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La Tronche en Biais, 03a. La dissonance cognitive. Partie 1/2.

03a. La dissonance cognitive. Partie 1/2.

[Introduction]

Aujourd'hui nous allons parler de la dissonance cognitive. La dissonance cognitive n'est pas une transe extracorporelle vers les annales akashiques qui renferment toutes les connaissances de l'univers, et dont aucun visiteur n'a jamais pensé à ramener quoi que ce soit d'utile. Ce n'est pas non plus un voyage astral au plafond de la chambre permettant de s'isoler, le temps d'un coma éthylique, de l'écrasante présence d'un surmoi surmené par des séances enfumées d'introspection kundalinique. Mais alors la dissonance cognitive, qu'est-ce que c'est ? [Musique intro]

La dissonance cognitive est un malaise, une tension, un état déplaisant, voire extrêmement désagréable où l'individu se trouve lorsqu'il est en présence d'éléments cognitifs contradictoires. [Mendax] Super. Merci. On a tout compris. Au revoir.

Mais, non ! [générique repris]

Attendez ! Mendax, est-ce que j'ai le droit de faire une introduction générale avant d'expliquer les termes employés ? [Mendax] Oui, ben tu pourrais aussi te dispenser d'utiliser du jargon ! Un élément cognitif, c'est tout ce qui est susceptible de devenir objet de connaissance chez l'individu : comportement, opinions, croyances, réaction, sensations, sanctions, etc. Quand tout va bien, les éléments cognitifs sont cohérents entre eux, ils se répondent, ils se recoupent. Ils construisent une vision de soi et du monde harmonieuse, psychologiquement congruente.

[Mendax] Congruente ? Tu en as d'autres, des mots comme ça ? En bref : la consonance cognitive, c'est quand tout va bien. [Mendax] Ha, d'accord, ça je valide. Suite !

Avant de passer à l'histoire du concept tel qu'il est décrit dans les sciences psychologiques, faisons un détour vers une époque intéressante où les philosophes étaient plus connus que les rappeurs et n'avaient pas besoin de porter une chemise blanche grande ouverte pour être invités à la télé : l'Antiquité d'il y a vingt-six siècles. À cette époque, Ésope le fabuliste nous raconte l'histoire du renard et des raisins. [Mendax] Un renard affamé, voyant des grappes de raisin pendre à une treille, voulut les attraper ; mais n'y pouvant parvenir malgré ses efforts, il s'éloigna en se disant à lui-même : « Ils sont trop verts. » Pareillement, certains hommes, ne pouvant mener à bien leurs affaires, à cause de leur incapacité, en accusent les circonstances.

La facilité avec laquelle les Humains trouvent à l'extérieur les causes de leurs échecs, mais à l'intérieur les causes de leurs réussites n'a pas échappé aux auteurs antiques. Mais il a fallu attendre 1956 pour que le psychologue Leon Festinger propose la théorie de la dissonance cognitive pour expliquer notamment un fait mystérieux, parfaitement illogique et pourtant si répandu : la persistance des croyances réfutées. « La science a certes quelques (magnifiques) réussites à son actif, mais à tout prendre, je préfère de loin être heureux plutôt qu'avoir raison. » - Douglas Adams.

[Mendax] La persistance des croyances réfutées, c'est quand les gens continuent de voter pour les mêmes partis après s'être fait « berner » pendant cinq, dix ou vingt ans ? Non. Non, enfin, si mais… Euh, on va éviter les sujets polémiques comme la politique, hein si tu veux bien.

[Mendax] Bon tu as raison. Parlons religion alors !

Parlons plutôt de Leon Festinger. Avec des collaborateurs, il a testé sa théorie de la dissonance cognitive en grandeur nature, en infiltrant un petit groupe de croyants persuadés que l'une d'entre eux, Madame Keech, recevait par le biais de l'écriture automatique des messages de la planète Clarion. Elle était en contact télépathique avec un avatar de Jésus. La fin du monde était annoncée pour le 21 décembre 1954.

[Mendax] Le 21 décembre, c'est toujours pour sa pomme. Il y a des raisons à ça, tu sais. Des raisons astronomiques.

[Mendax] Oui ben on en parlera un autre jour parce que là tu digresses, et plus personne ne va rien comprendre ton histoire.

Festinger et ses collaborateurs, qui ne croyaient pas vraiment que le monde serait détruit par l'inondation prédite, voulaient vérifier sur place ce qu'il se passerait une fois que la prophétie aurait échoué. Il est en effet reconnu, chez les experts, qu'une prophétie, pour se vérifier doit être écrite après les faits, son nom technique est alors « compte-rendu. » Le reste du temps, elles échouent. À l'approche de la date fatidique, certains membres du groupe avaient pris des décisions irrémédiables : démission, distribution de leurs biens, etc. Tous avaient fourni des efforts considérables et un grand investissement dans la croyance du groupe.

Et puis, arriva le 21 décembre 1954. La prédiction des scientifiques était que l'échec de la prophétie doit être suivi de gros efforts de prosélytisme afin de chercher à l'extérieur du groupe un soutien social, une confirmation de la valeur de leurs convictions à travers la conversion de nouveaux adeptes ; des conversions qui permettent de réduire la détresse causée par la non réalisation des espérances. [Mendax] Très bien, je note : « alors moins c'est vrai, plus il faut convaincre de monde» Or qu'observent-ils ? Avant le 20 décembre, le groupe se prépare aux événements, mais ne communique pas publiquement. Le 20 décembre, le groupe se réunit dans l'attente d'un dernier message et du vaisseau censé les emmener à l'abri. Mais à minuit, quand arrive le 21, rien ne se passe. Les croyants sont abasourdis ; ils restent silencieux durant des heures. À 4 heures du matin, Madame Keech commence à pleurer. À 4h45, elle reçoit un message par écriture automatique.

[Mendax] Dis donc, à force de parler de quiche, j'en ai fait une. … Sers-toi.

Non merci !

Bon, en fait son vrai nom était Dorothy Martin, une dame vaguement scientologue, mais à l'époque Festinger a changé son nom pour la protéger. Bref. Le message reçu par Marian Keech explique que le petit groupe assis toute la nuit « a répandu tant de lumière que Dieu a sauvé le monde de la destruction ? » Quelques heures plus tard, le groupe contacte la presse et cherche à diffuser son message aussi largement que possible.

[Mendax] Comme dans la théorie. Oh, ils sont forts, ils sont très forts, ils sont forts là…

Après cela, Madame Keech a déménagé, s'est faite appeler Sœur Thédra et a continué à discuter avec Sananda alias Jésus jusqu'à sa mort en 1992... Pas de commentaire.

03a. La dissonance cognitive. Partie 1/2. 03a. Die kognitive Dissonanz. Teil 1/2. 03a. Cognitive dissonance. Part 1/2. 03a. Kognitiv dissonans. Del 1/2. 03a.认知失调。第 1/2 部分。

[Introduction]

Aujourd'hui nous allons parler de la dissonance cognitive. La dissonance cognitive n'est pas une transe extracorporelle vers les annales akashiques qui renferment toutes les connaissances de l'univers, et dont aucun visiteur n'a jamais pensé à ramener quoi que ce soit d'utile. Ce n'est pas non plus un voyage astral au plafond de la chambre permettant de s'isoler, le temps d'un coma éthylique, de l'écrasante présence d'un surmoi surmené par des séances enfumées d'introspection kundalinique. Mais alors la dissonance cognitive, qu'est-ce que c'est ? [Musique intro]

La dissonance cognitive est un malaise, une tension, un état déplaisant, voire extrêmement désagréable où l'individu se trouve lorsqu'il est en présence d'éléments cognitifs contradictoires. [Mendax] Super. Merci. On a tout compris. Au revoir.

Mais, non ! [générique repris]

Attendez ! Mendax, est-ce que j'ai le droit de faire une introduction générale avant d'expliquer les termes employés ? [Mendax] Oui, ben tu pourrais aussi te dispenser d'utiliser du jargon ! Un élément cognitif, c'est tout ce qui est susceptible de devenir objet de connaissance chez l'individu : comportement, opinions, croyances, réaction, sensations, sanctions, etc. Quand tout va bien, les éléments cognitifs sont cohérents entre eux, ils se répondent, ils se recoupent. Ils construisent une vision de soi et du monde harmonieuse, psychologiquement congruente.

[Mendax] Congruente ? Tu en as d'autres, des mots comme ça ? En bref : la consonance cognitive, c'est quand tout va bien. [Mendax] Ha, d'accord, ça je valide. Suite !

Avant de passer à l'histoire du concept tel qu'il est décrit dans les sciences psychologiques, faisons un détour vers une époque intéressante où les philosophes étaient plus connus que les rappeurs et n'avaient pas besoin de porter une chemise blanche grande ouverte pour être invités à la télé : l'Antiquité d'il y a vingt-six siècles. À cette époque, Ésope le fabuliste nous raconte l'histoire du renard et des raisins. [Mendax] Un renard affamé, voyant des grappes de raisin pendre à une treille, voulut les attraper ; mais n'y pouvant parvenir malgré ses efforts, il s'éloigna en se disant à lui-même : « Ils sont trop verts. » Pareillement, certains hommes, ne pouvant mener à bien leurs affaires, à cause de leur incapacité, en accusent les circonstances.

La facilité avec laquelle les Humains trouvent à l'extérieur les causes de leurs échecs, mais à l'intérieur les causes de leurs réussites n'a pas échappé aux auteurs antiques. Mais il a fallu attendre 1956 pour que le psychologue Leon Festinger propose la théorie de la dissonance cognitive pour expliquer notamment un fait mystérieux, parfaitement illogique et pourtant si répandu : la persistance des croyances réfutées. « La science a certes quelques (magnifiques) réussites à son actif, mais à tout prendre, je préfère de loin être heureux plutôt qu'avoir raison. "Science certainly has some (magnificent) successes to its credit, but on balance, I'd much rather be happy than right. » - Douglas Adams.

[Mendax] La persistance des croyances réfutées, c'est quand les gens continuent de voter pour les mêmes partis après s'être fait « berner » pendant cinq, dix ou vingt ans ? Non. Non, enfin, si mais… Euh, on va éviter les sujets polémiques comme la politique, hein si tu veux bien.

[Mendax] Bon tu as raison. Parlons religion alors !

Parlons plutôt de Leon Festinger. Avec des collaborateurs, il a testé sa théorie de la dissonance cognitive en grandeur nature, en infiltrant un petit groupe de croyants persuadés que l'une d'entre eux, Madame Keech, recevait par le biais de l'écriture automatique des messages de la planète Clarion. Elle était en contact télépathique avec un avatar de Jésus. La fin du monde était annoncée pour le 21 décembre 1954.

[Mendax] Le 21 décembre, c'est toujours pour sa pomme. [Mendax] December 21 is always for his apple. Il y a des raisons à ça, tu sais. Des raisons astronomiques.

[Mendax] Oui ben on en parlera un autre jour parce que là tu digresses, et plus personne ne va rien comprendre ton histoire.

Festinger et ses collaborateurs, qui ne croyaient pas vraiment que le monde serait détruit par l'inondation prédite, voulaient vérifier sur place ce qu'il se passerait une fois que la prophétie aurait échoué. Il est en effet reconnu, chez les experts, qu'une prophétie, pour se vérifier doit être écrite après les faits, son nom technique est alors « compte-rendu. » Le reste du temps, elles échouent. À l'approche de la date fatidique, certains membres du groupe avaient pris des décisions irrémédiables : démission, distribution de leurs biens, etc. Tous avaient fourni des efforts considérables et un grand investissement dans la croyance du groupe.

Et puis, arriva le 21 décembre 1954. La prédiction des scientifiques était que l'échec de la prophétie doit être suivi de gros efforts de prosélytisme afin de chercher à l'extérieur du groupe un soutien social, une confirmation de la valeur de leurs convictions à travers la conversion de nouveaux adeptes ; des conversions qui permettent de réduire la détresse causée par la non réalisation des espérances. [Mendax] Très bien, je note : « alors moins c'est vrai, plus il faut convaincre de monde» Or qu'observent-ils ? Avant le 20 décembre, le groupe se prépare aux événements, mais ne communique pas publiquement. Le 20 décembre, le groupe se réunit dans l'attente d'un dernier message et du vaisseau censé les emmener à l'abri. Mais à minuit, quand arrive le 21, rien ne se passe. Les croyants sont abasourdis ; ils restent silencieux durant des heures. À 4 heures du matin, Madame Keech commence à pleurer. À 4h45, elle reçoit un message par écriture automatique.

[Mendax] Dis donc, à force de parler de quiche, j'en ai fait une. … Sers-toi.

Non merci !

Bon, en fait son vrai nom était Dorothy Martin, une dame vaguement scientologue, mais à l'époque Festinger a changé son nom pour la protéger. Bref. Le message reçu par Marian Keech explique que le petit groupe assis toute la nuit « a répandu tant de lumière que Dieu a sauvé le monde de la destruction ? » Quelques heures plus tard, le groupe contacte la presse et cherche à diffuser son message aussi largement que possible.

[Mendax] Comme dans la théorie. Oh, ils sont forts, ils sont très forts, ils sont forts là…

Après cela, Madame Keech a déménagé, s'est faite appeler Sœur Thédra et a continué à discuter avec Sananda alias Jésus jusqu'à sa mort en 1992... Pas de commentaire.