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LE PETIT VIEUX DES BATIGNOLLES de Émile Gaboriau, Chapitre 6

Chapitre 6

VI

De même que pour venir aux Batignolles, nous prîmes un fiacre pour nous rendre à la préfecture de police.

La préoccupation de monsieur Méchinet était grande : ses doigts ne cessaient de voyager de sa tabatière vide à son nez, et je l'entendais grommeler entre ses dents : – J'en aurai le cœur net ! Il faut que j'en aie le cœur net. Puis il sortait de sa poche le bouchon que je lui avais remis, il le tournait et le retournait avec des mines de singe épluchant une noix et murmurait :

– C'est une pièce à conviction, cependant… il doit y avoir un parti à tirer de cette cire verte… Moi, enfoncé dans mon coin, je ne soufflais mot.

Assurément ma situation était des plus bizarres, mais je n'y songeais pas. Tout ce que j'avais d'intelligence était absorbé par cette affaire ; j'en ruminais dans mon esprit les éléments divers et contradictoires, et je m'épuisais à pénétrer le secret du drame que je pressentais. Lorsque notre voiture s'arrêta, il faisait nuit noire. Le quai des Orfèvres était désert et silencieux : pas un bruit, pas un passant. Les rares boutiques des environs étaient fermées. Toute la vie du quartier s'était réfugiée dans le petit restaurant qui fait presque le coin de la rue de Jérusalem, et sur les rideaux rouges de la devanture se dessinait l'ombre des consommateurs. – Vous laissera-t-on arriver jusqu'au prévenu ? demandai-je à monsieur Méchinet.

– Assurément, me répondit-il. Ne suis-je pas chargé de suivre l'affaire… Ne faut-il pas que selon les nécessités imprévues de l'enquête, je puisse, à toute heure de jour et de nuit, interroger le détenu !… Et d'un pas rapide, il s'engagea sous la voûte, en me disant : – Arrivez, arrivez, nous n'avons pas de temps à perdre. Il n'était pas besoin qu'il m'encourageât. J'allais à sa suite, agité d'indéfinissables émotions et tout frémissant d'une vague curiosité. C'était la première fois que je franchissais le seuil de la préfecture de police, et Dieu sait quels étaient alors mes préjugés. – Là, me disais-je, non sans un certain effroi, là est le secret de Paris…

J'étais si bien abîmé dans mes réflexions, qu'oubliant de regarder à mes pieds, je faillis tomber. Le choc me ramena au sentiment de la situation. Nous longions alors un immense couloir aux murs humides et au pavé raboteux. Bientôt mon compagnon entra dans une petite pièce où deux hommes jouaient aux cartes pendant que trois ou quatre autres fumaient leur pipe, étendus sur un lit de camp. Il échangea avec eux quelques paroles qui n'arrivèrent pas jusqu'à moi qui restais dehors, puis il ressortit et nous nous remîmes en marche. Ayant traversé une cour et nous étant engagés dans un second couloir, nous ne tardâmes pas à arriver devant une grille de fer à pesants verrous et à serrure formidable.

Sur un mot de monsieur Méchinet, un surveillant nous l'ouvrit, cette grille ; nous laissâmes à droite une vaste salle où il me sembla voir des sergents de ville et des gardes de Paris, et enfin, nous gravîmes un escalier assez roide. Au haut de cet escalier, à l'entrée d'un étroit corridor percé de quantité de petites portes, était assis un gros homme à face joviale, qui certes n'avait rien du classique geôlier. Dès qu'il aperçut mon compagnon : – Eh ! c'est monsieur Méchinet ! s'écria-t-il… Ma foi ! je vous attendais… Gageons que vous venez pour l'assassin du petit vieux des Batignolles. – Précisément. Y a-t-il du nouveau ?

– Non.

– Cependant le juge d'instruction doit être venu. – Il sort d'ici. – Eh bien ?…

– Il n'est pas resté trois minutes avec l'accusé, et en le quittant il avait l'air très satisfait. Au bas de l'escalier, il a rencontré monsieur le directeur, et il lui a dit : « C'est une affaire dans le sac ; l'assassin n'a même pas essayé de nier… » Monsieur Méchinet eut un bond de trois pieds, mais le gardien ne le remarqua pas, car il reprit :

– Du reste, ça ne m'a pas surpris… Rien qu'en voyant le particulier, quand on me l'a amené, j'ai dit : « En voilà un qui ne saura pas se tenir. – Et que fait-il maintenant ?

– Il geint… On m'a recommandé de le surveiller, de peur qu'il ne se suicide, et comme de juste, je le surveille… mais c'est bien inutile… C'est encore un de ces gaillards qui tiennent plus à leur peau qu'à celle des autres… – Allons le voir, interrompit monsieur Méchinet, et surtout pas de bruit…

Tous trois, aussitôt, sur la pointe des pieds, nous nous avançâmes jusqu'à une porte de chêne plein, percée à hauteur d'homme d'un guichet grillé. Par ce guichet, on voyait tout ce qui se passait dans la cellule, éclairée par un chétif bec de gaz.

Le gardien donna d'abord un coup d'œil, monsieur Méchinet regarda ensuite, puis vint mon tour… Sur une étroite couchette de fer recouverte d'une couverture de laine grise à bandes jaunes, j'aperçus un homme couché à plat ventre, la tête cachée entre ses bras à demi repliés. Il pleurait : le bruit sourd de ses sanglots arrivait jusqu'à moi, et par instants un tressaillement convulsif le secouait de la tête aux pieds. – Ouvrez-nous, maintenant, commanda monsieur Méchinet au gardien.

Il obéit et nous entrâmes.

Au grincement de la clef, le prisonnier s'était soulevé et assis sur son grabat, les jambes et les bras pendants, la tête inclinée sur la poitrine, il nous regardait d'un air hébété. C'était un homme de trente-cinq à trente-huit ans, d'une taille un peu au-dessus de la moyenne, mais robuste, avec un cou apoplectique enfoncé entre de larges épaules. Il était laid ; la petite vérole l'avait défiguré, et son long nez droit et son front fuyant lui donnaient quelque chose de la physionomie stupide du mouton. Cependant, ses yeux bleus étaient très beaux, et il avait les dents d'une remarquable blancheur… – Eh bien ! monsieur Monistrol, commença monsieur Méchinet, nous nous désolons donc !

Et l'infortuné ne répondant pas : – Je conviens, poursuivit-il, que la situation n'est pas gaie… Cependant, si j'étais à votre place, je voudrais prouver que je suis un homme. Je me ferais une raison, et je tâcherais de démontrer mon innocence.

– Je ne suis pas innocent.

Cette fois, il n'y avait ni à équivoquer ni à suspecter l'intelligence d'un agent, c'était de la bouche même du prévenu que nous recueillions le terrible aveu. – Quoi ! s'exclama monsieur Méchinet, c'est vous qui… L'homme s'était redressé sur ses jambes titubantes, l'œil injecté, la bouche écumante, en proie à un véritable accès de rage. – Oui, c'est moi, interrompit-il, moi seul. Combien de fois faudra-t-il donc que je le répète ?… Déjà, tout à l'heure, un juge est venu, j'ai tout avoué et signé mes aveux… Que demandez-vous de plus ? Allez, je sais ce qui m'attend, et je n'ai pas peur… J'ai tué, je dois être tué !… Coupez-moi donc le cou, le plus tôt sera le mieux… Un peu étourdi d'abord, monsieur Méchinet s'était vite remis. – Un instant, que diable ! dit-il ; on ne coupe pas le cou aux gens comme cela… D'abord, il faut qu'ils prouvent qu'ils sont coupables… Puis, la justice comprend certains égarements, certaines fatalités, si vous voulez, et c'est même pour cela qu'elle a inventé les circonstances atténuantes. Un gémissement inarticulé fut la seule réponse de Monistrol, et monsieur Méchinet continua :

– Vous lui en vouliez donc terriblement à votre oncle ?

– Oh ! non !

– Alors, pourquoi ?…

– Pour hériter. Mes affaires étaient mauvaises, allez aux informations… J'avais besoin d'argent, mon oncle, qui était très riche, m'en refusait… – Je comprends, vous espériez échapper à la justice…

– Je l'espérais. Jusqu'alors, je m'étais étonné de la façon dont monsieur Méchinet conduisait ce rapide interrogatoire, mais maintenant je me l'expliquais… Je devinais la suite, je voyais quel piège il allait tendre au prévenu. – Autre chose, reprit-il brusquement ; où avez-vous acheté le revolver qui vous a servi à commettre le meurtre ?

Nulle surprise ne parut sur le visage de Monistrol.

– Je l'avais en ma possession depuis longtemps, répondit-il. – Qu'en avez-vous fait après le crime ? – Je l'ai jeté sur le boulevard extérieur. – C'est bien, prononça gravement monsieur Méchinet, on fera des recherches et on le retrouvera certainement. Et après un moment de silence :

– Ce que je ne m'explique pas, ajouta-t-il, c'est que vous vous soyez fait suivre de votre chien… – Quoi ! comment !… mon chien…

– Oui, Pluton… la concierge l'a reconnu… Les poings de Monistrol se crispèrent, il ouvrit la bouche pour répondre, mais une réflexion soudaine traversant son esprit, il se rejeta sur son lit en disant d'un accent d'inébranlable résolution : – C'est assez me torturer, vous ne m'arracherez plus un mot… Il était clair qu'à insister on perdrait sa peine. Nous nous retirâmes donc, et une fois dehors, sur le quai, saisissant le bras de monsieur Méchinet :

– Vous l'avez entendu, lui dis-je, ce malheureux ne sait seulement pas de quelle façon a péri son oncle… Est-il possible encore de douter de son innocence !… Mais c'était un terrible sceptique, que ce vieux policier. – Qui sait !… répondit-il… j'ai vu de fameux comédiens en ma vie… Mais en voici assez pour aujourd'hui… ce soir, je vous emmène manger ma soupe… Demain, il fera jour et nous verrons…


Chapitre 6 Kapitel 6 Chapter 6 Capitolo 6 第6章

VI

De même que pour venir aux Batignolles, nous prîmes un fiacre pour nous rendre à la préfecture de police. Just as we'd come to Batignolles, we took a carriage to the police headquarters.

La préoccupation de monsieur Méchinet était grande : ses doigts ne cessaient de voyager de sa tabatière vide à son nez, et je l'entendais grommeler entre ses dents : Monsieur Méchinet's preoccupation was great: his fingers kept traveling from his empty snuffbox to his nose, and I could hear him grumbling through his teeth: – J'en aurai le cœur net ! - I'll find out for sure! Il faut que j'en aie le cœur net. I need to know for sure. Puis il sortait de sa poche le bouchon que je lui avais remis, il le tournait et le retournait avec des mines de singe épluchant une noix et murmurait : Then he took out of his pocket the cork I had given him, turned it over and over with the face of a monkey peeling a walnut and muttered:

– C'est une pièce à conviction, cependant… il doit y avoir un parti à tirer de cette cire verte… - It's a piece of evidence, though... there must be something to be gained from this green wax... Moi, enfoncé dans mon coin, je ne soufflais mot. I kept my mouth shut.

Assurément ma situation était des plus bizarres, mais je n'y songeais pas. Certainly my situation was most bizarre, but I didn't think about it. Tout ce que j'avais d'intelligence était absorbé par cette affaire ; j'en ruminais dans mon esprit les éléments divers et contradictoires, et je m'épuisais à pénétrer le secret du drame que je pressentais. All my intelligence was absorbed by this affair; I ruminated on its various and contradictory elements in my mind, and exhausted myself trying to penetrate the secret of the drama I sensed. Lorsque notre voiture s'arrêta, il faisait nuit noire. When our car stopped, it was pitch dark. Le quai des Orfèvres était désert et silencieux : pas un bruit, pas un passant. Quai des Orfèvres was deserted and silent: not a sound, not a passer-by. Les rares boutiques des environs étaient fermées. Toute la vie du quartier s'était réfugiée dans le petit restaurant qui fait presque le coin de la rue de Jérusalem, et sur les rideaux rouges de la devanture se dessinait l'ombre des consommateurs. – Vous laissera-t-on arriver jusqu'au prévenu ? - Will they let you get to the defendant? demandai-je à monsieur Méchinet.

– Assurément, me répondit-il. Ne suis-je pas chargé de suivre l'affaire… Ne faut-il pas que selon les nécessités imprévues de l'enquête, je puisse, à toute heure de jour et de nuit, interroger le détenu !… Am I not in charge of following the case? Should I not be able to question the prisoner at any time of the day or night, depending on the unforeseen needs of the investigation? Разве я не обязан следить за ходом дела? Разве я не должен иметь возможность допросить заключенного в любое время дня и ночи, в зависимости от непредвиденных потребностей следствия? Et d'un pas rapide, il s'engagea sous la voûte, en me disant : – Arrivez, arrivez, nous n'avons pas de temps à perdre. Il n'était pas besoin qu'il m'encourageât. J'allais à sa suite, agité d'indéfinissables émotions et tout frémissant d'une vague curiosité. C'était la première fois que je franchissais le seuil de la préfecture de police, et Dieu sait quels étaient alors mes préjugés. – Là, me disais-je, non sans un certain effroi, là est le secret de Paris…

J'étais si bien abîmé dans mes réflexions, qu'oubliant de regarder à mes pieds, je faillis tomber. Ich war so sehr in meine Überlegungen vertieft, dass ich vergaß, auf meine Füße zu schauen, und beinahe fiel. I was so deep in thought that I forgot to look down and nearly fell. Le choc me ramena au sentiment de la situation. Der Schock brachte mich wieder zum Gefühl für die Situation zurück. Nous longions alors un immense couloir aux murs humides et au pavé raboteux. Bientôt mon compagnon entra dans une petite pièce où deux hommes jouaient aux cartes pendant que trois ou quatre autres fumaient leur pipe, étendus sur un lit de camp. Il échangea avec eux quelques paroles qui n'arrivèrent pas jusqu'à moi qui restais dehors, puis il ressortit et nous nous remîmes en marche. Ayant traversé une cour et nous étant engagés dans un second couloir, nous ne tardâmes pas à arriver devant une grille de fer à pesants verrous et à serrure formidable. Having crossed a courtyard and entered a second corridor, we soon arrived at an iron gate with heavy bolts and a formidable lock.

Sur un mot de monsieur Méchinet, un surveillant nous l'ouvrit, cette grille ; nous laissâmes à droite une vaste salle où il me sembla voir des sergents de ville et des gardes de Paris, et enfin, nous gravîmes un escalier assez roide. Au haut de cet escalier, à l'entrée d'un étroit corridor percé de quantité de petites portes, était assis un gros homme à face joviale, qui certes n'avait rien du classique geôlier. Dès qu'il aperçut mon compagnon : – Eh ! c'est monsieur Méchinet ! s'écria-t-il… Ma foi ! je vous attendais… Gageons que vous venez pour l'assassin du petit vieux des Batignolles. – Précisément. Y a-t-il du nouveau ?

– Non.

– Cependant le juge d'instruction doit être venu. – Il sort d'ici. – Eh bien ?…

– Il n'est pas resté trois minutes avec l'accusé, et en le quittant il avait l'air très satisfait. Au bas de l'escalier, il a rencontré monsieur le directeur, et il lui a dit : « C'est une affaire dans le sac ; l'assassin n'a même pas essayé de nier… » Monsieur Méchinet eut un bond de trois pieds, mais le gardien ne le remarqua pas, car il reprit :

– Du reste, ça ne m'a pas surpris… Rien qu'en voyant le particulier, quand on me l'a amené, j'ai dit : « En voilà un qui ne saura pas se tenir. - Более того, я не удивился... Просто глядя на этого человека, когда его привели ко мне, я сказал: "Вот тот, кто не знает, как себя вести. – Et que fait-il maintenant ?

– Il geint… On m'a recommandé de le surveiller, de peur qu'il ne se suicide, et comme de juste, je le surveille… mais c'est bien inutile… C'est encore un de ces gaillards qui tiennent plus à leur peau qu'à celle des autres… - Он хнычет... Мне сказали присматривать за ним, чтобы он не покончил с собой, и я, конечно, присматриваю... но все без толку... Он еще один из тех, кто больше заботится о своей шкуре, чем о чужой... – Allons le voir, interrompit monsieur Méchinet, et surtout pas de bruit…

Tous trois, aussitôt, sur la pointe des pieds, nous nous avançâmes jusqu'à une porte de chêne plein, percée à hauteur d'homme d'un guichet grillé. Par ce guichet, on voyait tout ce qui se passait dans la cellule, éclairée par un chétif bec de gaz. Через это окно, освещенное жалкой газовой горелкой, можно было видеть все, что происходило в камере.

Le gardien donna d'abord un coup d'œil, monsieur Méchinet regarda ensuite, puis vint mon tour… Sur une étroite couchette de fer recouverte d'une couverture de laine grise à bandes jaunes, j'aperçus un homme couché à plat ventre, la tête cachée entre ses bras à demi repliés. На узкой железной койке, покрытой серым шерстяным одеялом с желтыми полосами, я увидел лежащего на животе человека, голова которого была спрятана между полусогнутыми руками. Il pleurait : le bruit sourd de ses sanglots arrivait jusqu'à moi, et par instants un tressaillement convulsif le secouait de la tête aux pieds. – Ouvrez-nous, maintenant, commanda monsieur Méchinet au gardien.

Il obéit et nous entrâmes.

Au grincement de la clef, le prisonnier s'était soulevé et assis sur son grabat, les jambes et les bras pendants, la tête inclinée sur la poitrine, il nous regardait d'un air hébété. C'était un homme de trente-cinq à trente-huit ans, d'une taille un peu au-dessus de la moyenne, mais robuste, avec un cou apoplectique enfoncé entre de larges épaules. Il était laid ; la petite vérole l'avait défiguré, et son long nez droit et son front fuyant lui donnaient quelque chose de la physionomie stupide du mouton. He was ugly; smallpox had disfigured him, and his long, straight nose and receding forehead gave him something of the stupid physiognomy of a sheep. Cependant, ses yeux bleus étaient très beaux, et il avait les dents d'une remarquable blancheur… – Eh bien ! monsieur Monistrol, commença monsieur Méchinet, nous nous désolons donc ! Monsieur Monistrol," began Monsieur Méchinet, "we're so sorry!

Et l'infortuné ne répondant pas : And the unfortunate one not answering: – Je conviens, poursuivit-il, que la situation n'est pas gaie… Cependant, si j'étais à votre place, je voudrais prouver que je suis un homme. - However, if I were in your shoes, I'd want to prove that I'm a man. Je me ferais une raison, et je tâcherais de démontrer mon innocence. I'd make up my mind and try to prove my innocence.

– Je ne suis pas innocent. - I'm not innocent.

Cette fois, il n'y avait ni à équivoquer ni à suspecter l'intelligence d'un agent, c'était de la bouche même du prévenu que nous recueillions le terrible aveu. This time, there was no need to equivocate or suspect the intelligence of an agent; it was from the mouth of the accused himself that we gathered the terrible confession. – Quoi ! s'exclama monsieur Méchinet, c'est vous qui… L'homme s'était redressé sur ses jambes titubantes, l'œil injecté, la bouche écumante, en proie à un véritable accès de rage. The man had sat up on his staggering legs, his eyes bulging, his mouth foaming, in a fit of rage. Мужчина в ярости поднялся на ноги, глаза его слезились, изо рта шла пена. – Oui, c'est moi, interrompit-il, moi seul. - Yes, it's me," he interrupted, "just me. Combien de fois faudra-t-il donc que je le répète ?… Déjà, tout à l'heure, un juge est venu, j'ai tout avoué et signé mes aveux… Que demandez-vous de plus ? How many times do I have to tell you?... Just now, a judge came and I confessed and signed my confession... What more do you want? Allez, je sais ce qui m'attend, et je n'ai pas peur… J'ai tué, je dois être tué !… Coupez-moi donc le cou, le plus tôt sera le mieux… Come on, I know what awaits me, and I'm not afraid... I've killed, I must be killed!... So cut my neck, the sooner the better... Un peu étourdi d'abord, monsieur Méchinet s'était vite remis. A little dizzy at first, Monsieur Méchinet soon recovered. – Un instant, que diable ! - Just a moment! - Минутку! dit-il ; on ne coupe pas le cou aux gens comme cela… D'abord, il faut qu'ils prouvent qu'ils sont coupables… Puis, la justice comprend certains égarements, certaines fatalités, si vous voulez, et c'est même pour cela qu'elle a inventé les circonstances atténuantes. First, they have to prove that they're guilty... Then, justice understands certain errors, certain fatalities, if you like, and that's why it invented extenuating circumstances. Un gémissement inarticulé fut la seule réponse de Monistrol, et monsieur Méchinet continua : An inarticulate groan was Monistrol's only response, and Monsieur Méchinet continued:

– Vous lui en vouliez donc terriblement à votre oncle ? - Sie waren also schrecklich wütend auf Ihren Onkel? - So you had a terrible grudge against your uncle? - Значит, вы были ужасно злы на своего дядю?

– Oh ! non !

– Alors, pourquoi ?… - So why?

– Pour hériter. - To inherit. Mes affaires étaient mauvaises, allez aux informations… J'avais besoin d'argent, mon oncle, qui était très riche, m'en refusait… My business was bad, go to the news... I needed money, my uncle, who was very rich, refused to give it to me... – Je comprends, vous espériez échapper à la justice…

– Je l'espérais. Jusqu'alors, je m'étais étonné de la façon dont monsieur Méchinet conduisait ce rapide interrogatoire, mais maintenant je me l'expliquais… Je devinais la suite, je voyais quel piège il allait tendre au prévenu. Up until then, I'd been amazed at the way Monsieur Méchinet had conducted this quick interrogation, but now I could understand it... I could guess what would happen next, I could see what trap he was going to set for the defendant. До этого момента меня удивляла манера месье Мешине вести этот быстрый допрос, но теперь я мог это понять... Я мог догадаться, что будет дальше, я мог понять, какую ловушку он собирается устроить обвиняемому. – Autre chose, reprit-il brusquement ; où avez-vous acheté le revolver qui vous a servi à commettre le meurtre ? - Where did you buy the revolver you used to commit the murder?

Nulle surprise ne parut sur le visage de Monistrol.

– Je l'avais en ma possession depuis longtemps, répondit-il. – Qu'en avez-vous fait après le crime ? - What did you do with it after the crime? – Je l'ai jeté sur le boulevard extérieur. - I threw it on the boulevard outside. – C'est bien, prononça gravement monsieur Méchinet, on fera des recherches et on le retrouvera certainement. Et après un moment de silence :

– Ce que je ne m'explique pas, ajouta-t-il, c'est que vous vous soyez fait suivre de votre chien… - Was ich mir nicht erklären kann", fügte er hinzu, "ist, dass Sie sich von Ihrem Hund verfolgen ließen... - What I do not understand, he added, is that you were followed by your dog... - Чего я не понимаю, - добавил он, - так это того, почему вы заставили свою собаку следовать за вами... – Quoi ! - What ! comment !… mon chien… how!… my dog…

– Oui, Pluton… la concierge l'a reconnu… – Yes, Pluto… the concierge recognized him… Les poings de Monistrol se crispèrent, il ouvrit la bouche pour répondre, mais une réflexion soudaine traversant son esprit, il se rejeta sur son lit en disant d'un accent d'inébranlable résolution : Monistrols Fäuste verkrampften sich, er öffnete den Mund, um zu antworten, aber ein plötzlicher Gedanke durchfuhr seinen Geist, er warf sich auf sein Bett zurück und sagte mit einem Akzent unerschütterlicher Entschlossenheit: Monistrol's fists clenched, he opened his mouth to reply, but a sudden thought crossed his mind, he threw himself back on his bed, saying in an accent of unshakeable resolution: – C'est assez me torturer, vous ne m'arracherez plus un mot… - Es ist genug, mich zu quälen, Sie werden mir kein Wort mehr entlocken ... - It's enough to torture me, you won't extract a word from me... Il était clair qu'à insister on perdrait sa peine. Es war klar, dass man mit Beharrlichkeit seine Mühe verlieren würde. It was clear that to insist one would lose one's trouble. Nous nous retirâmes donc, et une fois dehors, sur le quai, saisissant le bras de monsieur Méchinet : So we withdrew, and once outside, on the quay, seizing Monsieur Méchinet's arm:

– Vous l'avez entendu, lui dis-je, ce malheureux ne sait seulement pas de quelle façon a péri son oncle… Est-il possible encore de douter de son innocence !… “You heard it,” I said to him, “that unfortunate man doesn't even know how his uncle perished… Is it still possible to doubt his innocence!… Mais c'était un terrible sceptique, que ce vieux policier. But he was a terrible skeptic, this old policeman. – Qui sait !… répondit-il… j'ai vu de fameux comédiens en ma vie… Mais en voici assez pour aujourd'hui… ce soir, je vous emmène manger ma soupe… Demain, il fera jour et nous verrons… – Who knows!… he replied… I have seen famous comedians in my life… But here is enough for today… this evening, I am taking you to eat my soup… Tomorrow it will be daylight and we will see…