×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

Les Aventures de Pinocchio, Chapitre 34

Chapitre 34

Le petit âne Pinocchio est mangé par les poissons et redevient une marionnette. Alors qu'il nage pour sauver sa vie, il est avalé par le terrible Raquin. Il y avait presque une heure que l'âne était dans l'eau et son acquéreur se dit: - Maintenant, il doit être tout à fait noyé. Remontons-le pour faire le tambour avec sa peau.

Il tira sur la corde qu'il avait attachée à l'une des pattes de l'âne, tira, tira, et vit affleurer à la surface de l'eau... vous savez quoi ? Au lieu d'un petit âne mort, apparut une marionnette bien vivante qui se tortillait comme une anguille. Le pauvre homme crut rêver. Il resta là, abasourdi, la bouche grande ouverte et les yeux exorbités.

Revenu de sa stupeur, il balbutia :

- Et l'âne que j'ai jeté à la mer, où donc est-il ? - L'âne, c'est moi ! – répondit la marionnette en riant.

- Toi ?

- Moi !

- Dis, petit rigolo ! Tu te moques de moi peut-être?

- Me moquer de vous ? Pas du tout, mon maître ! Je vous parle sérieusement.

- Mais enfin, comment as-tu fait pour devenir une marionnette en bois alors que tu étais, tout à l'heure, un bourricot ? - C'est sans doute un effet de l'eau de mer. Parfois, la mer nous joue de ces tours..

- Ca suffit, la marionnette, ça suffit ! N'espère pas rire à mes dépens et gare à toi si tu me fais perdre patience ! - D'accord, mon maître. Vous voulez savoir exactement ce qui s'est passé ? Dans ce cas, détachez-moi et je vous raconterai tout.

Désireux de comprendre quelque chose à cette histoire, l'acheteur défit le nœud de la corde et Pinocchio se retrouva libre comme l'air : - Apprenez donc, mon maître, qu'avant de devenir un âne, j'étais une marionnette sur le point de devenir un petit garçon comme les autres. Mais mon peu de goût pour le travail et les mauvais conseils de petits camarades me firent quitter la maison. C'est ainsi que, un matin, en me réveillant, je me suis retrouvé changé en baudet, avec les oreilles, la queue et tout. Quelle honte fut la mienne ! Que Saint-Antoine ne vous fasse jamais éprouver cet affront ! Emmené pour être vendu au marché des ânes, je fus acheté par le directeur d'une compagnie équestre qui se mit dans la tête de faire de moi un grand danseur et un sauteur de cercles hors-pair. Or, au beau milieu du spectacle, je fis une chute et me retrouvai estropié. Comme le directeur du cirque ne voulait pas s'encombrer d'un âne boiteux, il me revendit et c'est vous qui m'avez acheté. - Eh oui ! Malheureusement ! Je t'ai même payé vingt centimes. Qui va me rendre mes vingt centimes maintenant ?

- Vous m'avez même acheté pour fabriquer un tambour avec ma peau, n'est-ce pas ? Un tambour ! - Eh oui ! Malheureusement ! Où vais-je trouver une autre peau maintenant ?

- Ne vous laissez pas aller au désespoir, mon maître. Des ânes, il y en a tant en ce monde...

- Dis-moi, petit impertinent, ton histoire s'arrête là ? - Pas tout à fait. Deux mots encore. Donc, après m'avoir acheté, vous m'avez conduit ici pour me tuer. Cédant à un sentiment de la plus grande humanité, vous avez préféré me mettre une pierre au cou et me jeter dans la mer. Cette délicatesse vous honore infiniment et je vous en serai éternellement reconnaissant. Mais c'était compter sans la Fée.. - C'est quoi cette Fée ? - Cette Fée, c'est ma maman. Elle est comme toutes les mamans qui aiment beaucoup leurs enfants, veillent sur eux et les secourent tendrement en cas de danger, même si ces enfants, par leur étourderie et leur comportement indélicat, mériteraient d'être abandonnés et livrés à eux-mêmes. Je disais donc que la Fée, voyant que j'allais me noyer, m'envoya un banc d'innombrables poissons qui se mirent à dévorer cet ânon qu'ils croyaient bel et bien mort. Quelles bouchées ils faisaient de moi ! Je n'aurais jamais cru que les poissons fussent aussi gloutons que les enfants ! C'était à qui mangerait les oreilles, le museau, l'encolure et sa crinière, la peau des pattes et le pelage du dos ! Il y a même un tout petit qui eut la courtoisie d'accepter de me dévorer la queue. - Jamais plus je ne mangerai de poisson ! – s'exclama, horrifié, le fabricant de tambour – J'aurais trop peur de trouver une queue d'âne dans le ventre d'une truite ou d'un merlan. - Je suis bien d'accord avec vous – répondit la marionnette qui se tordait de rire – Enfin, quand ils eurent fini de manger toute cette chair de baudet qui m'enrobait de la tête aux pieds, les poissons arrivèrent naturellement au squelette. Mais dés les premières morsures, ces gloutons s'aperçurent que le bois très dur dont je suis fait n'était pas pain béni pour leurs dentitions et ils se dispersèrent sans même me remercier. Et voici comment, tirant sur votre corde, vous avez trouvé une marionnette à la place de votre âne !

- Je me moque de tout cela ! – hurla l'acheteur fou de rage – Tout ce qui m'intéresse c'est que j'ai dépensé vingt centimes pour t'avoir et que je veux les récupérer. Sais-tu ce que je vais faire ? Je vais retourner au marché et te revendre comme du bois sec pour allumer le feu de la cheminée.

- D'accord, revendez-moi ! J'en serai ravi. – répliqua Pinocchio.

Mais en même temps, il bondit et sauta loin dans l'eau. Tout en nageant allègrement pour s'éloigner de la rive, il cria au pauvre acheteur: - Adieu, mon maître. Si vous avez besoin d'une peau pour faire un tambour, pensez à moi ! Un peu plus loin, toujours nageant et riant, il lança encore :

- Adieu, mon bon maître. Si vous avez besoin d'un peu de bois pour allumer votre cheminée, pensez à moi ! Pinocchio s'éloignait à toute vitesse. C'était devenu un petit point noir à la surface de l'eau. Parfois une paire de jambes émergeait de la mer ou alors il faisait des cabrioles dans l'eau, tel un dauphin de très bonne humeur. Nageant au hasard, Pinocchio aperçut un rocher blanc comme du marbre sur lequel béguetait gentiment une jolie petite chèvre qui lui faisait signe d'approcher. La chose étonnante était que cette chèvre n'était ni blanche, ni noire, comme le sont d'habitude la plupart des chèvres, mais sa laine était d'un bleu-nuit éclatant qui rappelait beaucoup la couleur des cheveux de la jolie petite Fée. Evidemment, le cœur de Pinocchio se mit à battre très fort. Redoublant d'effort, il se dirigea vers le rocher blanc. C'est alors que surgit une tête horrible, celle d'un monstre marin qui venait à sa rencontre. Sa bouche grande ouverte était un gouffre et découvrait trois rangées de dents à faire peur même en dessin.

Et vous savez qui était ce monstre marin ?

C'était, ni plus ni moins, ce gigantesque Requin déjà rencontré dans cette histoire et que l'on surnommait, à cause de ses nombreux massacres et de son insatiable voracité, « l'Attila des poissons et des pécheurs ». Vous imaginez l'épouvante qui saisit le pauvre Pinocchio à la vue de ce monstre ! Il essaya de l'éviter, de changer de route, de le fuir mais l'énorme bouche s'approchait à la vitesse d'une flèche. - Dépêche-toi, Pinocchio ! Je t'en supplie ! – bêlait la jolie petite chèvre.

Celui-ci nageait désespérément. Il se servait de tout : ses bras, sa poitrine, ses jambes, ses pieds...

- Cours ! Cours, Pinocchio ! Le monstre se rapproche !

Rassemblant toutes ses forces, la marionnette redoubla d'ardeur. - Attention, Pinocchio ! Le monstre te rejoint ! Il arrive ! Il arrive ! Dépêche-toi, je t'en supplie ou tu es perdu ! Il ne pouvait pas aller plus vite. Il filait comme une balle de fusil. Alors qu'il était sur le point de toucher le rocher, la petite chèvre se pencha et lui tendait déjà ses pattes de devant pour l'aider à sortir de l'eau. Mais c'était trop tard ! Le monstre l'avait rejoint et aspira la pauvre marionnette comme on gobe un oeuf. Ce fut si violent que Pinocchio, dégringolant dans le corps du Raquin, s'assomma et resta évanoui pendant un bon quart d'heure. Quand il revint à lui, il ne savait plus ni qui il était, ni où il était. Tout, autour de lui, était plongé dans le noir le plus profond comme s'il était entré dans un encrier plein d'encre. On n'entendait rien que, de temps en temps, de grandes bouffées de vent qui lui cinglaient le visage. Au début, il ne comprit pas, puis il pensa que ces rafales devaient sortir des poumons du monstre. De fait, le Raquin souffrait d'asthme et, quand il respirait, on aurait dit que soufflait la Tramontane. Pinocchio chercha d'abord à se donner du courage mais quand il eut cent fois la preuve qu'il était bien dans le corps du monstre, il s'effondra en larmes et se mit à gémir : - Au secours ! A l'aide ! Oh, pauvre de moi ! N'y a-t-il personne pour me sauver ? - Qui donc pourrait te sauver, malheureux ! – grinça une voix dans le noir, fêlée comme une guitare désaccordée.

- Qui parle ? – demanda Pinocchio qui tremblait de peur.

- C'est moi ! Je suis un pauvre Thon que le Raquin a avalé en même temps que toi. Et toi, quel poisson es-tu ?

- Moi, je n'ai rien à voir avec les poissons. Je suis une marionnette.

- Et alors ? Si tu n'es pas un poisson, pourquoi t'es-tu fait avaler par le monstre ? - Je n'en sais rien. D'ailleurs je ne me suis pas « fait avaler ». C'est lui qui m'a avalé. Nuance ! Bon, et maintenant, qu'est-ce que l'on peut faire ? - Se résigner et attendre que le Raquin nous digère.

- Mais je ne veux pas être digéré ! – cria Pinocchio qui se remit à pleurer.

- Ben, moi non plus – fit remarquer le Thon – mais je suis philosophe et je me console en pensant que, pour un Thon, il est plus digne de mourir dans l'eau que dans la friture. - Balivernes ! – hurla Pinocchio.

- C'est mon opinion – se défendit le Thon – et toutes les opinions, comme l'assurent les Thons politiques, sont respectables ! - Moi, je veux m'en aller d'ici. Je veux m'en aller... - Va-t-en, si tu y arrives.

- Il est vraiment gros ce Raquin ? – questionna la marionnette.

- S'il est gros ? Son corps mesure plus d'un kilomètre de long, sans compter la queue. Tandis qu'ils conversaient ainsi, Pinocchio crut discerner dans le lointain une vague lueur. - Cette lueur, tout là-bas, qu'est-ce que c'est ? demanda Pinocchio.

- Sans doute un autre malheureux qui attend d'être digéré. - Je vais aller voir. Il s'agit peut-être d'un vieux poisson qui sait, lui, comment sortir d'ici. - Je te le souhaite, chère marionnette.

- Alors, adieu le Thon.

- Adieu, la marionnette. Et bonne chance !

- On se reverra ?

- Qui sait ? Le mieux est de ne pas y penser !

Chapitre 34 Kapitel 34 Chapter 34 Capítulo 34 Capitolo 34 Capítulo 34 Глава 34

Le petit âne Pinocchio est mangé par les poissons et redevient une marionnette. The little donkey Pinocchio is eaten by the fish and becomes a puppet again. Alors qu'il nage pour sauver sa vie, il est avalé par le terrible Raquin. As he swims for his life, he is swallowed by the terrible Raquin. Il y avait presque une heure que l'âne était dans l'eau et son acquéreur se dit: The donkey had been in the water for almost an hour, and the buyer thought to himself: - Maintenant, il doit être tout à fait noyé. - Now he must be quite drowned. Remontons-le pour faire le tambour avec sa peau. Let's wind him up and drum with his skin.

Il tira sur la corde qu'il avait attachée à l'une des pattes de l'âne, tira, tira, et vit affleurer à la surface de l'eau... vous savez quoi ? He pulled on the rope he had tied to one of the donkey's legs, pulled, pulled, and saw the surface of the water... you know what? Au lieu d'un petit âne mort, apparut une marionnette bien vivante qui se tortillait comme une anguille. Instead of a dead donkey, a living puppet appeared, wriggling like an eel. Le pauvre homme crut rêver. The poor man thought he was dreaming. Il resta là, abasourdi, la bouche grande ouverte et les yeux exorbités. He stood there stunned, mouth wide open and eyes bulging.

Revenu de sa stupeur, il balbutia : Recovering from his stupor, he stammered:

- Et l'âne que j'ai jeté à la mer, où donc est-il ? - And the donkey I threw into the sea, where is it? - L'âne, c'est moi ! - The donkey is me! – répondit la marionnette en riant. - replied the puppet, laughing.

- Toi ? - You?

- Moi ! - Me!

- Dis, petit rigolo ! - Say, funny man! Tu te moques de moi peut-être? Are you making fun of me?

- Me moquer de vous ? - Make fun of you? Pas du tout, mon maître ! Not at all, my master! Je vous parle sérieusement. I'm serious.

- Mais enfin, comment as-tu fait pour devenir une marionnette en bois alors que tu étais, tout à l'heure, un bourricot ? - But anyway, how did you manage to become a wooden puppet when you were, just now, a donkey? - C'est sans doute un effet de l'eau de mer. - It's probably a seawater effect. Parfois, la mer nous joue de ces tours.. Sometimes the sea plays these tricks on us.. Иногда море играет с нами...

- Ca suffit, la marionnette, ça suffit ! - Enough, puppet, enough! N'espère pas rire à mes dépens et gare à toi si tu me fais perdre patience ! Don't hope to laugh at my expense and beware if you make me lose my patience! - D'accord, mon maître. - All right, my master. Vous voulez savoir exactement ce qui s'est passé ? Want to know exactly what happened? Dans ce cas, détachez-moi et je vous raconterai tout. In that case, untie me and I'll tell you all about it.

Désireux de comprendre quelque chose à cette histoire, l'acheteur défit le nœud de la corde et Pinocchio se retrouva libre comme l'air : Eager to understand something of the story, the buyer untied the knot in the rope and Pinocchio was free as a bird: - Apprenez donc, mon maître, qu'avant de devenir un âne, j'étais une marionnette sur le point de devenir un petit garçon comme les autres. - Learn, then, my master, that before I became a donkey, I was a puppet about to become a little boy like the others. Mais mon peu de goût pour le travail et les mauvais conseils de petits camarades me firent quitter la maison. But my lack of taste for work and the bad advice of little friends made me leave home. C'est ainsi que, un matin, en me réveillant, je me suis retrouvé changé en baudet, avec les oreilles, la queue et tout. That's how I woke up one morning to find myself changed into a jackass, ears, tail and all. Quelle honte fut la mienne ! What a shame I was! Que Saint-Antoine ne vous fasse jamais éprouver cet affront ! May Saint Anthony never let you suffer this affront! Emmené pour être vendu au marché des ânes, je fus acheté par le directeur d'une compagnie équestre qui se mit dans la tête de faire de moi un grand danseur et un sauteur de cercles hors-pair. Taken away to be sold at the donkey market, I was bought by the director of a horse-riding company who had it in his head to make me a great dancer and circle jumper. Or, au beau milieu du spectacle, je fis une chute et me retrouvai estropié. In the middle of the show, I fell and was left crippled. Comme le directeur du cirque ne voulait pas s'encombrer d'un âne boiteux, il me revendit et c'est vous qui m'avez acheté. The circus manager didn't want to deal with a lame donkey, so he sold me, and you bought me. - Eh oui ! - That's right! Malheureusement ! Je t'ai même payé vingt centimes. I even paid you twenty cents. Qui va me rendre mes vingt centimes maintenant ? Who's going to give me back my twenty cents now?

- Vous m'avez même acheté pour fabriquer un tambour avec ma peau, n'est-ce pas ? - You even bought me to make a drum with my skin, didn't you? Un tambour ! A drum! - Eh oui ! - That's right! Malheureusement ! Où vais-je trouver une autre peau maintenant ? Where will I find another skin now?

- Ne vous laissez pas aller au désespoir, mon maître. - Don't give in to despair, my master. Des ânes, il y en a tant en ce monde... Donkeys, there are so many in this world...

- Dis-moi, petit impertinent, ton histoire s'arrête là ? - Tell me, impertinent boy, does your story end here? - Pas tout à fait. - Not quite. Deux mots encore. Two more words. Donc, après m'avoir acheté, vous m'avez conduit ici pour me tuer. So, after you bought me, you brought me here to kill me. Cédant à un sentiment de la plus grande humanité, vous avez préféré me mettre une pierre au cou et me jeter dans la mer. Yielding to a feeling of the greatest humanity, you preferred to put a stone around my neck and throw me into the sea. Cette délicatesse vous honore infiniment et je vous en serai éternellement reconnaissant. It's a great credit to you, and I'll be eternally grateful. Mais c'était compter sans la Fée.. But that was reckoning without the Fairy.. - C'est quoi cette Fée ? - What's with the fairy? - Cette Fée, c'est ma maman. - This fairy is my mom. Elle est comme toutes les mamans qui aiment beaucoup leurs enfants, veillent sur eux et les secourent tendrement en cas de danger, même si ces enfants, par leur étourderie et leur comportement indélicat, mériteraient d'être abandonnés et livrés à eux-mêmes. She is like all mothers who love their children very much, watch over them and help them tenderly in case of danger, even if these children, by their thoughtlessness and their indelicate behavior, deserve to be abandoned and left to fend for themselves. Je disais donc que la Fée, voyant que j'allais me noyer, m'envoya un banc d'innombrables poissons qui se mirent à dévorer cet ânon qu'ils croyaient bel et bien mort. So I was saying that the Fairy, seeing that I was going to drown, sent me a school of innumerable fish which began to devour this ass which they believed to be dead. Quelles bouchées ils faisaient de moi ! What mouthfuls they made of me! Je n'aurais jamais cru que les poissons fussent aussi gloutons que les enfants ! I never thought that fish were as greedy as children! C'était à qui mangerait les oreilles, le museau, l'encolure et sa crinière, la peau des pattes et le pelage du dos ! It was to who would eat the ears, the muzzle, the neck and mane, the skin of the legs and the fur on the back! Il y a même un tout petit qui eut la courtoisie d'accepter de me dévorer la queue. There is even a very small one who had the courtesy to agree to devour my cock. - Jamais plus je ne mangerai de poisson ! - I will never eat fish again! – s'exclama, horrifié, le fabricant de tambour – J'aurais trop peur de trouver une queue d'âne dans le ventre d'une truite ou d'un merlan. – exclaimed, horrified, the drum maker – I would be too afraid to find a donkey's tail in the belly of a trout or a whiting. - Je suis bien d'accord avec vous – répondit la marionnette qui se tordait de rire – Enfin, quand ils eurent fini de manger toute cette chair de baudet qui m'enrobait de la tête aux pieds, les poissons arrivèrent naturellement au squelette. - I couldn't agree with you more - replied the puppet, writhing in laughter - Finally, when they'd finished eating all the jackass flesh that coated me from head to toe, the fish naturally arrived at the skeleton. Mais dés les premières morsures, ces gloutons s'aperçurent que le bois très dur dont je suis fait n'était pas pain béni pour leurs dentitions et ils se dispersèrent sans même me remercier. But as soon as they took their first bites, these gluttons realized that the very hard wood I'm made of was no blessing for their teeth, and they scattered without even thanking me. Et voici comment, tirant sur votre corde, vous avez trouvé une marionnette à la place de votre âne ! And here is how, pulling on your rope, you found a puppet in place of your donkey!

- Je me moque de tout cela ! - I don't care about all that! – hurla l'acheteur fou de rage – Tout ce qui m'intéresse c'est que j'ai dépensé vingt centimes pour t'avoir et que je veux les récupérer. - screamed the enraged buyer - All I care about is that I spent twenty cents to get you and I want it back. Sais-tu ce que je vais faire ? Do you know what I'm going to do? Je vais retourner au marché et te revendre comme du bois sec pour allumer le feu de la cheminée. I'll go back to the market and sell you like dry wood to light the fire in the fireplace.

- D'accord, revendez-moi ! - All right, sell me back! J'en serai ravi. I'd be delighted. – répliqua Pinocchio. - Pinocchio replied.

Mais en même temps, il bondit et sauta loin dans l'eau. But at the same time, he leapt and jumped far into the water. Tout en nageant allègrement pour s'éloigner de la rive, il cria au pauvre acheteur: As he swam happily away from the shore, he shouted to the poor buyer: - Adieu, mon maître. - Farewell, my master. Si vous avez besoin d'une peau pour faire un tambour, pensez à moi ! If you need a skin to make a drum, think of me! Un peu plus loin, toujours nageant et riant, il lança encore : A little further on, still swimming and laughing, he called out again:

- Adieu, mon bon maître. - Farewell, my good master. Si vous avez besoin d'un peu de bois pour allumer votre cheminée, pensez à moi ! If you need some wood to light your fireplace, think of me! Pinocchio s'éloignait à toute vitesse. Pinocchio was speeding away. C'était devenu un petit point noir à la surface de l'eau. It had become a small black dot on the surface of the water. Parfois une paire de jambes émergeait de la mer ou alors il faisait des cabrioles dans l'eau, tel un dauphin de très bonne humeur. Sometimes a pair of legs emerged from the sea or he was cavorting in the water, like a dolphin in a very good mood. Nageant au hasard, Pinocchio aperçut un rocher blanc comme du marbre sur lequel béguetait gentiment une jolie petite chèvre qui lui faisait signe d'approcher. Swimming at random, Pinocchio saw a marble-white rock on which a pretty little goat gently stuttered, beckoning him to approach. La chose étonnante était que cette chèvre n'était ni blanche, ni noire, comme le sont d'habitude la plupart des chèvres, mais sa laine était d'un bleu-nuit éclatant qui rappelait beaucoup la couleur des cheveux de la jolie petite Fée. The amazing thing was that this goat was neither white nor black, as most goats usually are, but its wool was a brilliant midnight-blue that was very reminiscent of the color of the pretty little Fairy's hair. Evidemment, le cœur de Pinocchio se mit à battre très fort. Naturally, Pinocchio's heart began to beat very fast. Redoublant d'effort, il se dirigea vers le rocher blanc. Redoubling his efforts, he headed for the white rock. C'est alors que surgit une tête horrible, celle d'un monstre marin qui venait à sa rencontre. It was then that a horrible head appeared, that of a sea monster coming to meet him. Sa bouche grande ouverte était un gouffre et découvrait trois rangées de dents à faire peur même en dessin. His wide-open mouth was a chasm and showed three rows of teeth that were scary even in drawing.

Et vous savez qui était ce monstre marin ? And do you know who this sea monster was?

C'était, ni plus ni moins, ce gigantesque Requin déjà rencontré dans cette histoire et que l'on surnommait, à cause de ses nombreux massacres et de son insatiable voracité, « l'Attila des poissons et des pécheurs ». It was, no more and no less, the gigantic Shark we've already met in this story, nicknamed "the Attila of fish and fishermen" because of its numerous massacres and insatiable voracity. Vous imaginez l'épouvante qui saisit le pauvre Pinocchio à la vue de ce monstre ! You can imagine the horror that seized poor Pinocchio at the sight of this monster! Il essaya de l'éviter, de changer de route, de le fuir mais l'énorme bouche s'approchait à la vitesse d'une flèche. He tried to avoid it, to change course, to run away from it, but the huge mouth approached with the speed of an arrow. - Dépêche-toi, Pinocchio ! - Hurry up, Pinocchio! Je t'en supplie ! I beg you ! – bêlait la jolie petite chèvre. – bleated the pretty little goat.

Celui-ci nageait désespérément. This one was swimming desperately. Il se servait de tout : ses bras, sa poitrine, ses jambes, ses pieds... He used everything: his arms, his chest, his legs, his feet...

- Cours ! - Run! Cours, Pinocchio ! Run, Pinocchio! Le monstre se rapproche ! The monster is getting closer!

Rassemblant toutes ses forces, la marionnette redoubla d'ardeur. Gathering all his strength, the puppet redoubled his efforts. - Attention, Pinocchio ! - Watch out, Pinocchio! Le monstre te rejoint ! The monster joins you! Il arrive ! It's coming! Il arrive ! It's coming! Dépêche-toi, je t'en supplie ou tu es perdu ! Hurry up, I'm begging you or you're lost! Il ne pouvait pas aller plus vite. He couldn't go any faster. Il filait comme une balle de fusil. It flew by like a bullet. Alors qu'il était sur le point de toucher le rocher, la petite chèvre se pencha et lui tendait déjà ses pattes de devant pour l'aider à sortir de l'eau. As he was about to touch the rock, the little goat bent down and was already holding out his front paws to help him out of the water. Mais c'était trop tard ! But it was too late! Le monstre l'avait rejoint et aspira la pauvre marionnette comme on gobe un oeuf. The monster had joined him and sucked up the poor puppet like an egg. Ce fut si violent que Pinocchio, dégringolant dans le corps du Raquin, s'assomma et resta évanoui pendant un bon quart d'heure. It was so violent that Pinocchio tumbled into the Raquin's body, knocked himself out and lay unconscious for a good quarter of an hour. Quand il revint à lui, il ne savait plus ni qui il était, ni où il était. When he came to, he no longer knew who he was or where he was. Tout, autour de lui, était plongé dans le noir le plus profond comme s'il était entré dans un encrier plein d'encre. Everything around him was pitch-black, as if he'd stepped into an inkwell full of ink. On n'entendait rien que, de temps en temps, de grandes bouffées de vent qui lui cinglaient le visage. Nothing could be heard except, from time to time, great gusts of wind which slapped his face. No se escuchaba nada más que, de vez en cuando, grandes ráfagas de viento que le azotaban la cara. Au début, il ne comprit pas, puis il pensa que ces rafales devaient sortir des poumons du monstre. At first, he didn't understand, but then he thought these bursts must have come from the monster's lungs. Al principio, no entendió, luego pensó que esas ráfagas debían salir de los pulmones del monstruo. De fait, le Raquin souffrait d'asthme et, quand il respirait, on aurait dit que soufflait la Tramontane. In fact, the Raquin suffered from asthma and, when he breathed, it seemed as if the Tramontane was blowing. De hecho, Raquin sufría de asma y, cuando respiraba, parecía que soplaba el Tramontana. Pinocchio chercha d'abord à se donner du courage mais quand il eut cent fois la preuve qu'il était bien dans le corps du monstre, il s'effondra en larmes et se mit à gémir : Pinocchio first tried to give himself courage but when he had a hundred times the proof that he was indeed in the body of the monster, he broke down in tears and began to moan: - Au secours ! - Help! A l'aide ! Help! Oh, pauvre de moi ! Oh, poor me! N'y a-t-il personne pour me sauver ? Is there no one to save me? - Qui donc pourrait te sauver, malheureux ! - Who could save you, wretch! – grinça une voix dans le noir, fêlée comme une guitare désaccordée. - squeaked a voice in the dark, cracked like an out-of-tune guitar. – gruñó una voz en la oscuridad, rota como una guitarra desafinada.

- Qui parle ? - Who's speaking? - ¿Quién habla? – demanda Pinocchio qui tremblait de peur. - Pinocchio asked, trembling with fear. – preguntó Pinocho, temblando de miedo.

- C'est moi ! - That's me! Je suis un pauvre Thon que le Raquin a avalé en même temps que toi. I'm a poor Tuna that the Raquin swallowed at the same time as you. Et toi, quel poisson es-tu ? And what kind of fish are you?

- Moi, je n'ai rien à voir avec les poissons. - I have nothing to do with fish. Je suis une marionnette. I'm a puppet.

- Et alors ? - So what? Si tu n'es pas un poisson, pourquoi t'es-tu fait avaler par le monstre ? If you're not a fish, why did the monster swallow you? - Je n'en sais rien. - I don't know. D'ailleurs je ne me suis pas « fait avaler ». Besides, I didn't "get swallowed". C'est lui qui m'a avalé. He's the one who swallowed me. Nuance ! Nuance! Bon, et maintenant, qu'est-ce que l'on peut faire ? So, what can we do now? - Se résigner et attendre que le Raquin nous digère. - Resign ourselves and wait for the Raquin to digest us.

- Mais je ne veux pas être digéré ! - But I don't want to be digested! – cria Pinocchio qui se remit à pleurer. - cried Pinocchio, who began to cry again.

- Ben, moi non plus – fit remarquer le Thon – mais je suis philosophe et je me console en pensant que, pour un Thon, il est plus digne de mourir dans l'eau que dans la friture. - Well, me neither - remarked the Tuna - but I'm a philosopher and I console myself by thinking that, for a Tuna, it's more dignified to die in the water than in the fryer. - Balivernes ! - Poppycock! – hurla Pinocchio. - Pinocchio shouted.

- C'est mon opinion – se défendit le Thon – et toutes les opinions, comme l'assurent les Thons politiques, sont respectables ! - This is my opinion - defended the Tuna - and all opinions, as the political Tuna assure, are respectable! - Moi, je veux m'en aller d'ici. - I want to get out of here. Je veux m'en aller... I want to go... - Va-t-en, si tu y arrives. - Go away, if you can.

- Il est vraiment gros ce Raquin ? - Is this Raquin really fat? – questionna la marionnette.

- S'il est gros ? - If it's big? Son corps mesure plus d'un kilomètre de long, sans compter la queue. Its body is over a kilometer long, not counting its tail. Tandis qu'ils conversaient ainsi, Pinocchio crut discerner dans le lointain une vague lueur. As they chatted, Pinocchio thought he saw a faint glimmer of light in the distance. - Cette lueur, tout là-bas, qu'est-ce que c'est ? - What's that glow over there? demanda Pinocchio. Pinocchio asked.

- Sans doute un autre malheureux qui attend d'être digéré. - No doubt another unfortunate waiting to be digested. - Je vais aller voir. - I'll go and have a look. Il s'agit peut-être d'un vieux poisson qui sait, lui, comment sortir d'ici. It may be an old fish who knows how to get out of here. - Je te le souhaite, chère marionnette. - I wish you, dear puppet.

- Alors, adieu le Thon. - So, goodbye Tuna.

- Adieu, la marionnette. - Farewell, puppet. Et bonne chance ! And good luck!

- On se reverra ? - Will we meet again?

- Qui sait ? - Who knows? Le mieux est de ne pas y penser ! Best not to think about it!