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Bernadette, Sœur Marie-Bernard (Henri Lasserre), Livre 1 - La Vie Publique (15)

Livre 1 - La Vie Publique (15)

La nuit avait mis fin aux agitations de tant d'esprits si divers, les uns croyant à la réalité de l'Apparition, d'autres niant résolûment, beaucoup restant dans le doute. L'aurore allait se lever, et l'Église universelle, sur toute la surface du globe, murmurait au fond des Temples, dans le silence des Presbytères déserts, dans l'ombre peuplée des Cloîtres, sous la voûte des Abbayes, des Monastères et des Couvents, ces paroles du Psalmiste dans l'office des Matines: « Vous êtes le Dieu qui faites des merveilles. Vous avez montré votre puissance au milieu des multitudes... Les eaux vous ont aperçu, Seigneur, les eaux vous ont aperçu; et elles ont tressailli en votre présence, et les abimes en ont été troublés. »

Bernadette, arrivée devant les Roches Massabielle, venait de s'agenouiller.

Une multitude immense l'avait précédée à la Grotte et se pressait autour d'elle. Bien qu'il y eût là bon nombre de sceptiques, de négateurs et de simples curieux, un religieux silence s'était fait tout à coup dès qu'on avait aperçu l'enfant. Un frisson, une commotion étrange avait passé sur cette foule. Tous, par un instinct unanime, les incrédules comme les croyants, s'étaient découvert le front. Plusieurs s'étaient agenouillés en même temps que la fille du meunier.

En ce moment l'Apparition divine se manifestait à Bernadette, ravie soudainement en son extase merveilleuse. Comme toujours, la Vierge lumineuse se tenait dans l'excavation ovale du rocher, et ses pieds foulaient le rocher sauvage.

Bernadette la contemplait avec un sentiment d'amour indicible, un sentiment doux et profond, qui inondait son âme de délices, sans troubler en rien son esprit et sans lui faire oublier qu'elle était encore sur la terre.

La Mère de Dieu aimait cette enfant innocente.

Elle voulut, par une intimité de plus en plus étroite, la presser davantage sur sa poitrine; Elle voulut fortifier encore le lien qui l'unissait à l'humble bergère, afin que cette dernière, au milieu des agitations de ce monde, sentit, à tout instant, en elle-même, que la Reine des cieux la tenait invisiblement par la main.

— Je veux vous confier, dit-Elle, toujours pour vous seule et concernant vous seule, un dernier secret, que, pas plus que les deux autres, vous ne révélerez à personne.

Nous avons exposé plus haut les raisons profondes qui faisaient, de ces confidences intimes, la future sauvegarde de Bernadette, parmi les périls moraux auxquels les faveurs extraordinaires dont elle était l'objet pouvaient évidemment l'exposer. Par ce triple secret, la Vierge revêtait sa messagère comme d'une triple armure contre les dangers et les tentations de la vie.

Bernadette, en la joie de son coeur, écoutait cependant l'ineffable musique de cette parole si douce, si maternelle et si tendre, qui charmait, il y a dix-huit cents ans, les oreilles filiales de l'Enfant-Dieu.

— Et maintenant, reprit la Vierge après un silence, allez boire et vous laver à la fontaine, et mangez l'herbe qui pousse à côté.

Bernadette, à ce mot de « fontaine », regarda autour d'elle. Nulle source n'existait et n'avait ja mais existé en ce lieu. L'enfant, sans perdre la Vierge de vue, se dirigea donc tout naturellement vers le ruisseau qui coulait devant la Grotte et qui allait, à travers les cailloux et les roches brisées, rejoindre le Gave à quelques pas plus loin.

Une parole et un geste de l'Apparition l'arrêtèrent dans sa marche:

— N'allez point là, disait la Vierge: je n'ai po nt dit d'y boire; allez à la Fontaine, elle est ici.

Et, étendant sa main, celle main délicate et puissante à laquelle la nature est soumise, Elle montra du doigt à l'enfant, au côté droit de la Grotte, ce même coin desséché vers lequel, la veille au matin, Elle l'avait déjà fait monter à genoux.

Bien qu'elle ne vît à l'endroit indiqué rien qui semblât avoir rapport aux paroles de l'Être divin, Bernadette obéit à l'ordre de la Vision céleste.

La voûte de la Grotte allait en s'abaissant; la petite fille gravit sur ses genoux l'espace qu'elle avait à parcourir.

Arrivée au terme, elle n'aperçut devant elle nulle apparence de fontaine. Tout contre le roc poussaient çà et là quelques touffes de cette herbe, de la famille des Saxifragées, que l'on nomme la Dorine.

Soit sur un nouveau signe de l'Apparition, soit par un mouvement intérieur de son âme, Bernadette, avec cette foi simple qui plaît tant au coeur de Dieu, se baissa, et, grattant le sol de ses doigts, se mit à creuser la terre.

Les innombrables spectateurs de cette, scène, n'entendant ni ne voyant l'Apparition, ne savaient que penser du singulier travail de l'enfant. Déjà plusieurs commençaient à sourire et à croire à quelque dérangement dans le cerveau de la pauvre bergère. Qu'il faut peu de chose pour ébranler la foi!

Tout à coup le fond de cette petite cavité creusée par l'enfant devint humide. Arrivant de profondeurs inconnues, à travers les roches de marbre et les épaisseurs du sol, une eau mystérieuse se mit à sourdre goutte à goutte sous les mains de Bernadette et à remplir ce creux, de la grandeur d'un verre, qu'elle avait achevé de former.

Cette eau nouvelle venue, se mêlant à la terre brisée, ne faisait tout d'abord que de la boue. Bernadette, par trois fois, essaya de porter à ses lèvres ce liquide bourbeux; mais, par trois fois, son dégoût fut si fort qu'elle le rejeta sans se sentir la force de l'avaler. Cependant elle voulait, avant tout, obéir à l'Apparition rayonnante qui dominait cette scène étrange; et à la quatrième fois, dans un suprême effort, elle surmonta sa répugnance. Elle but, elle se lava, elle mangea une pincée de la plante champêtre qui poussait au pied du rocher.

En ce moment l'eau de la Source franchit les bords du petit réservoir creusé par l'enfant, et se mit à couler en un mince filet, plus exigu peut-être qu'une paille, vers la foule qui se pressait sur le devant de la Grotte.

Ce filet était si minime que, pendant un long temps, c'est-à-dire jusqu'à la fin de ce jour, la terre desséchée l'absorba tout entier au passage, et qu'on ne devinait sa marche progressive que parle ruban humide tracé sur le sol, et qui, s'allongeant peu à peu, s'avançait avec une lenteur extrême dans la direction du ruisseau et du Gave.

Quand Bernadette eut accompli, ainsi que nous venons de le raconter, tous les ordres qu'elle avait reçus, la Vierge arrêta sur elle un regard satisfait, et, un instant après, Elle disparut à ses yeux.

L'émotion de la multitude fut grande devant ce prodige. Dès que Bernadette fut sortie de l'extase, on se précipita vers la Grotte. Chacun voulait voir de ses yeux le creux où l'eau avait surgi sous la main de l'enfant. Chacun voulait y plonger son mouchoir et en porter une goutte à ses lèvres. De sorte que cette source naissante, dont on agrandissait peu à peu le terreux réservoir, prit bientôt l'aspect d'une flaque de boue liquide. La Source cependant, à mesure qu'on y puisait, devenait de plus en plus abondante. L'orifice par où elle arrivait des abîmes s'élargissait insensiblement.

— C'est de l'eau qui aura suinté par hasard du rocher dans les temps pluvieux, et qui, par hasard aussi, aura formé sous le sol un petit amas intérieur que l'enfant aura découvert, toujours par hasard, en grattant la terre, dirent les savants de Lourdes.

Et les philosophes se contentèrent de cette explication.

Le lendemain, poussée des mystérieuses profondeurs par une puissance inconnue et grandissant à vue d'oeil, la Source sortait du sol nu par un jaillissement de plus en plus fort. Elle coulait déjà de la grosseur du doigt. Toutefois, le travail intérieur qu elle opérait à travers la terre pour se frayer son premier passage la rendait encore boueuse. Ce fut seulement au bout de quelques jours qu'après avoir augmenté en quelque sorte d'heure en heure, elle cessa de croître et devint absolument limpide. Elle s'échappa dès lors par un jet très considérable, qui avait à peu près la grosseur du bras d'un enfant. — N'anticipons point pourtant sur les événements, et continuons de les suivre jour par jour, comme nous l'avons fait jusqu'ici.

Reprenons-les au point où nous les avons laissés, c 'est-à-dire au jeudi matin, 25 février, vers sept heures.

Précisément à cette heure-là, à l'instant où la Source, comme un premier témoignage divin, jaillissait doucement, mais irrésistiblement, sous la main de la Voyante, la philosophie de Lourdes publiait sur les événements de la Grotte un nouvel article dans le journal libre penseur de la localité.

Le Lavedan, que nous avons déjà cité, sortait des presses et se distribuait en ville, juste au moment où la foule émerveillée revenait des Roches Massabielle.

Or, dans cet article, pas plus que dans le précédent, pas plus que dans aucune des descriptions écrites à cette époque, il n'était question qu'une source existât dans la Grotte. Et, de la sorte, l'incrédulité paralysait par avance l'affirmation audacieuse sur laquelle, après un certain temps, les Libres Penseurs pourraient être tentés de se rejeter, en disant que la Source avait toujours coulé là. La Providence voulait qu'en dehors du témoignage public on pût leur opposer leurs propres articles, leurs propres publications imprimées, datées, authentiques, irréfutables. Si, avant le 25 février, avant la scène dont nous venons de faire le récit, avant l'ordre et l'indication donnés parla. Vierge à Bernadette en extase, il y avait eu là ces belles eaux jaillissantes qui existent aujourd'hui, comment donc vos journaux, dont les yeux étaient si ouverts, dont les détails étaient parfois si minutieux, n'ont-ils pas aperçu cette Source puissante et n'en ont-ils jamais fait mention? Nous mettons au défi la Libre Pensée de produire un seul document, — nous disons un seul, — parlant de Source ou même d'eau avant l'époque où la Vierge ordonna et où la Nature obéit.


Livre 1 - La Vie Publique (15) Buch 1 - Das öffentliche Leben (15) Book 1 - Public Life (15)

La nuit avait mis fin aux agitations de tant d'esprits si divers, les uns croyant à la réalité de l'Apparition, d'autres niant résolûment, beaucoup restant dans le doute. L'aurore allait se lever, et l'Église universelle, sur toute la surface du globe, murmurait au fond des Temples, dans le silence des Presbytères déserts, dans l'ombre peuplée des Cloîtres, sous la voûte des Abbayes, des Monastères et des Couvents, ces paroles du Psalmiste dans l'office des Matines: « Vous êtes le Dieu qui faites des merveilles. Vous avez montré votre puissance au milieu des multitudes... Les eaux vous ont aperçu, Seigneur, les eaux vous ont aperçu; et elles ont tressailli en votre présence, et les abimes en ont été troublés. »

Bernadette, arrivée devant les Roches Massabielle, venait de s'agenouiller.

Une multitude immense l'avait précédée à la Grotte et se pressait autour d'elle. Bien qu'il y eût là bon nombre de sceptiques, de négateurs et de simples curieux, un religieux silence s'était fait tout à coup dès qu'on avait aperçu l'enfant. Un frisson, une commotion étrange avait passé sur cette foule. Tous, par un instinct unanime, les incrédules comme les croyants, s'étaient découvert le front. Plusieurs s'étaient agenouillés en même temps que la fille du meunier.

En ce moment l'Apparition divine se manifestait à Bernadette, ravie soudainement en son extase merveilleuse. Comme toujours, la Vierge lumineuse se tenait dans l'excavation ovale du rocher, et ses pieds foulaient le rocher sauvage.

Bernadette la contemplait avec un sentiment d'amour indicible, un sentiment doux et profond, qui inondait son âme de délices, sans troubler en rien son esprit et sans lui faire oublier qu'elle était encore sur la terre.

La Mère de Dieu aimait cette enfant innocente.

Elle voulut, par une intimité de plus en plus étroite, la presser davantage sur sa poitrine; Elle voulut fortifier encore le lien qui l'unissait à l'humble bergère, afin que cette dernière, au milieu des agitations de ce monde, sentit, à tout instant, en elle-même, que la Reine des cieux la tenait invisiblement par la main.

— Je veux vous confier, dit-Elle, toujours pour vous seule et concernant vous seule, un dernier secret, que, pas plus que les deux autres, vous ne révélerez à personne.

Nous avons exposé plus haut les raisons profondes qui faisaient, de ces confidences intimes, la future sauvegarde de Bernadette, parmi les périls moraux auxquels les faveurs extraordinaires dont elle était l'objet pouvaient évidemment l'exposer. Par ce triple secret, la Vierge revêtait sa messagère comme d'une triple armure contre les dangers et les tentations de la vie.

Bernadette, en la joie de son coeur, écoutait cependant l'ineffable musique de cette parole si douce, si maternelle et si tendre, qui charmait, il y a dix-huit cents ans, les oreilles filiales de l'Enfant-Dieu.

— Et maintenant, reprit la Vierge après un silence, allez boire et vous laver à la fontaine, et mangez l'herbe qui pousse à côté.

Bernadette, à ce mot de « fontaine », regarda autour d'elle. Nulle source n'existait et n'avait ja mais existé en ce lieu. L'enfant, sans perdre la Vierge de vue, se dirigea donc tout naturellement vers le ruisseau qui coulait devant la Grotte et qui allait, à travers les cailloux et les roches brisées, rejoindre le Gave à quelques pas plus loin.

Une parole et un geste de l'Apparition l'arrêtèrent dans sa marche:

— N'allez point là, disait la Vierge: je n'ai po nt dit d'y boire; allez à la Fontaine, elle est ici.

Et, étendant sa main, celle main délicate et puissante à laquelle la nature est soumise, Elle montra du doigt à l'enfant, au côté droit de la Grotte, ce même coin desséché vers lequel, la veille au matin, Elle l'avait déjà fait monter à genoux.

Bien qu'elle ne vît à l'endroit indiqué rien qui semblât avoir rapport aux paroles de l'Être divin, Bernadette obéit à l'ordre de la Vision céleste.

La voûte de la Grotte allait en s'abaissant; la petite fille gravit sur ses genoux l'espace qu'elle avait à parcourir.

Arrivée au terme, elle n'aperçut devant elle nulle apparence de fontaine. Tout contre le roc poussaient çà et là quelques touffes de cette herbe, de la famille des Saxifragées, que l'on nomme la __Dorine__.

Soit sur un nouveau signe de l'Apparition, soit par un mouvement intérieur de son âme, Bernadette, avec cette foi simple qui plaît tant au coeur de Dieu, se baissa, et, grattant le sol de ses doigts, se mit à creuser la terre.

Les innombrables spectateurs de cette, scène, n'entendant ni ne voyant l'Apparition, ne savaient que penser du singulier travail de l'enfant. Déjà plusieurs commençaient à sourire et à croire à quelque dérangement dans le cerveau de la pauvre bergère. Qu'il faut peu de chose pour ébranler la foi!

Tout à coup le fond de cette petite cavité creusée par l'enfant devint humide. Arrivant de profondeurs inconnues, à travers les roches de marbre et les épaisseurs du sol, une eau mystérieuse se mit à sourdre goutte à goutte sous les mains de Bernadette et à remplir ce creux, de la grandeur d'un verre, qu'elle avait achevé de former.

Cette eau nouvelle venue, se mêlant à la terre brisée, ne faisait tout d'abord que de la boue. Bernadette, par trois fois, essaya de porter à ses lèvres ce liquide bourbeux; mais, par trois fois, son dégoût fut si fort qu'elle le rejeta sans se sentir la force de l'avaler. Cependant elle voulait, avant tout, obéir à l'Apparition rayonnante qui dominait cette scène étrange; et à la quatrième fois, dans un suprême effort, elle surmonta sa répugnance. Elle but, elle se lava, elle mangea une pincée de la plante champêtre qui poussait au pied du rocher.

En ce moment l'eau de la Source franchit les bords du petit réservoir creusé par l'enfant, et se mit à couler en un mince filet, plus exigu peut-être qu'une paille, vers la foule qui se pressait sur le devant de la Grotte.

Ce filet était si minime que, pendant un long temps, c'est-à-dire jusqu'à la fin de ce jour, la terre desséchée l'absorba tout entier au passage, et qu'on ne devinait sa marche progressive que parle ruban humide tracé sur le sol, et qui, s'allongeant peu à peu, s'avançait avec une lenteur extrême dans la direction du ruisseau et du Gave.

Quand Bernadette eut accompli, ainsi que nous venons de le raconter, tous les ordres qu'elle avait reçus, la Vierge arrêta sur elle un regard satisfait, et, un instant après, Elle disparut à ses yeux.

L'émotion de la multitude fut grande devant ce prodige. Dès que Bernadette fut sortie de l'extase, on se précipita vers la Grotte. Chacun voulait voir de ses yeux le creux où l'eau avait surgi sous la main de l'enfant. Chacun voulait y plonger son mouchoir et en porter une goutte à ses lèvres. De sorte que cette source naissante, dont on agrandissait peu à peu le terreux réservoir, prit bientôt l'aspect d'une flaque de boue liquide. La Source cependant, à mesure qu'on y puisait, devenait de plus en plus abondante. L'orifice par où elle arrivait des abîmes s'élargissait insensiblement.

— C'est de l'eau qui aura suinté par hasard du rocher dans les temps pluvieux, et qui, par hasard aussi, aura formé sous le sol un petit amas intérieur que l'enfant aura découvert, toujours par hasard, en grattant la terre, dirent les savants de Lourdes.

Et les philosophes se contentèrent de cette explication.

Le lendemain, poussée des mystérieuses profondeurs par une puissance inconnue et grandissant à vue d'oeil, la Source sortait du sol nu par un jaillissement de plus en plus fort. Elle coulait déjà de la grosseur du doigt. Toutefois, le travail intérieur qu elle opérait à travers la terre pour se frayer son premier passage la rendait encore boueuse. Ce fut seulement au bout de quelques jours qu'après avoir augmenté en quelque sorte d'heure en heure, elle cessa de croître et devint absolument limpide. Elle s'échappa dès lors par un jet très considérable, qui avait à peu près la grosseur du bras d'un enfant. — N'anticipons point pourtant sur les événements, et continuons de les suivre jour par jour, comme nous l'avons fait jusqu'ici.

Reprenons-les au point où nous les avons laissés, c 'est-à-dire au jeudi matin, 25 février, vers sept heures.

Précisément à cette heure-là, à l'instant où la Source, comme un premier témoignage divin, jaillissait doucement, mais irrésistiblement, sous la main de la Voyante, la philosophie de Lourdes publiait sur les événements de la Grotte un nouvel article dans le journal libre penseur de la localité.

Le Lavedan, que nous avons déjà cité, sortait des presses et se distribuait en ville, juste au moment où la foule émerveillée revenait des Roches Massabielle.

Or, dans cet article, pas plus que dans le précédent, pas plus que dans aucune des descriptions écrites à cette époque, il n'était question qu'une source existât dans la Grotte. Et, de la sorte, l'incrédulité paralysait par avance l'affirmation audacieuse sur laquelle, après un certain temps, les Libres Penseurs pourraient être tentés de se rejeter, en disant que la Source avait toujours coulé là. La Providence voulait qu'en dehors du témoignage public on pût leur opposer leurs propres articles, leurs propres publications imprimées, datées, authentiques, irréfutables. Si, avant le 25 février, avant la scène dont nous venons de faire le récit, avant l'ordre et l'indication donnés parla. Vierge à Bernadette en extase, il y avait eu là ces belles eaux jaillissantes qui existent aujourd'hui, comment donc vos journaux, dont les yeux étaient si ouverts, dont les détails étaient parfois si minutieux, n'ont-ils pas aperçu cette Source puissante et n'en ont-ils jamais fait mention? Nous mettons au défi la Libre Pensée de produire un seul document, — nous disons un seul, — parlant de Source ou même d'eau avant l'époque où la Vierge ordonna et où la Nature obéit.