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Candide - Voltaire, CHAPITRE ONZIÈME

CHAPITRE ONZIÈME

HISTOIRE DE LA VIEILLE

« Je n'ai pas eu toujours les yeux éraillés et bordés d'écarlate ; mon nez n'a pas toujours touché à mon menton, et je n'ai pas toujours été servante. Je suis la fille du pape Urbain X, et de la princesse de Palestrine. On m'éleva jusqu'à quatorze ans dans un palais auquel tous les châteaux de vos barons allemands n'auraient pas servi d'écurie ; et une de mes robes valait mieux que toutes les magnificences de la Westphalie. Je croissais en beauté, en grâces, en talents, au milieu des plaisirs, des respects et des espérances. J'inspirais déjà de l'amour, ma gorge se formait ; et quelle gorge ! blanche, ferme, taillée comme celle de la Vénus de Médicis ; et quels yeux ! quelles paupières ! quels sourcils noirs ! quelles flammes brillaient dans mes deux prunelles, et effaçaient la scintillation des étoiles, comme me disaient les poètes du quartier. Les femmes qui m'habillaient et qui me déshabillaient tombaient en extase en me regardant par-devant et par-derrière, et tous les hommes auraient voulu être à leur place.

« Je fus fiancée à un prince souverain de Massa-Carrara. Quel prince ! aussi beau que moi, pétri de douceur et d'agréments, brillant d'esprit et brûlant d'amour. Je l'aimais comme on aime pour la première fois, avec idolâtrie, avec emportement. Les noces furent préparées. C'était une pompe, une magnificence inouïe ; c'étaient des fêtes, des carrousels, des opera- buffa continuels ; et toute l'Italie fit pour moi des sonnets dont il n'y eut pas un seul de passable. Je touchais au moment de mon bonheur, quand une vieille marquise qui avait été maîtresse de mon prince l'invita à prendre du chocolat chez elle. Il mourut en moins de deux heures avec des convulsions épouvantables. Mais ce n'est qu'une bagatelle. Ma mère, au désespoir, et bien moins affligée que moi, voulut s'arracher pour quelque temps à un séjour si funeste. Elle avait une très belle terre auprès de Gaète. Nous nous embarquâmes sur une galère du pays, dorée comme l'autel de Saint-Pierre de Rome. Voilà qu'un corsaire de Salé fond sur nous et nous aborde. Nos soldats se défendirent comme des soldats du pape : ils se mirent tous à genoux en jetant leurs armes, et en demandant au corsaire une absolution in articulo mortis.

« Aussitôt on les dépouilla nus comme des singes, et ma mère aussi, nos filles d'honneur aussi, et moi aussi. C'est une chose admirable que la diligence avec laquelle ces messieurs déshabillent le monde. Mais ce qui me surprit davantage, c'est qu'ils nous mirent à tous le doigt dans un endroit où nous autres femmes nous ne nous laissons mettre d'ordinaire que des canules. Cette cérémonie me paraissait bien étrange : voilà comme on juge de tout quand on n'est pas sorti de son pays. J'appris bientôt que c'était pour voir si nous n'avions pas caché là quelques diamants : c'est un usage établi de temps immémorial parmi les nations policées qui courent sur mer. J'ai su que MM. les religieux chevaliers de Malte n'y manquent jamais quand ils prennent des Turcs et des Turques ; c'est une loi du droit des gens à laquelle on n'a jamais dérogé.

« Je ne vous dirai point combien il est dur pour une jeune princesse d'être menée esclave à Maroc avec sa mère. Vous concevez assez tout ce que nous eûmes à souffrir dans le vaisseau corsaire. Ma mère était encore très belle ; nos filles d'honneur, nos simples femmes de chambre, avaient plus de charmes qu'on n'en peut trouver dans toute l'Afrique. Pour moi, j'étais ravissante, j'étais la beauté, la grâce même, et j'étais pucelle ; je ne le fus pas longtemps : cette fleur qui avait été réservée pour le beau prince de Massa-Carrara me fut ravie par le capitaine corsaire ; c'était un nègre abominable, qui croyait encore me faire beaucoup d'honneur. Certes, il fallait que Mme la princesse de Palestrine et moi fussions bien fortes pour résister à tout ce que nous éprouvâmes jusqu'à notre arrivée à Maroc. Mais passons ; ce sont des choses si communes qu'elles ne valent pas la peine qu'on en parle.

« Maroc nageait dans le sang quand nous arrivâmes. Cinquante fils de l'empereur Muley- Ismaël avaient chacun leur parti : ce qui produisait en effet cinquante guerres civiles, de noirs contre noirs, de noirs contre basanés, de basanés contre basanés, de mulâtres contre mulâtres. C'était un carnage continuel dans toute l'étendue de l'empire.

« À peine fûmes-nous débarqués que des noirs d'une faction ennemie de celle de mon corsaire se présentèrent pour lui enlever son butin. Nous étions, après les diamants et l'or, ce qu'il avait de plus précieux. Je fus témoin d'un combat tel que vous n'en voyez jamais dans vos climats d'Europe. Les peuples septentrionaux n'ont pas le sang assez ardent. Ils n'ont pas la rage des femmes au point où elle est commune en Afrique. Il semble que vos Européens aient du lait dans les veines ; c'est du vitriol, c'est du feu qui coule dans celles des habitants du mont Atlas et des pays voisins. On combattit avec la fureur des lions, des tigres et des serpents de la contrée, pour savoir à qui nous aurait. Un Maure saisit ma mère par le bras droit, le lieutenant de mon capitaine la retint par le bras gauche ; un soldat maure la prit par une jambe, un de nos pirates la tenait par l'autre. Nos filles se trouvèrent presque toutes en un moment tirées ainsi à quatre soldats. Mon capitaine me tenait cachée derrière lui. Il avait le cimeterre au poing, et tuait tout ce qui s'opposait à sa rage. Enfin, je vis toutes nos Italiennes et ma mère déchirées, coupées, massacrées par les monstres qui se les disputaient. Les captifs mes compagnons, ceux qui les avaient pris, soldats, matelots, noirs, basanés, blancs, mulâtres, et enfin mon capitaine, tout fut tué ; et je demeurai mourante sur un tas de morts. Des scènes pareilles se passaient, comme on sait, dans l'étendue de plus de trois cents lieues, sans qu'on manquât aux cinq prières par jour ordonnées par Mahomet.

« Je me débarrassai avec beaucoup de peine de la foule de tant de cadavres sanglants entassés, et je me traînai sous un grand oranger au bord d'un ruisseau voisin ; j'y tombai d'effroi, de lassitude, d'horreur, de désespoir et de faim. Bientôt après, mes sens accablés se livrèrent à un sommeil qui tenait plus de l'évanouissement que du repos. J'étais dans cet état de faiblesse et d'insensibilité, entre la mort et la vie, quand je me sentis pressée de quelque chose qui s'agitait sur mon corps. J'ouvris les yeux, je vis un homme blanc et de bonne mine qui soupirait, et qui disait entre ses dents : O che sciagura d'essere senza c ... !

CHAPITRE ONZIÈME ELFTES KAPITEL CHAPTER ELEVEN CAPÍTULO ONCE HOOFDSTUK ZEVEN CAPÍTULO ONZE ONBİRİNCİ BÖLÜM РОЗДІЛ ОДИНАДЦЯТИЙ 第十一章

HISTOIRE DE LA VIEILLE HISTORIA DE LA MUJER MAYOR

« Je n'ai pas eu toujours les yeux éraillés et bordés d'écarlate ; mon nez n'a pas toujours touché à mon menton, et je n'ai pas toujours été servante. "Ich hatte nicht immer Narben und scharlachrote Augen. Meine Nase hat nicht immer mein Kinn berührt, und ich war nicht immer ein Diener. “I haven't always had my eyes wide open and rimmed in scarlet; my nose hasn't always touched my chin, and I haven't always been a servant. "No siempre he tenido los ojos escarlata; mi nariz no siempre ha tocado mi barbilla, y no siempre he sido una sirvienta. “Eu nem sempre tive meus olhos bem abertos e com bordas escarlates; meu nariz nem sempre tocou meu queixo e nem sempre fui um servo. «Мои глаза не всегда были широко открыты и окаймлены алым; мой нос не всегда касался подбородка, и я не всегда был слугой. Je suis la fille du pape Urbain X, et de la princesse de Palestrine. I am the daughter of Pope Urbain X, and the Princess of Palestrine. On m'éleva jusqu'à quatorze ans dans un palais auquel tous les châteaux de vos barons allemands n'auraient pas servi d'écurie ; et une de mes robes valait mieux que toutes les magnificences de la Westphalie. Je croissais en beauté, en grâces, en talents, au milieu des plaisirs, des respects et des espérances. I grew in beauty, in graces, in talents, in the midst of pleasures, respect and hopes. Cresci em beleza, em graças, em talentos, em meio a prazeres, respeito e esperanças. J'inspirais déjà de l'amour, ma gorge se formait ; et quelle gorge ! Ich war schon von der Liebe inspiriert, mein Hals formte sich; und was für eine Schlucht! I was already inhaling love, my throat was forming; and what a throat! blanche, ferme, taillée comme celle de la Vénus de Médicis ; et quels yeux ! white, firm, cut like that of the Venus de Medici; and what eyes! quelles paupières ! what eyelids! quels sourcils noirs ! quelles flammes brillaient dans mes deux prunelles, et effaçaient la scintillation des étoiles, comme me disaient les poètes du quartier. what flames shone in my two pupils, and effaced the scintillation of the stars, as the neighborhood poets told me. qué llamas brillaban en mis dos ojos, borrando el centelleo de las estrellas, como decían los poetas locales. Les femmes qui m'habillaient et qui me déshabillaient tombaient en extase en me regardant par-devant et par-derrière, et tous les hommes auraient voulu être à leur place. The women who dressed and undressed me fell into ecstasy looking at me from the front and from behind, and all the men wanted to be in their place.

« Je fus fiancée à un prince souverain de Massa-Carrara. Quel prince ! aussi beau que moi, pétri de douceur et d'agréments, brillant d'esprit et brûlant d'amour. as beautiful as me, steeped in sweetness and amenities, brilliant in spirit and burning with love. tão bela quanto eu, impregnada de doçura e amenidades, brilhando de espírito e ardendo de amor. Je l'aimais comme on aime pour la première fois, avec idolâtrie, avec emportement. I loved him as we love for the first time, with idolatry, with passion. Les noces furent préparées. The wedding was prepared. C'était une pompe, une magnificence inouïe ; c'étaient des fêtes, des carrousels, des opera- buffa continuels ; et toute l'Italie fit pour moi des sonnets dont il n'y eut pas un seul de passable. It was a pomp, an unheard-of magnificence; there were parties, carousels, and continual opera-buffa; and all Italy made sonnets for me, of which there was not a passable one. Hubo una pompa y magnificencia inauditas; hubo fiestas, carruseles, ópera bufa continua; y toda Italia escribió sonetos para mí, ninguno de los cuales era pasable. Era uma pompa, uma magnificência inaudita; havia festas, carrosséis e óperas-bufas contínuas; e toda a Itália fez sonetos para mim, dos quais não havia nenhum passável. Je touchais au moment de mon bonheur, quand une vieille marquise qui avait été maîtresse de mon prince l'invita à prendre du chocolat chez elle. I was approaching the moment of my happiness, when an old marquise who had been my prince's mistress invited him to have chocolate with her. Aproximava-me o momento da minha felicidade, quando uma velha marquesa que tinha sido amante do meu príncipe o convidou para tomar chocolate com ela. Приближался момент моего счастья, когда старая маркиза, бывшая любовницей моего принца, пригласила ее отведать с собой шоколада. Il mourut en moins de deux heures avec des convulsions épouvantables. He died in less than two hours with appalling convulsions. Он умер менее чем через два часа от ужасных судорог. Mais ce n'est qu'une bagatelle. But that's just a trifle. Ma mère, au désespoir, et bien moins affligée que moi, voulut s'arracher pour quelque temps à un séjour si funeste. My mother, in despair, and much less distressed than I, wanted to tear herself away for some time from such a fatal stay. Minha mãe, desesperada e muito menos angustiada do que eu, quis se livrar por algum tempo de uma estadia tão desastrosa. Моя мать, в отчаянии и гораздо менее огорченная, чем я, хотела на время оторваться от такого ужасного пребывания. Elle avait une très belle terre auprès de Gaète. She had a very beautiful land near Gaeta. Nous nous embarquâmes sur une galère du pays, dorée comme l'autel de Saint-Pierre de Rome. Wir begaben uns auf eine Galeere des Landes, die wie der Altar des hl. Petrus von Rom vergoldet war. We embarked on a galley of the country, gilded like the altar of St. Peter of Rome. Embarcamos em uma galera local, dourada como o altar de São Pedro em Roma. Мы сели на местную камбуз, позолоченную, как алтарь Святого Петра в Риме. Voilà qu'un corsaire de Salé fond sur nous et nous aborde. Here a corsair of Salé melts on us and approaches us. Aqui está um corsário de Salé descendo sobre nós e se aproximando de nós. Вот капер из Сале набрасывается на нас и приближается к нам. Nos soldats se défendirent comme des soldats du pape : ils se mirent tous à genoux en jetant leurs armes, et en demandant au corsaire une absolution in articulo mortis. Our soldiers defended themselves like soldiers of the pope; they all knelt down, throwing their arms, and asking the corsair for an absolution in articulo mortis. Os nossos soldados defenderam-se como os soldados do Papa: todos se ajoelharam, baixaram as armas e pediram ao corsário uma absolvição in articulo mortis. Наши солдаты защищались, как солдаты Папы: все они преклонили колени, опускали руки и просили капера отпущения грехов in articulo mortis.

« Aussitôt on les dépouilla nus comme des singes, et ma mère aussi, nos filles d'honneur aussi, et moi aussi. “Immediately they stripped them naked like monkeys, and my mother too, our maids of honor too, and me too. “Imediatamente eles foram despidos como macacos, e minha mãe também, nossas damas de honra também, e eu também. C'est une chose admirable que la diligence avec laquelle ces messieurs déshabillent le monde. Es ist bewundernswert, dass der Fleiß, mit dem diese Herren die Welt entkleiden. It's an admirable thing, the diligence with which these gentlemen undress the world. Mais ce qui me surprit davantage, c'est qu'ils nous mirent à tous le doigt dans un endroit où nous autres femmes nous ne nous laissons mettre d'ordinaire que des canules. Was mich jedoch mehr überraschte, war, dass sie uns alle auf einen Ort zeigten, an dem wir Frauen normalerweise nur Kanülen lassen. But what surprised me more was that they all pointed us in a place where we women usually only let cannulas. Mas o que mais me surpreendeu foi que eles apontaram para todos nós um lugar onde nós mulheres geralmente só nos deixamos colocar em cânulas. Но что меня больше удивило, так это то, что они указали всем нам на место, где мы, женщины, обычно позволяем вставлять только себя в канюли. Cette cérémonie me paraissait bien étrange : voilà comme on juge de tout quand on n'est pas sorti de son pays. This ceremony seemed very strange to me: this is how you judge everything when you have not left your country. Essa cerimônia me pareceu muito estranha: é assim que você julga tudo quando não deixou seu país. J'appris bientôt que c'était pour voir si nous n'avions pas caché là quelques diamants : c'est un usage établi de temps immémorial parmi les nations policées qui courent sur mer. I soon learned that it was to see if we had not hidden some diamonds there: it is an established custom from time immemorial among the civilized nations which race at sea. J'ai su que MM. I learned that MM. les religieux chevaliers de Malte n'y manquent jamais quand ils prennent des Turcs et des Turques ; c'est une loi du droit des gens à laquelle on n'a jamais dérogé. the religious knights of Malta are never lacking when they take Turks and Turks; it is a law of the law of nations that has never been derogated from. os cavaleiros religiosos de Malta nunca faltam quando tomam turcos e turcos; é uma lei do direito das gentes que nunca derrogamos.

« Je ne vous dirai point combien il est dur pour une jeune princesse d'être menée esclave à Maroc avec sa mère. "I can't tell you how hard it is for a young princess to be taken as a slave to Morocco with her mother. Vous concevez assez tout ce que nous eûmes à souffrir dans le vaisseau corsaire. Sie begreifen alles, was wir auf dem Privatschiff erleiden mussten. You can easily imagine how much we had to suffer in the corsair ship. Você pode facilmente imaginar o quanto tivemos que sofrer no corsário. Ma mère était encore très belle ; nos filles d'honneur, nos simples femmes de chambre, avaient plus de charmes qu'on n'en peut trouver dans toute l'Afrique. My mother was still very beautiful; our maids of honor, our simple chambermaids, had more charm than can be found in all of Africa. Pour moi, j'étais ravissante, j'étais la beauté, la grâce même, et j'étais pucelle ; je ne le fus pas longtemps : cette fleur qui avait été réservée pour le beau prince de Massa-Carrara me fut ravie par le capitaine corsaire ; c'était un nègre abominable, qui croyait encore me faire beaucoup d'honneur. For me, I was lovely, I was beauty, grace itself, and I was a virgin; I was not for long: this flower which had been reserved for the handsome prince of Massa-Carrara was taken from me by the privateer; he was an abominable negro, who still thought he was doing me a great deal of honor. Para mim, eu era adorável, eu era a beleza, a própria graça, e eu era virgem; Não demorou muito: esta flor que havia sido reservada ao belo príncipe de Massa-Carrara foi-me tirada pelo capitão corsário; era um negro abominável, que ainda pensava estar me honrando muito. Для меня я был прекрасен, я был красавицей, самой благодатью, и я был девственником; Я пробыл ненадолго: этот цветок, который был зарезервирован для красивого принца Масса-Каррары, у меня отнял капер; он был отвратительным негром, который все еще думал, что оказал мне большую честь. Certes, il fallait que Mme la princesse de Palestrine et moi fussions bien fortes pour résister à tout ce que nous éprouvâmes jusqu'à notre arrivée à Maroc. Of course, Madame la Princesse de Palestrine and I had to be very strong to withstand everything we experienced until our arrival in Morocco. Mais passons ; ce sont des choses si communes qu'elles ne valent pas la peine qu'on en parle. But let's move on; these are things so common that they are not worth talking about.

« Maroc nageait dans le sang quand nous arrivâmes. "Morocco was swimming in blood when we arrived. “Marrocos estava nadando em sangue quando chegamos. Cinquante fils de l'empereur Muley- Ismaël avaient chacun leur parti : ce qui produisait en effet cinquante guerres civiles, de noirs contre noirs, de noirs contre basanés, de basanés contre basanés, de mulâtres contre mulâtres. Fifty sons of the emperor Muley-Ismaël each had their own party: which in fact produced fifty civil wars, of blacks against blacks, of blacks against tans, of tans against tans, of mulattoes against mulattoes. C'était un carnage continuel dans toute l'étendue de l'empire. It was a continual carnage throughout the empire.

« À peine fûmes-nous débarqués que des noirs d'une faction ennemie de celle de mon corsaire se présentèrent pour lui enlever son butin. “No sooner had we landed than blacks from a faction hostile to that of my privateer presented themselves to take away his booty. “Assim que desembarcamos, os negros de uma facção hostil à de meu corsário se apresentaram para levar seu butim. Nous étions, après les diamants et l'or, ce qu'il avait de plus précieux. We were, after diamonds and gold, his most precious. Je fus témoin d'un combat tel que vous n'en voyez jamais dans vos climats d'Europe. I witnessed a fight such as you never see in your European climates. Я был свидетелем драки, какой вы никогда не увидите в своем европейском климате. Les peuples septentrionaux n'ont pas le sang assez ardent. The northern peoples are not fiery enough blood. У северных народов не хватает пламенной крови. Ils n'ont pas la rage des femmes au point où elle est commune en Afrique. They don't have the rage of women to the point where it is common in Africa. У них нет женского гнева до такой степени, как это распространено в Африке. Il semble que vos Européens aient du lait dans les veines ; c'est du vitriol, c'est du feu qui coule dans celles des habitants du mont Atlas et des pays voisins. It seems that your Europeans have milk in their veins; it is vitriol, it is fire flowing in those of the inhabitants of Mount Atlas and neighboring countries. Кажется, что у ваших европейцев молоко в жилах; это купорос, это огонь, льющийся на жителей горы Атлас и соседних стран. On combattit avec la fureur des lions, des tigres et des serpents de la contrée, pour savoir à qui nous aurait. They fought with the fury of the lions, tigers and serpents of the land, to find out who should get us. Они сражались с яростью львов, тигров и змей земли, чтобы узнать, кто должен нас поймать. Un Maure saisit ma mère par le bras droit, le lieutenant de mon capitaine la retint par le bras gauche ; un soldat maure la prit par une jambe, un de nos pirates la tenait par l'autre. A Moor seized my mother by the right arm, my captain's lieutenant held her back by the left arm; a Moorish soldier took her by one leg, one of our pirates held her by the other. Um mouro agarrou a minha mãe pelo braço direito, o tenente do meu capitão segurou-a pelo braço esquerdo; um soldado mouro agarrou-a por uma perna, um dos nossos piratas segurou-a pela outra. Nos filles se trouvèrent presque toutes en un moment tirées ainsi à quatre soldats. Our daughters almost all found themselves in a moment thus drawn to four soldiers. Почти все наши дочери в мгновение ока оказались привлеченными к четырем солдатам. Mon capitaine me tenait cachée derrière lui. My captain kept me hidden behind him. Мой капитан скрывал меня за собой. Il avait le cimeterre au poing, et tuait tout ce qui s'opposait à sa rage. He had the scimitar in his hand, and killed anything that stood in the way of his rage. Ele tinha a cimitarra na mão e matava qualquer coisa que estivesse no caminho de sua raiva. В руке он держал ятаган, и он убивал все, что стояло на пути его гнева. Enfin, je vis toutes nos Italiennes et ma mère déchirées, coupées, massacrées par les monstres qui se les disputaient. Finally, I saw all our Italians and my mother torn, cut up, massacred by the monsters who were fighting over them. Наконец, я увидел всех наших итальянцев и мою мать, разорванных, изрезанных, убитых монстрами, которые сражались за них. Les captifs mes compagnons, ceux qui les avaient pris, soldats, matelots, noirs, basanés, blancs, mulâtres, et enfin mon capitaine, tout fut tué ; et je demeurai mourante sur un tas de morts. The captives my companions, those who had taken them, soldiers, sailors, blacks, tanned, white, mulatto, and finally my captain, all were killed; and I remained dying on a heap of dead. Пленные, мои товарищи, те, кто их взял, солдаты, матросы, черные, загорелые, белые, мулаты и, наконец, мой капитан, все были убиты; и я остался умирать на куче мертвых. Des scènes pareilles se passaient, comme on sait, dans l'étendue de plus de trois cents lieues, sans qu'on manquât aux cinq prières par jour ordonnées par Mahomet. Such scenes passed, as we know, in the expanse of more than three hundred leagues, without any want of the five prayers a day ordained by Mahomet. Tais cenas aconteceram, como sabemos, numa área de mais de trezentas léguas, sem falhar as cinco orações diárias ordenadas por Maomé. Такие сцены происходили, как мы знаем, на протяжении более трехсот лиг без какого-либо нарушения выполнения пяти ежедневных молитв, предписанных Магометом.

« Je me débarrassai avec beaucoup de peine de la foule de tant de cadavres sanglants entassés, et je me traînai sous un grand oranger au bord d'un ruisseau voisin ; j'y tombai d'effroi, de lassitude, d'horreur, de désespoir et de faim. “With great difficulty I got rid of the crowd of so many piled up bloody corpses, and I dragged myself under a large orange tree by the edge of a neighboring stream; I fell there with fear, weariness, horror, despair and hunger. “Com grande dificuldade me livrei da multidão de tantos cadáveres ensanguentados empilhados e me arrastei para debaixo de uma grande laranjeira à beira de um riacho vizinho; Caí ali com medo, cansaço, horror, desespero e fome. Bientôt après, mes sens accablés se livrèrent à un sommeil qui tenait plus de l'évanouissement que du repos. Soon after, my overwhelmed senses indulged in a sleep that was more like fainting than resting. Logo depois, meus sentidos sobrecarregados deram lugar a um sono que parecia mais um desmaio do que um descanso. Вскоре после этого мои перегруженные чувства уступили место сну, который больше походил на обморок, чем на отдых. J'étais dans cet état de faiblesse et d'insensibilité, entre la mort et la vie, quand je me sentis pressée de quelque chose qui s'agitait sur mon corps. I was in this state of weakness and insensitivity, between death and life, when I felt pressed by something which stirred on my body. J'ouvris les yeux, je vis un homme blanc et de bonne mine qui soupirait, et qui disait entre ses dents : O che sciagura d'essere senza c ... ! Ich öffnete die Augen und sah einen gutaussehenden, weißen Mann, der seufzte und zwischen den Zähnen sagte: O che sciagura d'essere senza c ...! I opened my eyes, I saw a white, good-looking man sighing and saying between his teeth: O che sciagura essere senza c ...! Abri os olhos, vi um homem branco e bonito suspirando e dizendo entre os dentes: O che sciagura essere senza c...!