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LE PETIT VIEUX DES BATIGNOLLES de Émile Gaboriau, Chapitre 8

Chapitre 8

VIII

Ce qui me manquait alors – cent fois, depuis, j'ai eu l'occasion de m'en rendre compte –, c'était l'expérience, la pratique du métier ; c'était surtout la notion exacte des moyens d'action et d'investigation de la police. Je sentais vaguement que cette enquête avait été mal, ou plutôt légèrement conduite, mais j'aurais été bien embarrassé de dire pourquoi, de dire surtout ce qu'il eût fallu faire. Je ne m'en intéressais pas moins passionnément à Monistrol. Il me semblait que sa cause était la mienne même. Et c'était bien naturel : ma jeune vanité se trouvait en jeu. N'était-ce pas une remarque de moi qui avait élevé les premiers doutes sur la culpabilité de ce malheureux ? – Je me dois, me disais-je, de démontrer son innocence.

Malheureusement, les discussions de la soirée m'avaient tellement troublé que je ne savais plus sur quel fait précis échafauder mon système. Ainsi qu'il arrive toujours quand on applique trop longtemps son esprit à la solution d'un problème, mes idées se brouillaient comme un écheveau aux mains d'un enfant. Je n'y voyais plus clair, c'était le chaos. Enfoncé dans mon fauteuil, je me torturais la cervelle, lorsque sur les neuf heures du matin, monsieur Méchinet, fidèle à sa promesse de la veille, vint me prendre.

– Allons ! allons ! fit-il, en me secouant brusquement, car je ne l'avais pas entendu entrer ; en route !… – Je suis à vous, dis-je en me dressant.

Nous descendîmes en hâte, et je remarquai alors que mon digne voisin était vêtu avec plus de soin que de coutume.

Il avait réussi à se donner ces apparences débonnaires et cossues qui séduisent par-dessus tout le boutiquier parisien.

Sa gaieté était celle de l'homme sûr de soi, qui marche à une victoire certaine. Bientôt nous fûmes dans la rue, et tandis que nous cheminions :

– Eh bien ! me demanda-t-il, que pensez-vous de ma femme ?… Je passe pour un malin, à la préfecture, et cependant je la consulte – Molière consultait bien sa servante –, et souvent je m'en suis bien trouvé. Elle a un faible : pour elle, il n'est pas de crimes bêtes, et son imagination prête à tous les scélérats des combinaisons diaboliques… Mais comme j'ai justement le défaut opposé, comme je suis un peu trop positif, peut-être, il est rare que de nos consultations ne jaillisse pas la vérité… – Quoi ! m'écriai-je, vous pensez avoir pénétré le mystère de l'affaire Monistrol !… Il s'arrêta court, tira sa tabatière, aspira trois ou quatre de ses prises imaginaires, et d'un ton de vaniteuse discrétion : – J'ai du moins le moyen de le pénétrer, répondit-il. Cependant nous arrivions au haut de la rue Vivienne, non loin de l'établissement de Monistrol. – Attention ! me dit monsieur Méchinet ; suivez-moi, et, quoi qu'il arrive, ne vous étonnez de rien. Il fit bien de me prévenir. J'aurais été sans cela singulièrement surpris de le voir entrer brusquement chez un marchand de parapluies. Raide et grave comme un Anglais, il se fit montrer tout ce qu'il y avait dans la boutique, ne trouva rien à sa fantaisie et finit par demander s'il ne serait pas possible de lui fabriquer un parapluie dont il fournirait le modèle. On lui répondit que ce serait la chose la plus simple du monde, et il sortit en annonçant qu'il reviendrait le lendemain. Et, certes, la demi-heure qu'il avait passée dans ce magasin n'avait pas été perdue. Tout en examinant les objets qu'on lui soumettait, il avait eu l'art de tirer des marchands tout ce qu'ils savaient des époux Monistrol. Art facile, en somme, car l'affaire du « petit vieux des Batignolles », et l'arrestation du bijoutier en faux avaient profondément ému le quartier et faisaient le sujet de toutes les conversations. – Voilà, me dit-il quand nous fûmes dehors, comment on obtient des renseignements exacts… Dès que les gens savent à qui ils ont affaire, ils posent, ils font des phrases, et alors adieu la vérité vraie…

Cette comédie, monsieur Méchinet la répéta dans sept ou huit magasins aux environs.

Et même, dans l'un d'eux, dont les patrons étaient revêches et peu causeurs, il fit une emplette de vingt francs. Mais après deux heures de cet exercice singulier, et qui m'amusait fort, nous connaissions exactement l'opinion publique. Nous savions au juste ce qu'on pensait de monsieur et madame Monistrol dans le quartier où ils étaient établis depuis leur mariage, c'est-à-dire depuis quatre ans. Sur le mari, il n'y avait qu'une voix. C'était, affirmait-on, le plus doux et le meilleur des hommes, serviable, honnête, intelligent et travailleur. S'il n'avait pas réussi dans son commerce, c'est que la chance ne sert pas toujours ceux qui le méritent le plus. Il avait eu le tort de prendre une boutique vouée à la faillite, car depuis quinze ans quatre commerçants s'y étaient coulés. Il adorait sa femme, tout le monde le savait et le disait, mais ce grand amour n'avait pas dépassé les bornes convenues ; il n'en était rejailli sur lui aucun ridicule… Personne ne pouvait croire à sa culpabilité.

– Son arrestation, disait-on, doit être une erreur de la police.

Pour ce qui est de madame Monistrol, les avis étaient partagés.

Les uns la trouvaient trop élégante pour sa situation de fortune, d'autres soutenaient qu'une toilette à la mode était une des obligations, une des nécessités du commerce de luxe qu'elle tenait. En général, on était persuadé qu'elle aimait beaucoup son mari. Car, par exemple, il n'y avait qu'une voix pour célébrer sa sagesse, sagesse d'autant plus méritoire qu'elle était remarquablement belle et qu'elle était assiégée par bien des adorateurs. Mais jamais elle n'avait fait parler d'elle, jamais le plus léger soupçon n'avait effleuré sa réputation immaculée… Cela, je le voyais bien, déroutait singulièrement monsieur Méchinet.

– C'est prodigieux, me disait-il, pas un cancan, pas une médisance, pas une calomnie !… Ah ! ce n'est pas là ce que supposait Caroline… D'après elle, nous devions trouver une de ces boutiquières qui tiennent le haut du comptoir, qui étalent leur beauté encore plus que leurs marchandises, et qui relèguent à l'arrière-boutique leur mari – un aveugle imbécile ou un malpropre complaisant… Et pas du tout ! Je ne répondis pas, n'étant guère moins déconcerté que mon voisin. Nous étions loin, maintenant, de la déposition de la concierge de la rue Lécluse, tant il est vrai que le point de vue varie selon le quartier. Ce qui passe aux Batignolles pour une damnable coquetterie, n'est plus rue Vivienne qu'une exigence de situation. Mais nous avions employé trop de temps déjà à notre enquête, pour nous arrêter à échanger nos impressions et à discuter nos conjectures.

– Maintenant, dit monsieur Méchinet, avant de nous introduire dans la place, étudions-en les abords.

Et rompu à la pratique de ces investigations discrètes, au milieu du mouvement de Paris, il me fit signe de le suivre sous une porte cochère, précisément en face du magasin de Monistrol.

C'était une boutique modeste, presque pauvre, quand on la comparait à celles qui l'entouraient. La devanture réclamait le pinceau des peintres. Au-dessus, en lettres jadis dorées, maintenant enfumées et noircies, s'étalait le nom de Monistrol. Sur les glaces, on lisait : « Or et imitation. Hélas ! c'était de l'imitation, surtout, qui reluisait à l'étalage. Le long des tringles pendaient force chaînes en doublé, des parures de jais, des diadèmes constellés de cailloux du Rhin, puis des colliers jouant le corail, et des broches, et des bagues, et des boutons de manchettes rehaussés de pierres fausses de toutes les couleurs…

Pauvre étalage en somme, je le reconnus d'un coup d'œil, et qui ne devait pas tenter les voleurs à la vrille. – Entrons !… dis-je à monsieur Méchinet.

Il était moins impatient que moi, ou savait mieux contenir son impatience, car il m'arrêta par le bras en disant : – Un instant… Je voudrais au moins entrevoir madame Monistrol.

Mais c'est en vain que, durant plus de vingt minutes encore, nous demeurâmes plantés à notre poste d'observation ; la boutique restait vide, madame Monistrol ne paraissait pas… – Décidément, c'est assez faire le pied de grue, s'exclama enfin mon digne voisin : arrivez, monsieur Godeuil, risquons-nous…

Chapitre 8 Kapitel 8 Chapter 8

VIII

Ce qui me manquait alors – cent fois, depuis, j'ai eu l'occasion de m'en rendre compte –, c'était l'expérience, la pratique du métier ; c'était surtout la notion exacte des moyens d'action et d'investigation de la police. What I lacked at the time - and I've had a hundred opportunities since to realize this - was experience, practical experience of the job; above all, I had a precise notion of the police's means of action and investigation. Je sentais vaguement que cette enquête avait été mal, ou plutôt légèrement conduite, mais j'aurais été bien embarrassé de dire pourquoi, de dire surtout ce qu'il eût fallu faire. I had a vague feeling that this investigation had been badly, or rather lightly, conducted, but I would have been very embarrassed to say why, and especially to say what should have been done. У меня было смутное ощущение, что это расследование было проведено плохо или, скорее, несерьезно, но мне было бы очень неловко сказать, почему, и тем более сказать, что следовало бы сделать. Je ne m'en intéressais pas moins passionnément à Monistrol. I was no less passionately interested in Monistrol. Il me semblait que sa cause était la mienne même. It seemed to me that his cause was my own. Et c'était bien naturel : ma jeune vanité se trouvait en jeu. And it was only natural: my young vanity was at stake. И это было вполне естественно: на кону стояло мое молодое тщеславие. N'était-ce pas une remarque de moi qui avait élevé les premiers doutes sur la culpabilité de ce malheureux ? – Je me dois, me disais-je, de démontrer son innocence.

Malheureusement, les discussions de la soirée m'avaient tellement troublé que je ne savais plus sur quel fait précis échafauder mon système. Unfortunately, I'd been so confused by the evening's discussions that I didn't know which facts to base my system on. Ainsi qu'il arrive toujours quand on applique trop longtemps son esprit à la solution d'un problème, mes idées se brouillaient comme un écheveau aux mains d'un enfant. As always happens when you apply your mind too long to the solution of a problem, my ideas were scrambling like a skein in a child's hands. Как всегда бывает, когда слишком долго прикладываешь свой ум к решению проблемы, мои идеи рассыпались, как моток в руках ребенка. Je n'y voyais plus clair, c'était le chaos. I couldn't see clearly, it was chaos. Enfoncé dans mon fauteuil, je me torturais la cervelle, lorsque sur les neuf heures du matin, monsieur Méchinet, fidèle à sa promesse de la veille, vint me prendre.

– Allons ! allons ! fit-il, en me secouant brusquement, car je ne l'avais pas entendu entrer ; en route !… he said, shaking me suddenly, for I hadn't heard him come in; let's go!... – Je suis à vous, dis-je en me dressant. - I'm all yours," I said, standing up. - Я в твоем распоряжении, - сказал я, вставая.

Nous descendîmes en hâte, et je remarquai alors que mon digne voisin était vêtu avec plus de soin que de coutume. We hurried downstairs, and I noticed that my worthy neighbor was dressed with more care than usual.

Il avait réussi à se donner ces apparences débonnaires et cossues qui séduisent par-dessus tout le boutiquier parisien. He had succeeded in giving himself those debonair, cosseted appearances that seduce the Parisian shopkeeper above all else.

Sa gaieté était celle de l'homme sûr de soi, qui marche à une victoire certaine. Он был весел, как уверенный в себе человек на пути к уверенной победе. Bientôt nous fûmes dans la rue, et tandis que nous cheminions : Soon we were in the street, and as we walked along :

– Eh bien ! me demanda-t-il, que pensez-vous de ma femme ?… Je passe pour un malin, à la préfecture, et cependant je la consulte – Molière consultait bien sa servante –, et souvent je m'en suis bien trouvé. What do you think of my wife?... I'm a bit of a smart aleck at the prefecture, but I do consult her - Molière consulted his servant - and I've often found her to be a great help. Что вы думаете о моей жене?... Меня считают умным человеком в префектуре, но я советуюсь с ней - Мольер советовался со своей служанкой - и часто находил в ней хорошую помощь. Elle a un faible : pour elle, il n'est pas de crimes bêtes, et son imagination prête à tous les scélérats des combinaisons diaboliques… Mais comme j'ai justement le défaut opposé, comme je suis un peu trop positif, peut-être, il est rare que de nos consultations ne jaillisse pas la vérité… She has a weakness: for her, there are no stupid crimes, and her imagination lends all villains diabolical combinations... But as I have precisely the opposite fault, as I am a little too positive, perhaps, it is rare that our consultations do not bring out the truth... – Quoi ! m'écriai-je, vous pensez avoir pénétré le mystère de l'affaire Monistrol !… you think you've penetrated the mystery of the Monistrol affair!... Il s'arrêta court, tira sa tabatière, aspira trois ou quatre de ses prises imaginaires, et d'un ton de vaniteuse discrétion : – J'ai du moins le moyen de le pénétrer, répondit-il. - At least I have the means to penetrate it," he replied. Cependant nous arrivions au haut de la rue Vivienne, non loin de l'établissement de Monistrol. – Attention ! me dit monsieur Méchinet ; suivez-moi, et, quoi qu'il arrive, ne vous étonnez de rien. Il fit bien de me prévenir. He did well to warn me. J'aurais été sans cela singulièrement surpris de le voir entrer brusquement chez un marchand de parapluies. Raide et grave comme un Anglais, il se fit montrer tout ce qu'il y avait dans la boutique, ne trouva rien à sa fantaisie et finit par demander s'il ne serait pas possible de lui fabriquer un parapluie dont il fournirait le modèle. Stiff and serious as an Englishman, he was shown everything in the store, found nothing to his liking, and finally asked if it wouldn't be possible to make him an umbrella of his own design. On lui répondit que ce serait la chose la plus simple du monde, et il sortit en annonçant qu'il reviendrait le lendemain. He was told it would be the simplest thing in the world, and left, announcing that he'd be back the next day. Et, certes, la demi-heure qu'il avait passée dans ce magasin n'avait pas été perdue. And, certainly, the half-hour he'd spent in that store hadn't been wasted. Tout en examinant les objets qu'on lui soumettait, il avait eu l'art de tirer des marchands tout ce qu'ils savaient des époux Monistrol. While examining the objects submitted to him, he had the art of extracting from the merchants everything they knew about the Monistrol couple. Art facile, en somme, car l'affaire du « petit vieux des Batignolles », et l'arrestation du bijoutier en faux avaient profondément ému le quartier et faisaient le sujet de toutes les conversations. Der Fall des "kleinen alten Mannes von Batignolles" und die Verhaftung des falschen Juweliers hatten das Viertel tief bewegt und waren in aller Munde. Easy art, in fact, as the affair of the "little old man of Batignolles", and the arrest of the forged jeweler, had deeply moved the neighborhood and was the talk of the town. – Voilà, me dit-il quand nous fûmes dehors, comment on obtient des renseignements exacts… Dès que les gens savent à qui ils ont affaire, ils posent, ils font des phrases, et alors adieu la vérité vraie… - This," he told me when we were outside, "is how you get accurate information... As soon as people know who they're dealing with, they pose, they make sentences, and then goodbye real truth...

Cette comédie, monsieur Méchinet la répéta dans sept ou huit magasins aux environs. Monsieur Méchinet repeated this comedy in seven or eight nearby stores.

Et même, dans l'un d'eux, dont les patrons étaient revêches et peu causeurs, il fit une emplette de vingt francs. And in one of them, whose owners were surly and not very talkative, he bought twenty francs. Mais après deux heures de cet exercice singulier, et qui m'amusait fort, nous connaissions exactement l'opinion publique. But after two hours of this singular exercise, which amused me greatly, we knew exactly what the public opinion was. Nous savions au juste ce qu'on pensait de monsieur et madame Monistrol dans le quartier où ils étaient établis depuis leur mariage, c'est-à-dire depuis quatre ans. We knew exactly what people thought of Monsieur and Madame Monistrol in the neighborhood where they'd been living since their marriage, which was four years ago. Sur le mari, il n'y avait qu'une voix. On the husband, there was only one voice. C'était, affirmait-on, le plus doux et le meilleur des hommes, serviable, honnête, intelligent et travailleur. He was, it was claimed, the gentlest and best of men, helpful, honest, intelligent and hard-working. S'il n'avait pas réussi dans son commerce, c'est que la chance ne sert pas toujours ceux qui le méritent le plus. Dass er mit seinem Geschäft keinen Erfolg hatte, lag daran, dass das Glück nicht immer denen nützt, die es am meisten verdienen. If he hadn't succeeded in his business, it was because luck doesn't always serve those who deserve it most. Il avait eu le tort de prendre une boutique vouée à la faillite, car depuis quinze ans quatre commerçants s'y étaient coulés. He had made the mistake of taking a shop that was doomed to bankruptcy, because for fifteen years four shopkeepers had gone there. Il adorait sa femme, tout le monde le savait et le disait, mais ce grand amour n'avait pas dépassé les bornes convenues ; il n'en était rejailli sur lui aucun ridicule… Er liebte seine Frau, jeder wusste es und sagte es, aber diese große Liebe hatte die vereinbarten Grenzen nicht überschritten; es war nicht auf ihn zurückgefallen, dass er sich lächerlich gemacht hatte... He adored his wife, everyone knew it and said it, but this great love had not exceeded the agreed limits; no ridicule was brought upon him... Personne ne pouvait croire à sa culpabilité. No one could believe his guilt.

– Son arrestation, disait-on, doit être une erreur de la police.

Pour ce qui est de madame Monistrol, les avis étaient partagés. As for Madame Monistrol, opinions were divided.

Les uns la trouvaient trop élégante pour sa situation de fortune, d'autres soutenaient qu'une toilette à la mode était une des obligations, une des nécessités du commerce de luxe qu'elle tenait. Some found her too elegant for her wealthy situation, others argued that a fashionable gown was one of the obligations, one of the necessities, of the luxury business she ran. En général, on était persuadé qu'elle aimait beaucoup son mari. In general, we were convinced that she loved her husband very much. Car, par exemple, il n'y avait qu'une voix pour célébrer sa sagesse, sagesse d'autant plus méritoire qu'elle était remarquablement belle et qu'elle était assiégée par bien des adorateurs. For, for example, there was only one voice celebrating her wisdom, a wisdom all the more meritorious for being remarkably beautiful and besieged by many worshippers. Mais jamais elle n'avait fait parler d'elle, jamais le plus léger soupçon n'avait effleuré sa réputation immaculée… But she had never been in the news, never had the slightest suspicion touched her immaculate reputation... Cela, je le voyais bien, déroutait singulièrement monsieur Méchinet. This, I could see, singularly baffled Monsieur Méchinet.

– C'est prodigieux, me disait-il, pas un cancan, pas une médisance, pas une calomnie !… Ah ! - It's prodigious," he told me, "not a gossip, not a slander, not a calumny!... Ah! ce n'est pas là ce que supposait Caroline… D'après elle, nous devions trouver une de ces boutiquières qui tiennent le haut du comptoir, qui étalent leur beauté encore plus que leurs marchandises, et qui relèguent à l'arrière-boutique leur mari – un aveugle imbécile ou un malpropre complaisant… Et pas du tout ! This was not what Caroline had in mind... According to her, we were to find one of those shopkeepers who run the counter, displaying their beauty even more than their wares, and relegating their husbands to the back room - a blind imbecile or a self-indulgent scoundrel... And not at all! По ее словам, нам предстояло найти одну из тех хозяек, которые управляют прилавком, выставляют напоказ свою красоту даже больше, чем товар, а мужей отводят на задворки магазина - слепого имбецила или самовлюбленного негодяя... А вот и нет! Je ne répondis pas, n'étant guère moins déconcerté que mon voisin. I didn't answer, hardly less puzzled than my neighbor. Nous étions loin, maintenant, de la déposition de la concierge de la rue Lécluse, tant il est vrai que le point de vue varie selon le quartier. We were now a long way from the statement made by the concierge on rue Lécluse, so much so that the point of view varies according to the neighborhood. Ce qui passe aux Batignolles pour une damnable coquetterie, n'est plus rue Vivienne qu'une exigence de situation. What passes for a damnable coquetry at Les Batignolles, is now nothing more than a situational requirement at Rue Vivienne. Mais nous avions employé trop de temps déjà à notre enquête, pour nous arrêter à échanger nos impressions et à discuter nos conjectures. But we had already spent too much time on our investigation to stop to exchange impressions and discuss our conjectures.

– Maintenant, dit monsieur Méchinet, avant de nous introduire dans la place, étudions-en les abords. - Now," says Monsieur Méchinet, "before we enter the square, let's study its surroundings.

Et rompu à la pratique de ces investigations discrètes, au milieu du mouvement de Paris, il me fit signe de le suivre sous une porte cochère, précisément en face du magasin de Monistrol. And, well-versed in the practice of these discreet investigations, in the midst of the hustle and bustle of Paris, he beckoned me to follow him under a porte cochère, precisely opposite Monistrol's store.

C'était une boutique modeste, presque pauvre, quand on la comparait à celles qui l'entouraient. It was a modest store, almost poor when compared to those around it. La devanture réclamait le pinceau des peintres. The storefront called for painters' brushes. Au-dessus, en lettres jadis dorées, maintenant enfumées et noircies, s'étalait le nom de Monistrol. Above, in letters once golden, now smoky and blackened, was the name Monistrol. Sur les glaces, on lisait : « Or et imitation. The mirrors read: "Gold and imitation. Hélas ! Alas! c'était de l'imitation, surtout, qui reluisait à l'étalage. it was imitation, above all, that shone on the display. Le long des tringles pendaient force chaînes en doublé, des parures de jais, des diadèmes constellés de cailloux du Rhin, puis des colliers jouant le corail, et des broches, et des bagues, et des boutons de manchettes rehaussés de pierres fausses de toutes les couleurs… Along the rods dangled doubled chains, jet ornaments, tiaras studded with Rhine pebbles, then coral necklaces, and brooches, and rings, and cufflinks embellished with fake stones of every color...

Pauvre étalage en somme, je le reconnus d'un coup d'œil, et qui ne devait pas tenter les voleurs à la vrille. A poor display, I recognized at a glance, and not one to tempt thieves with a twist. – Entrons !… dis-je à monsieur Méchinet.

Il était moins impatient que moi, ou savait mieux contenir son impatience, car il m'arrêta par le bras en disant : He was less impatient than I, or knew better how to contain his impatience, for he stopped me by the arm and said: – Un instant… Je voudrais au moins entrevoir madame Monistrol. – One moment… I would like at least to catch a glimpse of Madame Monistrol.

Mais c'est en vain que, durant plus de vingt minutes encore, nous demeurâmes plantés à notre poste d'observation ; la boutique restait vide, madame Monistrol ne paraissait pas… But it was in vain that, for more than twenty minutes more, we remained planted at our observation post; the shop remained empty, Madame Monistrol did not appear... – Décidément, c'est assez faire le pied de grue, s'exclama enfin mon digne voisin : arrivez, monsieur Godeuil, risquons-nous… - Decidedly, it's enough to do the crane's foot, finally exclaimed my worthy neighbor: come on, Monsieur Godeuil, let's risk...