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Le Grand Meaulnes, Le Grand Meaulnes - chapitre 1 : Le Pensionnaire

Le Grand Meaulnes - chapitre 1 : Le Pensionnaire

Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189... Je continue à dire "chez nous", bien que la maison ne nous appartienne plus.

Nous avons quitté le pays depuis bientôt quinze ans et nous n'y reviendrons certainement jamais. Nous habitions les bâtiments du Cour Supérieur de Sainte-Agathe.

Mon père, que j'appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le Cours supérieur, où l'on préparait le brevet d'instituteur, et le Cours moyen. Ma mère faisait la petite classe. Une longue maison rouge, avec cinq portes vitrées, sous des vignes vierges, à l'extrémité du bourg; une cour immense avec préaux et buanderie, qui ouvrait en avant sur le village par un grand portail; sur le côté nord, la route où donnait une petite grille et qui menait vers la gare, à trois kilomètres; au sud et par derrière, des champs, des jardins et des prés qui rejoignaient les faubourgs... tel est le plan sommaire de cette demeure où s'écoulèrent les jours les plus tourmentés et les plus chers de ma vie--demeure d'où partirent et où revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher désert, nos aventures.

Le hasard des "changements", une décision d'inspecteur ou de préfet nous avaient conduits là.

Vers la fin des vacances, il y a bien longtemps, une voiture de paysan, qui précédait notre ménage, nous avait déposés, ma mère et moi, devant la petite grille rouillée. Des gamins qui volaient des pêches dans le jardin s'étaient enfuis silencieusement par les trous de la haie... Ma mère, que nous appelions Millie, et qui était bien la ménagère la plus méthodique que j'aie jamais connue, était entrée aussitôt dans les pièces remplies de paille poussiéreuse, et tout de suite elle avait constaté avec désespoir, comme à chaque "déplacement", que nos meubles ne tiendraient jamais dans une maison si mal construite... Elle était sortie pour me confier sa détresse. Tout en me parlant, elle avait essuyé doucement avec son mouchoir ma figure d'enfant noircie par le voyage. Puis elle était rentrée faire le compte de toutes les ouvertures qu'il allait falloir condamner pour rendre le logement habitable... Quant à moi, coiffé d'un grand chapeau de paille à rubans, j'étais resté là, sur le gravier de cette cour étrangère, à attendre, à fureter petitementautour du puits et sous le hangar. C'est ainsi, du moins, que j'imagine aujourd'hui notre arrivée.

Car aussitôt que je veux retrouver le lointain souvenir de cette première soirée d'attente dans notre cour de Sainte-Agathe, déjà ce sont d'autres attentes que je me rappelle; déjà, les deux mains appuyées aux barreaux du portail, je me vois épiant avec anxiété quelqu'un qui va descendre la grand'rue. Et si j'essaie d'imaginer la première nuit que je dus passer dans ma mansarde, au milieu des greniers du premier étage, déjà ce sont d'autres nuits que je me rappelle; je ne suis plus seul dans cette chambre; une grande ombre inquiète et amie passe le long des murs et se promène. Tout ce paysage paisible--l'école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le jardin dès quatre heures envahi chaque jour par des femmes en visite--est à jamais, dans ma mémoire, agité, transformé par la présence de celui qui bouleversa toute notre adolescence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos. Nous étions pourtant depuis dix ans dans ce pays lorsque Meaulnes arriva. J'avais quinze ans.

C'était un froid dimanche de novembre, le premier jour d'automne qui fît songer à l'hiver. Toute la journée, Millie avait attendu une voiture de La Gare qui devait lui apporter un chapeau pour la mauvaise saison. Le matin, elle avait manqué la messe; et jusqu'au sermon, assis dans le choeur avec les autres enfants, j'avais regardé anxieusement du côté des cloches, pour la voir entrer avec son chapeau neuf. Après midi, je dus partir seul à vêpres.

"D'ailleurs, me dit-elle, pour me consoler, en brossant de sa main mon costume d'enfant, même s'il était arrivé, ce chapeau, il aurait bien fallu sans doute, que je passe mon dimanche à le refaire".

Souvent nos dimanches d'hiver se passaient ainsi.

Dès le matin, mon père s'en allait au loin, sur le bord de quelque étang couvert de brume, pêcher le brochet dans une barque; et ma mère, retirée jusqu'à la nuit dans sa chambre obscure, rafistolait d'humbles toilettes. Elle s'enfermait ainsi de crainte qu'une dame de ses amies, aussi pauvre qu'elle mais aussi fière, vînt la surprendre. Et moi, les vêpres finies, j'attendais, en lisant dans la froide salle à manger, qu'elle ouvrît la porte pour me montrer comment ça lui allait. Ce dimanche-là, quelque animation devant l'église me retint dehors après vêpres.

Un baptême, sous le porche, avait attroupé des gamins. Sur la place, plusieurs hommes du bourg avaient revêtu leurs vareuses de pompiers; et, les faisceaux formés, transis et battant la semelle, ils écoutaient Boujardon, le brigadier, s'embrouiller dans la théorie... Le carillon du baptême s'arrêta soudain, comme une sonnerie de fête qui se serait trompée de jour et d'endroit; Boujardon et ses hommes, l'arme en bandoulière emmenèrent la pompe au petit trot; et je les vis disparaître au premier tournant, suivis de quatre gamins silencieux, écrasant de leurs grosses semelles les brindilles de la route givrée où je n'osais pas les suivre.

Dans le bourg, il n'y eut plus alors de vivant que le café Daniel, où j'entendais sourdement monter puis s'apaiser les discussions des buveurs.

Et, frôlant le mur bas de la grande cour qui isolait notre maison du village, j'arrivai un peu anxieux de mon retard, à la petite grille. Elle était entr'ouverte et je vis aussitôt qu'il se passait quelque chose d'insolite.

En effet, à la porte de la salle à manger--la plus rapprochée des cinq portes vitrées qui donnaient sur la cour--une femme aux cheveux gris, penchée, cherchait à voir au travers des rideaux.

Elle était petite, coiffée d'une capote de velours noir à l'ancienne mode. Elle avait un visage maigre et fin, mais ravagé par l'inquiétude; et je ne sais quelle appréhension, à sa vue, m'arrêta sur la première marche, devant la grille. "Où est-il passé?

mon Dieu! disait-elle à mi-voix. Il était avec moi tout à l'heure. Il a déjà fait le tour de la maison. Il s'est peut-être sauvé..." Et, entre chaque phrase, elle frappait au carreau trois petits coups à peine perceptibles.

Personne ne venait ouvrir à la visiteuse inconnue.

Millie, sans doute, avait reçu le chapeau de La Gare, et sans rien entendre, au fond de la chambre rouge, devant un lit semé de vieux rubans et de plumes défrisées, elle cousait, décousait, rebâtissait sa médiocre coiffure...En effet, lorsque j'eus pénétré dans la salle à manger, immédiatement suivi de la visiteuse, ma mère apparut tenant à deux mains sur la tête des fils de laiton, des rubans et des plumes, qui n'étaient pas encore parfaitement équilibrés... Elle me sourit, de ses yeux bleus fatigués d'avoir travaillé à la chute du jour, et s'écria: "Regarde!

Je t'attendais pour te montrer..." Mais, apercevant cette femme assise dans le grand fauteuil, au fond de la salle, elle s'arrêta, déconcertée.

Bien vite, elle enleva sa coiffure, et, durant toute la scène qui suivit, elle la tint contre sa poitrine, renversée comme un nid dans son bras droit replié. La femme à la capote, qui gardait, entre ses genoux, un parapluie et un sac de cuir, avait commencé de s'expliquer, en balançant légèrement la tête et en faisant claquer sa langue comme une femme en visite.

Elle avait repris tout son aplomb. Elle eut même, dès qu'elle parla de son fils, un air supérieur et mystérieux qui nous intrigua. Ils étaient venus tous les deux, en voiture, de La Ferté-d'Angillon, à quatorze kilomètres de Sainte-Agathe.

Veuve--et fort riche, à ce qu'elle nous fit comprendre--elle avait perdu le cadet de ses deux enfants, Antoine, qui était mort un soir au retour de l'école, pour s'être baigné avec son frère dans un étang malsain. Elle avait décidé de mettre l'aîné, Augustin, en pension chez nous pour qu'il pût suivre le Cours Supérieur. Et aussitôt elle fit l'éloge de ce pensionnaire qu'elle nous amenait.

Je ne reconnaissais plus la femme aux cheveux gris, que j'avais vue courbée devant la porte, une minute auparavant, avec cet air suppliant et hagard de poule qui aurait perdu l'oiseau sauvage de sa couvée. Ce qu'elle contait de son fils avec admiration était fort surprenant: il aimait à lui faire plaisir, et parfois il suivait le bord de la rivière, jambes nues, pendant des kilomètres, pour lui rapporter des oeufs de poules d'eau, de canards sauvages, perdus dans les ajoncs... Il tendait aussi des nasses... L'autre nuit, il avait découvert dans le bois une faisane prise au collet...

Moi qui n'osais plus rentrer à la maison quand j'avais un accroc à ma blouse, je regardais Millie avec étonnement.

Mais ma mère n'écoutait plus.

Elle fit même signe à la dame de se taire; et, déposant avec précaution son "nid" sur la table, elle se leva silencieusement comme pour aller surprendre quelqu'un... Au-dessus de nous, en effet, dans un réduit où s'entassaient les pièces d'artifice noircies du dernier Quatorze Juillet, un pas inconnu, assuré, allait et venait, ébranlant le plafond, traversait les immenses greniers ténébreux du premier étage, et se perdait enfin vers les chambres d'adjoints abandonnées où l'on mettait sécher le tilleul et mûrir les pommes.

"Déjà, tout à l'heure, j'avais entendu ce bruit dans les chambres du bas, dit Millie à mi-voix, et je croyais que c'était toi, François, qui étais rentré..."

Personne ne répondit.

Nous étions debout tous les trois, le cœur battant, lorsque la porte des greniers qui donnait sur l'escalier de la cuisine s'ouvrit; quelqu'un descendit les marches, traversa la cuisine, et se présenta dans l'entrée obscure de la salle à manger. "C'est toi, Augustin?

dit la dame. C'était un grand garçon de dix-sept ans environ. Je ne vis d'abord de lui, dans la nuit tombante, que son chapeau de feutre paysan coiffé en arrière et sa blouse noire sanglée d'une ceinture comme en portent les écoliers. Je pus distinguer aussi qu'il souriait... Il m'aperçut, et, avant que personne eût pu lui demander aucune explication:

"Viens-tu dans la cour?

dit-il. J'hésitai une seconde.

Puis, comme Millie ne me retenait pas, je pris ma casquette et j'allai vers lui. Nous sortîmes par la porte de la cuisine et nous allâmes au préau, que l'obscurité envahissait déjà. A la lueur de la fin du jour, je regardais, en marchant, sa face anguleuse au nez droit, à la lèvre duvetée. "Tiens, dit-il, j'ai trouvé ça dans ton grenier.

Tu n'y avais donc jamais regardé? Il tenait à la main une petite roue en bois noirci; un cordon de fusées déchiquetées courait tout autour; ç'avait dû être le soleil ou la luneau feu d'artifice du Quatorze Juillet.

"Il y en a deux qui ne sont pas parties: nous allons toujours les allumer", dit-il d'un ton tranquille et de l'air de quelqu'un qui espère bien trouver mieux par la suite.

Il jeta son chapeau par terre et je vis qu'il avait les cheveux complètement ras comme un paysan.

Il me montra les deux fusées avec leurs bouts de mèche en papier que la flamme avait coupés, noircis, puis abandonnés. Il planta dans le sable le moyeu de la roue, tira de sa poche--à mon grand étonnement, car cela nous était formellement interdit--une boîte d'allumettes. Se baissant avec précaution, il mit le feu à la mèche. Puis, me prenant par la main, il m'entraîna vivement en arrière. Un instant après, ma mère qui sortait sur le pas de la porte, avec la mère de Meaulnes, après avoir débattu et fixé le prix de pension, vit jaillir sous le préau, avec un bruit de soufflet, deux gerbes d'étoiles rouges et blanches; et elle put m'apercevoir, l'espace d'une seconde, dressé dans la lueur magique, tenant par la main le grand gars nouveau venu et ne bronchant pas...

Cette fois encore, elle n'osa rien dire.

Et le soir, au dîner, il y eut, à la table de famille, un compagnon silencieux, qui mangeait, la tête basse, sans se soucier de nos trois regards fixés sur lui.


Le Grand Meaulnes - chapitre 1 : Le Pensionnaire Le Grand Meaulnes - Kapitel 1: Der Bewohner The Great Meaulnes - chapter 1 : The Pensioner Le Grand Meaulnes - فصل 1: مقیم Le Grand Meaulnes - capítulo 1: O reformado Le Grand Meaulnes - глава 1: Пенсионерка Le Grand Meaulnes - bölüm 1: Emekli

Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189... Je continue à dire "chez nous", bien que la maison ne nous appartienne plus. Er kam an einem Sonntag im November 189 bei uns zu Hause an... Ich sage weiterhin "bei uns zu Hause", obwohl das Haus nicht mehr uns gehört. He arrived home on a Sunday in November 189 ... I continue to say "home", although the house does not belong to us anymore. Ele chegou conosco num domingo de novembro de 189 ... Continuo a dizer "em casa", embora a casa não seja mais nossa.

Nous avons quitté le pays depuis bientôt quinze ans et nous n’y reviendrons certainement jamais. Wir haben das Land vor fast fünfzehn Jahren verlassen und werden sicherlich nie wieder zurückkehren. We have been leaving the country for almost fifteen years and we will certainly never come back. Há quase quinze anos saímos do país e certamente nunca mais voltaremos. Nous habitions les bâtiments du Cour Supérieur de Sainte-Agathe. Wir wohnten in den Gebäuden des Cour Supérieur de Sainte-Agathe. We lived in the buildings of the Superior Court of St. Agatha. Morávamos nos prédios do Tribunal Superior de Sainte-Agathe.

Mon père, que j’appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le Cours supérieur, où l’on préparait le brevet d’instituteur, et le Cours moyen. Mein Vater, den ich M. Seurel nannte, leitete wie die anderen Studenten sowohl den Cours Supérieur, wo wir uns auf das Lehrerdiplom vorbereiteten, als auch den Cours Moyen. My father, whom I called M. Seurel, like the other pupils, directed both the Superior Course, where the teacher's certificate was prepared, and the Middle Course. Meu pai, a quem chamei de M. Seurel, como os outros alunos, dirigia tanto o Curso Superior, onde se preparavam para o certificado de professor, quanto o Curso Médio. Ma mère faisait la petite classe. Meine Mutter war eine kleine Klasse. My mother was doing the little class. Minha mãe estava em uma classe pequena. Une longue maison rouge, avec cinq portes vitrées, sous des vignes vierges, à l’extrémité du bourg; une cour immense avec préaux et buanderie, qui ouvrait en avant sur le village par un grand portail; sur le côté nord, la route où donnait une petite grille et qui menait vers la gare, à trois kilomètres; au sud et par derrière, des champs, des jardins et des prés qui rejoignaient les faubourgs... tel est le plan sommaire de cette demeure où s’écoulèrent les jours les plus tourmentés et les plus chers de ma vie--demeure d’où partirent et où revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher désert, nos aventures. Ein langes rotes Haus mit fünf verglasten Türen unter wildem Wein am Ende des Dorfes; ein riesiger Innenhof mit Innenhöfen und Waschküche, der sich durch ein großes Tor zum Dorf hin öffnete; auf der Nordseite die Straße, wo sich ein kleines Tor öffnete und die zum drei Kilometer entfernten Bahnhof führte; im Süden und dahinter Felder, Gärten und Wiesen, die sich an die Vororte anschlossen ... so lautet der zusammenfassende Plan dieser Residenz, in der die qualvollsten und liebsten Tage meines Lebens verstrichen sind - die Residenz, in der unsere Abenteuer wie Wellen abfuhren und zurückkehrten auf einem Wüstenfelsen. A long red house, with five glass doors, under virgin vines, at the end of the village; an immense courtyard with yards and laundry, which opened on the village by a large gate; on the north side, the road which gave a small gate and which led to the station, three kilometers; to the south and behind, fields, gardens and meadows that joined the suburbs ... this is the summary plan of this house where the most tormented and most expensive days of my life were spent - home of where they went, and where, like waves on a deserted rock, they came back to break our adventures. Una larga casa roja, con cinco puertas acristaladas, bajo parras intactas, en el límite del pueblo; un inmenso patio con patios y una lavandería, que se abría al pueblo a través de un gran portón; en el lado norte, la carretera con una pequeña puerta que conducía a la estación, a tres kilómetros de distancia; al sur y detrás, campos, jardines y prados que se unían a los suburbios.... éste es el plano aproximado de la casa donde transcurrieron los días más atormentados y queridos de mi vida, la casa desde la que empezaban y terminaban nuestras aventuras, como olas sobre una roca desierta. Uma longa casa vermelha, com cinco portas de vidro, sob vinhas virgens, no final da aldeia; um imenso pátio com pátios e lavanderia, que se abria para a aldeia por um grande portão; do lado norte, a estrada onde cedia um pequeno portão e que dava para a estação, três quilómetros; ao sul e atrás, campos, jardins e prados que se juntavam aos subúrbios ... tal é o plano sintético desta residência onde passaram os dias mais atormentados e queridos da minha vida - residência de onde as nossas aventuras começaram e voltaram a quebrar, como ondas em uma rocha do deserto.

Le hasard des "changements", une décision d’inspecteur ou de préfet nous avaient conduits là. Der Zufall von "Changes", eine Entscheidung eines Inspektors oder Präfekten hatte uns dorthin geführt. The chance of "changes", a decision of inspector or prefect had led us there.

Vers la fin des vacances, il y a bien longtemps, une voiture de paysan, qui précédait notre ménage, nous avait déposés, ma mère et moi, devant la petite grille rouillée. Gegen Ende der Ferien, vor langer Zeit, hatte uns, meine Mutter und ich, ein Bauernauto, das unserer Reinigung vorausging, vor dem kleinen rostigen Tor abgesetzt. Towards the end of the holidays, a long time ago, a peasant's car, which preceded our cleaning, had left me and my mother in front of the rusty little grill. Des gamins qui volaient des pêches dans le jardin s’étaient enfuis silencieusement par les trous de la haie... Ma mère, que nous appelions Millie, et qui était bien la ménagère la plus méthodique que j’aie jamais connue, était entrée aussitôt dans les pièces remplies de paille poussiéreuse, et tout de suite elle avait constaté avec désespoir, comme à chaque "déplacement", que nos meubles ne tiendraient jamais dans une maison si mal construite... Elle était sortie pour me confier sa détresse. Einige Kinder, die im Garten Pfirsiche gestohlen hatten, waren leise durch die Löcher in der Hecke geflohen... Meine Mutter, die wir Millie nannten und die die gründlichste Hausfrau war, die ich je kennengelernt habe, war sofort in die mit staubigem Stroh gefüllten Räume gegangen und hatte sofort verzweifelt festgestellt, wie bei jedem "Umzug", dass unsere Möbel niemals in ein so schlecht gebautes Haus passen würden... Sie war hinausgegangen, um mir ihre Not anzuvertrauen. Kids who were flying peaches in the garden had fled silently through the holes in the hedge ... My mother, whom we called Millie, and who was the most methodical housewife I'd ever known, had come in immediately in the rooms filled with dusty straw, and immediately she had noticed with despair, as with each "displacement", that our furniture would never fit in a house so badly built ... She had gone out to confide her distress to me. Tout en me parlant, elle avait essuyé doucement avec son mouchoir ma figure d’enfant noircie par le voyage. Während sie mit mir sprach, hatte sie mir mit ihrem Taschentuch sanft über mein von der Reise geschwärztes Kindergesicht gewischt. While talking to me, she had wiped gently with her handkerchief my child's face blackened by the journey. Mientras me hablaba, me enjugó suavemente con su pañuelo mi rostro infantil, ennegrecido por el viaje. Puis elle était rentrée faire le compte de toutes les ouvertures qu’il allait falloir condamner pour rendre le logement habitable... Quant à moi, coiffé d’un grand chapeau de paille à rubans, j’étais resté là, sur le gravier de cette cour étrangère, à attendre, à fureter petitementautour du puits et sous le hangar. Dann war sie nach Hause gegangen, um alle Öffnungen zu zählen, die wir verschließen mussten, um das Haus bewohnbar zu machen... Ich stand mit einem großen Strohhut mit Bändern auf dem Kies des fremden Hofes und wartete. Then she came back to count all the openings that would have to be condemned to make the housing habitable ... As for me, wearing a large straw hat with ribbons, I was there, on the gravel of this foreign court, to wait, to poke around the well and under the shed. Luego se fue a casa a contar todas las aberturas que habría que tapar para que la casa fuera habitable... En cuanto a mí, con un gran sombrero de paja con cintas, me quedé allí, sobre la grava de aquel extraño patio, esperando, hurgando en el pozo y bajo el cobertizo. C’est ainsi, du moins, que j’imagine aujourd’hui notre arrivée. So stelle ich mir zumindest heute unsere Ankunft vor. So, at least, I imagine today our arrival.

Car aussitôt que je veux retrouver le lointain souvenir de cette première soirée d’attente dans notre cour de Sainte-Agathe, déjà ce sont d’autres attentes que je me rappelle; déjà, les deux mains appuyées aux barreaux du portail, je me vois épiant avec anxiété quelqu’un qui va descendre la grand’rue. Denn sobald ich die ferne Erinnerung an den ersten Abend des Wartens in unserem Hof in St. Agatha zurückholen will, erinnere ich mich an andere Wartezeiten; ich stütze mich mit beiden Händen auf die Gitterstäbe des Tores und sehe mich ängstlich nach jemandem Ausschau halten, der die Hauptstraße hinuntergeht. Because as soon as I want to find the distant memory of this first evening of waiting in our courtyard of Sainte-Agathe, already there are other expectations that I remember; Already, with both hands leaning against the bars of the gate, I see myself looking anxiously at someone who is going to bring down the great road. Porque en cuanto intento evocar el lejano recuerdo de aquella primera tarde de espera en nuestro patio de Sainte-Agathe, ya me vienen a la memoria otras esperas; ya, con las dos manos apoyadas en los barrotes de la verja, me veo observando ansiosamente a alguien que viene por la calle principal. Et si j’essaie d’imaginer la première nuit que je dus passer  dans ma mansarde, au milieu des greniers du premier étage, déjà ce sont d’autres nuits que je me rappelle; je ne suis plus seul dans cette chambre; une grande ombre inquiète et amie passe le long des murs et se promène. Und wenn ich versuche, mir die erste Nacht vorzustellen, die ich in meiner Mansarde inmitten der Dachböden im ersten Stock verbringen musste, erinnere ich mich bereits an andere Nächte; ich bin nicht mehr allein in diesem Zimmer; ein großer, besorgter und befreundeter Schatten läuft an den Wänden entlang und wandert. And if I try to imagine the first night I spent in my attic, in the middle of the attics on the first floor, I already remember other nights; I am no longer alone in this room; a big, worried shadow and friend walks along the walls and walks around. Y si trato de imaginarme la primera noche que tuve que pasar en mi buhardilla, en medio de las buhardillas del primer piso, ya recuerdo otras noches; ya no estoy solo en esta habitación; una sombra grande, preocupada y amiga pasa por las paredes y se pasea. Tout ce paysage paisible--l’école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le jardin dès quatre heures envahi chaque jour par des femmes en visite--est à jamais, dans ma mémoire, agité, transformé par la présence de celui qui bouleversa toute notre adolescence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos. Diese ganze friedliche Landschaft - die Schule, das Feld von Vater Martin mit seinen drei Walnussbäumen, der Garten ab vier Uhr morgens, der jeden Tag von Frauen auf Besuch überschwemmt wird - ist in meiner Erinnerung für immer aufgewühlt und verändert durch die Anwesenheit desjenigen, der unsere gesamte Jugend erschütterte und dessen Flucht selbst uns keine Ruhe gelassen hat. All this peaceful landscape - the school, the field of Father Martin, with its three walnut trees, the garden from four o'clock invaded every day by women visiting - is forever, in my memory, agitated, transformed by the presence of the one who upset all our adolescence and whose flight did not leave us any rest. Todo este apacible paisaje -la escuela, el campo del padre Martin con sus tres nogales, el jardín invadido cada día a las cuatro por las mujeres visitantes- está para siempre, en mi memoria, sacudido y transformado por la presencia del hombre que sacudió toda nuestra adolescencia y cuya huida misma no nos dejó descanso. Nous étions pourtant depuis dix ans dans ce pays lorsque Meaulnes arriva. Wir waren jedoch schon seit zehn Jahren in diesem Land, als Meaulnes ankam. Yet we had been in this country for ten years when Meaulnes arrived. Llevábamos diez años en el país cuando llegó Meaulnes. J’avais quinze ans. Ich war fünfzehn Jahre alt. I was fifteen.

C’était un froid dimanche de novembre, le premier jour d’automne qui fît songer à l’hiver. Es war ein kalter Sonntag im November, der erste Herbsttag, der einen an den Winter denken ließ. It was a cold Sunday in November, the first day of autumn that reminded one of winter. Era un frío domingo de noviembre, el primer día de otoño que hace pensar en el invierno. Toute la journée, Millie avait attendu une voiture de La Gare qui devait lui apporter un chapeau pour la mauvaise saison. Den ganzen Tag hatte Millie auf einen Wagen von La Gare gewartet, der ihr einen Hut für die schlechte Jahreszeit bringen sollte. All day, Millie had been waiting for a La Gare car to bring him a hat for the bad season. Millie llevaba todo el día esperando que un coche de La Gare le trajera un sombrero para el mal tiempo. Le matin, elle avait manqué la messe; et jusqu’au sermon, assis dans le choeur avec les autres enfants, j’avais regardé anxieusement du côté des cloches, pour la voir entrer avec son chapeau neuf. Bis zur Predigt saß ich mit den anderen Kindern im Chor und schaute ängstlich zu den Glocken hinüber, um zu sehen, ob sie mit ihrem neuen Hut hereinkam. In the morning she had missed Mass; and until the sermon, sitting in the choir with the other children, I had looked anxiously at the bells, to see her come in with her new hat. Por la mañana había faltado a misa, y hasta el sermón, sentada en el coro con los demás niños, había mirado ansiosamente hacia las campanas para verla entrar con su sombrero nuevo. Après midi, je dus partir seul à vêpres. Nach dem Mittag musste ich allein zur Vesper gehen. After noon, I had to leave alone at Vespers. Después del mediodía, tuve que ir solo a vísperas.

"D’ailleurs, me dit-elle, pour me consoler, en brossant de sa main mon costume d’enfant, même s’il était arrivé, ce chapeau, il aurait bien fallu sans doute, que je passe mon dimanche à le refaire". "Außerdem", sagte sie zum Trost und bürstete mit ihrer Hand mein Kinderkostüm, "selbst wenn er gekommen wäre, dieser Hut, hätte ich den Sonntag damit verbringen müssen, ihn neu zu machen". "Besides," she said to me, to console me, brushing with her hand my child's costume, even if it had arrived, this hat, it would have been necessary no doubt, that I spend my Sunday to do it again ". Además -dijo para consolarme, rozando el traje de mi hijo con la mano-, aunque hubiera llegado ese sombrero, probablemente habría tenido que pasarme el domingo haciéndolo de nuevo.

Souvent nos dimanches d’hiver se passaient ainsi. Oft verliefen unsere Sonntage im Winter so. Often our winter Sundays were spent like this.

Dès le matin, mon père s’en allait au loin, sur le bord de quelque étang couvert de brume, pêcher le brochet dans une barque; et ma mère, retirée jusqu’à la nuit dans sa chambre obscure, rafistolait d’humbles toilettes. Meine Mutter saß bis zum Abend in ihrem dunklen Zimmer und flickte eine bescheidene Toilette zusammen. As early as the morning, my father went off, on the edge of some pond covered with mist, to catch the pike in a boat; and my mother, retired to her dark room until night, patched up a humble toilet. Elle s’enfermait ainsi de crainte qu’une dame de ses amies, aussi pauvre qu’elle mais aussi fière, vînt la surprendre. Sie schloss sich so ein, weil sie befürchtete, dass eine Dame aus ihrem Freundeskreis, die genauso arm wie sie, aber genauso stolz war, kommen und sie überraschen könnte. She shut herself up in this way lest a lady of her friends, as poor as she, but also proud, should surprise her. Et moi, les vêpres finies, j’attendais, en lisant dans la froide salle à manger, qu’elle ouvrît la porte pour me montrer comment ça lui allait. Und ich wartete nach der Vesper im kalten Esszimmer lesend darauf, dass sie die Tür öffnete, um mir zu zeigen, wie es ihr passte. And I, the vespers over, I waited, reading in the cold dining room, she opened the door to show me how it was going. Ce dimanche-là, quelque animation devant l’église me retint dehors après vêpres. An jenem Sonntag hielt mich nach der Vesper etwas Aufregung vor der Kirche draußen. That Sunday, some animation in front of the church kept me out after vespers.

Un baptême, sous le porche, avait attroupé des gamins. Eine Taufe auf der Veranda hatte viele Kinder zusammengeführt. A baptism, under the porch, had gathered kids. Sur la place, plusieurs hommes du bourg avaient revêtu leurs vareuses de pompiers; et, les faisceaux formés, transis et battant la semelle, ils écoutaient Boujardon, le brigadier, s’embrouiller dans la théorie... Auf dem Platz hatten mehrere Männer aus dem Dorf ihre Feuerwehrjacken angezogen und hörten zu, wie der Brigadier Boujardon die Theorie durcheinanderbrachte.... In the square several men from the village had put on their firefighters' tunics; and, the beams formed, chilled and beating the sole, they listened to Boujardon, the brigadier, become confused in the theory. En la plaza, varios hombres del pueblo se habían puesto sus chaquetones de bombero y, agrupados, tiritando y golpeándose las suelas, escuchaban al brigadier Boujardon divagar sobre la teoría... Le carillon du baptême s’arrêta soudain, comme une sonnerie de fête qui se serait trompée de jour et d’endroit; Boujardon et ses hommes, l’arme en bandoulière emmenèrent la pompe au petit trot; et je les vis disparaître au premier tournant, suivis de quatre gamins silencieux, écrasant de leurs grosses semelles les brindilles de la route givrée où je n’osais pas les suivre. The carillon of baptism suddenly stopped, like a festive bell that would have been mistaken for day and place; Boujardon and his men, the weapon slung over their shoulders, took the pump to the trot; and I saw them disappear at the first turn, followed by four silent kids, crushing the twigs of the frosty road with their heavy soles, where I dared not follow them. Boujardon y sus hombres, con las armas colgadas al hombro, pusieron la bomba al trote lento, y los vi desaparecer en la primera curva, seguidos por cuatro niños silenciosos, con sus gruesas suelas aplastando las ramitas del camino helado por donde no me atreví a seguirlos.

Dans le bourg, il n’y eut plus alors de vivant que le café Daniel, où j’entendais sourdement monter puis s’apaiser les discussions des buveurs. In der Stadt gab es damals nur noch das Café Daniel, in dem ich die Gespräche der Trinker dumpf aufsteigen und dann verstummen hörte. In the village, there was then alive only coffee Daniel, where I heard deafening up and then calm down the discussions of the drinkers.

Et, frôlant le mur bas de la grande cour qui isolait notre maison du village, j’arrivai un peu anxieux de mon retard, à la petite grille. Und als ich die niedrige Mauer des großen Hofs, der unser Haus vom Dorf abschirmte, streifte, erreichte ich etwas ängstlich, weil ich zu spät kam, das kleine Tor. And, grazing the low wall of the large courtyard which isolated our house from the village, I arrived a little anxious of my delay, at the little gate. Y, bordeando el muro bajo del gran patio que aislaba nuestra casa del pueblo, llegué a la pequeña puerta, un poco ansioso por mi retraso. Elle était entr’ouverte et je vis aussitôt qu’il se passait quelque chose d’insolite. Sie war einen Spalt breit geöffnet und ich sah sofort, dass etwas Ungewöhnliches vor sich ging. She was half-open, and I saw that something unusual was happening.

En effet, à la porte de la salle à manger--la plus rapprochée des cinq portes vitrées qui donnaient sur la cour--une femme aux cheveux gris, penchée, cherchait à voir au travers des rideaux. Indeed, at the door of the dining room - the closest to the five glass doors that overlooked the courtyard - a gray-haired woman, bent down, was trying to see through the curtains.

Elle était petite, coiffée d’une capote de velours noir à l’ancienne mode. Sie war klein und trug ein schwarzes Samtkondom nach alter Mode. She was small, wearing a black velvet hood in the old fashion. Elle avait un visage maigre et fin, mais ravagé par l’inquiétude; et je ne sais quelle appréhension, à sa vue, m’arrêta sur la première marche, devant la grille. Sie hatte ein dünnes, feines Gesicht, das von Sorge gezeichnet war, und ich weiß nicht, welche Angst mich bei ihrem Anblick auf der ersten Stufe vor dem Tor stehen ließ. She had a lean, thin face, but ravaged by anxiety; and I know not what apprehension, at his sight, stopped me on the first step, in front of the gate. "Où est-il passé? "Wo ist er hin? "Where did he go?

mon Dieu! Mein Gott! my God! disait-elle à mi-voix. sagte sie halblaut. she said in a low voice. Il était avec moi tout à l’heure. Er war vorhin bei mir. He was with me earlier. Il a déjà fait le tour de la maison. Er ist bereits um das Haus herumgegangen. He's already walked around the house. Il s’est peut-être sauvé..." Vielleicht ist er weggelaufen...". He may have saved himself ... " Et, entre chaque phrase, elle frappait au carreau trois petits coups à peine perceptibles. Und zwischen jedem Satz klopfte sie drei kleine, kaum wahrnehmbare Schläge an die Fensterscheibe. And between each sentence, she knocked on the floor three small barely perceptible blows.

Personne ne venait ouvrir à la visiteuse inconnue. Niemand öffnete der unbekannten Besucherin die Tür. Nobody came to open the unknown visitor.

Millie, sans doute, avait reçu le chapeau de La Gare, et sans rien entendre, au fond de la chambre rouge, devant un lit semé de vieux rubans et de plumes défrisées, elle cousait, décousait, rebâtissait sa médiocre coiffure...En effet, lorsque j’eus pénétré dans la salle à manger, immédiatement suivi de la visiteuse, ma mère apparut tenant à deux mains sur la tête des fils de laiton, des rubans et des plumes, qui n’étaient pas encore parfaitement équilibrés... Elle me sourit, de ses yeux bleus fatigués d’avoir travaillé à la chute du jour, et s’écria: Millie hatte zweifellos den Hut von La Gare erhalten, und ohne etwas zu hören, nähte, schnitt und baute sie im hinteren Teil des roten Zimmers vor einem Bett, das mit alten Bändern und ungleichmäßigen Federn übersät war, an ihrer mittelmäßigen Frisur... Als ich, unmittelbar gefolgt von der Besucherin, das Esszimmer betrat, erschien meine Mutter mit Messingdrähten, Bändern und Federn, die noch nicht perfekt ausbalanciert waren, in beiden Händen auf ihrem Kopf.... Sie lächelte mich mit ihren blauen Augen an, die von der Arbeit im Morgengrauen müde geworden waren, und rief: "Ich bin ein Mann, der sich in den letzten Jahren immer mehr auf die Arbeit konzentriert hat: Millie, no doubt, had received the hat of La Gare, and without hearing anything, at the end of the red room, in front of a bed strewn with old ribbons and feathers, she was sewing, unraveling, rebuilding her mediocre hairstyle. Indeed, when I entered the dining room, immediately followed by the visitor, my mother appeared with two hands on her head, brass threads, ribbons and feathers, which were not yet perfectly balanced. She smiled at me, with her blue eyes tired of having worked at the fall of the day, and exclaimed: Millie, sin duda, había recibido el sombrero de La Gare, y sin oír nada, al fondo de la habitación roja, delante de una cama sembrada de viejas cintas y plumas, cosía, cortaba y reconstruía su mediocre peinado... En efecto, cuando entré en el comedor, seguida inmediatamente por la visita, apareció mi madre sosteniendo sobre su cabeza, con ambas manos, hilos de latón, cintas y plumas que aún no estaban perfectamente equilibradas... Me sonrió con sus ojos azules, cansados de trabajar al final del día, y exclamó: "Regarde! "Schau! "Looked!

Je t’attendais pour te montrer..." Ich habe auf dich gewartet, um dir zu zeigen...". I was waiting for you to show you ... " Mais, apercevant cette femme assise dans le grand fauteuil, au fond de la salle, elle s’arrêta, déconcertée. But, perceiving this woman seated in the great armchair at the back of the room, she stopped, disconcerted.

Bien vite, elle enleva sa coiffure, et, durant toute la scène qui suivit, elle la tint contre sa poitrine, renversée comme un nid dans son bras droit replié. Bald darauf nahm sie ihre Frisur ab und hielt sie während der ganzen folgenden Szene an ihre Brust, die wie ein Nest in ihrem angewinkelten rechten Arm lag. She quickly removed her hairstyle, and during the whole scene that followed she held her against her breast, thrown back like a nest in her folded right arm. La femme à la capote, qui gardait, entre ses genoux, un parapluie et un sac de cuir, avait commencé de s’expliquer, en balançant légèrement la tête et en faisant claquer sa langue comme une femme en visite. Die Frau mit dem Kondom, die zwischen ihren Knien einen Regenschirm und eine Ledertasche aufbewahrte, hatte begonnen, sich zu erklären, wobei sie leicht mit dem Kopf wippte und mit der Zunge schnalzte wie eine Frau auf Besuch. The woman with the hood, who was holding an umbrella and a leather bag between her knees, had begun to explain herself, swinging her head slightly and snapping her tongue like a woman on a visit.

Elle avait repris tout son aplomb. She had regained all her strength. Elle eut même, dès qu’elle parla de son fils, un air supérieur et mystérieux qui nous intrigua. Sie hatte sogar, sobald sie von ihrem Sohn sprach, einen überlegenen und geheimnisvollen Gesichtsausdruck, der uns faszinierte. She had even, as soon as she spoke of her son, a superior and mysterious air which intrigued us. Ils étaient venus tous les deux, en voiture, de La Ferté-d’Angillon, à quatorze kilomètres de Sainte-Agathe. Sie waren beide mit dem Auto aus La Ferté-d'Angillon, vierzehn Kilometer von Sainte-Agathe entfernt, gekommen. They had both come by car from La Ferte-d'Angillon, fourteen kilometers from Sainte-Agathe.

Veuve--et fort riche, à ce qu’elle nous fit comprendre--elle avait perdu le cadet de ses deux enfants, Antoine, qui était mort un soir au retour de l’école, pour s’être baigné avec son frère dans un étang malsain. Antoine war eines Abends auf dem Heimweg von der Schule gestorben, weil er mit seinem Bruder in einem ungesunden Teich gebadet hatte. Widow - and very rich, she made us understand - she had lost the youngest of her two children, Antoine, who had died one evening after school, for having bathed with his brother in an unhealthy pond. Elle avait décidé de mettre l’aîné, Augustin, en pension chez nous pour qu’il pût suivre le Cours Supérieur. Sie hatte beschlossen, den ältesten Sohn, Augustin, bei uns in ein Internat zu geben, damit er den Cours Supérieur besuchen konnte. She had decided to board the eldest, Augustin, with us so that he could follow the Cours Supérieur. Et aussitôt elle fit l’éloge de ce pensionnaire qu’elle nous amenait. Und sogleich lobte sie den Untermieter, den sie zu uns gebracht hatte. And immediately she praised the pensioner she brought us. Y enseguida se deshizo en elogios hacia el invitado que nos traía.

Je ne reconnaissais plus la femme aux cheveux gris, que j’avais vue courbée devant la porte, une minute auparavant, avec cet air suppliant et hagard de poule qui aurait perdu l’oiseau sauvage de sa couvée. Ich erkannte die grauhaarige Frau nicht mehr, die ich vor einer Minute noch gebeugt vor der Tür gesehen hatte, mit dem flehenden und hageren Blick einer Henne, die den wilden Vogel aus ihrer Brut verloren hat. I no longer recognized the gray-haired woman, whom I had seen bent over the door a minute before, with that supplicating, haggard look of a hen who had lost the wild bird of her brood. Ya no reconocí a la mujer canosa que había visto inclinada sobre la puerta un minuto antes, con la mirada suplicante y demacrada de una gallina que ha perdido al ave salvaje de su nidada. Ce qu’elle contait de son fils avec admiration était fort surprenant: il aimait à lui faire plaisir, et parfois il suivait le bord de la rivière, jambes nues, pendant des kilomètres, pour lui rapporter des oeufs de poules d’eau, de canards sauvages, perdus dans les ajoncs... Il tendait aussi des nasses... L’autre nuit, il avait découvert dans le bois une faisane prise au collet... Was sie bewundernd über ihren Sohn erzählte, war sehr erstaunlich: Er liebte es, ihr eine Freude zu machen, und manchmal lief er kilometerweit mit nackten Beinen am Flussufer entlang, um ihr Eier von Teichhühnern oder Wildenten zu bringen, die sich im Ginster verirrt hatten... Er legte auch Reusen aus... In der Nacht hatte er im Wald eine Fasanin entdeckt, die er in einer Schlinge gefangen hatte.... What she told her son with admiration was very surprising: he liked to please him, and sometimes he followed the riverbank, bare legs, for miles, to bring him eggs of water hens, Wild ducks, lost in the gorse ... He also stretched traps ... The other night, he discovered in the wood a pheasant taken by the neck ... Lo que contaba de su hijo con admiración era muy sorprendente: le gustaba complacerla, y a veces caminaba con las piernas desnudas durante kilómetros a lo largo de la orilla del río para traerle los huevos de las morenas y los patos silvestres perdidos en el tojo..... También ponía trampas... La otra noche, descubrió un faisán atrapado en el bosque...

Moi qui n’osais plus rentrer à la maison quand j’avais un accroc à ma blouse, je regardais Millie avec étonnement. Ich, die ich mich nicht mehr nach Hause traute, wenn ich einen Haken in meiner Bluse hatte, sah Millie erstaunt an. I, who dared not go home when I had a snag in my blouse, looked at Millie in astonishment. Yo, que no me atrevía a volver a casa cuando tenía una lágrima en la blusa, miré a Millie con asombro.

Mais ma mère n’écoutait plus. Aber meine Mutter hörte nicht mehr zu. But my mother was no longer listening.

Elle fit même signe à la dame de se taire; et, déposant avec précaution son "nid" sur la table, elle se leva silencieusement comme pour aller surprendre quelqu’un... Sie bedeutete der Dame sogar zu schweigen, legte ihr "Nest" vorsichtig auf den Tisch und stand leise auf, als ob sie jemanden überraschen wollte... She even made a sign to the lady to be silent; and, placing her "nest" carefully on the table, she rose silently as if to go and surprise someone ... Incluso le hizo señas a la señora para que se callara; y, colocando cuidadosamente su "nido" sobre la mesa, se levantó en silencio como para ir a sorprender a alguien... Au-dessus de nous, en effet, dans un réduit où s’entassaient les pièces d’artifice noircies du dernier Quatorze Juillet, un pas inconnu, assuré, allait et venait, ébranlant le plafond, traversait les immenses greniers ténébreux du premier étage, et se perdait enfin vers les chambres d’adjoints abandonnées où l’on mettait sécher le tilleul et mûrir les pommes. Über uns, in einer Abstellkammer, in der sich die geschwärzten Feuerwerkskörper des letzten Vierzehnten Juli stapelten, ging ein unbekannter, sicherer Schritt auf und ab, rüttelte an der Decke, durchquerte die riesigen, dunklen Dachböden des ersten Stocks und verlor sich schließlich in den verlassenen Kammern der Deputierten, in denen die Lindenbäume zum Trocknen und die Äpfel zum Reifen aufgehängt wurden. Above us, indeed, in a recess piled up with the blackened fireworks of the last Fourteenth of July, an unknown step, assured, came and went, shaking the ceiling, traversing the immense dark granaries of the first floor, and was finally lost to the abandoned adjoining rooms where the linden was dried and the apples ripened. Por encima de nosotros, en un almacén donde se amontonaban los fuegos artificiales ennegrecidos del último catorce de julio, un paso desconocido y seguro iba y venía, sacudiendo el techo, atravesando los inmensos y oscuros desvanes del primer piso, y perdiéndose finalmente hacia las abandonadas dependencias de los diputados, donde se secaban los tilos y maduraban las manzanas.

"Déjà, tout à l’heure, j’avais entendu ce bruit dans les chambres du bas, dit Millie à mi-voix, et je croyais que c’était toi, François, qui étais rentré..." "Schon vorhin hatte ich dieses Geräusch in den unteren Zimmern gehört", sagte Millie halblaut, "und ich dachte, du wärst es, François, der nach Hause gekommen ist ...". "Already, just now, I heard that noise in the rooms downstairs," said Millie in a low voice, "and I thought it was you, Francois, who had come back ..." "Antes oí ese ruido en las habitaciones de abajo", dijo Millie medio en voz alta, "y pensé que eras tú, François, que habías vuelto a casa...".

Personne ne répondit. Niemand antwortete. No one answered.

Nous étions debout tous les trois, le cœur battant, lorsque la porte des greniers qui donnait sur l’escalier de la cuisine s’ouvrit; quelqu’un descendit les marches, traversa la cuisine, et se présenta dans l’entrée obscure de la salle à manger. Wir drei standen mit klopfendem Herzen da, als sich die Tür vom Dachboden zur Küchentreppe öffnete, jemand die Stufen hinunterstieg, durch die Küche ging und in den dunklen Eingang des Esszimmers trat. The three of us were standing up, our hearts beating, when the attic door opening on the kitchen stairs opened; someone came down the stairs, crossed the kitchen, and appeared in the dark entrance of the dining room. "C’est toi, Augustin? "Bist du das, Augustin? "Is that you, Augustine?

dit la dame. sagte die Frau. said the lady. C’était un grand garçon de dix-sept ans environ. Er war ein großer Junge von etwa siebzehn Jahren. He was a tall boy of about seventeen. Je ne vis d’abord de lui, dans la nuit tombante, que son chapeau de feutre paysan coiffé en arrière et sa blouse noire sanglée d’une ceinture comme en portent les écoliers. Ich sah von ihm in der Dämmerung zunächst nur seinen nach hinten gekämmten Bauernfilzhut und seinen schwarzen Kittel mit einem Gürtel, wie ihn die Schulkinder tragen. I saw him first, in the falling night, only his peasant felt hat turned back and his black blouse strapped with a belt like the schoolboys wear. Lo único que pude ver de él al principio, en el crepúsculo, fue su sombrero de fieltro campesino echado hacia atrás y su bata negra sujeta con un cinturón como los que llevan los escolares. Je pus distinguer aussi qu’il souriait... Ich konnte auch erkennen, dass er lächelte... I could also make out that he was smiling ... Il m’aperçut, et, avant que personne eût pu lui demander aucune explication: Er erblickte mich, und bevor ihn jemand um eine Erklärung bitten konnte: He saw me, and, before anyone could ask him for any explanation:

"Viens-tu dans la cour? "Kommst du mit in den Hof? "Are you coming into the yard?

dit-il. sagte er. he said. J’hésitai une seconde. Ich zögerte eine Sekunde. I hesitated for a second.

Puis, comme Millie ne me retenait pas, je pris ma casquette et j’allai vers lui. Dann, als Millie mich nicht zurückhielt, nahm ich meine Mütze und ging auf ihn zu. Then, as Millie did not hold me back, I took my cap and went to him. Nous sortîmes par la porte de la cuisine et nous allâmes au préau, que l’obscurité envahissait déjà. Wir verließen das Haus durch die Küchentür und gingen auf den Schulhof, den bereits die Dunkelheit erfüllte. We went out through the kitchen door and went to the courtyard, which was already invading darkness. Salimos por la puerta de la cocina y nos dirigimos al patio, que ya estaba a oscuras. A la lueur de la fin du jour, je regardais, en marchant, sa face anguleuse au nez droit, à la lèvre duvetée. Im Licht des späten Tages betrachtete ich beim Gehen sein kantiges Gesicht mit der geraden Nase und der flaumigen Lippe. By the light of the end of the day, as I walked, I watched his angular face with his straight nose and his downy lip. A la luz de la mañana, mientras caminaba, observé su rostro anguloso, de nariz recta y labio velludo. "Tiens, dit-il, j’ai trouvé ça dans ton grenier. "Hier", sagte er, "das habe ich auf deinem Dachboden gefunden. "Here," he said, "I found that in your attic.

Tu n’y avais donc jamais regardé? Du hast also noch nie hineingeschaut? So you had never looked there before? Il tenait à la main une petite roue en bois noirci; un cordon de fusées déchiquetées courait tout autour; ç’avait dû être le soleil ou la luneau feu d’artifice du Quatorze Juillet. Er hielt ein kleines Rad aus geschwärztem Holz in der Hand, um das eine Schnur aus zerfetzten Raketen lief. He held in his hand a little blackened wooden wheel; a cord of jagged rockets ran all around; It must have been the sun or the fireworks of the Fourteenth of July. Sostenía en la mano una pequeña rueda de madera ennegrecida; a su alrededor corría una ristra de cohetes dentados; debía de ser el sol o la luna de los fuegos artificiales de Quatorze Juillet.

"Il y en a deux qui ne sont pas parties: nous allons toujours les allumer", dit-il d’un ton tranquille et de l’air de quelqu’un qui espère bien trouver mieux par la suite. "Er sagte in einem ruhigen Ton und sah aus wie jemand, der hofft, später etwas Besseres zu finden. "There are two who have not left: we will always light them," he says quietly and looks like someone who hopes to find better later. "Hay dos que no se han ido: aún vamos a encenderlos", dice en voz baja, con el aire de quien espera encontrar algo mejor más adelante.

Il jeta son chapeau par terre et je vis qu’il avait les cheveux complètement ras comme un paysan. Er warf seinen Hut auf den Boden und ich sah, dass er völlig kurze Haare wie ein Bauer hatte. He threw his hat on the ground and I saw that his hair was completely cropped like a peasant.

Il me montra les deux fusées avec leurs bouts de mèche en papier que la flamme avait coupés, noircis, puis abandonnés. Er zeigte mir die beiden Raketen mit ihren Papierdochtstücken, die die Flamme abgeschnitten, geschwärzt und dann liegengelassen hatte. He showed me the two rockets with their bits of paper wick that the flame had cut, blackened, and then abandoned. Me enseñó los dos cohetes con sus trozos de mecha de papel que la llama había cortado, ennegrecido y luego abandonado. Il planta dans le sable le moyeu de la roue, tira de sa poche--à mon grand étonnement, car cela nous était formellement interdit--une boîte d’allumettes. Er steckte die Radnabe in den Sand und zog - zu meinem Erstaunen, denn das war uns strengstens verboten - eine Streichholzschachtel aus seiner Tasche. He planted the hub of the wheel in the sand, drew from his pocket - to my astonishment, because we were strictly forbidden to do so - a box of matches. Clavó el cubo de la rueda en la arena y sacó del bolsillo una caja de cerillas, para mi asombro, porque eso estaba terminantemente prohibido. Se baissant avec précaution, il mit le feu à la mèche. Er bückte sich vorsichtig und zündete den Docht an. Stooping cautiously, he fired the wick. Puis, me prenant par la main, il m’entraîna vivement en arrière. Dann nahm er mich bei der Hand und zog mich schwungvoll zurück. Then, taking my hand, he dragged me back quickly. Un instant après, ma mère qui sortait sur le pas de la porte, avec la mère de Meaulnes, après avoir débattu et fixé le prix de pension, vit jaillir sous le préau, avec un bruit de soufflet, deux gerbes d’étoiles rouges et blanches; et elle put m’apercevoir, l’espace d’une seconde, dressé dans la lueur magique, tenant par la main le grand gars nouveau venu et ne bronchant pas... Einen Augenblick später sah meine Mutter, die mit Meaulnes' Mutter zur Tür hinausging, nachdem sie den Pensionspreis besprochen und festgelegt hatte, wie zwei Garben roter und weißer Sterne mit einem Geräusch wie ein Blasebalg in den Hof schossen, und sie konnte mich für eine Sekunde im magischen Licht stehen sehen, wie ich den großen Neuankömmling an der Hand hielt und mich nicht rührte... A moment later, my mother, who was coming out on the doorstep, with Meaulnes's mother, after having debated and fixed the pension price, saw two bursts of red stars bursting beneath the courtyard, with a bellows noise. white; and she could see me, for a second, erected in the magic glow, holding the great new guy by the hand and not flinching ... Un momento después, mi madre, que salía a la puerta con la madre de Meaulnes, después de haber discutido y fijado el precio de la pensión, vio brotar bajo el patio, con ruido de fuelle, dos rocíos de estrellas rojas y blancas; y pudo verme, por un segundo, de pie en el resplandor mágico, cogida de la mano de la alta recién llegada y sin inmutarme...

Cette fois encore, elle n’osa rien dire. Auch dieses Mal wagte sie es nicht, etwas zu sagen. This time again she did not dare say anything.

Et le soir, au dîner, il y eut, à la table de famille, un compagnon silencieux, qui mangeait, la tête basse, sans se soucier de nos trois regards fixés sur lui. Und abends beim Abendessen gab es am Familientisch einen stillen Begleiter, der mit gesenktem Kopf aß und sich nicht darum kümmerte, dass wir drei Blicke auf ihn gerichtet hatten. And in the evening, at dinner, there was at the family table a silent companion, who ate, head down, without caring about our three eyes fixed on him.