KAMIKAZE 2010-12-15
L'attentat terroriste réalisé à Stockholm il y a quelques jours, même s'il inquiète, est en général considéré comme un échec : pas de carnage, deux passants blessés, et un tué, très vraisemblablement l'auteur de l'attentat lui-même. Bien que sa ceinture d'explosifs ait explosé avant le moment initialement prévu, il y a de fortes chances pour que Taymour Abdulwahab ait voulu mourir en en faisant mourir d'autres : un kamikaze , c'est le mot le plus souvent repris par la presse. Ce mot désigne en effet ceux qui planifient leur mort au cœur d'un processus meurtrier, pour lui donner plus de chance de réussir, ou peut-être pour donner un écho plus radical à leur acte. Alors on parle très rarement d'attentat kamikaze : on parle d'attentat suicide . Et le mot kamikaze est réservé à la personne qui le commet.
Il s'agit d'un mot japonais, ça se voit avec les deux « k » que l'on trouve dans ce mot, qui apparait en français au début des années 50. Une histoire étonnante puisqu'il applique d'abord à des situations qui remontent à la deuxième guerre mondiale. C'est donc un mot rétrospectif qui apparaît alors qu'on est déjà en train de faire l'histoire de cette guerre. On comprend bien pourquoi le mot est japonais : il a été employé au Japon, en particulier à partir du moment où une nouvelle tactique de l'armée japonaise tâchait de mettre à mal la flotte américaine. On bourrait d'explosifs des avions extrêmement légers, et même assez sommaires. Et ces bombes volantes allaient s'écraser sur les porte-avions, en explosant, et du même coup en coulant le navire. Une tactique d'autant plus efficace que le pilote pouvait jusqu'au dernier moment tenter de diriger son avion, dont la trajectoire était bien plus intelligente et évolutive que si c'avait été une banale bombe ne pouvant changer son itinéraire. La méthode a été si impressionnante et si efficace que son nom est passé en anglais et en français, où il a pratiquement éliminé l'expression avion-suicide qui l'avait précédé. Le mot japonais est composé de deux éléments : kami veut dire grand. Au départ, c'est même un mot religieux qui renvoie à la divinité, à ce qui est supérieur, et notamment supérieur à l'homme. Et kaze signifie vent. Le kamikaze est donc un grand vent, et ce nom composé a désigné chez les Japonais des typhons. Pas n'importe lesquels d'ailleurs : spécialement les deux typhons qui sont venus à l'aide de la nation japonaise au XIIIe siècle, en 1274 et en 1281. De façon qu'on pouvait juger miraculeuse, les deux ouragans avaient détruit à deux reprises la flotte mongole qui cinglait vers l'archipel japonais avec des intentions belliqueuses. C'est sous ces auspices qu'avait été baptisée la stratégie mise en œuvre pour tenter de détruire la flotte américaine. Le mot kamikaze n'est pas rare en français d'aujourd'hui, avec souvent un sens dérivé, assez affaibli : on parle de geste kamikaze pour désigner une action qui semble vouée à l'échec. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/ Venez découvrir le livre Les Mots de l'Actualité d'Yvan Amar.