JEUX 2009-09-28
On entre dans une nouvelle saison de jeux, avec ceux de la Francophonie qui se déroulent au Liban, en particulier à Beyrouth. Quand on a dit « Jeux de la Francophonie », on a tout dit ou presque. En tout cas, on a compris qu'il s'agit d'une série d'épreuves sportives, mais aussi artistiques qui égrènent des disciplines très différentes les unes des autres, qui mettent en présence des athlètes, des sportifs, des acteurs, qui viennent de divers pays de la Francophonie.
Alors, qu'est-ce qui fait qu'on comprend si bien et si vite ? D'abord le pluriel, on ne dit pas le jeu, on dit les jeux. Ensuite la majuscule à Jeux. Vous me direz que ça, il faut le voir ; l'oral ne permet pas qu'on s'en aperçoive. Soit ! Et puis le complément qui suit Jeux : « de la Francophonie ». Tout cela met l'expression en parallèle avec les Jeux Olympiques bien sûr, dont le succès a été tel que la manifestation a fait des petits.
Mais en français, dans cet emploi, le mot est vieux. Dès le XIIe, on l'emploie pour désigner des compétitions. On n'écrit pas encore jeux à l'époque, mais on parle de jius .
Alors pourquoi le recours à ce mot ? Pour bien montrer probablement que c'est « pour rire » comme disent les enfants, en tout cas que ce sont des activités gratuites. On lutte avec son adversaire en effet, mais pas pour conserver sa vie ; on n'est pas menacé pour de vrai. Si on lutte, on combat, en même temps qu'on fait semblant de se combattre, qu'on mime le combat.
Vous avez raison de penser que la lutte est réelle, que le désir de l'emporter est certain. Mais pourtant l'occasion de cet affrontement est organisé et son existence a quelque chose d'un peu arbitraire. On a décidé qu'on se battrait. C'est donc décalé du réel, c'est un jeu; on est presque dans le « faire semblant ». Cette signification est centrale dans le mot, ce qui explique probablement qu'il se soit épanoui dans certains domaines particuliers ; celui du théâtre par exemple, où là encore, on est dans le jeu parce qu'on fait semblant, parce qu'on simule, parce qu'on reproduit une situation qui peut être aurait pu avoir lieu, mais qu'on invente, qu'on fait advenir « pour jouer ».
On parle donc de jouer un texte, on dit d'un comédien qu'il joue bien ou mal. Et on va plus loin, puisque le jeu signifie la pièce qu'on représente, et on trouve le mot dans certains titres de pièces médiévales qui nous sont parvenues : « le Jeu de Robin et Marion ».
Et c'est également ainsi qu'on peut comprendre toutes les activités qu'on nomme des jeux, comme jeux de cartes, d'échecs, les jeux de société, ou même aujourd'hui les jeux informatique. On s'abstrait du réel et on reconstruit un réel qui est un peu irréel, c'est une partie, un échange régi par des règles, qui sont décidées par les joueurs et pour les joueurs.
Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/