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Le Grand Meaulnes, Le Grand Meaulnes - chapitre 3 : "Je fréquentais la boutique d'un vannier".

Le Grand Meaulnes - chapitre 3 : "Je fréquentais la boutique d'un vannier".

La pluie était tombée tout le jour, pour ne cesser qu'au soir.

La journée avait été mortellement ennuyeuse. Aux récréations, personne ne sortait. Et l'on entendait mon père, M. Seurel, crier à chaque minute, dans la classe: "Ne sabotez donc pas comme ça, les gamins!

Après la dernière récréation de la journée, ou, comme nous disions, après le dernier "quart d'heure", M. Seurel, qui depuis un instant marchait de long en large pensivement, s'arrêta, frappa un grand coup de règle sur la table, pour faire cesser le bourdonnement confus des fins de classe où l'on s'ennuie, et, dans le silence attentif, demanda:

"Qui est-ce qui ira demain en voiture à La Gare avec François, pour chercher M. et Mme Charpentier?

C'étaient mes grands-parents: grand-père Charpentier, l'homme au grand burnous de laine grise, le vieux garde forestier en retraite, avec son bonnet de poil de lapin qu'il appelait son képi... Les petits gamins le connaissaient bien.

Les matins, pour se débarbouiller, il tirait un seau d'eau, dans lequel il barbotait, à la façon des vieux soldats en se frottant vaguement la barbiche. Un cercle d'enfants, les mains derrière le dos, l'observaient avec une curiosité respectueuse... Et ils connaissaient aussi grand'mère Charpentier, la petite paysanne, avec sa capote tricotée, parce que Millie l'amenait, au moins une fois, dans la classe des plus petits. Tous les ans, nous allions les chercher, quelques jours avant Noël, à la Gare, au train de 4 h 2.

Ils avaient, pour nous voir, traversé tout le département, chargés de ballots de châtaignes et de victuailles pour Noël enveloppées dans des serviettes. Dès qu'ils avaient passé, tous les deux, emmitouflés, souriants et un peu interdits, le seuil de la maison, nous fermions sur eux toutes les portes, et c'était une grande semaine de plaisir qui commençait... Il fallait, pour conduire avec moi la voiture qui devait les ramener, il fallait quelqu'un de sérieux qui ne nous versât pas dans un fossé, et d'assez débonnaire aussi, car le grand-père Charpentier jurait facilement et la grand-mère était un peu bavarde.

A la question de M. Seurel, une dizaine de voix répondirent, criant ensemble:

"Le grand Meaulnes!

le grand Meaulnes! Mais M. Seurel fit semblant de ne pas entendre.

Alors ils crièrent:

"Fromentin!

D'autres:

"Jasmin Delouche!

Le plus jeune des Roy, qui allait aux champs monté sur la truie au triple galop, criait: "Moi!

Moi!" d'une voix perçante. Dutremblay et Moucheboeuf se contentaient de lever timidement la main.

J'aurais voulu que ce fut Meaulnes.

Ce petit voyage en voiture à âne serait devenu un événement plus important. Il le désirait aussi, mais il affectait de se taire dédaigneusement. Tous les grands élèves s'étaient assis comme lui sur la table, à revers, les pieds sur le banc, ainsi que nous faisions dans les moments de grand répit et de réjouissance. Coffin, sa blouse relevée et roulée autour de la ceinture, embrassait la colonne de fer qui soutenait la poutre de la classe et commençait de grimper en signe d'allégresse. Mais M. Seurel refroidit tout le monde en disant: "Allons!

Ce sera Moucheboeuf". Et chacun regagna sa place en silence.

A quatre heures, dans la grande cour glacée, ravinée par la pluie, je me trouvai seul avec Meaulnes.

Tous deux, sans rien dire, nous regardions le bourg luisant que séchait la bourrasque. Bientôt, le petit Coffin, en capuchon, un morceau de pain à la main, sortit de chez lui et, rasant les murs, se présenta en sifflant à la porte du charron. Meaulnes ouvrit le portail, le héla et, tous les trois, un instant après, nous étions installés au fond de la boutique rouge et chaude, brusquement traversée par de glacials coups de vent: Coffin et moi, assis auprès de la forge, nos pieds boueux dans les copeaux blancs; Meaulnes, les mains aux poches, silencieux, adossé au battant de la porte d'entrée. De temps à autre, dans la rue, passait une dame de village, la tête baissée à cause du vent, qui revenait de chez le boucher, et nous levions le nez pour regarder qui c'était. Personne ne disait rien.

Le maréchal et son ouvrier, l'un soufflant la forge, l'autre battant le fer, jetaient sur le mur de grandes ombres brusques... Je me rappelle ce soir-là comme un des grands soirs de mon adolescence. C'était en moi un mélange de plaisir et d'anxiété: je craignais que mon compagnon ne m'enlevât cette pauvre joie d'aller à La Gare en voiture; et pourtant j'attendais de lui, sans oser me l'avouer, quelque entreprise extraordinaire qui vînt tout bouleverser. De temps à autre, le travail paisible et régulier de la boutique s'interrompait pour un instant.

Le maréchal laissait à petits coups pesants et clairs retomber son marteau sur l'enclume. Il regardait, en l'approchant de son tablier de cuir, le morceau de fer qu'il avait travaillé. Et, redressant la tête, il nous disait, histoire de souffler un peu: "Eh bien, ça va, la jeunesse?

L'ouvrier restait la main en l'air à la chaîne du soufflet, mettait son poing gauche sur la hanche et nous regardait en riant.

Puis le travail sourd et bruyant reprenait.

Durant une de ces pauses, on aperçut, par la porte battante, Millie dans le grand vent, serrée dans un fichu, qui passait chargée de petits paquets.

Le maréchal demanda:

"C'est-il que M. Charpentier va bientôt venir?

--Demain, répondis je, avec ma grand'mère, j'irai les chercher en voiture au train de 4 h 2.

--Dans la voiture à Fromentin, peut-être?

Je répondis bien vite: "Non, dans celle du père Martin.

--Oh!

alors, vous n'êtes pas revenus". Et tous les deux, son ouvrier et lui, se prirent à rire.

L'ouvrier fit remarquer, lentement, pour dire quelque chose:

"Avec la jument de Fromentin on aurait pu aller les chercher à Vierzon.

Il y a une heure d'arrêt. C'est à quinze kilomètres. On aurait été de retour avant même que l'âne à Martin fût attelé. --Çà, dit l'autre, c'est une jument qui marche!...

--Et je crois bien que Fromentin la prêterait facilement".

La conversation finit là.

De nouveau la boutique fut un endroit plein d'étincelles et de bruit, où chacun ne pensa que pour soi. Mais lorsque l'heure fut venue de partir et que je me levai pour faire signe au grand Meaulnes, il ne m'aperçut pas d'abord.

Adossé à la porte et la tête penchée, il semblait profondément absorbé par ce qui venait d'être dit. En le voyant ainsi, perdu dans ses réflexions, regardant, comme à travers des lieues de brouillard, ces gens paisibles qui travaillaient, je pensai soudain à cette image de Robinson Crusoé, où l'on voit l'adolescent anglais, avant son grand départ, "fréquentant la boutique d'un vannier"... Et j'y ai souvent repensé depuis.


Le Grand Meaulnes - chapitre 3 : "Je fréquentais la boutique d'un vannier". Le Grand Meaulnes - chapter 3: "I frequented a basket-maker's store". Le Grand Meaulnes - 第3章:「私はバスケット職人の店によく通った」。

La pluie était tombée tout le jour, pour ne cesser qu’au soir. The rain had fallen all day, only to stop at night.

La journée avait été mortellement ennuyeuse. The day had been deadly boring. 死ぬほど退屈な一日だった。 Aux récréations, personne ne sortait. In der Pause ging niemand aus. At recess, no one came out. 休憩時間には、誰も外に出なかった。 Et l’on entendait mon père, M. Seurel, crier à chaque minute, dans la classe: Und Sie konnten meinen Vater, Herrn Seurel, jede Minute in der Klasse schreien hören: And we heard my father, Mr. Seurel, screaming every minute in the classroom: "Ne sabotez donc pas comme ça, les gamins! "Sabotage nicht so, Kinder! "Do not sabotage like that, kids! "¡No saboteéis así, niños!

Après la dernière récréation de la journée, ou, comme nous disions, après le dernier "quart d’heure", M. Seurel, qui depuis un instant marchait de long en large pensivement, s’arrêta, frappa un grand coup de règle sur la table, pour faire cesser le bourdonnement confus des fins de classe où l’on s’ennuie, et, dans le silence attentif, demanda: Nach der letzten Pause des Tages, oder, wie gesagt, nach der letzten "Viertelstunde", hielt Herr Seurel, der einen Moment lang nachdenklich auf und ab gegangen war, an und schlug einen großen Strich des Lineals auf der Tisch, um dem verwirrten Summen des Unterrichtsendes ein Ende zu setzen, in dem man sich langweilt, und fragte in aufmerksamem Schweigen: After the last recess of the day, or, as we said, after the last "quarter of an hour", Mr. Seurel, who had been walking thoughtfully up and down for a moment, stopped, struck a large stroke of the ruler on the table, to put an end to the confused buzzing of the end of class where one is bored, and, in attentive silence, asked: その日の最後の休み時間の後、あるいは私たちがよく言っていたように、最後の「4分の1時間」の後、一瞬、思慮深く上下に歩いていたM・スールは立ち止まり、定規でテーブルを大きく叩いて、退屈な授業の終わりの混乱したハミングを止め、注意深い沈黙の中で、こう尋ねた:

"Qui est-ce qui ira demain en voiture à La Gare avec François, pour chercher M. et Mme Charpentier? "Who will drive to La Gare with François tomorrow to find Mr. and Mrs. Charpentier? 「明日、フランソワと一緒に車でラ・ガールに行き、シャルパンティエ夫妻を迎えに行くのは誰でしょう?

C’étaient mes grands-parents: grand-père Charpentier, l’homme au grand burnous de laine grise, le vieux garde forestier en retraite, avec son bonnet de poil de lapin qu’il appelait son képi... Les petits gamins le connaissaient bien. They were my grandparents: grandfather Charpentier, the man with the big gray woolen burnous, the old retired forest ranger, with his rabbit fur cap he called his kepi ... The little kids the knew each other well. Eran mis abuelos: el grand-père Charpentier, el hombre del gran burnous de lana gris, el viejo guarda forestal jubilado, con su gorra de pelo de conejo que él llamaba su kepi... Los niños le conocían bien. 私の祖父母です。シャルパンティエおじいさん、大きなグレーの毛糸のバーンナスの人、引退した森林警備隊員のおじいさん、ケピと呼ばれるウサギの毛の帽子をかぶった人...。小さな子供たちは彼のことをよく知っていた。

Les matins, pour se débarbouiller, il tirait un seau d’eau, dans lequel il barbotait, à la façon des vieux soldats en se frottant vaguement la barbiche. Um sich abzuwaschen, zog er morgens einen Eimer Wasser, in den er wie alte Soldaten paddelte und den Ziegenbart vage rieb. In the morning, to wash himself, he drew a bucket of water, in which he paddled, in the manner of the old soldiers, rubbing his goatee vaguely. Por las mañanas, para lavarse la cara, sacaba un cubo de agua y chapoteaba en él, como un viejo soldado, frotándose vagamente la perilla. 朝、顔を洗うために、バケツに水を汲み、その中で老兵の要領で、ぼんやりとあごひげをこすりながら、水をかけまくるのだ。 Un cercle d’enfants, les mains derrière le dos, l’observaient avec une curiosité respectueuse... Et ils connaissaient aussi grand’mère Charpentier, la petite paysanne, avec sa capote tricotée, parce que Millie l’amenait, au moins une fois, dans la classe des plus petits. Ein Kreis von Kindern, die Hände auf dem Rücken, beobachtete ihn mit respektvoller Neugierde ... Und sie kannten auch Großmutter Charpentier, das kleine Bauernmädchen, mit ihrer gestrickten Kapuze, denn Millie brachte ihr mindestens eine mal in der kleinsten klasse. A circle of children, their hands behind their backs, watched him with respectful curiosity ... And they also knew grandmother Charpentier, the little peasant woman, with her knitted hood, because Millie brought her at least one times, in the class of the little ones. Un círculo de niños, con las manos a la espalda, la observaba con respetuosa curiosidad... Y también conocían a la abuela Charpentier, la pequeña campesina del gorro de punto, porque Millie solía traerla a la clase de los más pequeños al menos una vez. 子供たちは手を後ろに回して、尊敬の念をこめて彼女を見ていた...。シャルパンティエおばあちゃんも知っていた。小さな農民の女の子で、編み物のカポーテを持っている。 Tous les ans, nous allions les chercher, quelques jours avant Noël, à la Gare, au train de 4 h 2. Every year, we went to pick them up, a few days before Christmas, at the station, at the 4 o'clock train. Todos los años, unos días antes de Navidad, los recogíamos en la estación en el tren de las 4.02 de la mañana.

Ils avaient, pour nous voir, traversé tout le département, chargés de ballots de châtaignes et de victuailles pour Noël enveloppées dans des serviettes. To see us, they had crossed the whole department, loaded with chestnut bales and Christmas food wrapped in napkins. Para vernos, habían atravesado todo el departamento, cargados con fardos de castañas y alimentos navideños envueltos en toallas. 彼らは、栗の俵やタオルに包まれたクリスマス料理を積んで、私たちに会うために部署を越えてやってきていたのです。 Dès qu’ils avaient passé, tous les deux, emmitouflés, souriants et un peu interdits, le seuil de la maison, nous fermions sur eux toutes les portes, et c’était une grande semaine de plaisir qui commençait... Sobald sie beide vorbeigegangen waren, zusammengerollt, lächelnd und ein wenig verboten, die Schwelle des Hauses, schlossen wir alle Türen zu und es war eine großartige Woche voller Spaß, die begann ... As soon as they had passed, wrapped up, smiling and a little forbidden, the threshold of the house, we closed on them all the doors, and it was a great week of pleasure that began ... En cuanto los dos cruzaron el umbral de la casa, abrigados, sonrientes y un poco avergonzados, les cerramos todas las puertas y comenzó una gran semana de placer... 包み込むように、笑顔で、ちょっと照れながら、2人が家の敷居をまたぐと、すぐにすべての扉を閉めて、最高の喜びの1週間が始まりました...。 Il fallait, pour conduire avec moi la voiture qui devait les ramener, il fallait quelqu’un de sérieux qui ne nous versât pas dans un fossé, et d’assez débonnaire aussi, car le grand-père Charpentier jurait facilement et la grand-mère était un peu bavarde. It was necessary, to drive with me the car which was to bring them back, it was necessary someone of serious who did not pour us in a ditch, and of fairly debonair too, because the grandfather Charpentier swore easily and the grandmother was a bit talkative. Para conducir el coche de vuelta conmigo, necesitaba a alguien que fuera lo bastante serio como para no hacernos caer en una zanja, y a alguien que también fuera desenvuelto, porque el abuelo Charpentier juraba con facilidad y la abuela era un poco habladora. 祖父のシャルパンティエはすぐに悪態をつくし、祖母は少しおしゃべりなので、彼らを連れ帰る車の運転手には、溝を掘らないような真面目な人が必要だったのです。

A la question de M. Seurel, une dizaine de voix répondirent, criant ensemble: At the question of Mr. Seurel, a dozen voices answered, shouting together:

"Le grand Meaulnes! "The great Meaulnes!

le grand Meaulnes! Mais M. Seurel fit semblant de ne pas entendre. But Mr. Seurel pretended not to hear.

Alors ils crièrent: Then they cried out:

"Fromentin! "Fromentin!

D’autres:

"Jasmin Delouche!

Le plus jeune des Roy, qui allait aux champs monté sur la truie au triple galop, criait: "Moi! The youngest of the Roy, who went to the fields on the sow at a gallop, shouted: "Me! El menor de los Roy, que montaba la cerda a triple galope por los campos, gritó: "¡Yo! 野原で雌豚を3倍速で走らせていた最年少のロイは、「俺」と叫んだ!

Moi!" d’une voix perçante. con voz penetrante. Dutremblay et Moucheboeuf se contentaient de lever timidement la main. Dutremblay and Moucheboeuf were content to raise their hands timidly. ドゥトランブレーとムシュブーフは、おずおずと手を挙げただけだった。

J’aurais voulu que ce fut Meaulnes. Ich wünschte, es wäre Meaulnes. I wish it was Meaulnes. Meaulnesだったらよかったのにと思います。

Ce petit voyage en voiture à âne serait devenu un événement plus important. This little car trip to donkey would have become a more important event. Este pequeño viaje en coche de burros se habría convertido en un acontecimiento mayor. Il le désirait aussi, mais il affectait de se taire dédaigneusement. Er wollte es auch, aber er war davon betroffen, abweisend zu sein. He wanted it too, but he affected to be dismissive. Él también quería hacerlo, pero fingió guardar un desdeñoso silencio. 彼もまた、そうしたかったのだが、蔑むように黙っているふりをした。 Tous les grands élèves s’étaient assis comme lui sur la table, à revers, les pieds sur le banc, ainsi que nous faisions dans les moments de grand répit et de réjouissance. All the great pupils had sat like him on the table, on the back, with their feet on the bench, as we were doing in moments of great respite and rejoicing. Todos los alumnos mayores se sentaban en la mesa como él, de espaldas, con los pies en el banco, como hacíamos nosotros en los momentos de gran respiro y regocijo. Coffin, sa blouse relevée et roulée autour de la ceinture, embrassait la colonne de fer qui soutenait la poutre de la classe et commençait de grimper en signe d’allégresse. Coffin, his blouse raised and rolled around the belt, kissed the iron column that supported the beam of the class and began to climb as a sign of joy. Coffin, con el blusón subido y enrollado alrededor de la cintura, se abrazó a la columna de hierro que sostenía la viga de la clase y empezó a subir jubiloso. Mais M. Seurel refroidit tout le monde en disant: But Mr. Seurel chilled everyone by saying: "Allons! "Let's go!

Ce sera Moucheboeuf". It will be Moucheboeuf ". Et chacun regagna sa place en silence. And everyone regained his place in silence.

A quatre heures, dans la grande cour glacée, ravinée par la pluie, je me trouvai seul avec Meaulnes. At four o'clock, in the great icy courtyard, ravined by the rain, I found myself alone with Meaulnes. A las cuatro, en el gran patio helado, bañado por la lluvia, me encontré a solas con Meaulnes.

Tous deux, sans rien dire, nous regardions le bourg luisant que séchait la bourrasque. Both of them, without saying anything, we looked at the shining borough that the storm was drying. Ambos, sin decir palabra, miramos la ciudad reluciente, reseca por la ráfaga de viento. Bientôt, le petit Coffin, en capuchon, un morceau de pain à la main, sortit de chez lui et, rasant les murs, se présenta en sifflant à la porte du charron. Soon, the little Coffin, in a hood, a piece of bread in his hand, came out of his house and, shaving the walls, presented himself whistling at the wheelwright's door. Pronto, el pequeño Coffin, con un bonete y un trozo de pan en la mano, salió de su casa y, rozando las paredes, llegó silbando hasta la puerta del carretero. Meaulnes ouvrit le portail, le héla et, tous les trois, un instant après, nous étions installés au fond de la boutique rouge et chaude, brusquement traversée par de glacials coups de vent: Coffin et moi, assis auprès de la forge, nos pieds boueux dans les copeaux blancs; Meaulnes, les mains aux poches, silencieux, adossé au battant de la porte d’entrée. Meaulnes opened the gate, hailed it, and all three, a moment later, we were seated at the bottom of the red and hot shop, suddenly traversed by frigid gales: Coffin and I, seated near the forge, our feet muddy in white chips; Meaulnes, hands in pockets, silent, leaning against the door of the door. De temps à autre, dans la rue, passait une dame de village, la tête baissée à cause du vent, qui revenait de chez le boucher, et nous levions le nez pour regarder qui c’était. From time to time, in the street, a village lady passed by, her head bowed down by the wind, coming back from the butcher's, and we looked up to see who it was. Personne ne disait rien. Nobody said anything.

Le maréchal et son ouvrier, l’un soufflant la forge, l’autre battant le fer, jetaient sur le mur de grandes ombres brusques... Je me rappelle ce soir-là comme un des grands soirs de mon adolescence. The marshal and his workman, one blowing the forge, the other beating the iron, threw big shadows on the wall. I remember that night as one of the great nights of my adolescence. El herrero y su obrero, uno soplando la fragua, el otro golpeando el hierro, proyectaban grandes y repentinas sombras sobre la pared... Recuerdo aquella tarde como una de las grandes veladas de mi adolescencia. C’était en moi un mélange de plaisir et d’anxiété: je craignais que mon compagnon ne m’enlevât cette pauvre joie d’aller à La Gare en voiture; et pourtant j’attendais de lui, sans oser me l’avouer, quelque entreprise extraordinaire qui vînt tout bouleverser. It was a mixture of pleasure and anxiety in me: I feared my companion would take away the poor joy of driving to La Gare; and yet I expected from him, without daring to admit it to me, some extraordinary enterprise which would upset everything. Era en mí una mezcla de placer y ansiedad: temía que mi acompañante me quitara la pobre alegría de ir a La Gare en coche; y, sin embargo, esperaba de él, sin atreverme a admitirlo ante mí mismo, alguna empresa extraordinaria que lo pusiera todo patas arriba. De temps à autre, le travail paisible et régulier de la boutique s’interrompait pour un instant. From time to time the peaceful and regular work of the shop was interrupted for a moment.

Le maréchal laissait à petits coups pesants et clairs retomber son marteau sur l’enclume. The marshal was letting his hammer fall on the anvil lightly and lightly. El mariscal dejó caer de nuevo su martillo sobre el yunque con golpes cortos, fuertes y claros. Il regardait, en l’approchant de son tablier de cuir, le morceau de fer qu’il avait travaillé. As he approached his leather apron, he watched the piece of iron he had worked on. Et, redressant la tête, il nous disait, histoire de souffler un peu: And, straightening his head, he told us, just to blow a little: Y, levantando la cabeza, nos dijo, para tomarse un respiro: "Eh bien, ça va, la jeunesse? "Well, how are you, youth?

L’ouvrier restait la main en l’air à la chaîne du soufflet, mettait son poing gauche sur la hanche et nous regardait en riant. The workman stood with his hand in the air at the bellows chain, put his left fist on his hip, and looked at us with a laugh.

Puis le travail sourd et bruyant reprenait. Then the deaf and noisy work resumed.

Durant une de ces pauses, on aperçut, par la porte battante, Millie dans le grand vent, serrée dans un fichu, qui passait chargée de petits paquets. During one of these breaks, through the swinging door, Millie could be seen in the wind, clutching a kerchief, passing by, laden with small packages. Durante una de estas pausas, a través de la puerta batiente, vimos pasar a Millie bajo el fuerte viento, bien envuelta en un pañuelo, cargada de pequeños paquetes.

Le maréchal demanda: The marshal asked:

"C’est-il que M. Charpentier va bientôt venir? "Is it that Mr. Charpentier will come soon?

--Demain, répondis je, avec ma grand’mère, j’irai les chercher en voiture au train de 4 h 2. "Tomorrow," I replied, "with my grandmother, I will go and get them by car at 4 o'clock.

--Dans la voiture à Fromentin, peut-être? "In the car at Fromentin, perhaps?

Je répondis bien vite: "Non, dans celle du père Martin. I answered quickly: "No, in that of Father Martin.

--Oh! --Oh!

alors, vous n’êtes pas revenus". so you did not come back. " para que no volvieras". Et tous les deux, son ouvrier et lui, se prirent à rire. And both his worker and himself laughed.

L’ouvrier fit remarquer, lentement, pour dire quelque chose: The worker remarked, slowly, to say something:

"Avec la jument de Fromentin on aurait pu aller les chercher à Vierzon. "With Fromentin's mare we could have picked them up at Vierzon.

Il y a une heure d’arrêt. There is an hour of stop. Hay una hora de descanso. C’est à quinze kilomètres. It's fifteen kilometers away. On aurait été de retour avant même que l’âne à Martin fût attelé. We would have been back even before Martin's donkey was harnessed. Habríamos vuelto antes de que el burro de Martin estuviera enjaezado. --Çà, dit l’autre, c’est une jument qui marche!... "That," said the other, "is a mare!

--Et je crois bien que Fromentin la prêterait facilement". "And I think that Fromentin would lend it easily."

La conversation finit là. The conversation ends there.

De nouveau la boutique fut un endroit plein d’étincelles et de bruit, où chacun ne pensa que pour soi. Once again the shop was a place full of sparks and noise, where everyone thought only for themselves. Mais lorsque l’heure fut venue de partir et que je me levai pour faire signe au grand Meaulnes, il ne m’aperçut pas d’abord. But when it was time to leave and I got up to wave to the great Meaulnes, he did not notice me first. Pero cuando llegó la hora de partir y me levanté para saludar al gran Meaulnes, al principio no me vio.

Adossé à la porte et la tête penchée, il semblait profondément absorbé par ce qui venait d’être dit. Leaning against the door, his head bowed, he seemed deeply absorbed in what had just been said. En le voyant ainsi, perdu dans ses réflexions, regardant, comme à travers des lieues de brouillard, ces gens paisibles qui travaillaient, je pensai soudain à cette image de Robinson Crusoé, où l’on voit l’adolescent anglais, avant son grand départ, "fréquentant la boutique d’un vannier"... Seeing him thus, lost in his reflections, looking, as though through foggy leagues, those peaceful people who worked, I suddenly thought of this image of Robinson Crusoe, where we see the English teenager, before his great departure , "frequenting the shop of a basket maker" ... Viéndole así, ensimismado, mirando como a través de leguas de niebla a esas pacíficas gentes en plena faena, pensé de pronto en aquella imagen de Robinson Crusoe, donde vemos al adolescente inglés, antes de su gran partida, "frecuentando la tienda de un cestero"... Et j’y ai souvent repensé depuis. And I have thought about it often since.