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Candide - Voltaire, CHAPITRE DOUZIÈME

CHAPITRE DOUZIÈME

SUITE DES MALHEURS DE LA VIEILLE

« Étonnée et ravie d'entendre la langue de ma patrie, et non moins surprise des paroles que proférait cet homme, je lui répondis qu'il y avait de plus grands malheurs que celui dont il se plaignait. Je l'instruisis en peu de mots des horreurs que j'avais essuyées, et je retombai en faiblesse. Il m'emporta dans une maison voisine, me fit mettre au lit, me fit donner à manger, me servit, me consola, me flatta, me dit qu'il n'avait rien vu de si beau que moi, et que jamais il n'avait tant regretté ce que personne ne pouvait lui rendre. « Je suis né à Naples, me dit-il, on y chaponne deux ou trois mille enfants tous les ans ; les uns en meurent, les autres acquièrent une voix plus belle que celle des femmes, les autres vont gouverner les États. On me fit cette opération avec un très grand succès, et j'ai été musicien de la chapelle de Mme la princesse de Palestrine. -- De ma mère ! m'écriai-je. -- De votre mère ! s'écria-t-il en pleurant. Quoi ! vous seriez cette jeune princesse que j'ai élevée jusqu'à l'âge de six ans, et qui promettait déjà d'être aussi belle que vous êtes ? -- C'est moi-même ; ma mère est à quatre cents pas d'ici, coupée en quartiers sous un tas de morts... »

« Je lui contai tout ce qui m'était arrivé ; il me conta aussi ses aventures, et m'apprit comment il avait été envoyé chez le roi de Maroc par une puissance chrétienne, pour conclure avec ce monarque un traité, par lequel on lui fournirait de la poudre, des canons et des vaisseaux, pour l'aider à exterminer le commerce des autres chrétiens. " Ma mission est faite, me dit cet honnête eunuque ; je vais m'embarquer à Ceuta, et je vous ramènerai en Italie. Ma che sciagura d'essere senza c... ! "

« Je le remerciai avec des larmes d'attendrissement ; et au lieu de me mener en Italie, il me conduisit à Alger, et me vendit au dey de cette province. À peine fus-je vendue que cette peste qui a fait le tour de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe, se déclara dans Alger avec fureur. Vous avez vu des tremblements de terre ; mais, mademoiselle, avez-vous jamais eu la peste ? -- Jamais, répondit la baronne.

-- Si vous l'aviez eue, reprit la vieille, vous avoueriez qu'elle est bien au-dessus d'un tremblement de terre. Elle est fort commune en Afrique ; j'en fus attaquée. Figurez vous quelle situation pour la fille d'un pape, âgée de quinze ans, qui en trois mois de temps avait éprouvé la pauvreté, l'esclavage, avait été violée presque tous les jours, avait vu couper sa mère en quatre, avait essuyé la faim et la guerre, et mourait pestiférée dans Alger. Je n'en mourus pourtant pas. Mais mon eunuque et le dey, et presque tout le sérail d'Alger, périrent.

« Quand les premiers ravages de cette épouvantable peste furent passés, on vendit les esclaves du dey. Un marchand m'acheta et me mena à Tunis, il me vendit à un autre marchand, qui me revendit à Tripoli ; de Tripoli je fus revendue à Alexandrie, d'Alexandrie revendue à Smyrne, de Smyrne à Constantinople. J'appartins enfin à un aga des janissaires, qui fut bientôt commandé pour aller défendre Azof contre les Russes qui l'assiégeaient.

« L'aga, qui était un très galant homme, mena avec lui tout son sérail, et nous logea dans un petit fort sur les Palus-Méotides, gardé par deux eunuques noirs et vingt soldats. On tua prodigieusement de Russes, mais ils nous le rendirent bien. Azof fut mis à feu et à sang, et on ne pardonna ni au sexe ni à l'âge ; il ne resta que notre petit fort ; les ennemis voulurent nous prendre par famine. Les vingt janissaires avaient juré de ne se jamais rendre. Les extrémités de la faim où ils furent réduits les contraignirent à manger nos deux eunuques, de peur de violer leur serment. Au bout de quelques jours, ils résolurent de manger les femmes.

« Nous avions un iman très pieux et très compatissant, qui leur fit un beau sermon par lequel il leur persuada de ne nous pas tuer tout à fait. « Coupez, dit-il, seulement une fesse à chacune de ces dames, vous ferez très bonne chère ; s'il faut y revenir, vous en aurez encore autant dans quelques jours ; le ciel vous saura gré d'une action si charitable, et vous serez secourus. » « Il avait beaucoup d'éloquence ; il les persuada. On nous fit cette horrible opération. L'iman nous appliqua le même baume qu'on met aux enfants qu'on vient de circoncire. Nous étions toutes à la mort.

« À peine les janissaires eurent-ils fait le repas que nous leur avions fourni que les Russes arrivent sur des bateaux plats ; il ne réchappa pas un janissaire. Les Russes ne firent aucune attention à l'état où nous étions. Il y a partout des chirurgiens français : un d'eux, qui était fort adroit, prit soin de nous ; il nous guérit, et je me souviendrai toute ma vie que, quand les plaies furent bien fermées, il me fit des propositions. Au reste, il nous dit à toutes de nous consoler ; il nous assura que dans plusieurs sièges pareille chose était arrivée, et que c'était la loi de la guerre.

« Dès que mes compagnes purent marcher, on les fit aller à Moscou. J'échus en partage à un boyard qui me fit sa jardinière, et qui me donnait vingt coups de fouet par jour. Mais ce seigneur ayant été roué au bout de deux ans avec une trentaine de boyards pour quelque tracasserie de cour, je profitai de cette aventure ; je m'enfuis ; je traversai toute la Russie ; je fus longtemps servante de cabaret à Riga, puis à Rostock, à Vismar, à Leipsick, à Cassel, à Utrecht, à Leyde, à La Haye, à Rotterdam : j'ai vieilli dans la misère et dans l'opprobre, n'ayant que la moitié d'un derrière, me souvenant toujours que j'étais fille d'un pape ; je voulus cent fois me tuer, mais j'aimais encore la vie. Cette faiblesse ridicule est peut-être un de nos penchants les plus funestes ; car y a t-il rien de plus sot que de vouloir porter continuellement un fardeau qu'on veut toujours jeter par terre ? d'avoir son être en horreur, et de tenir à son être ? enfin de caresser le serpent qui nous dévore, jusqu'à ce qu'il nous ait mangé le coeur ?

« J'ai vu dans les pays que le sort m'a fait parcourir, et dans les cabarets où j'ai servi, un nombre prodigieux de personnes qui avaient leur existence en exécration ; mais je n'en ai vu que douze qui aient mis volontairement fin à leur misère : trois nègres, quatre Anglais, quatre Genevois et un professeur allemand nommé Robeck. J'ai fini par être servante chez le Juif don Issacar ; il me mit auprès de vous, ma belle demoiselle ; je me suis attachée à votre destinée, et j'ai été plus occupée de vos aventures que des miennes. Je ne vous aurais même jamais parlé de mes malheurs, si vous ne m'aviez pas un peu piquée, et s'il n'était d'usage dans un vaisseau de conter des histoires pour se désennuyer. Enfin, mademoiselle, j'ai de l'expérience, je connais le monde ; donnez-vous un plaisir, engagez chaque passager à vous conter son histoire ; et s'il s'en trouve un seul qui n'ait souvent maudit sa vie, qui ne se soit souvent dit à lui-même qu'il était le plus malheureux des hommes, jetez-moi dans la mer la tête la première. »

CHAPITRE DOUZIÈME ZWÖLFTES KAPITEL CHAPTER TWELVE CAPÍTULO DOCE CAPITOLO DUE CAPÍTULO DOZE 第十二章

SUITE DES MALHEURS DE LA VIEILLE CONTINUATION OF THE MISTRESS OF THE OLD

« Étonnée et ravie d'entendre la langue de ma patrie, et non moins surprise des paroles que proférait cet homme, je lui répondis qu'il y avait de plus grands malheurs que celui dont il se plaignait. "Surprised and delighted to hear the language of my country, and no less surprised by the words spoken by this man, I replied that there were greater misfortunes than the one of which he complained. “Assombrado e encantado ao ouvir a língua da minha pátria, e não menos surpreso com as palavras que este homem falou, respondi que havia infortúnios maiores do que aquele de que ele se queixava. Je l'instruisis en peu de mots des horreurs que j'avais essuyées, et je retombai en faiblesse. I briefed him on the horrors I had endured, and I fell back into weakness. Le conté en pocas palabras los horrores que había sufrido y volví a caer en la debilidad. Contei-lhe em poucas palavras os horrores que sofri e voltei a cair na fraqueza. Il m'emporta dans une maison voisine, me fit mettre au lit, me fit donner à manger, me servit, me consola, me flatta, me dit qu'il n'avait rien vu de si beau que moi, et que jamais il n'avait tant regretté ce que personne ne pouvait lui rendre. Er brachte mich in ein benachbartes Haus, ließ mich ins Bett legen, gab mir zu essen, bediente mich, tröstete mich, schmeichelte mir, erzählte mir, dass er nichts Schöneres als mich gesehen habe und dass er es nie getan habe hatte es nicht so bereut, dass niemand ihn zurückgeben konnte. He took me to a neighboring house, put me to bed, gave me food, served me, consoled me, flattered me, told me that he had never seen anything so beautiful as me, and that he had never seen anything so beautiful. had regretted so much that no one could give him back. Ele me levou para uma casa vizinha, me colocou na cama, me deu comida, me serviu, me consolou, me bajulou, me disse que nunca tinha visto nada tão bonito quanto eu, e que nunca tinha visto nada tão bonito. lamentou tanto que ninguém poderia devolvê-lo. « Je suis né à Naples, me dit-il, on y chaponne deux ou trois mille enfants tous les ans ; les uns en meurent, les autres acquièrent une voix plus belle que celle des femmes, les autres vont gouverner les États. “I was born in Naples,” he said to me, “two or three thousand children are chaired there every year; some die of it, others acquire a better voice than that of women, others go to govern States. “Nasci em Nápoles”, ele me disse, “duas ou três mil crianças são presididas lá todos os anos; uns morrem dela, outros adquirem uma voz melhor que a das mulheres, outros vão para governar Estados. «Я родился в Неаполе, - сказал он мне, - ежегодно там воспитываются две или три тысячи детей; одни умирают от этого, другие обретают лучший голос, чем голос женщин, третьи отправляются управлять штатами. On me fit cette opération avec un très grand succès, et j'ai été musicien de la chapelle de Mme la princesse de Palestrine. They performed this operation for me with great success, and I was a musician in the chapel of Madame la Princesse de Palestrine. -- De ma mère ! -- From my mother! m'écriai-je. I cried. -- De votre mère ! -- From your mother! s'écria-t-il en pleurant. he cried. Quoi ! What! vous seriez cette jeune princesse que j'ai élevée jusqu'à l'âge de six ans, et qui promettait déjà d'être aussi belle que vous êtes ? you would be that young princess that I raised until the age of six, and who already promised to be as beautiful as you are? -- C'est moi-même ; ma mère est à quatre cents pas d'ici, coupée en quartiers sous un tas de morts... » -- It is me ; my mother is four hundred paces from here, cut into quarters under a pile of dead ... "

« Je lui contai tout ce qui m'était arrivé ; il me conta aussi ses aventures, et m'apprit comment il avait été envoyé chez le roi de Maroc par une puissance chrétienne, pour conclure avec ce monarque un traité, par lequel on lui fournirait de la poudre, des canons et des vaisseaux, pour l'aider à exterminer le commerce des autres chrétiens. " "I told him everything that had happened to me; He also told me of his adventures, and told me how he had been sent to the King of Morocco by a Christian power, to conclude with this monarch a treaty, by which he would be supplied with powder, cannon, and vessels, to help him to exterminate the trade of other Christians. " “Contei a ele tudo o que havia acontecido comigo; contou-me também as suas aventuras, e contou-me como tinha sido enviado ao rei de Marrocos por uma potência cristã, para concluir um tratado com este monarca, pelo qual lhe seria fornecido pólvora, canhões e embarcações, para o ajudar exterminar o comércio de outros cristãos. " «Я рассказал ему все, что со мной случилось; он также рассказал мне о своих приключениях и рассказал, как христианская держава послала его к королю Марокко для заключения договора с этим монархом, согласно которому он будет снабжен порохом, пушками и судами для помогите ему истребить торговлю других христиан. " Ma mission est faite, me dit cet honnête eunuque ; je vais m'embarquer à Ceuta, et je vous ramènerai en Italie. My mission is done, said this honest eunuch to me; I will embark in Ceuta, and I will bring you back to Italy. Minha missão está cumprida, disse-me este honesto eunuco; Embarcarei em Ceuta e os trarei de volta à Itália. Ma che sciagura d'essere senza c... ! " My che sciagura essere senza c ...! "

« Je le remerciai avec des larmes d'attendrissement ; et au lieu de me mener en Italie, il me conduisit à Alger, et me vendit au dey de cette province. “I thanked him with tears of affection; and instead of taking me to Italy, he took me to Algiers, and sold me to the dey of that province. “Agradeci com lágrimas de afeto; e em vez de me levar para a Itália, ele me levou para Argel e me vendeu ao dey daquela província. «Я поблагодарил его со слезами любви; и вместо того, чтобы отвезти меня в Италию, он отвез меня в Алжир и продал правителю этой провинции. À peine fus-je vendue que cette peste qui a fait le tour de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe, se déclara dans Alger avec fureur. No sooner had I been sold than this plague, which circled Africa, Asia and Europe, broke out in Algiers with fury. Mal fui vendido, esta praga, que circulou a África, a Ásia e a Europa, irrompeu em Argel com fúria. Vous avez vu des tremblements de terre ; mais, mademoiselle, avez-vous jamais eu la peste ? You have seen earthquakes; but, mademoiselle, have you ever had the plague? -- Jamais, répondit la baronne.

-- Si vous l'aviez eue, reprit la vieille, vous avoueriez qu'elle est bien au-dessus d'un tremblement de terre. "If you had had it," resumed the old woman, "you would admit that it is well above an earthquake." Elle est fort commune en Afrique ; j'en fus attaquée. It is very common in Africa; I was attacked. Figurez vous quelle situation pour la fille d'un pape, âgée de quinze ans, qui en trois mois de temps avait éprouvé la pauvreté, l'esclavage, avait été violée presque tous les jours, avait vu couper sa mère en quatre, avait essuyé la faim et la guerre, et mourait pestiférée dans Alger. Imagine the situation for the fifteen-year-old daughter of a pope, who in the space of three months had experienced poverty and slavery, been raped almost every day, seen her mother cut in four, endured hunger and war, and died of plague in Algiers. Je n'en mourus pourtant pas. I did not die, however. Eu não morri disso, no entanto. Однако я не умер. Mais mon eunuque et le dey, et presque tout le sérail d'Alger, périrent.

« Quand les premiers ravages de cette épouvantable peste furent passés, on vendit les esclaves du dey. “When the first ravages of this terrible plague were over, the dey's slaves were sold. Un marchand m'acheta et me mena à Tunis, il me vendit à un autre marchand, qui me revendit à Tripoli ; de Tripoli je fus revendue à Alexandrie, d'Alexandrie revendue à Smyrne, de Smyrne à Constantinople. J'appartins enfin à un aga des janissaires, qui fut bientôt commandé pour aller défendre Azof contre les Russes qui l'assiégeaient. I finally belonged to a Janissary aga, which was soon ordered to go and defend Azof against the Russians who were besieging it. Finalmente, eu pertencia a uma aga dos janízaros, que logo recebeu ordem de ir defender Azof contra os russos que o cercavam. Наконец, я принадлежал к ага янычар, которому вскоре было приказано идти защищать Азоф от русских, которые его осадили.

« L'aga, qui était un très galant homme, mena avec lui tout son sérail, et nous logea dans un petit fort sur les Palus-Méotides, gardé par deux eunuques noirs et vingt soldats. “The aga, who was a very gallant man, brought his whole seraglio with him, and lodged us in a small fort on the Palus-Méotides, guarded by two black eunuchs and twenty soldiers. «Ага, который был очень храбрым человеком, привел с собой весь свой сераль и поселил нас в небольшом форте на Палус-Меотиде, охраняемом двумя черными евнухами и двадцатью солдатами. On tua prodigieusement de Russes, mais ils nous le rendirent bien. We killed an awful lot of Russians, but they gave it back to us. Azof fut mis à feu et à sang, et on ne pardonna ni au sexe ni à l'âge ; il ne resta que notre petit fort ; les ennemis voulurent nous prendre par famine. Azof was put to fire and blood, and neither sex nor age were forgiven; only our little fort remained; the enemies wanted to take us by famine. Azof foi posto a fogo e sangue, e nem sexo nem idade foram perdoados; apenas nosso pequeno forte permaneceu; os inimigos queriam nos levar pela fome. Les vingt janissaires avaient juré de ne se jamais rendre. Die zwanzig Janitscharen hatten geschworen, sich niemals zu ergeben. The twenty janissaries had sworn never to surrender. Двадцать янычаров поклялись никогда не сдаваться. Les extrémités de la faim où ils furent réduits les contraignirent à manger nos deux eunuques, de peur de violer leur serment. Die Extremitäten des Hungers, in denen sie reduziert wurden, zwangen sie, unsere beiden Eunuchen zu essen, aus Angst, ihren Eid zu verletzen. The extremes of hunger to which they were reduced forced them to eat our two eunuchs, for fear of violating their oath. Os extremos de fome a que foram reduzidos obrigaram-nos a comer os nossos dois eunucos, por medo de violar o seu juramento. Au bout de quelques jours, ils résolurent de manger les femmes. After a few days they resolved to eat the women.

« Nous avions un iman très pieux et très compatissant, qui leur fit un beau sermon par lequel il leur persuada de ne nous pas tuer tout à fait. “We had a very pious and very compassionate iman, who gave them a beautiful sermon in which he persuaded them not to kill us altogether. « Coupez, dit-il, seulement une fesse à chacune de ces dames, vous ferez très bonne chère ; s'il faut y revenir, vous en aurez encore autant dans quelques jours ; le ciel vous saura gré d'une action si charitable, et vous serez secourus. “Cut off,” he said, “just one buttock from each of these ladies, you will make very good food; if it is necessary to return to it, you will still have as many in a few days; Heaven will thank you for such a charitable action, and you will be helped. "Corte apenas uma nádega de cada uma dessas senhoras", disse ele, "você fará uma comida muito boa; se for necessário retornar a ele, você ainda terá tantos em poucos dias; O céu agradecerá por tal ação de caridade e você será ajudado. «Отрежьте, - сказал он, - только по одной ягодице от каждой из этих дам, и вы приготовите очень хорошую еду; если необходимо вернуться к нему, через несколько дней у вас все равно будет столько же; Небеса поблагодарят вас за такую благотворительную акцию, и вам помогут. » « Il avait beaucoup d'éloquence ; il les persuada. On nous fit cette horrible opération. We had this horrible operation. L'iman nous appliqua le même baume qu'on met aux enfants qu'on vient de circoncire. The Iman applied to us the same balm that we put on children who have just been circumcised. Nous étions toutes à la mort. We were all at death.

« À peine les janissaires eurent-ils fait le repas que nous leur avions fourni que les Russes arrivent sur des bateaux plats ; il ne réchappa pas un janissaire. "Kaum hatten die Janitscharen das Essen gemacht, das wir ihnen geliefert hatten, kamen die Russen auf flachen Booten an; er entkam keinem Janitschar. “No sooner had the Janissaries made the meal than we had given them when the Russians arrived on flat boats; he did not escape a janissary. “Assim que os janízaros fizeram a refeição que lhes havíamos fornecido, os russos chegaram em barcos chatos; ele não escapou de um janízaro. «Едва янычары приготовили нам еду, как прибыли русские на плоских лодках; он не избежал янычара. Les Russes ne firent aucune attention à l'état où nous étions. The Russians paid no attention to the state we were in. Il y a partout des chirurgiens français : un d'eux, qui était fort adroit, prit soin de nous ; il nous guérit, et je me souviendrai toute ma vie que, quand les plaies furent bien fermées, il me fit des propositions. There are French surgeons everywhere: one of them, who was very skilful, took care of us; he heals us, and I will remember all my life that, when the wounds were well closed, he made proposals to me. Au reste, il nous dit à toutes de nous consoler ; il nous assura que dans plusieurs sièges pareille chose était arrivée, et que c'était la loi de la guerre. Besides, he tells all of us to console ourselves; he assured us that in several seats such a thing had happened, and that it was the law of war. Além disso, ele nos diz para nos consolarmos; ele nos assegurou que em vários cercos tal coisa tinha acontecido, e que era a lei da guerra. Кроме того, он говорит нам всем утешать друг друга; он заверил нас, что такое случалось во время нескольких осад, и что это было законом войны.

« Dès que mes compagnes purent marcher, on les fit aller à Moscou. "As soon as my companions could walk, they were sent to Moscow. «Как только мои товарищи научились ходить, их отправили в Москву. J'échus en partage à un boyard qui me fit sa jardinière, et qui me donnait vingt coups de fouet par jour. I fell in share to a boyar who made me his gardener, and who gave me twenty lashes a day. Me compartieron con un boyardo que me hizo su jardinero y me daba veinte latigazos al día. Eu caí em comunhão com um boiardo que me fez seu jardineiro e que me dava vinte chicotadas por dia. Я попал в долю боярина, который сделал меня своим садовником и давал мне двадцать ударов плетью в день. Mais ce seigneur ayant été roué au bout de deux ans avec une trentaine de boyards pour quelque tracasserie de cour, je profitai de cette aventure ; je m'enfuis ; je traversai toute la Russie ; je fus longtemps servante de cabaret à Riga, puis à Rostock, à Vismar, à Leipsick, à Cassel, à Utrecht, à Leyde, à La Haye, à Rotterdam : j'ai vieilli dans la misère et dans l'opprobre, n'ayant que la moitié d'un derrière, me souvenant toujours que j'étais fille d'un pape ; je voulus cent fois me tuer, mais j'aimais encore la vie. Aber nachdem dieser Lord am Ende von zwei Jahren mit ungefähr dreißig Bojaren geschlagen worden war, um den Hof zu streiten, nutzte ich dieses Abenteuer; Ich renne weg; Ich habe ganz Russland durchquert; Ich war lange Zeit Kabarettist in Riga, dann in Rostock, Vismar, Leipzig, Kassel, Utrecht, Leiden, Den Haag, Rotterdam. Ich habe nur einen halben Hintern und erinnere mich immer daran, dass ich die Tochter eines Papstes war. Ich wollte mich hundertmal umbringen, aber ich liebte immer noch das Leben. But this lord having been tricked at the end of two years with around thirty boyars for some court harassment, I took advantage of this adventure; I am running away ; I crossed all of Russia; I was a cabaret servant for a long time in Riga, then in Rostock, in Vismar, in Leipsick, in Cassel, in Utrecht, in Leiden, in The Hague, in Rotterdam: I grew old in misery and in reproach, n ' having only half of a behind, always remembering that I was the daughter of a pope; I wanted to kill myself a hundred times, but I still loved life. Ma essendo questo signore stato messo a morte dopo due anni con una trentina di boiardi per un intrigo di corte, approfittai di questa avventura; fuggii; attraversai tutta la Russia; per molto tempo fui una serva di cabaret a Riga, poi a Rostock, a Vismar, a Leipsick, a Cassel, a Utrecht, a Leida, all'Aia, a Rotterdam: Sono invecchiata in miseria e in disgrazia, con solo una mezza schiena, ricordando sempre che ero la figlia di un papa; avrei voluto uccidermi cento volte, ma amavo ancora la vita. Mas este senhor tendo sido espancado no final de dois anos com cerca de trinta boiardos por algum assédio da corte, aproveitei esta aventura; estou fugindo; Atravessei toda a Rússia; Fui empregado de cabaré durante muito tempo em Riga, depois em Rostock, em Vismar, em Leipsick, em Cassel, em Utrecht, em Leiden, em Haia, em Roterdão: envelheci na miséria e na vergonha, não tendo apenas metade de um rabo, sempre lembrando que eu era filha de um papa; Quis me matar uma centena de vezes, mas ainda amava a vida. Но этот господин был избит по прошествии двух лет с тридцатью боярами за какое-то преследование двора, и я воспользовался этой авантюрой; Я убегаю; Я пересек всю Россию; Я долгое время служил в кабаре в Риге, затем в Ростоке, Висмаре, Лейпсике, Касселе, Утрехте, Лейдене, Гааге, Роттердаме: я состарился в страданиях и унижениях, имея только половину задницы, всегда помня, что я дочь папы; Сотню раз хотел убить себя, но все равно любил жизнь. Cette faiblesse ridicule est peut-être un de nos penchants les plus funestes ; car y a t-il rien de plus sot que de vouloir porter continuellement un fardeau qu'on veut toujours jeter par terre ? Diese lächerliche Schwäche ist vielleicht eine unserer tödlichsten Neigungen; denn gibt es etwas Dümmeres, als ständig eine Last tragen zu wollen, die wir immer auf den Boden werfen wollen? This ridiculous weakness is perhaps one of our most fatal inclinations; for is there anything more foolish than wanting to carry continually a burden that we always want to throw on the ground? Essa fraqueza ridícula talvez seja uma de nossas inclinações mais fatais; pois não há nada mais tolo do que querer carregar continuamente um fardo que sempre se quer jogar no chão? Эта нелепая слабость, пожалуй, одна из наших самых фатальных наклонностей; ведь нет ничего глупее, чем постоянно нести ношу, которую всегда хочется бросить на землю? d'avoir son être en horreur, et de tenir à son être ? to have one's being in horror, and to hold on to one's being? быть в ужасе и держаться за свое существо? enfin de caresser le serpent qui nous dévore, jusqu'à ce qu'il nous ait mangé le coeur ? to caress the serpent that devours us, until he has eaten our heart? наконец, ласкать змея, пожирающего нас, до тех пор, пока он не съест наши сердца?

« J'ai vu dans les pays que le sort m'a fait parcourir, et dans les cabarets où j'ai servi, un nombre prodigieux de personnes qui avaient leur existence en exécration ; mais je n'en ai vu que douze qui aient mis volontairement fin à leur misère : trois nègres, quatre Anglais, quatre Genevois et un professeur allemand nommé Robeck. “I have seen in the countries that fate made me travel through, and in the cabarets where I served, a prodigious number of people who had their existence in abhorrence; but I only saw twelve who voluntarily put an end to their misery: three negroes, four Englishmen, four Genevans and a German professor named Robeck. "En los países a los que me ha llevado el destino, y en los cabarets donde he servido, he visto un número prodigioso de personas que despreciaban su existencia; pero sólo he visto doce que voluntariamente pusieron fin a su miseria: tres negros, cuatro ingleses, cuatro ginebrinos y un profesor alemán llamado Robeck. “Vi nos países que o destino me fez viajar, e nos cabarés onde servi, um número prodigioso de pessoas que tinham a sua existência no horror; mas só vi doze que voluntariamente puseram fim à sua miséria: três negros, quatro ingleses, quatro genebrinos e um professor alemão chamado Robeck. «Я видел в странах, которые судьба заставила меня путешествовать, и в кабаре, где я служил, огромное количество людей, которые ненавидели свое существование; но я видел только двенадцать, которые добровольно положили конец своим страданиям: три негра, четыре англичанина, четыре женевца и немецкий профессор по имени Робек. J'ai fini par être servante chez le Juif don Issacar ; il me mit auprès de vous, ma belle demoiselle ; je me suis attachée à votre destinée, et j'ai été plus occupée de vos aventures que des miennes. I ended up being a servant with the Jew, Don Issacar; he put me near you, my beautiful young lady; I am attached to your destiny, and I have been more occupied with your adventures than mine. В итоге я стал слугой у еврея Дона Иссакара; он поставил меня рядом с вами, моя прекрасная юная леди; Я привязан к твоей судьбе, и твои приключения меня больше занимают, чем мои. Je ne vous aurais même jamais parlé de mes malheurs, si vous ne m'aviez pas un peu piquée, et s'il n'était d'usage dans un vaisseau de conter des histoires pour se désennuyer. I would never have even told you about my misfortunes, if you hadn't stung me a little, and if it wasn't customary in a ship to tell stories to keep boredom. Eu nunca teria te contado sobre meus infortúnios, se você não tivesse me picado um pouco, e se não fosse o costume em um navio contar histórias para aliviar o tédio. Я бы никогда не рассказал тебе о своих несчастьях, если бы ты меня немного не ужалил, и если бы на корабле не было принято рассказывать истории, чтобы скучать. Enfin, mademoiselle, j'ai de l'expérience, je connais le monde ; donnez-vous un plaisir, engagez chaque passager à vous conter son histoire ; et s'il s'en trouve un seul qui n'ait souvent maudit sa vie, qui ne se soit souvent dit à lui-même qu'il était le plus malheureux des hommes, jetez-moi dans la mer la tête la première. » Finally, mademoiselle, I have experience, I know the world; give yourself a treat, get each passenger to tell you their story; and if there is one who has not often cursed his life, who has not often said to himself that he is the most unhappy of men, throw me into the sea head first. Finalmente, mademoiselle, tenho experiência, conheço o mundo; dê-se um prazer, faça com que cada passageiro lhe conte sua história; e se houver alguém que não tenha amaldiçoado sua vida com frequência, que não tenha dito a si mesmo que é o mais infeliz dos homens, me jogue de cabeça no mar. " Наконец, мадемуазель, у меня есть опыт, я знаю мир; побалуйте себя, попросите каждого пассажира рассказать вам свою историю; и если есть тот, кто не часто проклинал свою жизнь, кто не часто говорил себе, что он самый несчастный из людей, бросьте меня первым в море.