grimaces.

Les nègres se livrèrent alors à de furieuses orgies, s'enivrant du « tembo,» liqueur ardente tirée du cocotier, ou d'une bière extrêmement capiteuse appelée « togwa. The negroes then engaged in furious orgies, intoxicated with "tembo," fiery liquor from the coconut palm, or an extremely heady beer called "togwa.

» Leurs chants, sans mélodie appréciable, mais dont le rythme est très juste, se poursuivirent fort avant dans la nuit. Their songs, without appreciable melody, but whose rhythm is very just, continued long before in the night.

Vers six heures du soir un dernier dîner réunit les voyageurs à la table du commandant et de ses officiers. Around six o'clock in the evening a last dinner brought the travelers to the table of the commander and his officers.

Kennedy, que personne n'interrogeait plus, murmurait tout bas des paroles insaisissables ; il ne quittait pas des yeux le docteur Fergusson. Kennedy, whom no one questioned any more, whispered elusive words in a low voice; he never took his eyes off Doctor Fergusson.

Ce repas d'ailleurs fut triste. This meal, moreover, was sad.

L'approche du moment suprême inspirait à tous de pénibles réflexions. The approach of the supreme moment inspired everyone with painful reflections. Que réservait la destinée à ces hardis voyageurs ? What did destiny hold for these bold travelers? Se retrouveraient-ils jamais au milieu de leurs amis, assis au foyer domestique ? Would they ever find themselves surrounded by their friends, sitting at the domestic hearth? Si les moyens de transport venaient à manquer, que devenir au sein de peuplades féroces, dans ces contrées inexplorées, au milieu de déserts immenses ? If the means of transport were to lack, what to become within ferocious tribes, in these unexplored regions, in the middle of immense deserts?

Ces idées, éparses jusque-là, et auxquelles on s'attachait peu, assiégeaient alors les imaginations surexcitées ; Le docteur Fergusson, toujours froid, toujours impassible, causa de choses et d'autres ; mais en vain chercha-t-il à dissiper cette tristesse communicative ; il ne put y parvenir. These ideas, hitherto scattered, and to which little was attached, then besieged overexcited imaginations; Doctor Fergusson, always cold, always impassive, talked about things and others; but in vain did he seek to dispel this communicative sadness; he could not do it.

Comme on craignait quelques démonstrations contre la personne du docteur et de ses compagnons, ils couchèrent tous les trois à bord du  Resolute . As some demonstrations were feared against the person of the doctor and his companions, the three of them slept on board the Resolute.

A six heures du matin, ils quittaient leur cabine et se rendaient à l'île de Koumbeni. At six in the morning, they left their cabin and went to the island of Koumbeni.

Le ballon se balançait légèrement au souffle du vent de l'est. The balloon swayed slightly with the breath of the east wind.

Les sacs de terre qui le retenaient avaient été remplacés par vingt matelots. The bags of earth that held him were replaced by twenty sailors. Le commandant Pennet et ses officiers assistaient à ce départ solennel. Commander Pennet and his officers attended this solemn departure.

En ce moment, Kennedy alla droit au docteur, lui prit la main et dit : At that moment Kennedy went straight to the doctor, took her hand and said:

« Il est bien décidé, Samuel, que tu pars ? "Is it decided, Samuel, that you leave?"

Cela est très décidé, mon cher Dick. This is very decided, my dear Dick.

—j'ai bien fait tout ce qui dépendait de moi pour empêcher ce voyage ? "Did I do everything that depended on me to prevent this trip?"

—'Tout. -'All.

—-Alors j'ai la conscience tranquille à cet égard, et je t'accompagne. —- Then I have a clear conscience in this regard, and I accompany you.

—J'en étais sûr, » répondit le docteur, en laissant voir sur ses traits une rapide émotion. "I was sure of it," replied the doctor, letting his features show rapid emotion.

L'instant des derniers adieux arrivait. The moment of the last farewell was coming.

Le commandant et ses officiers embrassèrent avec effusion leurs intrépides amis, sans en excepter le digne Joe, fier et joyeux. The commander and his officers effusively embraced their intrepid friends, without excluding the worthy Joe, proud and joyful. Chacun des assistants voulut prendre sa part des poignées de main du docteur Fergusson. Each of the assistants wanted to take their share of Dr. Fergusson's handshakes.

A neuf heures, les trois compagnons de route prirent place dans la nacelle : le docteur alluma son chalumeau et poussa la flamme de manière à produire une chaleur rapide. At nine o'clock, the three traveling companions took their places in the basket: the doctor lit his torch and pushed the flame so as to produce rapid heat.

Le ballon, qui se maintenait à terre en parfait équilibre, commença à se soulever au bout de quelques minutes. The balloon, which was kept on the ground in perfect balance, began to lift after a few minutes. Les matelots durent filer un peu des cordes qui le retenaient. The sailors had to spin a little of the ropes that held him back. La nacelle s'éleva d'une vingtaine de pieds. The basket rose about twenty feet.

« Mes amis, s'écria le docteur debout entre ses deux compagnons et ôtant son chapeau, donnons à notre navire aérien un nom qui lui porte bonheur ! "My friends," cried the doctor, standing between his two companions and taking off his hat, "let's give our aerial ship a name that brings it good luck!"

qu'il soit baptisé le  Victoria ! » Un hourra formidable retentit : A great hurray sounds: «Vive la reine !

Vive l'Angleterre !»

En ce moment, la force ascensionnelle de l'aérostat s'accroissait prodigieusement. At this moment, the upward force of the aerostat increased tremendously.

Fergusson, Kennedy et Joe lancèrent un dernier adieu à leur amis. Fergusson, Kennedy and Joe threw a final farewell to their friends.

« Lâchez tout ! "Let go of everything!"

s'écria le docteur. » Et le  Victoria s'éleva rapidement dans les airs, tandis que les quatre caronades du  Resolute tonnaient en son honneur. And the Victoria rose quickly in the air, while the four caronades of the Resolute thundered in his honor.