Leçon 46 - Invitations au voyage
(Hubert et Mireille, à la terrasse d'un café.)
Hubert: Mais enfin, ma petite Mireille, tu ne vas tout de même pas t'en aller toute seule sur les routes avec ce jeune Américain!
Mireille: Ben, pourquoi pas?
Hubert: Mais, au bout de deux jours, tu vas t'ennuyer à mourir.
Mireille: Mais pourquoi? Robert est un garçon intelligent et intéressant. Je ne vois pas pourquoi je m'ennuierais avec lui! Non, au contraire, voyager en France avec un étranger, lui faire découvrir ce qu'on aime, ça doit être passionnant.
Hubert: Et comment comptez-vous parcourir l'Hexagone?
Mireille: Eh bien, avec une voiture que nous louerons! Nous passerons les nuits en plein champ, sous un arbre, au milieu des fleurs et des petits oiseaux. Ou alors dans un bon hôtel, quand on sentira le besoin de prendre une douche.
Hubert: Mais une location de voiture, ça va vous coûter les yeux de la tête! Vous n'y pensez pas! Écoute! J'ai une idée. Je viens justement de m'acheter une Méhari.
Mireille: Un chameau?
Hubert: Non, pas un méhari, une Méhari, une voiture. Pour l'été, ce sera parfait! C'est exactement ce qu'il vous faut. Je l'amène demain. Tu verras.
Mireille: C'est gentil, ça—mais je ne sais pas si nous devrions.
Hubert: Mais si, mais si, tu verras! C'est une petite voiture formidable. Mais ça passe partout. On s'amusera comme des fous!
Mireille: Ah, parce que tu viendrais avec nous?
Hubert: Ben, oui, bien sûr!
(Un peu plus tard, Mireille téléphone à Colette.)
Mireille: Allô, Colette? Tu viens à Paris, cet après-midi? Il faut absolument que je te voie. C'est urgent. Bon, à 4 heures, à la Passion du Fruit. C'est quai de la Tournelle. Je t'attendrai. Je te fais un bisou. Salut!
(À 4 heures, Colette et Mireille se retrouvent à la Passion du Fruit.)
Colette: Alors, qu'est-ce qui se passe?
Mireille: Eh bien, voilà. Mais d'abord, dis-moi, est-ce que tu as des projets fermes pour l'été?
Colette: Ben, non, pas vraiment.
Mireille: C'est épatant! Alors, voilà, écoute: j'ai quelque chose à te proposer, et si tu peux accepter, tu me rends un sacré service.
(Mireille raconte alors à Colette l'histoire du verre blanc cassé, du billet de loterie, le projet de voyage avec Robert, et l'intrusion d'Hubert.)
Mireille: Tu imagines bien que je ne meurs pas d'envie de me trouver seule entre Hubert et mon Américain. Si tu pouvais venir avec nous, ça arrangerait tout, et on pourrait vraiment s'amuser!
Colette: Quand partiriez-vous? Et ça serait pour combien de temps?
Mireille: On partirait dans une quinzaine de jours, et on reviendrait, disons, fin août, à moins qu'on en ait assez avant.
Colette: Ça pourrait être amusant. De toute façon, je n'ai aucune envie de rester à Provins entre Papa et Maman. Ecoute, euh . . . oui, en principe, j'accepte.
Mireille: Formidable! Tu me sauves la vie! Et à quatre, ce sera sûrement plus intéressant.
(Le dimanche suivant, Mireille va voir “ses enfants.”
C'est un groupe de filles et de garçons dont elle s'est occupée, l'été dernier, comme monitrice, dans une colonie de vacances.
Il y avait là, aussi, comme moniteur, Jean-Michel, un jeune homme très sympathique, à tendances gauchistes, que les enfants adoraient. À la fin de l'été, Mireille et Jean-Michel ont décidé de rester en contact avec le groupe et de les réunir tous les dimanches matin. C'est à cette réunion hebdomadaire que Mireille est allée aujourd'hui. Après la réunion . . .)
Jean-Michel: Il faut que je te dise. Uh, je ne crois pas que je puisse aller à la colo cet été. Je suis crevé. Je n'en peux plus. Il faut que je prenne de vraies vacances, tu vois, que je change un peu d'horizon.
Mireille: C'est vrai que tu as l'air fatigué. Mais est-ce que tu prends des vitamines?
Jean-Michel: Non, Docteur!
Mireille: Moi aussi, j'ai besoin de changer d'air. Justement, je voulais te dire, je ne pourrai plus venir après dimanche prochain.
(Et Mireille raconte à Jean-Michel ses projets pour l'été. Elle ne mentionne pas le verre blanc cassé, ni la loterie, mais elle parle du voyage projeté avec Robert, de l'intrusion d'Hubert, et de l'appel à Colette. Et puis soudain . . . )
Mireille: Mais, j'y pense! Pourquoi est-ce que tu ne viendrais pas avec nous? C'est ça qui te changerait les idées!
Jean-Michel: Non, mais dis donc! Tu te fous de moi ou quoi? Hein, tu me vois, moi, entre cet aristocrate dégénéré et ce sauvage américain? Qu'est-ce que j'irais foutre dans cette galère?
Mireille: D'abord, ce n'est pas une galère, c'est une Méhari! Et Hubert n'est pas dégénéré du tout, je t'assure! Et mon Américain n'a rien d'un sauvage! C'est un garçon très instruit, très cultivé. Tu pourras discuter avec lui, tu verras. Ce sera très intéressant pour tous les deux. Allez! Viens avec nous! À cinq, on s'amusera comme des fous!
(Et Mireille finit par convaincre Jean-Michel.)
(Maintenant, il s'agit d'expliquer à Robert qu'ils vont partir à cinq, et à Hubert qu'il y aura cinq personnes dans sa petite Méhari.)
Mireille: Eh bien, tu sais, nos projets prennent forme. En fait, même, tout est arrangé. J'ai un tas de bonnes nouvelles. D'abord, Hubert nous prête sa Méhari.
Robert: C'est gentil, ça, mais je ne sais pas si nous devrions.
Mireille: Naturellement, il viendra avec nous!
Robert: Ah! Je me disais aussi que je devais me méfier de ce chameau-là. Non, sérieusement, je ne crois pas que ça marche très bien à trois.
Mireille: Mais, c'est ce que je me suis dit aussi; alors j'ai invité Colette à venir, et elle a accepté.
Robert: Mince! On sera quatre?
Mireille: Mais non, tu vas voir! On ne sera pas quatre, on sera cinq, parce que j'ai aussi invité un garçon formidable, super-sympa. Jean-Michel, il s'appelle. Je suis sûre qu'il te plaira. C'est un type très intéressant. Il est trotskiste ou guevariste, ou quelque chose comme ça; avec Hubert qui est plutôt à droite, ça va faire des étincelles! Ce sera très intéressant pour toi.
Robert: Ça, je n'en doute pas, mais j'aurais quand même préféré la solitude à deux.
(Mireille, Hubert, et la Méhari.)
Hubert: Voilà le chameau des grandes randonnées d'été. Sobre, résistant, passe-partout. Tu veux l'essayer?
Mireille: Alors, j'ai parlé à Robert. C'est entendu, il accepte. (Ah!) Mais nous avons pensé que ça ne marcherait peut-être pas très bien à trois, si bien que j'ai demandé à Colette de nous accompagner. Et elle a été assez gentille pour accepter.
Hubert: Eh, mais la Méhari n'est pas extensible! À quatre, on va être serrés comme des sardines!
Mireille: Mais allons, Hubert, je te connais! Malgré tes airs d'enfant de choeur, ça m'étonnerait que tu sois fâché d'être serré contre Colette!
Hubert: Serré pour serré, ma chère Mireille, je préférerais que ce soit contre toi.
Mireille: Oh, et puis aussi, avant que j'oublie: j'ai vu mon copain, hier, tu sais, Jean-Michel. Il avait l'air vachement déprimé, si bien que je l'ai invité, lui aussi, à venir.
Hubert: Mais c'est un dangereux anarchiste, ce garçon-là!
Mireille: Lui? Il n'est pas anarchiste du tout, il est marxiste! Il n'est pas anarchiste du tout, il est marxiste! Et j'ai pensé qu'il ferait équilibre à tes opinions d'un autre âge.
Hubert: Mais où veux-tu mettre tout ce monde-là? La Méhari n'a pas d'impériale, je te signale!
Mireille: Bah! On sera peut-être un peu à l'étroit, mais ça ne fait rien! Plus on est de fous, plus on rit, comme dit ma tante Georgette, qui, elle, ne rit pas beaucoup, la pauvre! Tu me laisses chez moi?
Hubert: Oui.