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Les mots de l'actualité, BIEN MAL ACQUIS   2010-11-11

BIEN MAL ACQUIS 2010-11-11

La Cour de Cassation l'a décidé : la plainte de l'ONG Transparence Internationale a été validée. On va pouvoir enquêter sur des présumés détournements de fonds publics de la part de trois chefs d'État africains, au Congo, au Gabon et en Guinée Équatoriale, soupçonnés de posséder en France des biens (essentiellement de l'immobilier et des voitures de luxe) qu'ils auraient achetés avec de l'argent public de leur pays. Des biens mal acquis autrement dit. C'est, en tout cas, la formule qu'on entend, et qui est devenue une formule presque toute faite pour désigner ces avoirs. L'expression a du succès ; elle s'est pratiquement figée sous cette forme et tout le monde sait qu'elle renvoie à ces affaires précises. Elle est pourtant très vague : des biens… qu'est ce que c'est ? Des propriétés immobilières le plus souvent : des appartements, des maisons, des résidences. Cela fait bien longtemps qu'en français cet adverbe a pu se transformer en nom commun, pour renvoyer justement à quelque chose qu'on possède, et qui a une certaine valeur. Le mot fait très administratif, on dirait du langage de notaire, du langage de contrat. Mais le mot donne surtout une idée assez concrète : il s'agit d'une richesse qui se voit. Et dans le même ordre d'idée, on parle souvent également d'avoir des biens au soleil. Avec cette image, on en rajoute sur l'existence matérielle de ces possessions, qui sont presque toujours des constructions, qui peuvent aller de la modeste cahute au manoir. Si on a un portefeuille boursier, des parts dans une entreprise, on parlera moins spontanément de biens, et certainement pas de biens au soleil : l'argent virtuel, l'argent qui travaille dans l'ombre ne se nomme pas ainsi. En revanche on parlait jadis d'un homme qui avait du bien, pour parler de son patrimoine aisé. Maintenant on peut aussi s'intéresser à la deuxième partie de l'expression : pourquoi mal acquis ? D'abord on n'en sait rien, le procès n'a pas encore eu lieu. Ensuite, l'expression mal acquis est bien imprécise : elle ne porte pas en elle l'idée que de l'argent ait été détourné. Mais bien sûr, elle évoque un proverbe bien connu et fort ancien : bien mal acquis ne profite jamais . Absence d'article : un bon indice du grand âge de la formule. Mais c'est aussi une caractéristique fréquente des proverbes, qui provient à la fois d'une habitude de l'ancienne langue française et de la valeur généralisante des proverbes. En tout cas ce genre de phrase figée est comprise dans son ensemble, sans qu'on analyse de près chacun de ses éléments. Et le premier mot, bien peut être compris tout autant comme un nom commun (un bien mal acquis) que comme un adverbe : ce qui est bien mal acquis ne profite jamais, bien mal acquis étant mis pour très mal acquis.

Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/ Venez découvrir le livre Les Mots de l'Actualité d'Yvan Amar.


BIEN MAL ACQUIS   2010-11-11 BIEN MAL ACQUIS 2010-11-11 ILL-GAINED GOOD 2010-11-11 ILLEGALE WINSTEN 2010-11-11 不义之财 2010-11-11

La Cour de Cassation l'a décidé : la plainte de l'ONG Transparence Internationale a été validée. On va pouvoir enquêter sur des présumés détournements de fonds publics de la part de trois chefs d'État africains, au Congo, au Gabon et en Guinée Équatoriale, soupçonnés de posséder en France des biens (essentiellement de l'immobilier et des voitures de luxe) qu'ils auraient achetés avec de l'argent public de leur pays. Des biens mal acquis autrement dit. C'est, en tout cas, la formule qu'on entend, et qui est devenue une formule presque toute faite pour désigner ces avoirs. L'expression a du succès ; elle s'est pratiquement figée sous cette forme et tout le monde sait qu'elle renvoie à ces affaires précises. Elle est pourtant très vague : des biens… qu'est ce que c'est ? Des propriétés immobilières le plus souvent : des appartements, des maisons, des résidences. Cela fait bien longtemps qu'en français cet adverbe a pu se transformer en nom commun, pour renvoyer justement à quelque chose qu'on possède, et qui a une certaine valeur. Le mot fait très administratif, on dirait du langage de notaire, du langage de contrat. Mais le mot donne surtout une idée assez concrète : il s'agit d'une richesse qui se voit. Et dans le même ordre d'idée, on parle souvent également d'avoir des biens au soleil. Avec cette image, on en rajoute sur l'existence matérielle de ces possessions, qui sont presque toujours des constructions, qui peuvent aller de la modeste cahute au manoir. Si on a un portefeuille boursier, des parts dans une entreprise, on parlera moins spontanément de biens, et certainement pas de biens au soleil : l'argent virtuel, l'argent qui travaille dans l'ombre ne se nomme pas ainsi. En revanche on parlait jadis d'un homme qui avait du bien, pour parler de son patrimoine aisé. Maintenant on peut aussi s'intéresser à la deuxième partie de l'expression : pourquoi mal acquis ? D'abord on n'en sait rien, le procès n'a pas encore eu lieu. Ensuite, l'expression mal acquis est bien imprécise : elle ne porte pas en elle l'idée que de l'argent ait été détourné. Mais bien sûr, elle évoque un proverbe bien connu et fort ancien : bien mal acquis ne profite jamais . Absence d'article : un bon indice du grand âge de la formule. Mais c'est aussi une caractéristique fréquente des proverbes, qui provient à la fois d'une habitude de l'ancienne langue française et de la valeur généralisante des proverbes. En tout cas ce genre de phrase figée est comprise dans son ensemble, sans qu'on analyse de près chacun de ses éléments. Et le premier mot, bien peut être compris tout autant comme un nom commun (un bien mal acquis) que comme un adverbe : ce qui est bien mal acquis ne profite jamais, bien mal acquis étant mis pour très mal acquis.

Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/ Venez découvrir le livre Les Mots de l'Actualité d'Yvan Amar.