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Première & Dernière fois, Première & Dernière fois 09

Première & Dernière fois 09

Nous avons tous et toutes des premières et des dernières fois, et pour beaucoup le cheminement

entre les deux est une véritable aventure.

J'ai décidé de rencontrer des inconnus, ou presque inconnus, de partager avec elles

et eux ses confidences intimes, et de mesurer l'évolution de leurs désirs entre la première

et la dernière fois.

Patricia est une femme bisexuelle qui a essayé de se conformer à la norme.

Elle s'est mariée avec un homme qu'elle avait rencontré au lycée, a eu des enfants

de lui.

Et puis, tout a explosé.

Patricia s'est découverte, elle est tombée amoureuse, s'est battue pour sa liberté.

Aujourd'hui, elle a 41 ans, elle est photographe, célibataire.

Bonjour Patricia.

Salut.

Je vais commencer par la question rituelle, on se vouvoie ou on se tutoie ?

On se tutoie.

Est-ce que tu te rappelles de ta première fois ?

Je m'en rappelle, pas comme si c'était hier, parce que c'était pas hier, j'avais

17 ans, et c'était un amour de vacances.

J'étais à la campagne, dans le fin fond de la France, là où il n'y a rien, et

mes parents avaient acheté une maison depuis quelques années, donc je m'étais fait

des potes dans le coin.

Et il y avait ce gars, un Emmanuel, qui était un peu rockeur dans l'âme, il portait des

perfectos, et j'adorais ça.

On les connaît ceux-là, c'est toujours efficace.

Et puis, on s'est draguillé, bon je savais pas draguer à cet âge-là, je sais toujours

pas draguer aujourd'hui d'ailleurs.

Mais je sais pas comment on a réussi vraiment à se rapprocher, mais je me rappelle surtout

de cette première fois, où, complètement flippée, il m'avait invité à passer chez

lui, je savais que j'allais passer à la casserole.

Je m'étais un peu pomponné, et en fait, j'étais complètement flippée, parce que

je savais pas comment ça allait se passer, j'avais toutes ces idées reçues de « tu

vas peut-être saigner, est-ce que je vais saigner ? Est-ce que je vais avoir mal ? »

Enfin bon, bref, toutes ces questions qui se...

Donc vous savez pas si c'était sa première fois lui aussi ou pas ?

Voilà, bien entendu, je lui avais pas posé la question.

Lui, il savait pas non plus si c'était ma première fois, mais je pense qu'il s'en

est très très vite rendu compte.

Parce qu'en fait, ma particularité ce soir-là, c'est que j'étais tellement crispée que

je l'ai chopée avec mes jambes, entre mes cuisses, et puis il pouvait plus bouger le

pauvre garçon.

Donc on a fait ça tant bien que mal, et puis je me souviens surtout de son visage un peu...

Pas apeuré ni désespéré, mais un peu embêté parce qu'il essayait de se défaire.

Et moi, j'étais tellement crispée que je restais là comme ça.

Et puis finalement, bon, il s'est rien passé de bien palpitant.

J'ai rien ressenti.

Lui, je sais pas, je lui ai pas posé la question.

Et puis je suis rentrée chez moi en me disant « bon, bah ok, c'était ça.

Ça m'a pas marquée tant que ça.

Alors, pas en malheureusement, pas en bien non plus.

Je veux pas dire malheureusement, c'était comme ça.

Le truc était fait.

C'était pas non plus un but.

Et tu l'avais réfléchi avant ?

Absolument pas.

C'était pas un truc que t'avais dans ta tête, tu l'attendais ?

Alors, je me rappelle pas l'avoir attendu comme le Messie.

Non, non.

Je savais que ça allait venir.

J'avais 17 ans, donc je me suis dit « bon, c'est pour bientôt ». Mais j'étais super

coincée.

Donc le premier bisou, c'était à 15 ans dans une boum.

Il s'était rien passé entre temps.

J'avais compris que le type était partant.

Je lui avais laissé comprendre que je l'étais aussi, forcément.

Et puis le truc s'est passé un peu… C'était un peu banal.

Mais tu savais ce qui devait se passer quand même ? T'avais une théorie ?

Non, pas du tout.

À part des bisous, des caresses et puis bam, faut y aller.

C'est pas moi qui ai mené la danse, forcément.

Donc je l'ai laissé faire.

Mais je me rappelle que c'était plutôt court.

C'était que la pénétration ?

Il n'y a pas eu de préliminaire ?

Ça ne m'a pas marqué.

Je pense qu'il n'y en a pas eu beaucoup.

Et puis du coup, ça ne t'a pas détendue ?

Pas du tout.

J'étais tellement crispée que le pauvre type, je l'ai enfermé entre mes genoux

et je ne le lâchais même plus.

Il a dû me dire « c'est bon, tu te détends, il faut que je m'en aille ».

Le pauvre ?

Le pauvre, toi surtout, parce que du coup, malgré tout, il était jeune et il expérimentait

aussi.

Il t'avait besoin d'être rassurée.

Oui, il en avait pas parlé.

Je ne lui avais pas parlé de mes précédentes fois qui n'existaient pas finalement.

Je n'osais pas lui dire que je ne l'avais pas fait avant.

Mais après, je pense que ça devait se voir comme le nez au milieu du visage.

Donc, ce n'était pas un souci.

Mais ce n'était pas un amour de vacances ?

Il n'y avait pas de sentiments ?

Oh non, c'était plutôt le gars qu'on admire parce que c'est le rockeur et que

j'ai toujours bien aimé les mecs un peu comme ça, un peu à part, qui ne se fondaient

pas dans la masse et qui ne rentraient pas forcément dans le moule.

Même encore aujourd'hui, je suis restée avec ces petites préférences-là comme ça.

Ça s'est passé comment après ? Il est reparti un peu ?

Après, on s'est revu.

Je crois que ça devait être pendant ses vacances.

J'ai un vague souvenir de peut-être l'année suivante.

On s'est revu.

On a réessayé de coucher ensemble une fois ou deux.

Mais je pense sincèrement que ça devait être le même été parce que très vite,

on s'est perdu de vue.

Moi, je suis revenue dans cette campagne régulièrement pour passer des vacances.

Mais le type, je ne l'ai pas recroisé.

Je n'en étais même pas triste parce que de toute manière, je savais que c'était

le temps des vacances.

Moi, j'habitais à Paris.

On était à 250 bornes de Paris.

Et cet été-là, après, vous étiez officiellement couple ?

Même pas.

Non, non.

C'était rien.

Il a été utilisé.

En dehors de cette Emmanuelle, est-ce que tu as senti que ça avait changé quelque chose

dans toi ?

C'est-à-dire le fait d'avoir été nue devant quelqu'un ?

Est-ce que tu as été nue d'ailleurs ?

Tu ne m'as pas dit.

Oui, j'ai été nue.

Mais non, ça n'a rien changé.

Je ne me suis pas sentie transformée, métamorphosée, devenue femme parce que je me suis sentie

devenir femme presque 20 ans après.

Pendant très, très longtemps, je ne me sentais pas femme du tout.

Parce qu'après, ça n'a rien débloqué.

Il y a eu d'autres histoires après.

Il y a eu des histoires dans ce même pâtelin de vacances, dont une histoire franchement

pas classe, même un peu traumatisante, qui, elle, m'a changée.

Pour le coup, pendant cette période-là, oui, très, très mal vécue.

Mais cette première fois, non.

En soi, ça n'a rien changé chez moi.

C'était un petit plus que j'avais avec un gars avec qui je sortais brièvement pendant

les vacances.

Et puis, c'est tout.

Et tu ne t'es pas dit, alors ça s'est passé comme ça et peut-être que du coup, ça peut

être mieux.

Ou peut-être que...

Ou est-ce que tu t'es retrouvée résignée par rapport à cette situation en disant...

Pas du tout.

Mais en fait, le truc était fait.

Je me suis dit, bon, il y en aura d'autres.

Ce sera certainement différent.

Mais moi, j'ignorais si j'allais m'en sortir mieux.

Et j'avais peur de ne pas savoir pendant longtemps.

Tu avais peur d'être stressée à nouveau, comme tu avais été stressée la première

fois.

Parce que finalement, le corps d'un homme, c'était super nouveau.

Et tu te souviens de détails de son corps, justement, de choses sur lesquelles tu t'étais

fixée ou pas du tout ?

Alors, je crois que le gars était tatoué.

Et ça, j'aimais bien.

Mais après, c'était un gars un peu plus grand que moi à l'époque.

Mes grichons n'étaient pas à stock.

Il ne faisait pas de la muscu ni quoi que ce soit.

Plutôt fluet.

Mais je me suis toujours attachée au visage des gens, jamais à leur corps finalement.

Et comme dirait des amis à moi aujourd'hui, je suis toujours sortie avec des jambes pas

forcément beaux.

C'était sa tronche.

En fait, il avait une gueule.

J'aime bien les gens qui ont des gueules.

Est-ce que le fait de le voir nu, ou de le voir partiellement nu, ça a éveillé du

désir chez toi ? Est-ce que tu te souviens que tu as eu du désir ?

Non, je n'ai pas eu de désir.

Je n'ai pas eu de désir à ce moment-là.

C'était, à mon avis, la partie de jambes en l'air de curiosité.

Parce que j'étais curieuse.

Je voulais savoir ce que c'était.

En revanche, c'était beaucoup trop nouveau et beaucoup trop stressant pour qu'il y ait

du désir.

Et du plaisir, forcément.

Aucun plaisir ?

Non, rien du tout.

Est-ce que tu te masturbait avant ?

Alors, ça a commencé à l'école primaire.

Très tôt.

Comme beaucoup de petites filles en vrai.

C'est juste qu'on n'en parle jamais.

Non, on n'en parle pas.

Et puis moi, pendant très longtemps, je me suis dit « c'est pas normal ».

Et puis parfois, ça arrivait à la piscine.

À la piscine, quand je nageais.

Je ne faisais rien de moi-même.

Mais ça arrivait très tôt.

Tu savais quand même que tu pouvais avoir du plaisir.

Oui, mais je ne savais pas ce que c'était.

Je ne savais pas d'où ça venait.

Ni comment ça marchait.

Ni comment ça marchait.

Donc, en fait, c'était arrivé un peu par hasard au tout début.

Du coup, je reproduisais cet événement-là.

Les circonstances.

Voilà, ce plaisir-là.

Quand j'étais petite, c'est comme ça que ça se passait.

Et après, adolescente, c'était toi qui le faisais sur ton corps ?

Non, après, ça a été moi qui le faisais.

Mais très tardivement, je me suis dit que je pouvais utiliser mon corps à moi,

mes mains, pour avoir le même plaisir.

Mais c'est venu très tardivement.

Pendant très longtemps, j'utilisais des objets extérieurs.

Il y a des gens qui continuent en plus à utiliser des objets extérieurs.

Ça marche très bien aussi.

Je sais qu'ils ont parlé beaucoup des peluches,

de l'utilisation des peluches.

C'est normal.

C'est l'apprentissage aussi.

Est-ce que tu as fait le rapport dans ta tête

entre le plaisir que tu avais toute seule,

que tu avais expérimenté,

développé avec les années,

et ce rapport sexuel-là ?

Est-ce que pour toi, c'était deux choses qui étaient liées

ou est-ce que pas du tout ?

Et en fait, tu t'es dit,

cette partie qui est très intime, qui est la mienne,

et l'autre truc avec les hommes, qui est autre chose.

Alors en fait,

je pense que pendant très longtemps,

je ne faisais pas le lien.

Parce que ce plaisir-là que j'avais toute seule,

c'était basiquement un plaisir clitoridien.

Et les mecs que je voyais,

avec qui j'avais des rapports un peu plus tard,

c'était principalement axé sur la pénétration.

Et les gars se foutaient totalement de savoir

si tu pouvais avoir du plaisir autrement.

Donc, ils ne s'intéressaient à rien.

Donc, pour moi, pendant longtemps,

c'était moi toute seule, je m'amuse.

Avec un gars, j'essaye de voir un peu ce que ça donne.

Mais par pénétration, il ne se passait rien.

Jamais.

Pas de douleur par contre, mais rien ?

Non, pas de douleur.

Parce que du coup, ce truc des jambes qui se resserrent,

il y a aussi certaines femmes,

ça peut être aussi le tout qui se resserre et de source de douleur.

Oui, non, là, c'était juste le stress du moment.

Mais j'ai été contente, un peu soulagée d'ailleurs,

de voir que un, j'avais pas eu mal,

deux, j'avais pas saigné.

Enfin bon, c'est...

C'était déjà ça.

Ouais, c'était déjà ça.

Ça te gagnait.

Exactement.

Est-ce que tu te souviens comment tu t'étais habillée ?

Parce que tu disais que tu t'étais préparée, pomponnée.

Alors ouais, mais pomponnée dans le sens...

Je suis passée à la douche,

je me suis lavée au Karcher pendant trois heures.

Histoire de dire, bon, je vais sentir bon de partout.

Il y a une angoisse du fait de pas sentir bon.

Ah ouais, moi, ouais.

Franchement, je me suis dit, non, mais non, quand même,

je vais enlever ma culotte, quoi.

Enfin...

Donc...

Mais non, alors là, la tenue vestimentaire,

je m'en rappelle pas du tout.

Mais alors...

Et puis à l'époque, j'étais...

J'ai été très, très longtemps garçon manqué,

donc j'étais certainement jean basket, quoi.

Enfin...

Parce que c'est pas grave.

Si en plus, ça l'excitait, c'est cool aussi, mais...

Après, effectivement, je...

Franchement, à cette époque-là et pendant très, très, très longtemps,

jusqu'à il y a peu de temps,

j'ai jamais été très féminine.

Les talons, j'en mets depuis très peu de temps.

Et j'ai commencé à mettre des robes, des jupes

quand j'ai arrêté de travailler à l'extérieur

dans un métier en plus qui était très masculin.

Donc...

Non, non, à l'époque, c'était jean basket, rien d'autre.

Et ça l'a été pendant un sacré bout de temps.

Est-ce que tu te rappelles avoir eu peur ?

C'est-à-dire même avant,

quand tu te prenais ta douche et que tout, tu te disais...

Donc du coup, tu disais, j'ai pris une douche

et j'ai forcé sur la douche parce que j'avais pas envie de sentir

particulièrement d'un endroit.

Est-ce que tu te rappelles quand même d'avoir eu peur ?

C'est-à-dire de dire, je sais vraiment pas ce qui va se passer.

Potentiellement, tout le monde le fait, mais...

Ah ben bien sûr, oui, oui.

Il y avait plus de l'impatience, genre...

Comme quand tu vas au cinéma, que tu vas voir un super film, tu vois ?

Genre, ah super, on va aller au cinéma, on va voir un film.

Là, c'était un peu...

Super, ce sera ma première fois.

Mais finalement, ouais, j'avais plus peur de ma propre hôté à moi

que de la manière dont ça allait se passer.

Bizarrement, c'est vrai que c'est le truc qui me revient.

C'est le truc qui reste en tête.

C'est cette envie d'être vraiment nickel, quoi.

Et lui, il était vraiment nickel ?

Il était, oui, il était nickel.

En tout cas, il n'y a rien qui m'a choquée.

En revanche, je pense que c'est un truc...

Voilà, faut être nickel.

Ça s'est resté.

Voilà, c'est resté.

On va faire un petit jeu.

C'est basé sur le jeu Je n'ai jamais,

qui est vraiment un jeu typique du jeu à boire,

c'est-à-dire que quelqu'un dit une phrase et qui est Je n'ai jamais quelque chose.

Et si quelqu'un l'a fait, il est obligé de boire une gorgée d'un alcool.

Donc nous n'avons pas d'alcool.

Par contre, si ça donne lieu à quelques petites anecdotes, c'est bien aussi.

Ou juste, voilà, on voit ce que ça fait venir en toi.

J'ai déjà sodomisé un ou une de mes partenaires ?

Non, alors on me l'a demandé et j'ai toujours eu peur de faire mal.

Et j'ai vu des femmes le faire.

Forcément, j'ai vu des hommes le faire aussi.

Et la première chose à laquelle j'ai pensé, c'était la douleur.

Donc, je voulais surtout pas faire mal.

Parce que tu savais que ça faisait mal et que ça pouvait faire mal.

Et du coup, tu t'es dit je ne veux pas reproduire ça.

Oui, j'ai pas envie de faire.

J'ai pas envie de faire mal à quelqu'un.

Pour moi, c'est pas...

Quand on s'amuse, on se fait pas mal.

Tu peux faire mal par accident.

OK, mais non, j'avais pas envie de faire mal à l'autre.

Donc, on me l'a proposé plusieurs fois et à chaque fois, j'ai dit non.

J'ai déjà éjaculé.

Oui, et c'était un peu la panique.

Parce que j'étais tombée sur un type qui disait que c'était sa spécialité.

Il avait quand même un rapport un peu bizarre à la sexualité,

ce qui fait qu'en fait, il restait toujours habillé, ce monsieur.

Donc, moi, j'attendais qu'il se mette nu

et ça n'arrivait jamais.

Alors voilà, sa spécialité, c'était ça.

C'était pas très agréable.

La première fois, je me rappelle, j'ai même eu mal.

Mais genre pendant 48 heures après.

Et le type, je lui ai envoyé un message.

Je lui ai dit écoute, mec, c'est quoi ce délire ?

48 heures après, j'ai mal.

Et le type me dit non, c'est normal, t'inquiète, t'inquiète, c'est normal.

Bon, j'ai très vite compris après que c'était pas du tout normal.

Voilà, il n'y a pas si longtemps, je sais pas, il y a peut-être quelques années,

trois, quatre ans, ça m'est arrivé une première fois et j'ai compris le principe.

Parce qu'avant, c'était un mystère, ce phénomène.

C'est comme tout, ça s'apprend.

Ouais, voilà, voilà, voilà.

Mais la première fois, j'ai appris à le faire aux autres aussi.

Donc, c'était marrant.

J'ai déjà eu des soucis avec du matériel en matériel.

Ça peut être capote, dildo, plein de choses.

La capote qui craque.

Ça, c'est ça m'est arrivé.

Le matériel sans pile, non.

Mais j'ai vite laissé tomber les objets comme ça.

Mais oui, la capote qui craque et l'énorme flip où tu te regardes

dans les yeux, l'un dans l'oeil de l'autre.

Et là, le mec lit ta panique parce que moi, ce jour là, j'étais paniquée

et j'ai compris en le regardant qu'il n'y avait pas de panique à avoir.

Bon, moi, j'ai filé à la salle de bain.

J'ai pris ma pilule du lendemain parce que c'était vraiment pas le bon moment.

Enfin, la panique, la grosse panique.

Donc, tu as pris la pilule du lendemain en urgence.

Est ce qu'après, tu as quand même été faire un test ?

Alors, pas le lendemain, mais effectivement, c'est la première chose

à laquelle j'ai pensé quand je suis allée chez ma gynéco la fois suivante.

Et comme j'ai eu à subir une intervention chirurgicale,

du coup, très rapidement après en plus cette histoire,

j'étais soulagée de savoir qu'il n'y avait rien.

Mais bien sûr, c'est le flip, c'était de savoir ça, quoi.

Forcément, j'ai déjà pensé à ma liste de courses pendant le sexe.

Mon Dieu, plein de fois.

Pendant un certain nombre d'années, malheureusement,

je regardais le plafond.

Je pouvais, je pouvais te dire le nombre de fissures

qu'il y avait dans la peinture.

Ça arrive malheureusement trop souvent.

J'ai déjà pensé à quelqu'un d'autre pendant le sexe.

Alors oui, ça m'est arrivé à un moment assez important de ma vie

où, en fait, la première fois où j'ai eu vraiment envie de quelqu'un.

Et après toute cette période de mariage, tout ça.

On y reviendra.

Oui, mais ça m'est arrivé.

Et pas de célébrité, de choses comme ça ?

Ah non, jamais.

Parce que c'est drôle.

Et pourtant Brad Pitt...

Mais oui, mais c'est une question qui évoque des choses.

Et les gens qui disent

« Ah non, jamais j'ai pensé à quelqu'un d'autre que je connais. »

Par contre, il y a des gens qui pensent direct à des stars.

Un proche, oui, mais à quelqu'un de connu, non.

Non, parce que pour moi, il fallait qu'il y ait quand même

une espèce de promiscuité, enfin pas de promiscuité, mais de réelle connivence.

Un truc palpable, quoi.

Ouais, voilà.

Un vrai désir.

Un truc qui me rappelle un truc.

Presque un peu partagé aussi.

C'est ça, voilà.

Ce bon Brad Pitt, le pauvre.

Oui, oui, bon.

Tout ce qu'il doit prendre sur le dos.

Il est trop occupé, quoi.

Je me suis déjà masturbée dans des endroits pas prévus pour.

Ah mais bien entendu.

Dans les piscines, du coup.

La douche de la piscine.

Ouais, dans des bureaux où je bossais aussi.

Les deux premiers qui me viennent en tête, c'est ça.

Voilà.

Non, mais c'est beaucoup plus couvant qu'on ne le croit.

J'ai régulièrement des femmes qui me disent au bureau pour évacuer le stress.

Ou c'est super.

Oui, pour évacuer le stress.

Alors, je ne sais pas.

Mais quand tu as un mec qui t'envoie plein de sextos, machin, et que tu n'en peux plus

et que tu peux rien faire.

Voilà, ça peut arriver.

Quand on n'est pas dans un open space, ça passe.

Très vite après ta première fois, tu as rencontré ton mari au lycée.

Alors, vous n'êtes pas marié au lycée, évidemment, mais c'est quand même celui

et resté celui avec qui tu t'es marié par la suite.

Comment ça s'est passé ?

Un peu comme l'histoire du rocker de la première fois.

C'était le mec aux cheveux longs de la classe.

Et après, juste avant lui, un été, il y a eu une histoire vraiment, vraiment pourrie.

Et du coup, il arrivait un peu comme le chevalier blanc, le mec gentil.

Je me foutais qu'il ait redoublé.

Mais il se retrouvait dans ma classe.

Et puis, il avait une espèce de bagout.

Il en jetait.

Il était sympa, machin, tout ça.

Il avait les cheveux longs.

Ses cheveux longs.

Et puis, ça ne lui allait pas du tout d'ailleurs.

Et en fait, oui, le type était attentif, sympa.

Et l'histoire a duré.

Vous vous êtes marié quand ?

On s'est rencontré à 18 et je me suis mariée à 25.

25.

Je n'ai aucune mémoire.

Je ne sais pas.

Je ne sais pas.

Vous avez directement habité ensemble après le lycée pour les études ou pas du tout ?

Vous avez quand même été séparés.

Alors, on a été...

Disons que lui avait sa petite chambre de bonne dans l'immeuble de ses parents, tranquillou.

Et il est allé à la fac.

Sauf que moi, je n'ai pas du tout fait le même genre d'études.

Je ne suis jamais allée à la fac.

J'ai fait des écoles spécialisées.

J'ai repassé un deuxième bac, tout ça.

Donc, en fait, on a vraiment vécu ensemble quand moi, j'ai commencé à avoir un salaire

et que j'ai travaillé à l'université.

Et puis, il y a eu un moment où je me suis dit, je vais aller à l'université.

Donc, on est sortis ensemble assez longtemps et moi, je continue à vivre chez mes parents

et lui dans sa chambre de bonne.

Ça ne nous empêchait pas de nous voir, tout ça.

Mais on a vraiment habité ensemble quand on pouvait, quand on pouvait l'assumer tous

les deux.

Et vous avez...

Est-ce que tu as le sentiment que ces années-là, passer avec lui, donc pas habiter ensemble,

mais ta sexualité s'est développée ou toujours pas ?

Absolument pas.

Absolument pas.

Surtout qu'il y a eu une période où il m'a quitté pendant un an parce que je correspondais

à un autre.

Je ne correspondais pas à ses attentes à ce niveau-là.

J'avais beaucoup moins envie de lui que lui n'avait envie de moi.

Et du coup, on n'était pas en phase du tout là-dessus.

Mais pendant...

On est restés ensemble 14 ans et pendant 14 ans, il ne s'est rien passé de mon côté.

Il n'y a pas eu de déclic, d'éveil, ni quoi que ce soit.

Il n'y a pas eu de moment lune de miel, de moment...

Il y a eu une super lune de miel.

On est partis en voyage super loin.

C'était magnifique.

Mais ça ne changeait pas grand-chose à l'intérieur de moi.

J'étais très heureuse quand il m'a demandé en mariage, super émue parce que ça ancrait

une espèce d'amour profond que j'avais pour lui.

Mais niveau cul, ce n'était pas du tout ça.

Tu n'avais pas de plaisir ?

J'en avais.

J'avais du plaisir, mais je n'avais jamais envie d'y aller.

Donc, c'était un peu comme quand on va à la piscine.

C'est toujours l'image que j'ai de ça.

Tu mets un pied dedans, tu te dis « Merde, elle est froide ».

Une fois que tu es dedans, l'eau est bonne.

Mais en revanche, je n'avais jamais envie.

Et comment ça se passait pour lancer le truc ?

C'est lui qui était un peu pressant ?

C'est toujours lui qui lançait.

Donc, c'était très compliqué pour lui.

Il s'est très vite posé des questions.

Il m'en a posé tous les jours.

Tous les jours, c'était « Pourquoi tu n'as pas envie ? »

Puis après, très rapidement, il y a un truc qui ne va pas avoir quelqu'un.

Je suis allée voir des gens sans même savoir ce qu'il fallait dire.

Un sexologue, d'ailleurs, ma gynéco est sexologue.

Donc, je suis allée voir ma gynéco.

Mais je ne savais pas trop quoi lui dire.

Je ne comprenais pas trop que c'était le manque d'envie.

Moi, je vivais mon truc tranquillou.

C'était mon meilleur pote.

J'ai surtout vécu avec mon meilleur ami.

On a fait des enfants, ce n'était pas le sujet.

Mais je n'avais pas cette envie qui l'attendait de moi.

Et les médecins ont répondu quoi à l'époque ?

On était tous à côté de la blague.

Parce que je présentais le problème de la mauvaise manière.

Je suis arrivée chez ma gynéco en lui disant

« Mon mec trouve que je n'ai pas de fantasme, il trouve que ce n'est pas normal. »

Elle suggérait qu'il vienne avec moi,

qu'on parle peut-être de mettre en place des petits jeux, des machins

pour égayer un peu tout ça.

Sauf que lui, il refusait de venir avec moi

parce qu'il estimait que c'était moi qui avait un problème et pas lui.

Je restais en fait toute seule avec mon problème.

Ça n'a jamais été un truc que vous avez lancé tous les deux ?

Jamais.

Lui me suggérait d'aller voir des gens et me faire soigner.

Au début, c'est quand même un peu fort de café.

Et en même temps, je ne trouvais pas la réponse.

Après la sexologue, je suis allée voir un psy.

« Mais le psy, qu'est-ce que tu veux que je lui raconte ? »

Je ne savais pas.

Il m'a même fait des remarques.

« Vous ne parlez pas, vous ne parlez pas. »

En fait, j'étais perdue dans tout ça.

J'étais vraiment perdue.

Et en même temps, plus les années passaient,

je me disais « j'ai un problème. »

J'imagine que quand on a un enfant, on est occupé par d'autres choses aussi.

Pour l'avoir, tout ça a été lié.

Je n'ai pas attendu si longtemps que ça.

Mais pendant l'année où on a attendu qu'elle arrive,

je me disais « ça ne marche pas, mon corps n'est pas fait pour ça. »

Je me suis dit « j'ai toujours été garçon manqué, là je n'ai pas envie,

il me le fait remarquer, je n'arrive pas à avoir d'enfant,

mon corps ne fonctionne pas. »

Je suis restée avec l'idée que je ne fonctionnais pas.

Et tu te forçais à chaque fois ?

Comme vous avez essayé d'avoir un enfant, c'était un jour fixe.

Disons que je pouvais compter sur lui pour me demander tous les 48 heures.

Oui, assez souvent.

Tous les deux jours, j'y passais parce qu'il avait envie,

ce que je pouvais comprendre.

Mais moi, je me forçais un peu.

Et puis un jour, tu découvres le désir.

Je découvre le désir après avoir arrêté cette fameuse pilule

qui, moi, je la mets vraiment en cause dans cette absence totale de libido.

Parce que quand j'ai arrêté la pilule,

il a fallu que tout se remette un peu en marche, je suppose.

J'ai eu ma fille et j'ai repris une autre pilule derrière.

Pas la même.

Mais en même temps, c'était ça aussi, cette idée de...

Je ne savais rien à rien.

Donc, il a fallu que je prenne la pilule.

J'ai pris la pilule, j'ai arrêté pour avoir un enfant,

j'ai eu mon enfant.

Et puis, en fait, entre les deux, le corps a commencé à se réveiller.

Et quand j'ai complètement arrêté la pilule pour avoir notre deuxième enfant,

c'est là que tout a basculé.

Et tu as rencontré quelqu'un.

Tu as rencontré Étienne, avec qui tu travaillais.

Et c'est lancé une histoire qui a largement dépassé tes espérances.

Parce que du coup, le réveil du désir qui a vraiment changé ta vie personnelle.

Je veux dire, même ce que tu pensais de toi.

Ça a tout changé.

Et puis, une histoire d'amour, en fait.

En fait, ça a été la découverte du désir, de mon corps aussi,

par la même occasion.

Et ça a chamboulé tout.

Ça a été la révolution.

Ça a tout foutu en l'air aussi.

Parce que, bien sûr, c'était une histoire hyper dure à vivre

et je ne pouvais pas garder ça pour moi.

Donc, bon, il a fallu qu'il le découvre.

Il l'a découvert.

Et puis après, tout est parti en couille.

Il est devenu violent, psychologiquement et physiquement.

Il va jusqu'à t'enfermer à la maison.

Et puis, tu trouves le courage de t'enfuir.

Oui, quand il y a eu cette goutte qui a fait déborder le vase.

Et le vase a très vite débordé parce que je ne voulais pas...

Je sentais qu'à partir de ce moment-là, il y avait quelque chose de brisé.

Moi qui voulais de toute manière me servir presque de cette incartade pour...

Te libérer de tout ça.

Pas forcément te libérer, mais pour régler nos problèmes à nous deux dans le couple.

Je me suis dit que je vais rester là, dans mon couple.

Je vais continuer ma petite vie de famille.

Et puis, il y a quelque chose qui s'est passé.

Et on va régler notre problème à nous.

Sauf qu'on n'a pas pu faire machine arrière.

Ce n'était pas possible.

Parce que quand tu as découvert le désir, ça ne t'a pas réveillé ton désir avec ton mari.

C'était juste le désir avec quelqu'un d'autre.

Voilà.

Ça a aussi, au bout de beaucoup d'années, répondu à cette fameuse question.

Chéri, pourquoi tu n'as pas envie ?

Et j'ai un jour...

Parce que je me suis posé la question je ne sais pas combien de milliards de fois.

Et un jour, je me suis dit que c'est très simple.

Je n'ai pas envie parce qu'il ne me donne pas envie.

Et un jour, il a fallu que je lui dise.

Je comprends tout à fait que c'est quelque chose qu'un homme a beaucoup de mal à entendre.

Certainement.

Et même pour une femme, je pense que c'est la même chose.

Quand son mari lui dit « je n'ai pas envie de toi chéri », ça fait mal.

Après, il a eu 14 ans pour se préparer à cette idée.

Du coup, ça n'a pas été caché beaucoup.

Oui, mais franchement, je pense que je me suis voilée la face très très longtemps.

Et j'ai fini par me dire que c'est quelque chose chez moi qui n'allait pas.

Mais finalement, c'était très basique.

Je pense qu'après, il y a un truc aussi.

Il y a une désinformation totale.

Les médecins peuvent pas répondre à ce truc.

Le mari envoie des signaux qui sont inverses.

Je ne vois pas comment on peut...

Oui, mais en fait, dans cette histoire, personne ne m'a aidée.

Je ne cherchais pas forcément de l'aide.

Je ne dis pas que les autres sont fautifs.

Mais effectivement, je n'ai eu d'aide extérieure de nulle part.

Donc, j'ai découvert par moi-même que je pouvais avoir envie de quelqu'un.

Que je n'avais toujours pas envie de lui.

Et quand il y avait du désir, il y avait plus de plaisir aussi ?

Ça a changé quelque chose sur cette donnée-là ?

Avec qui ?

Avec Étienne.

Celui qui est désirable.

Oui, avec celui qui était désirable, j'avais du plaisir.

En plus, je veux dire, il y a vraiment eu une révolution.

En fait, j'en avais tout simplement.

Enfin, j'en avais.

Disons, oui, effectivement, j'en avais.

Avec mon mari, c'était mécanique, tout ça.

Mais avec Étienne, j'avais vraiment envie.

Et tout était différent.

Les échanges, l'envie de chacun.

Et c'était une espèce de fusion complètement folle.

Qui fait complètement tourner la tête quand tu t'y attends pas.

Est-ce que ça a changé quelque chose qu'à ce moment-là,

spécifiquement, tu étais enceinte, après tu avais un enfant,

c'était un bébé, ça a dû être compliqué.

D'avoir cette espèce de rush d'hormones

au moment où en plus on est très peu disponible physiquement.

Oui, surtout que le truc est arrivé au tout début de la grossesse.

Et moi, je l'ignorais encore.

Donc quand je l'ai su, ça a été la grosse panique.

De qui il est ?

Oui, c'est ça.

Tout simplement.

Après, très rapidement, je savais de qui il était.

Mais il y a eu un enchaînement de merde.

Toute la grossesse a été horrible.

L'accouchement, pire que tout.

Et finalement, quand il l'a su, j'avais déjà accouché.

Je suis restée longtemps avec ce truc horrible.

Et je n'arrivais pas à me regarder dans la glace.

Et il l'a su après l'accouchement.

Et après tout ça, j'ai décidé vite de partir.

Parce que je savais qu'on ne pourrait pas

recoller les morceaux.

Et il me faisait atrocement peur.

Donc par trouille, je me suis enfui.

Il y a eu une histoire avec Étienne.

Qui, tu as vite avoué, s'est schizophrénie.

Qui ne prenait pas trop ses médicaments.

Parce que ça lui faisait des effets qu'il n'aimait pas.

Vous avez enchaîné les ruptures.

Parce que j'imagine que ça ne devait pas être simple.

Et puis, au moment où tu décides de passer à autre chose.

Avec un autre homme.

Et de reconstruire de manière stable.

Il décède.

Une histoire qui tombe comme ça.

Sans qu'on le voit venir.

Il se fait voler sa moto.

Il essaie d'aller au commissariat pour porter plainte.

Il traverse un pont.

Il enjambe une barrière qui surplombe une nationale.

Il saute et il atterrit au milieu du flot de voiture.

T'en es où à ce moment là ?

Après ce drame là.

Qui suit le traumatisme du divorce.

Comment tu te reconstruis ?

Difficilement.

Oui, j'imagine.

Disons que là,

le premier truc que j'ai vu venir.

Et je me félicite de ne pas être tombée dedans.

C'était la culpabilité.

Parce qu'effectivement,

il venait, il repartait.

La relation ne tenait pas.

Il avait des moments de paranoïa.

Où forcément, j'étais celle qui trompait.

Ça n'allait pas.

Et puis, effectivement,

quand il s'est suicidé.

On venait de rompre quelques semaines avant.

Enfin, quelques semaines.

Assez tôt ou assez tard.

Je ne sais plus.

Pour que j'ai le temps de rencontrer quelqu'un.

Et que je me dise, c'est super.

C'est une occasion pour vraiment terminer ce truc.

Et lui ne l'a pas supporté.

Comme c'est arrivé très vite après.

Je me suis dit, non, c'est pas de ma faute.

Il était malade.

Et déjà, j'ai mis ça de côté.

Je ne me sentais pas coupable de ça.

Mais effectivement,

c'était beaucoup trop.

C'était beaucoup trop pour moi.

Supporter tout ça.

Avoir fait le choix de changer de vie.

Parce que ma vie d'avant

ne me convenait pas.

Et aller tous nous pourrir.

Plus ça.

Ça a été dur plusieurs années.

On va faire une deuxième pause.

Je t'ai demandé de réfléchir

sur les oeuvres qui marquaient

ton imaginaire sexuel.

Quel était le livre qui t'excitait ?

Il y en a un qui

doit être très corné

bien abîmé aujourd'hui.

Avec lequel j'avais

une certaine culpabilité.

C'était American Psycho.

Il y a certaines scènes de cul dedans.

Je ne parle pas des scènes de cul.

Je m'arrêtais toujours avant.

Les tortures, tout ça.

Mais ces scènes-là étaient tellement explicites

que je ne pouvais pas résister à ça.

Ça a été mon livre de chevet pendant un certain temps.

Moi aussi, j'ai jamais eu de...

Je pense que c'était

un peu pareil.

Mais j'avais un peu honte.

Je suis d'accord.

Le coup du ras, machin, tout ça.

Non, non, c'était pas ça.

Mais c'était tout ce qu'il y avait avant.

Il écrit bien, Brett Easton Ellis.

C'est ça.

Le film qui me fait vibrer ?

Il y en a un très récemment qui m'a

complètement retourné le cerveau.

C'était Call Me By Your Name.

Habituellement, je fais l'inverse.

C'est pas tout aussi beau, mais le film !

Ce film !

Il est très récent.

Je l'ai découvert un peu tardivement.

Finalement, il est quoi de l'année dernière ?

2018, peut-être ?

Bref, j'ai adoré.

Complètement fan de cette histoire d'amour.

Mais moi, aujourd'hui, je suis totalement amoureuse

des preuves d'amour.

D'ailleurs,

c'est pour ça que j'en fais des photos aussi.

Mais je suis complètement folle de ça.

Des gens qui s'aiment, qui se le disent.

J'étais complètement

chamboulée par ce film-là.

C'est une sensualité folle en plus.

Complètement, oui.

C'est très fin d'été, c'est vraiment magnifique.

L'image qui me donne des frissons de plaisir ?

Comme tu es photographe, j'imagine que tu as des choses en tête.

C'est souvent les regards entre les amoureux.

C'est tout con,

mais quand je sens que des gens s'aiment

et se le montrent,

moi, je fonds complètement.

J'adore ça.

Et sentir le désir dans le regard des gens aussi.

Je suis très sensible au regard,

au jeu de regard.

Et quand je photographe des gens qui s'aiment

ou quand j'aime quelqu'un,

ce qui ne m'est pas arrivé depuis longtemps quand même,

je ne peux pas résister à ça.

La musique qui met le mieux dans l'ambiance ?

J'ai souvent demandé

à des gars,

j'ai envie que tu me fasses l'amour sur

Karma Koma de Tricky

ou Sticky, Morshiba, non, Massive Attack,

je ne sais plus qui.

La voix de Tricky,

ce genre de musique.

Ou aussi Fat Freddy's Drop.

La voix de ce gars,

alors là, je m'allonge tout de suite.

Encore aujourd'hui, ce genre ?

Oui, oui.

Mais Karma Koma, je pense que je pourrais faire l'amour là-dessus

pendant des siècles.

C'est un rythme magnifique en plus.

C'est les années 90 ?

Moi, c'est mieux.

Non, non, c'est pas ça.

Je me souviens avoir vraiment une période comme ça

dans mon adolescence où c'était une musique qui était hyper,

donc oui, je comprends tout à fait.

Mais ça change de Barry White.

Ah oui.

Le parfum qui réveille mes sens.

Il y a un parfum qui m'a beaucoup marqué,

porté à un gars avec qui j'étais sortie,

c'était Bleu de Chanel.

Je l'ai senti, je me rappelle,

une fois dans la rue,

un type portait ce parfum

et je marchais un peu comme un zombie,

la tête baissée, et puis tout d'un coup,

j'ai senti ce truc, j'ai levé la tête,

je me suis retournée.

Mais ce parfum m'a beaucoup marqué.

Et pourtant, je l'ai peu senti après

chez d'autres personnes,

mais j'en ai un souvenir hallucinant.

Donc ce parfum, portez ça les gars.

Alors j'ai une question,

au moment du drame,

du décès d'Étienne, du divorce,

et de ce moment où tu dois totalement te reconstruire

et où tu es quasiment une autre femme,

tu as quel âge ?

Deux ans, trente-trois, quelque chose comme ça.

Et tu restes avec cet homme

avec qui tu étais au moment du décès d'Étienne

ou pas du tout ? Ou c'était juste un homme de transition ?

Non, c'était un type de passage

et bon,

on s'est vite quittés.

Il s'est resté un très bon ami d'ailleurs,

mais on s'est vite quittés.

Qu'est-ce que tu fais à ce moment-là ?

Parce qu'il y a différentes stratégies

pour faire son deuil de tout,

c'est-à-dire qu'il y a le deuil aussi de ta vie d'avant.

T'as vu des gens, t'as essayé de t'expérimenter

sur toi ?

Au début, j'ai beaucoup pleuré,

mais sur le côté « je suis seule, c'est la panique,

qu'est-ce que je vais faire ? »

Ça t'as jamais été seule ?

Non, jamais.

Je suis passée de chez papa-maman à l'appart avec mon copain,

puis le mariage, blablabla, tout ça.

Donc ça a été surtout la grosse panique,

seule avec deux enfants, on fait comment ?

Et les copines m'ont poussée

à m'inscrire sur Mythique à l'époque,

je l'ai fait, j'ai essayé trois mois,

mais finalement, ce n'était pas un système qui me convenait beaucoup.

Je me suis dit « je vais me faire une rencontre, mais bon ».

Mais pendant très très longtemps,

je me plaignais intérieurement

d'être toujours seule.

Et en fait, le hasard a fait que

ça devait être encore sur Mythique peut-être,

j'ai rencontré un gars

qui lui sortait d'un milieu que je ne connaissais pas

du tout, tout ce qui était milieu libertin,

tout ça.

Et puis je suis sortie avec ce type une fois ou deux,

et en fait,

pas grâce à lui, parce que j'avais compris,

j'ai compris un peu plus tard

ce que j'aimais vraiment

et qui j'étais vraiment.

Mais ce type-là m'a ouvert une porte,

la porte d'une pièce que je ne connaissais pas.

Et ce milieu-là,

c'est un peu ouvert à moi.

J'y suis allée,

j'ai traîné dans des saunas libertins au début,

où j'emmenais des potes, parce qu'il faut quand même

être avec des gens que tu connais un peu.

Et puis après, dans d'autres sites

de rencontres,

j'ai rencontré des nanas qui étaient

encore dans ce milieu-là.

Et finalement,

je suis passée un peu naturellement dans une phase

où je me suis éclatée à faire ce que

j'avais jamais fait avant.

Tu as essayé des choses.

Voilà. Et donc je les ai suivies en soirée,

souvent soirée privée, machin, organisée par des gens

qu'elles connaissaient, moi que je ne connaissais pas.

J'arrivais habillée toujours comme une nonne

au milieu de nénettes à moitié à poil.

Et puis je me disais

mais qu'est-ce que je fous là ?

Et puis finalement,

j'ai découvert... Enfin, je n'ai pas découvert,

je me suis confirmée à moi-même

que j'adorais les femmes autant que les hommes

et que c'était cool enfin

de se le confirmer.

Parce que je le savais depuis très très longtemps.

Depuis petite.

Mais jamais j'avais eu l'occasion

ni d'en parler avec mon mari, ni quoi que ce soit,

parce que c'était trop honteux à l'époque.

Et puis je me suis lâchée à cette époque-là

en allant en soirée, tout ça.

Et en fait, en côtoyant tous ces gens

qui étaient complètement décomplexés,

qui se foutaient à poil

à tous les quatre coins de la pièce

et qui baisaient n'importe où, n'importe comment,

parfois avec n'importe qui,

je me suis dit

bon allez, le corps c'est quand même vachement beau.

Et finalement, le travail

photographique a un peu viré comme ça

dans le sujet du corps humain.

Donc moi,

je savais enfin tout ce que j'aimais.

Je savais ce que je n'aimais pas.

Je crois que je ne sais pas encore tout ce que j'aime,

mais je sais surtout ce que je n'aime pas.

Ce qui était déjà un énorme pas.

Quoi, si je peux demander ?

Ce que je n'aime pas, c'est tout ce qui est violence,

douleur, tous les trucs de domination,

machin, tout ça. Je trouve ça rigolo.

J'ai assisté à je ne sais pas combien de séances,

mais ça ne me dit rien.

Et puis finalement,

le partage d'un gars, c'est peut-être pas pour moi non plus.

Parce que dans ces soirées-là,

tout le monde me demandait

alors t'es libertine depuis combien de temps ?

J'adore cette question.

Et puis, non, je ne suis pas libertine.

Je suis là par hasard.

Je venais d'une espèce de milieu complètement classique.

Je suis là pour me marrer

et je ne me voyais pas du tout partager

un gars avec qui je sortais.

Après, j'ai compris que dans certaines circonstances,

avec certaines personnes, c'était certainement possible.

Mais je ne l'ai jamais vraiment testé.

Mais enfin,

je pouvais m'exprimer

avec mon corps comme je le voulais

et personne ne me faisait chier.

Et du coup,

je pouvais sortir de chez moi

et me dire que je vais à une soirée

et rencontrer peut-être un, deux, trois, quatre mecs.

Je vais rentrer chez moi.

Après, c'est vrai que le fait de rentrer chez soi toujours,

seule, sans dormir toute seule,

ça me replongeait un peu dans une espèce de déprime.

Mais en revanche, j'ai développé

ce travail photo

sur le corps humain,

les gestes d'affiction

que je ne trouvais pas vraiment en soirée accueille.

On ne va pas se mentir.

J'en ai fait une première expo

sur la beauté du corps en règle générale,

parce que je trouve ça super beau.

Et je suis tombée complètement amoureuse

de l'amour, des gestes d'affection entre les gens.

Quand je vois un couple qui se regarde

avec des yeux de Merlent Frie, je trouve ça super mignon.

Je pleure quand je regarde Pretty Woman.

Tu t'inclus là-dedans,

parce que tu parles des corps que tu trouves beaux

et du désir des autres et de ce qu'ils font.

Mais toi, tu t'inclus là-dedans, il y a ton désir, ton corps,

tu le trouves beau.

Il y a eu une période compliquée

où j'ai fait appel à un ami

pour me prendre en photo nue,

parce que je ne m'aimais pas du tout.

Et cet ami-là ne m'avait pas dit

qu'il n'avait jamais fait ça.

Donc la séance était un peu compliquée.

En fait, je n'ai jamais été nue dans cette séance.

Mais j'ai été topless

et je gardais un vieux jogging tout pourri

que j'attendais qu'il me dise d'enlever.

Il ne m'a jamais dit d'enlever mon pantalon.

J'étais mal à l'aise,

mais finalement, c'est un photographe génial, ce gars.

Et finalement, il a fait le taf que j'attendais.

J'ai eu un regard extérieur sur moi

que je n'avais jamais eu avant.

Et puis, en plus, surtout, quand toi,

tu prends des photos, personne ne te prend jamais en photo.

Bien sûr, c'est pour ça que je demande.

Et je garde un souvenir assez ému

de cette séance-là qui doit dater

d'il y a peut-être cinq ans, un truc comme ça.

Où, oui, je ne m'aimais pas.

Je me trouvais...

quelconque, toujours pas féminine.

Enfin bon...

Et finalement, je me suis dit, bon,

le gars a fait un bon taf.

Et puis, je me suis dit, oh, mon Dieu, merde !

Tu as aimé le regard qu'il portait sur toi ?

Oui, j'ai aimé le regard qu'il avait eu.

Et puis, j'ai eu envie, je crois,

de le montrer aux autres.

De montrer le regard que je pouvais avoir

sur leur couple, quand c'était des couples

qui me demandaient ces photos-là.

Ou des gens seuls.

Parfois, très souvent, je demandais à des amis...

Je ne leur disais pas, je te trouve beau,

j'ai envie de te prendre en photo.

Mais généralement, oui, c'est parce que je trouve les gens beaux

que j'ai envie de les prendre en photo.

C'est un travail très égoïste.

On dit toujours que le travail d'un photographe,

c'est un travail égoïste, c'est vrai.

Mais je le faisais parce que je trouve que les gens sont beaux

et j'ai envie de leur montrer à quel point je les trouve beaux.

Tu continues à traîner dans le milieu libertin

ou pas du tout ?

Plus du tout, parce que...

Oui, j'en ai eu besoin pour ces photos.

Pour voir un peu tout ce que je pouvais

en sortir visuellement.

Et finalement, avec le temps,

au début, je trouvais ça super drôle.

Après, j'ai trouvé ça utile.

Et après, j'ai trouvé ça pas très cool.

Et au moment où j'ai trouvé ça

pas très cool, je suis partie.

Parce que j'en avais marre

de ce format-là de sexualité,

de soirée

où tout doit être...

Tout doit rentrer dans des cases.

C'est-à-dire que...

C'était toujours avec le même organisateur,

que j'apprécie beaucoup, c'est pas le sujet.

Mais j'en avais marre de voir cette femme toujours dans la même position.

Elle doit être sur des talons,

elle doit être avec des portes-jartelles,

elle fait 40 degrés dehors.

Tout ça, j'en avais ras-le-cul.

Et j'étais toujours la seule qui râlait,

qui ne s'habillait pas comme il fallait.

Au début, quand je participais sans prendre de photos,

j'étais toujours pointée du doigt.

« Ah, moi, Patricia, elle fait jamais ça. »

Elle n'écoute jamais rien.

Et puis, après, j'en ai eu marre.

Et quand j'ai fait des photos, je venais en jean.

Sauf que je faisais tâche sur les photos

parce qu'il y avait d'autres photographes.

Donc, il ne fallait pas que je sois en jean.

Et tout ça, ça m'a gonflée.

Et puis, je sais que si un jour,

j'ai envie de me marrer,

je peux toujours aller à une soirée d'un pote.

Mais entre temps, j'ai rencontré d'autres personnes.

Et puis, en libérant la parole aussi

avec toutes ces années,

j'ai rencontré des gens qui, un peu comme moi,

aiment s'éclater comme ils l'entendent

avec qui ils veulent.

Et du coup, on finit finalement

par organiser des trucs entre nous

avec des gens qu'on connaît

et puis comme on a envie, surtout.

Tu ne t'es pas posée depuis avec quelqu'un ?

Tu es célibataire actuellement,

tu m'as dit que tu avais traversé une longue période de célibat.

Il n'y a pas eu de relation ?

Il y a eu des relations depuis 10 ans,

parce que je suis séparée depuis 10 ans maintenant.

Il y a eu des périodes où j'ai rencontré

des gars où je suis restée quelques mois,

voire quelques années.

Ça n'a pas excédé deux ans.

Mais non,

aujourd'hui,

je n'ai pas réussi à me poser avec quelqu'un.

J'aimerais parce que finalement,

je trouve ça cool de se marrer et tout ça.

Je sais aussi ce que je veux,

c'est-à-dire faire un bout de chemin avec quelqu'un,

mais pas forcément vivre sous le même toit,

ce n'est pas le sujet.

Mais avoir vraiment quelque chose à partager avec quelqu'un.

Dormir en tête à tête

avec ma rosace, mon mur au plafond,

ça me fait chier.

Il y a des moments où ça me fait chier,

mais la vie est comme ça.

Et puis je ne sais toujours pas draguer.

Ça, c'est un grand problème.

Ce n'est pas toujours nécessaire.

On va parler de ta dernière fois.

C'était pas une dernière fois en couple ?

C'était quand, cette dernière fois ?

Eh bien, c'était il y a quelques semaines maintenant.

Je ne sais pas, on va dire

un mois et demi, un truc comme ça.

Avec un de ces gars,

enfin,

un de ces gars,

c'est hyper péjoratif ce que je viens de dire.

Ça lui fera plaisir.

Non, un homme

que j'ai rencontré

sur des applis, parce qu'entre-temps, en disant

j'ai quand même testé des applis,

je n'ai pas eu de revenu parce que ça ne me convient toujours pas.

Mais j'ai rencontré ce garçon

il y a quelques temps, quelques années,

qui me ressemble,

qui aime bien partager son corps avec d'autres personnes.

Je ne vois pas

d'inconvénients à partir du moment où

les choses sont dites et clairement dites

et où il n'y a pas d'embrouille

ni d'arnaque.

C'est une sorte de sex-friend ?

Oui, voilà, c'est vrai, on appelle ça comme ça.

C'est vrai, je n'utilise jamais ce terme-là, mais c'est ça.

Et voilà, donc on se voit de temps en temps.

C'est toujours des moments super cools

partagés avec sincérité

et ça me va.

On ne se voit pas assez souvent quand même, mais c'est cool.

Il faut lui envoyer un message.

Je pense qu'on va se voir dans pas longtemps.

Est-ce que tu as pris du plaisir ?

Est-ce que par rapport à ta première fois, dont on a parlé

tout à l'heure, est-ce que tu ressens

vraiment le chemin parcouru ?

Alors, oui, je ressens le chemin parcouru

parce que maintenant,

je n'ai pas honte de ce que j'aime.

Au début, je n'osais pas montrer ce que j'aimais.

Déjà, tu aimes des trucs, ce qui n'était pas forcément évident au début.

Voilà, au début, je ne savais pas.

Pour moi, c'était...

Bon, un pénis dans un vagin,

basta, on s'arrêtait là.

Pour moi, la relation s'arrêtait là.

Mais maintenant, elle n'a plus de frontières.

Et aujourd'hui, oui,

c'est complètement différent.

En plus, avec cet homme-là, il est très attentif.

On prend toujours notre temps.

On prend notre pied toujours tous les deux.

Quel que soit l'ordre, on s'en fout,

ni comment, on s'en fiche.

Mais c'est assumé,

c'est dit.

Quand on n'aime pas un truc, on le dit.

Aujourd'hui, je dis ce que je n'aime pas

et je sais aussi montrer à l'autre

ce qui me fait du bien,

ce que je ne faisais jamais avant.

Aujourd'hui, j'ai une vie complètement différente.

Je dis souvent que je suis née deux fois,

mais franchement,

ma deuxième naissance, elle vaut le coup de l'avoir vécue.

Je pense qu'on peut conclure là-dessus

parce qu'au final, ce qui a vraiment changé dans ta vie sexuelle,

c'est la communication aussi.

L'autre existe, c'est pouvoir lui parler,

c'est pouvoir communiquer, être soi.

Ça me fait encore défaut aujourd'hui, la communication.

Mais ça vient.

J'ai fait un énorme pas là-dessus.

Mais oui,

c'était la communication et de s'assumer

et de savoir qui on est.

Merci à tous et à toutes et à très bientôt.

Première & Dernière fois 09 Erstes & letztes Mal 09 First & Last time 09 Primera y última vez 09 Primeira e última vez 09 第一次和最后一次 09

Nous avons tous et toutes des premières et des dernières fois, et pour beaucoup le cheminement

entre les deux est une véritable aventure.

J'ai décidé de rencontrer des inconnus, ou presque inconnus, de partager avec elles

et eux ses confidences intimes, et de mesurer l'évolution de leurs désirs entre la première

et la dernière fois.

Patricia est une femme bisexuelle qui a essayé de se conformer à la norme.

Elle s'est mariée avec un homme qu'elle avait rencontré au lycée, a eu des enfants

de lui.

Et puis, tout a explosé.

Patricia s'est découverte, elle est tombée amoureuse, s'est battue pour sa liberté.

Aujourd'hui, elle a 41 ans, elle est photographe, célibataire.

Bonjour Patricia.

Salut.

Je vais commencer par la question rituelle, on se vouvoie ou on se tutoie ?

On se tutoie.

Est-ce que tu te rappelles de ta première fois ?

Je m'en rappelle, pas comme si c'était hier, parce que c'était pas hier, j'avais

17 ans, et c'était un amour de vacances.

J'étais à la campagne, dans le fin fond de la France, là où il n'y a rien, et

mes parents avaient acheté une maison depuis quelques années, donc je m'étais fait

des potes dans le coin.

Et il y avait ce gars, un Emmanuel, qui était un peu rockeur dans l'âme, il portait des

perfectos, et j'adorais ça.

On les connaît ceux-là, c'est toujours efficace.

Et puis, on s'est draguillé, bon je savais pas draguer à cet âge-là, je sais toujours

pas draguer aujourd'hui d'ailleurs.

Mais je sais pas comment on a réussi vraiment à se rapprocher, mais je me rappelle surtout

de cette première fois, où, complètement flippée, il m'avait invité à passer chez

lui, je savais que j'allais passer à la casserole.

Je m'étais un peu pomponné, et en fait, j'étais complètement flippée, parce que

je savais pas comment ça allait se passer, j'avais toutes ces idées reçues de « tu

vas peut-être saigner, est-ce que je vais saigner ? Est-ce que je vais avoir mal ? »

Enfin bon, bref, toutes ces questions qui se...

Donc vous savez pas si c'était sa première fois lui aussi ou pas ?

Voilà, bien entendu, je lui avais pas posé la question.

Lui, il savait pas non plus si c'était ma première fois, mais je pense qu'il s'en

est très très vite rendu compte.

Parce qu'en fait, ma particularité ce soir-là, c'est que j'étais tellement crispée que

je l'ai chopée avec mes jambes, entre mes cuisses, et puis il pouvait plus bouger le

pauvre garçon.

Donc on a fait ça tant bien que mal, et puis je me souviens surtout de son visage un peu...

Pas apeuré ni désespéré, mais un peu embêté parce qu'il essayait de se défaire.

Et moi, j'étais tellement crispée que je restais là comme ça.

Et puis finalement, bon, il s'est rien passé de bien palpitant.

J'ai rien ressenti.

Lui, je sais pas, je lui ai pas posé la question.

Et puis je suis rentrée chez moi en me disant « bon, bah ok, c'était ça.

Ça m'a pas marquée tant que ça.

Alors, pas en malheureusement, pas en bien non plus.

Je veux pas dire malheureusement, c'était comme ça.

Le truc était fait.

C'était pas non plus un but.

Et tu l'avais réfléchi avant ?

Absolument pas.

C'était pas un truc que t'avais dans ta tête, tu l'attendais ?

Alors, je me rappelle pas l'avoir attendu comme le Messie.

Non, non.

Je savais que ça allait venir.

J'avais 17 ans, donc je me suis dit « bon, c'est pour bientôt ». Mais j'étais super

coincée.

Donc le premier bisou, c'était à 15 ans dans une boum.

Il s'était rien passé entre temps.

J'avais compris que le type était partant.

Je lui avais laissé comprendre que je l'étais aussi, forcément.

Et puis le truc s'est passé un peu… C'était un peu banal.

Mais tu savais ce qui devait se passer quand même ? T'avais une théorie ?

Non, pas du tout.

À part des bisous, des caresses et puis bam, faut y aller.

C'est pas moi qui ai mené la danse, forcément.

Donc je l'ai laissé faire.

Mais je me rappelle que c'était plutôt court.

C'était que la pénétration ?

Il n'y a pas eu de préliminaire ?

Ça ne m'a pas marqué.

Je pense qu'il n'y en a pas eu beaucoup.

Et puis du coup, ça ne t'a pas détendue ?

Pas du tout.

J'étais tellement crispée que le pauvre type, je l'ai enfermé entre mes genoux

et je ne le lâchais même plus.

Il a dû me dire « c'est bon, tu te détends, il faut que je m'en aille ».

Le pauvre ?

Le pauvre, toi surtout, parce que du coup, malgré tout, il était jeune et il expérimentait

aussi.

Il t'avait besoin d'être rassurée.

Oui, il en avait pas parlé.

Je ne lui avais pas parlé de mes précédentes fois qui n'existaient pas finalement.

Je n'osais pas lui dire que je ne l'avais pas fait avant.

Mais après, je pense que ça devait se voir comme le nez au milieu du visage.

Donc, ce n'était pas un souci.

Mais ce n'était pas un amour de vacances ?

Il n'y avait pas de sentiments ?

Oh non, c'était plutôt le gars qu'on admire parce que c'est le rockeur et que

j'ai toujours bien aimé les mecs un peu comme ça, un peu à part, qui ne se fondaient

pas dans la masse et qui ne rentraient pas forcément dans le moule.

Même encore aujourd'hui, je suis restée avec ces petites préférences-là comme ça.

Ça s'est passé comment après ? Il est reparti un peu ?

Après, on s'est revu.

Je crois que ça devait être pendant ses vacances.

J'ai un vague souvenir de peut-être l'année suivante.

On s'est revu.

On a réessayé de coucher ensemble une fois ou deux.

Mais je pense sincèrement que ça devait être le même été parce que très vite,

on s'est perdu de vue.

Moi, je suis revenue dans cette campagne régulièrement pour passer des vacances.

Mais le type, je ne l'ai pas recroisé.

Je n'en étais même pas triste parce que de toute manière, je savais que c'était

le temps des vacances.

Moi, j'habitais à Paris.

On était à 250 bornes de Paris.

Et cet été-là, après, vous étiez officiellement couple ?

Même pas.

Non, non.

C'était rien.

Il a été utilisé.

En dehors de cette Emmanuelle, est-ce que tu as senti que ça avait changé quelque chose

dans toi ?

C'est-à-dire le fait d'avoir été nue devant quelqu'un ?

Est-ce que tu as été nue d'ailleurs ?

Tu ne m'as pas dit.

Oui, j'ai été nue.

Mais non, ça n'a rien changé.

Je ne me suis pas sentie transformée, métamorphosée, devenue femme parce que je me suis sentie

devenir femme presque 20 ans après.

Pendant très, très longtemps, je ne me sentais pas femme du tout.

Parce qu'après, ça n'a rien débloqué.

Il y a eu d'autres histoires après.

Il y a eu des histoires dans ce même pâtelin de vacances, dont une histoire franchement

pas classe, même un peu traumatisante, qui, elle, m'a changée.

Pour le coup, pendant cette période-là, oui, très, très mal vécue.

Mais cette première fois, non.

En soi, ça n'a rien changé chez moi.

C'était un petit plus que j'avais avec un gars avec qui je sortais brièvement pendant

les vacances.

Et puis, c'est tout.

Et tu ne t'es pas dit, alors ça s'est passé comme ça et peut-être que du coup, ça peut

être mieux.

Ou peut-être que...

Ou est-ce que tu t'es retrouvée résignée par rapport à cette situation en disant...

Pas du tout.

Mais en fait, le truc était fait.

Je me suis dit, bon, il y en aura d'autres.

Ce sera certainement différent.

Mais moi, j'ignorais si j'allais m'en sortir mieux.

Et j'avais peur de ne pas savoir pendant longtemps.

Tu avais peur d'être stressée à nouveau, comme tu avais été stressée la première

fois.

Parce que finalement, le corps d'un homme, c'était super nouveau.

Et tu te souviens de détails de son corps, justement, de choses sur lesquelles tu t'étais

fixée ou pas du tout ?

Alors, je crois que le gars était tatoué.

Et ça, j'aimais bien.

Mais après, c'était un gars un peu plus grand que moi à l'époque.

Mes grichons n'étaient pas à stock.

Il ne faisait pas de la muscu ni quoi que ce soit.

Plutôt fluet.

Mais je me suis toujours attachée au visage des gens, jamais à leur corps finalement.

Et comme dirait des amis à moi aujourd'hui, je suis toujours sortie avec des jambes pas

forcément beaux.

C'était sa tronche.

En fait, il avait une gueule.

J'aime bien les gens qui ont des gueules.

Est-ce que le fait de le voir nu, ou de le voir partiellement nu, ça a éveillé du

désir chez toi ? Est-ce que tu te souviens que tu as eu du désir ?

Non, je n'ai pas eu de désir.

Je n'ai pas eu de désir à ce moment-là.

C'était, à mon avis, la partie de jambes en l'air de curiosité.

Parce que j'étais curieuse.

Je voulais savoir ce que c'était.

En revanche, c'était beaucoup trop nouveau et beaucoup trop stressant pour qu'il y ait

du désir.

Et du plaisir, forcément.

Aucun plaisir ?

Non, rien du tout.

Est-ce que tu te masturbait avant ?

Alors, ça a commencé à l'école primaire.

Très tôt.

Comme beaucoup de petites filles en vrai.

C'est juste qu'on n'en parle jamais.

Non, on n'en parle pas.

Et puis moi, pendant très longtemps, je me suis dit « c'est pas normal ».

Et puis parfois, ça arrivait à la piscine.

À la piscine, quand je nageais.

Je ne faisais rien de moi-même.

Mais ça arrivait très tôt.

Tu savais quand même que tu pouvais avoir du plaisir.

Oui, mais je ne savais pas ce que c'était.

Je ne savais pas d'où ça venait.

Ni comment ça marchait.

Ni comment ça marchait.

Donc, en fait, c'était arrivé un peu par hasard au tout début.

Du coup, je reproduisais cet événement-là.

Les circonstances.

Voilà, ce plaisir-là.

Quand j'étais petite, c'est comme ça que ça se passait.

Et après, adolescente, c'était toi qui le faisais sur ton corps ?

Non, après, ça a été moi qui le faisais.

Mais très tardivement, je me suis dit que je pouvais utiliser mon corps à moi,

mes mains, pour avoir le même plaisir.

Mais c'est venu très tardivement.

Pendant très longtemps, j'utilisais des objets extérieurs.

Il y a des gens qui continuent en plus à utiliser des objets extérieurs.

Ça marche très bien aussi.

Je sais qu'ils ont parlé beaucoup des peluches,

de l'utilisation des peluches.

C'est normal.

C'est l'apprentissage aussi.

Est-ce que tu as fait le rapport dans ta tête

entre le plaisir que tu avais toute seule,

que tu avais expérimenté,

développé avec les années,

et ce rapport sexuel-là ?

Est-ce que pour toi, c'était deux choses qui étaient liées

ou est-ce que pas du tout ?

Et en fait, tu t'es dit,

cette partie qui est très intime, qui est la mienne,

et l'autre truc avec les hommes, qui est autre chose.

Alors en fait,

je pense que pendant très longtemps,

je ne faisais pas le lien.

Parce que ce plaisir-là que j'avais toute seule,

c'était basiquement un plaisir clitoridien.

Et les mecs que je voyais,

avec qui j'avais des rapports un peu plus tard,

c'était principalement axé sur la pénétration.

Et les gars se foutaient totalement de savoir

si tu pouvais avoir du plaisir autrement.

Donc, ils ne s'intéressaient à rien.

Donc, pour moi, pendant longtemps,

c'était moi toute seule, je m'amuse.

Avec un gars, j'essaye de voir un peu ce que ça donne.

Mais par pénétration, il ne se passait rien.

Jamais.

Pas de douleur par contre, mais rien ?

Non, pas de douleur.

Parce que du coup, ce truc des jambes qui se resserrent,

il y a aussi certaines femmes,

ça peut être aussi le tout qui se resserre et de source de douleur.

Oui, non, là, c'était juste le stress du moment.

Mais j'ai été contente, un peu soulagée d'ailleurs,

de voir que un, j'avais pas eu mal,

deux, j'avais pas saigné.

Enfin bon, c'est...

C'était déjà ça.

Ouais, c'était déjà ça.

Ça te gagnait.

Exactement.

Est-ce que tu te souviens comment tu t'étais habillée ?

Parce que tu disais que tu t'étais préparée, pomponnée.

Alors ouais, mais pomponnée dans le sens...

Je suis passée à la douche,

je me suis lavée au Karcher pendant trois heures.

Histoire de dire, bon, je vais sentir bon de partout.

Il y a une angoisse du fait de pas sentir bon.

Ah ouais, moi, ouais.

Franchement, je me suis dit, non, mais non, quand même,

je vais enlever ma culotte, quoi.

Enfin...

Donc...

Mais non, alors là, la tenue vestimentaire,

je m'en rappelle pas du tout.

Mais alors...

Et puis à l'époque, j'étais...

J'ai été très, très longtemps garçon manqué,

donc j'étais certainement jean basket, quoi.

Enfin...

Parce que c'est pas grave.

Si en plus, ça l'excitait, c'est cool aussi, mais...

Après, effectivement, je...

Franchement, à cette époque-là et pendant très, très, très longtemps,

jusqu'à il y a peu de temps,

j'ai jamais été très féminine.

Les talons, j'en mets depuis très peu de temps.

Et j'ai commencé à mettre des robes, des jupes

quand j'ai arrêté de travailler à l'extérieur

dans un métier en plus qui était très masculin.

Donc...

Non, non, à l'époque, c'était jean basket, rien d'autre.

Et ça l'a été pendant un sacré bout de temps.

Est-ce que tu te rappelles avoir eu peur ?

C'est-à-dire même avant,

quand tu te prenais ta douche et que tout, tu te disais...

Donc du coup, tu disais, j'ai pris une douche

et j'ai forcé sur la douche parce que j'avais pas envie de sentir

particulièrement d'un endroit.

Est-ce que tu te rappelles quand même d'avoir eu peur ?

C'est-à-dire de dire, je sais vraiment pas ce qui va se passer.

Potentiellement, tout le monde le fait, mais...

Ah ben bien sûr, oui, oui.

Il y avait plus de l'impatience, genre...

Comme quand tu vas au cinéma, que tu vas voir un super film, tu vois ?

Genre, ah super, on va aller au cinéma, on va voir un film.

Là, c'était un peu...

Super, ce sera ma première fois.

Mais finalement, ouais, j'avais plus peur de ma propre hôté à moi

que de la manière dont ça allait se passer.

Bizarrement, c'est vrai que c'est le truc qui me revient.

C'est le truc qui reste en tête.

C'est cette envie d'être vraiment nickel, quoi.

Et lui, il était vraiment nickel ?

Il était, oui, il était nickel.

En tout cas, il n'y a rien qui m'a choquée.

En revanche, je pense que c'est un truc...

Voilà, faut être nickel.

Ça s'est resté.

Voilà, c'est resté.

On va faire un petit jeu.

C'est basé sur le jeu Je n'ai jamais,

qui est vraiment un jeu typique du jeu à boire,

c'est-à-dire que quelqu'un dit une phrase et qui est Je n'ai jamais quelque chose.

Et si quelqu'un l'a fait, il est obligé de boire une gorgée d'un alcool.

Donc nous n'avons pas d'alcool.

Par contre, si ça donne lieu à quelques petites anecdotes, c'est bien aussi.

Ou juste, voilà, on voit ce que ça fait venir en toi.

J'ai déjà sodomisé un ou une de mes partenaires ?

Non, alors on me l'a demandé et j'ai toujours eu peur de faire mal.

Et j'ai vu des femmes le faire.

Forcément, j'ai vu des hommes le faire aussi.

Et la première chose à laquelle j'ai pensé, c'était la douleur.

Donc, je voulais surtout pas faire mal.

Parce que tu savais que ça faisait mal et que ça pouvait faire mal.

Et du coup, tu t'es dit je ne veux pas reproduire ça.

Oui, j'ai pas envie de faire.

J'ai pas envie de faire mal à quelqu'un.

Pour moi, c'est pas...

Quand on s'amuse, on se fait pas mal.

Tu peux faire mal par accident.

OK, mais non, j'avais pas envie de faire mal à l'autre.

Donc, on me l'a proposé plusieurs fois et à chaque fois, j'ai dit non.

J'ai déjà éjaculé.

Oui, et c'était un peu la panique.

Parce que j'étais tombée sur un type qui disait que c'était sa spécialité.

Il avait quand même un rapport un peu bizarre à la sexualité,

ce qui fait qu'en fait, il restait toujours habillé, ce monsieur.

Donc, moi, j'attendais qu'il se mette nu

et ça n'arrivait jamais.

Alors voilà, sa spécialité, c'était ça.

C'était pas très agréable.

La première fois, je me rappelle, j'ai même eu mal.

Mais genre pendant 48 heures après.

Et le type, je lui ai envoyé un message.

Je lui ai dit écoute, mec, c'est quoi ce délire ?

48 heures après, j'ai mal.

Et le type me dit non, c'est normal, t'inquiète, t'inquiète, c'est normal.

Bon, j'ai très vite compris après que c'était pas du tout normal.

Voilà, il n'y a pas si longtemps, je sais pas, il y a peut-être quelques années,

trois, quatre ans, ça m'est arrivé une première fois et j'ai compris le principe.

Parce qu'avant, c'était un mystère, ce phénomène.

C'est comme tout, ça s'apprend.

Ouais, voilà, voilà, voilà.

Mais la première fois, j'ai appris à le faire aux autres aussi.

Donc, c'était marrant.

J'ai déjà eu des soucis avec du matériel en matériel.

Ça peut être capote, dildo, plein de choses.

La capote qui craque.

Ça, c'est ça m'est arrivé.

Le matériel sans pile, non.

Mais j'ai vite laissé tomber les objets comme ça.

Mais oui, la capote qui craque et l'énorme flip où tu te regardes

dans les yeux, l'un dans l'oeil de l'autre.

Et là, le mec lit ta panique parce que moi, ce jour là, j'étais paniquée

et j'ai compris en le regardant qu'il n'y avait pas de panique à avoir.

Bon, moi, j'ai filé à la salle de bain.

J'ai pris ma pilule du lendemain parce que c'était vraiment pas le bon moment.

Enfin, la panique, la grosse panique.

Donc, tu as pris la pilule du lendemain en urgence.

Est ce qu'après, tu as quand même été faire un test ?

Alors, pas le lendemain, mais effectivement, c'est la première chose

à laquelle j'ai pensé quand je suis allée chez ma gynéco la fois suivante.

Et comme j'ai eu à subir une intervention chirurgicale,

du coup, très rapidement après en plus cette histoire,

j'étais soulagée de savoir qu'il n'y avait rien.

Mais bien sûr, c'est le flip, c'était de savoir ça, quoi.

Forcément, j'ai déjà pensé à ma liste de courses pendant le sexe.

Mon Dieu, plein de fois.

Pendant un certain nombre d'années, malheureusement,

je regardais le plafond.

Je pouvais, je pouvais te dire le nombre de fissures

qu'il y avait dans la peinture.

Ça arrive malheureusement trop souvent.

J'ai déjà pensé à quelqu'un d'autre pendant le sexe.

Alors oui, ça m'est arrivé à un moment assez important de ma vie

où, en fait, la première fois où j'ai eu vraiment envie de quelqu'un.

Et après toute cette période de mariage, tout ça.

On y reviendra.

Oui, mais ça m'est arrivé.

Et pas de célébrité, de choses comme ça ?

Ah non, jamais.

Parce que c'est drôle.

Et pourtant Brad Pitt...

Mais oui, mais c'est une question qui évoque des choses.

Et les gens qui disent

« Ah non, jamais j'ai pensé à quelqu'un d'autre que je connais. »

Par contre, il y a des gens qui pensent direct à des stars.

Un proche, oui, mais à quelqu'un de connu, non.

Non, parce que pour moi, il fallait qu'il y ait quand même

une espèce de promiscuité, enfin pas de promiscuité, mais de réelle connivence.

Un truc palpable, quoi.

Ouais, voilà.

Un vrai désir.

Un truc qui me rappelle un truc.

Presque un peu partagé aussi.

C'est ça, voilà.

Ce bon Brad Pitt, le pauvre.

Oui, oui, bon.

Tout ce qu'il doit prendre sur le dos.

Il est trop occupé, quoi.

Je me suis déjà masturbée dans des endroits pas prévus pour.

Ah mais bien entendu.

Dans les piscines, du coup.

La douche de la piscine.

Ouais, dans des bureaux où je bossais aussi.

Les deux premiers qui me viennent en tête, c'est ça.

Voilà.

Non, mais c'est beaucoup plus couvant qu'on ne le croit.

J'ai régulièrement des femmes qui me disent au bureau pour évacuer le stress.

Ou c'est super.

Oui, pour évacuer le stress.

Alors, je ne sais pas.

Mais quand tu as un mec qui t'envoie plein de sextos, machin, et que tu n'en peux plus

et que tu peux rien faire.

Voilà, ça peut arriver.

Quand on n'est pas dans un open space, ça passe.

Très vite après ta première fois, tu as rencontré ton mari au lycée.

Alors, vous n'êtes pas marié au lycée, évidemment, mais c'est quand même celui

et resté celui avec qui tu t'es marié par la suite.

Comment ça s'est passé ?

Un peu comme l'histoire du rocker de la première fois.

C'était le mec aux cheveux longs de la classe.

Et après, juste avant lui, un été, il y a eu une histoire vraiment, vraiment pourrie.

Et du coup, il arrivait un peu comme le chevalier blanc, le mec gentil.

Je me foutais qu'il ait redoublé.

Mais il se retrouvait dans ma classe.

Et puis, il avait une espèce de bagout.

Il en jetait.

Il était sympa, machin, tout ça.

Il avait les cheveux longs.

Ses cheveux longs.

Et puis, ça ne lui allait pas du tout d'ailleurs.

Et en fait, oui, le type était attentif, sympa.

Et l'histoire a duré.

Vous vous êtes marié quand ?

On s'est rencontré à 18 et je me suis mariée à 25.

25.

Je n'ai aucune mémoire.

Je ne sais pas.

Je ne sais pas.

Vous avez directement habité ensemble après le lycée pour les études ou pas du tout ?

Vous avez quand même été séparés.

Alors, on a été...

Disons que lui avait sa petite chambre de bonne dans l'immeuble de ses parents, tranquillou.

Et il est allé à la fac.

Sauf que moi, je n'ai pas du tout fait le même genre d'études.

Je ne suis jamais allée à la fac.

J'ai fait des écoles spécialisées.

J'ai repassé un deuxième bac, tout ça.

Donc, en fait, on a vraiment vécu ensemble quand moi, j'ai commencé à avoir un salaire

et que j'ai travaillé à l'université.

Et puis, il y a eu un moment où je me suis dit, je vais aller à l'université.

Donc, on est sortis ensemble assez longtemps et moi, je continue à vivre chez mes parents

et lui dans sa chambre de bonne.

Ça ne nous empêchait pas de nous voir, tout ça.

Mais on a vraiment habité ensemble quand on pouvait, quand on pouvait l'assumer tous

les deux.

Et vous avez...

Est-ce que tu as le sentiment que ces années-là, passer avec lui, donc pas habiter ensemble,

mais ta sexualité s'est développée ou toujours pas ?

Absolument pas.

Absolument pas.

Surtout qu'il y a eu une période où il m'a quitté pendant un an parce que je correspondais

à un autre.

Je ne correspondais pas à ses attentes à ce niveau-là.

J'avais beaucoup moins envie de lui que lui n'avait envie de moi.

Et du coup, on n'était pas en phase du tout là-dessus.

Mais pendant...

On est restés ensemble 14 ans et pendant 14 ans, il ne s'est rien passé de mon côté.

Il n'y a pas eu de déclic, d'éveil, ni quoi que ce soit.

Il n'y a pas eu de moment lune de miel, de moment...

Il y a eu une super lune de miel.

On est partis en voyage super loin.

C'était magnifique.

Mais ça ne changeait pas grand-chose à l'intérieur de moi.

J'étais très heureuse quand il m'a demandé en mariage, super émue parce que ça ancrait

une espèce d'amour profond que j'avais pour lui.

Mais niveau cul, ce n'était pas du tout ça.

Tu n'avais pas de plaisir ?

J'en avais.

J'avais du plaisir, mais je n'avais jamais envie d'y aller.

Donc, c'était un peu comme quand on va à la piscine.

C'est toujours l'image que j'ai de ça.

Tu mets un pied dedans, tu te dis « Merde, elle est froide ».

Une fois que tu es dedans, l'eau est bonne.

Mais en revanche, je n'avais jamais envie.

Et comment ça se passait pour lancer le truc ?

C'est lui qui était un peu pressant ?

C'est toujours lui qui lançait.

Donc, c'était très compliqué pour lui.

Il s'est très vite posé des questions.

Il m'en a posé tous les jours.

Tous les jours, c'était « Pourquoi tu n'as pas envie ? »

Puis après, très rapidement, il y a un truc qui ne va pas avoir quelqu'un.

Je suis allée voir des gens sans même savoir ce qu'il fallait dire.

Un sexologue, d'ailleurs, ma gynéco est sexologue.

Donc, je suis allée voir ma gynéco.

Mais je ne savais pas trop quoi lui dire.

Je ne comprenais pas trop que c'était le manque d'envie.

Moi, je vivais mon truc tranquillou.

C'était mon meilleur pote.

J'ai surtout vécu avec mon meilleur ami.

On a fait des enfants, ce n'était pas le sujet.

Mais je n'avais pas cette envie qui l'attendait de moi.

Et les médecins ont répondu quoi à l'époque ?

On était tous à côté de la blague.

Parce que je présentais le problème de la mauvaise manière.

Je suis arrivée chez ma gynéco en lui disant

« Mon mec trouve que je n'ai pas de fantasme, il trouve que ce n'est pas normal. »

Elle suggérait qu'il vienne avec moi,

qu'on parle peut-être de mettre en place des petits jeux, des machins

pour égayer un peu tout ça.

Sauf que lui, il refusait de venir avec moi

parce qu'il estimait que c'était moi qui avait un problème et pas lui.

Je restais en fait toute seule avec mon problème.

Ça n'a jamais été un truc que vous avez lancé tous les deux ?

Jamais.

Lui me suggérait d'aller voir des gens et me faire soigner.

Au début, c'est quand même un peu fort de café.

Et en même temps, je ne trouvais pas la réponse.

Après la sexologue, je suis allée voir un psy.

« Mais le psy, qu'est-ce que tu veux que je lui raconte ? »

Je ne savais pas.

Il m'a même fait des remarques.

« Vous ne parlez pas, vous ne parlez pas. »

En fait, j'étais perdue dans tout ça.

J'étais vraiment perdue.

Et en même temps, plus les années passaient,

je me disais « j'ai un problème. »

J'imagine que quand on a un enfant, on est occupé par d'autres choses aussi.

Pour l'avoir, tout ça a été lié.

Je n'ai pas attendu si longtemps que ça.

Mais pendant l'année où on a attendu qu'elle arrive,

je me disais « ça ne marche pas, mon corps n'est pas fait pour ça. »

Je me suis dit « j'ai toujours été garçon manqué, là je n'ai pas envie,

il me le fait remarquer, je n'arrive pas à avoir d'enfant,

mon corps ne fonctionne pas. »

Je suis restée avec l'idée que je ne fonctionnais pas.

Et tu te forçais à chaque fois ?

Comme vous avez essayé d'avoir un enfant, c'était un jour fixe.

Disons que je pouvais compter sur lui pour me demander tous les 48 heures.

Oui, assez souvent.

Tous les deux jours, j'y passais parce qu'il avait envie,

ce que je pouvais comprendre.

Mais moi, je me forçais un peu.

Et puis un jour, tu découvres le désir.

Je découvre le désir après avoir arrêté cette fameuse pilule

qui, moi, je la mets vraiment en cause dans cette absence totale de libido.

Parce que quand j'ai arrêté la pilule,

il a fallu que tout se remette un peu en marche, je suppose.

J'ai eu ma fille et j'ai repris une autre pilule derrière.

Pas la même.

Mais en même temps, c'était ça aussi, cette idée de...

Je ne savais rien à rien.

Donc, il a fallu que je prenne la pilule.

J'ai pris la pilule, j'ai arrêté pour avoir un enfant,

j'ai eu mon enfant.

Et puis, en fait, entre les deux, le corps a commencé à se réveiller.

Et quand j'ai complètement arrêté la pilule pour avoir notre deuxième enfant,

c'est là que tout a basculé.

Et tu as rencontré quelqu'un.

Tu as rencontré Étienne, avec qui tu travaillais.

Et c'est lancé une histoire qui a largement dépassé tes espérances.

Parce que du coup, le réveil du désir qui a vraiment changé ta vie personnelle.

Je veux dire, même ce que tu pensais de toi.

Ça a tout changé.

Et puis, une histoire d'amour, en fait.

En fait, ça a été la découverte du désir, de mon corps aussi,

par la même occasion.

Et ça a chamboulé tout.

Ça a été la révolution.

Ça a tout foutu en l'air aussi.

Parce que, bien sûr, c'était une histoire hyper dure à vivre

et je ne pouvais pas garder ça pour moi.

Donc, bon, il a fallu qu'il le découvre.

Il l'a découvert.

Et puis après, tout est parti en couille.

Il est devenu violent, psychologiquement et physiquement.

Il va jusqu'à t'enfermer à la maison.

Et puis, tu trouves le courage de t'enfuir.

Oui, quand il y a eu cette goutte qui a fait déborder le vase.

Et le vase a très vite débordé parce que je ne voulais pas...

Je sentais qu'à partir de ce moment-là, il y avait quelque chose de brisé.

Moi qui voulais de toute manière me servir presque de cette incartade pour...

Te libérer de tout ça.

Pas forcément te libérer, mais pour régler nos problèmes à nous deux dans le couple.

Je me suis dit que je vais rester là, dans mon couple.

Je vais continuer ma petite vie de famille.

Et puis, il y a quelque chose qui s'est passé.

Et on va régler notre problème à nous.

Sauf qu'on n'a pas pu faire machine arrière.

Ce n'était pas possible.

Parce que quand tu as découvert le désir, ça ne t'a pas réveillé ton désir avec ton mari.

C'était juste le désir avec quelqu'un d'autre.

Voilà.

Ça a aussi, au bout de beaucoup d'années, répondu à cette fameuse question.

Chéri, pourquoi tu n'as pas envie ?

Et j'ai un jour...

Parce que je me suis posé la question je ne sais pas combien de milliards de fois.

Et un jour, je me suis dit que c'est très simple.

Je n'ai pas envie parce qu'il ne me donne pas envie.

Et un jour, il a fallu que je lui dise.

Je comprends tout à fait que c'est quelque chose qu'un homme a beaucoup de mal à entendre.

Certainement.

Et même pour une femme, je pense que c'est la même chose.

Quand son mari lui dit « je n'ai pas envie de toi chéri », ça fait mal.

Après, il a eu 14 ans pour se préparer à cette idée.

Du coup, ça n'a pas été caché beaucoup.

Oui, mais franchement, je pense que je me suis voilée la face très très longtemps.

Et j'ai fini par me dire que c'est quelque chose chez moi qui n'allait pas.

Mais finalement, c'était très basique.

Je pense qu'après, il y a un truc aussi.

Il y a une désinformation totale.

Les médecins peuvent pas répondre à ce truc.

Le mari envoie des signaux qui sont inverses.

Je ne vois pas comment on peut...

Oui, mais en fait, dans cette histoire, personne ne m'a aidée.

Je ne cherchais pas forcément de l'aide.

Je ne dis pas que les autres sont fautifs.

Mais effectivement, je n'ai eu d'aide extérieure de nulle part.

Donc, j'ai découvert par moi-même que je pouvais avoir envie de quelqu'un.

Que je n'avais toujours pas envie de lui.

Et quand il y avait du désir, il y avait plus de plaisir aussi ?

Ça a changé quelque chose sur cette donnée-là ?

Avec qui ?

Avec Étienne.

Celui qui est désirable.

Oui, avec celui qui était désirable, j'avais du plaisir.

En plus, je veux dire, il y a vraiment eu une révolution.

En fait, j'en avais tout simplement.

Enfin, j'en avais.

Disons, oui, effectivement, j'en avais.

Avec mon mari, c'était mécanique, tout ça.

Mais avec Étienne, j'avais vraiment envie.

Et tout était différent.

Les échanges, l'envie de chacun.

Et c'était une espèce de fusion complètement folle.

Qui fait complètement tourner la tête quand tu t'y attends pas.

Est-ce que ça a changé quelque chose qu'à ce moment-là,

spécifiquement, tu étais enceinte, après tu avais un enfant,

c'était un bébé, ça a dû être compliqué.

D'avoir cette espèce de rush d'hormones

au moment où en plus on est très peu disponible physiquement.

Oui, surtout que le truc est arrivé au tout début de la grossesse.

Et moi, je l'ignorais encore.

Donc quand je l'ai su, ça a été la grosse panique.

De qui il est ?

Oui, c'est ça.

Tout simplement.

Après, très rapidement, je savais de qui il était.

Mais il y a eu un enchaînement de merde.

Toute la grossesse a été horrible.

L'accouchement, pire que tout.

Et finalement, quand il l'a su, j'avais déjà accouché.

Je suis restée longtemps avec ce truc horrible.

Et je n'arrivais pas à me regarder dans la glace.

Et il l'a su après l'accouchement.

Et après tout ça, j'ai décidé vite de partir.

Parce que je savais qu'on ne pourrait pas

recoller les morceaux.

Et il me faisait atrocement peur.

Donc par trouille, je me suis enfui.

Il y a eu une histoire avec Étienne.

Qui, tu as vite avoué, s'est schizophrénie.

Qui ne prenait pas trop ses médicaments.

Parce que ça lui faisait des effets qu'il n'aimait pas.

Vous avez enchaîné les ruptures.

Parce que j'imagine que ça ne devait pas être simple.

Et puis, au moment où tu décides de passer à autre chose.

Avec un autre homme.

Et de reconstruire de manière stable.

Il décède.

Une histoire qui tombe comme ça.

Sans qu'on le voit venir.

Il se fait voler sa moto.

Il essaie d'aller au commissariat pour porter plainte.

Il traverse un pont.

Il enjambe une barrière qui surplombe une nationale.

Il saute et il atterrit au milieu du flot de voiture.

T'en es où à ce moment là ?

Après ce drame là.

Qui suit le traumatisme du divorce.

Comment tu te reconstruis ?

Difficilement.

Oui, j'imagine.

Disons que là,

le premier truc que j'ai vu venir.

Et je me félicite de ne pas être tombée dedans.

C'était la culpabilité.

Parce qu'effectivement,

il venait, il repartait.

La relation ne tenait pas.

Il avait des moments de paranoïa.

Où forcément, j'étais celle qui trompait.

Ça n'allait pas.

Et puis, effectivement,

quand il s'est suicidé.

On venait de rompre quelques semaines avant.

Enfin, quelques semaines.

Assez tôt ou assez tard.

Je ne sais plus.

Pour que j'ai le temps de rencontrer quelqu'un.

Et que je me dise, c'est super.

C'est une occasion pour vraiment terminer ce truc.

Et lui ne l'a pas supporté.

Comme c'est arrivé très vite après.

Je me suis dit, non, c'est pas de ma faute.

Il était malade.

Et déjà, j'ai mis ça de côté.

Je ne me sentais pas coupable de ça.

Mais effectivement,

c'était beaucoup trop.

C'était beaucoup trop pour moi.

Supporter tout ça.

Avoir fait le choix de changer de vie.

Parce que ma vie d'avant

ne me convenait pas.

Et aller tous nous pourrir.

Plus ça.

Ça a été dur plusieurs années.

On va faire une deuxième pause.

Je t'ai demandé de réfléchir

sur les oeuvres qui marquaient

ton imaginaire sexuel.

Quel était le livre qui t'excitait ?

Il y en a un qui

doit être très corné

bien abîmé aujourd'hui.

Avec lequel j'avais

une certaine culpabilité.

C'était American Psycho.

Il y a certaines scènes de cul dedans.

Je ne parle pas des scènes de cul.

Je m'arrêtais toujours avant.

Les tortures, tout ça.

Mais ces scènes-là étaient tellement explicites

que je ne pouvais pas résister à ça.

Ça a été mon livre de chevet pendant un certain temps.

Moi aussi, j'ai jamais eu de...

Je pense que c'était

un peu pareil.

Mais j'avais un peu honte.

Je suis d'accord.

Le coup du ras, machin, tout ça.

Non, non, c'était pas ça.

Mais c'était tout ce qu'il y avait avant.

Il écrit bien, Brett Easton Ellis.

C'est ça.

Le film qui me fait vibrer ?

Il y en a un très récemment qui m'a

complètement retourné le cerveau.

C'était Call Me By Your Name.

Habituellement, je fais l'inverse.

C'est pas tout aussi beau, mais le film !

Ce film !

Il est très récent.

Je l'ai découvert un peu tardivement.

Finalement, il est quoi de l'année dernière ?

2018, peut-être ?

Bref, j'ai adoré.

Complètement fan de cette histoire d'amour.

Mais moi, aujourd'hui, je suis totalement amoureuse

des preuves d'amour.

D'ailleurs,

c'est pour ça que j'en fais des photos aussi.

Mais je suis complètement folle de ça.

Des gens qui s'aiment, qui se le disent.

J'étais complètement

chamboulée par ce film-là.

C'est une sensualité folle en plus.

Complètement, oui.

C'est très fin d'été, c'est vraiment magnifique.

L'image qui me donne des frissons de plaisir ?

Comme tu es photographe, j'imagine que tu as des choses en tête.

C'est souvent les regards entre les amoureux.

C'est tout con,

mais quand je sens que des gens s'aiment

et se le montrent,

moi, je fonds complètement.

J'adore ça.

Et sentir le désir dans le regard des gens aussi.

Je suis très sensible au regard,

au jeu de regard.

Et quand je photographe des gens qui s'aiment

ou quand j'aime quelqu'un,

ce qui ne m'est pas arrivé depuis longtemps quand même,

je ne peux pas résister à ça.

La musique qui met le mieux dans l'ambiance ?

J'ai souvent demandé

à des gars,

j'ai envie que tu me fasses l'amour sur

Karma Koma de Tricky

ou Sticky, Morshiba, non, Massive Attack,

je ne sais plus qui.

La voix de Tricky,

ce genre de musique.

Ou aussi Fat Freddy's Drop.

La voix de ce gars,

alors là, je m'allonge tout de suite.

Encore aujourd'hui, ce genre ?

Oui, oui.

Mais Karma Koma, je pense que je pourrais faire l'amour là-dessus

pendant des siècles.

C'est un rythme magnifique en plus.

C'est les années 90 ?

Moi, c'est mieux.

Non, non, c'est pas ça.

Je me souviens avoir vraiment une période comme ça

dans mon adolescence où c'était une musique qui était hyper,

donc oui, je comprends tout à fait.

Mais ça change de Barry White.

Ah oui.

Le parfum qui réveille mes sens.

Il y a un parfum qui m'a beaucoup marqué,

porté à un gars avec qui j'étais sortie,

c'était Bleu de Chanel.

Je l'ai senti, je me rappelle,

une fois dans la rue,

un type portait ce parfum

et je marchais un peu comme un zombie,

la tête baissée, et puis tout d'un coup,

j'ai senti ce truc, j'ai levé la tête,

je me suis retournée.

Mais ce parfum m'a beaucoup marqué.

Et pourtant, je l'ai peu senti après

chez d'autres personnes,

mais j'en ai un souvenir hallucinant.

Donc ce parfum, portez ça les gars.

Alors j'ai une question,

au moment du drame,

du décès d'Étienne, du divorce,

et de ce moment où tu dois totalement te reconstruire

et où tu es quasiment une autre femme,

tu as quel âge ?

Deux ans, trente-trois, quelque chose comme ça.

Et tu restes avec cet homme

avec qui tu étais au moment du décès d'Étienne

ou pas du tout ? Ou c'était juste un homme de transition ?

Non, c'était un type de passage

et bon,

on s'est vite quittés.

Il s'est resté un très bon ami d'ailleurs,

mais on s'est vite quittés.

Qu'est-ce que tu fais à ce moment-là ?

Parce qu'il y a différentes stratégies

pour faire son deuil de tout,

c'est-à-dire qu'il y a le deuil aussi de ta vie d'avant.

T'as vu des gens, t'as essayé de t'expérimenter

sur toi ?

Au début, j'ai beaucoup pleuré,

mais sur le côté « je suis seule, c'est la panique,

qu'est-ce que je vais faire ? »

Ça t'as jamais été seule ?

Non, jamais.

Je suis passée de chez papa-maman à l'appart avec mon copain,

puis le mariage, blablabla, tout ça.

Donc ça a été surtout la grosse panique,

seule avec deux enfants, on fait comment ?

Et les copines m'ont poussée

à m'inscrire sur Mythique à l'époque,

je l'ai fait, j'ai essayé trois mois,

mais finalement, ce n'était pas un système qui me convenait beaucoup.

Je me suis dit « je vais me faire une rencontre, mais bon ».

Mais pendant très très longtemps,

je me plaignais intérieurement

d'être toujours seule.

Et en fait, le hasard a fait que

ça devait être encore sur Mythique peut-être,

j'ai rencontré un gars

qui lui sortait d'un milieu que je ne connaissais pas

du tout, tout ce qui était milieu libertin,

tout ça.

Et puis je suis sortie avec ce type une fois ou deux,

et en fait,

pas grâce à lui, parce que j'avais compris,

j'ai compris un peu plus tard

ce que j'aimais vraiment

et qui j'étais vraiment.

Mais ce type-là m'a ouvert une porte,

la porte d'une pièce que je ne connaissais pas.

Et ce milieu-là,

c'est un peu ouvert à moi.

J'y suis allée,

j'ai traîné dans des saunas libertins au début,

où j'emmenais des potes, parce qu'il faut quand même

être avec des gens que tu connais un peu.

Et puis après, dans d'autres sites

de rencontres,

j'ai rencontré des nanas qui étaient

encore dans ce milieu-là.

Et finalement,

je suis passée un peu naturellement dans une phase

où je me suis éclatée à faire ce que

j'avais jamais fait avant.

Tu as essayé des choses.

Voilà. Et donc je les ai suivies en soirée,

souvent soirée privée, machin, organisée par des gens

qu'elles connaissaient, moi que je ne connaissais pas.

J'arrivais habillée toujours comme une nonne

au milieu de nénettes à moitié à poil.

Et puis je me disais

mais qu'est-ce que je fous là ?

Et puis finalement,

j'ai découvert... Enfin, je n'ai pas découvert,

je me suis confirmée à moi-même

que j'adorais les femmes autant que les hommes

et que c'était cool enfin

de se le confirmer.

Parce que je le savais depuis très très longtemps.

Depuis petite.

Mais jamais j'avais eu l'occasion

ni d'en parler avec mon mari, ni quoi que ce soit,

parce que c'était trop honteux à l'époque.

Et puis je me suis lâchée à cette époque-là

en allant en soirée, tout ça.

Et en fait, en côtoyant tous ces gens

qui étaient complètement décomplexés,

qui se foutaient à poil

à tous les quatre coins de la pièce

et qui baisaient n'importe où, n'importe comment,

parfois avec n'importe qui,

je me suis dit

bon allez, le corps c'est quand même vachement beau.

Et finalement, le travail

photographique a un peu viré comme ça

dans le sujet du corps humain.

Donc moi,

je savais enfin tout ce que j'aimais.

Je savais ce que je n'aimais pas.

Je crois que je ne sais pas encore tout ce que j'aime,

mais je sais surtout ce que je n'aime pas.

Ce qui était déjà un énorme pas.

Quoi, si je peux demander ?

Ce que je n'aime pas, c'est tout ce qui est violence,

douleur, tous les trucs de domination,

machin, tout ça. Je trouve ça rigolo.

J'ai assisté à je ne sais pas combien de séances,

mais ça ne me dit rien.

Et puis finalement,

le partage d'un gars, c'est peut-être pas pour moi non plus.

Parce que dans ces soirées-là,

tout le monde me demandait

alors t'es libertine depuis combien de temps ?

J'adore cette question.

Et puis, non, je ne suis pas libertine.

Je suis là par hasard.

Je venais d'une espèce de milieu complètement classique.

Je suis là pour me marrer

et je ne me voyais pas du tout partager

un gars avec qui je sortais.

Après, j'ai compris que dans certaines circonstances,

avec certaines personnes, c'était certainement possible.

Mais je ne l'ai jamais vraiment testé.

Mais enfin,

je pouvais m'exprimer

avec mon corps comme je le voulais

et personne ne me faisait chier.

Et du coup,

je pouvais sortir de chez moi

et me dire que je vais à une soirée

et rencontrer peut-être un, deux, trois, quatre mecs.

Je vais rentrer chez moi.

Après, c'est vrai que le fait de rentrer chez soi toujours,

seule, sans dormir toute seule,

ça me replongeait un peu dans une espèce de déprime.

Mais en revanche, j'ai développé

ce travail photo

sur le corps humain,

les gestes d'affiction

que je ne trouvais pas vraiment en soirée accueille.

On ne va pas se mentir.

J'en ai fait une première expo

sur la beauté du corps en règle générale,

parce que je trouve ça super beau.

Et je suis tombée complètement amoureuse

de l'amour, des gestes d'affection entre les gens.

Quand je vois un couple qui se regarde

avec des yeux de Merlent Frie, je trouve ça super mignon.

Je pleure quand je regarde Pretty Woman.

Tu t'inclus là-dedans,

parce que tu parles des corps que tu trouves beaux

et du désir des autres et de ce qu'ils font.

Mais toi, tu t'inclus là-dedans, il y a ton désir, ton corps,

tu le trouves beau.

Il y a eu une période compliquée

où j'ai fait appel à un ami

pour me prendre en photo nue,

parce que je ne m'aimais pas du tout.

Et cet ami-là ne m'avait pas dit

qu'il n'avait jamais fait ça.

Donc la séance était un peu compliquée.

En fait, je n'ai jamais été nue dans cette séance.

Mais j'ai été topless

et je gardais un vieux jogging tout pourri

que j'attendais qu'il me dise d'enlever.

Il ne m'a jamais dit d'enlever mon pantalon.

J'étais mal à l'aise,

mais finalement, c'est un photographe génial, ce gars.

Et finalement, il a fait le taf que j'attendais.

J'ai eu un regard extérieur sur moi

que je n'avais jamais eu avant.

Et puis, en plus, surtout, quand toi,

tu prends des photos, personne ne te prend jamais en photo.

Bien sûr, c'est pour ça que je demande.

Et je garde un souvenir assez ému

de cette séance-là qui doit dater

d'il y a peut-être cinq ans, un truc comme ça.

Où, oui, je ne m'aimais pas.

Je me trouvais...

quelconque, toujours pas féminine.

Enfin bon...

Et finalement, je me suis dit, bon,

le gars a fait un bon taf.

Et puis, je me suis dit, oh, mon Dieu, merde !

Tu as aimé le regard qu'il portait sur toi ?

Oui, j'ai aimé le regard qu'il avait eu.

Et puis, j'ai eu envie, je crois,

de le montrer aux autres.

De montrer le regard que je pouvais avoir

sur leur couple, quand c'était des couples

qui me demandaient ces photos-là.

Ou des gens seuls.

Parfois, très souvent, je demandais à des amis...

Je ne leur disais pas, je te trouve beau,

j'ai envie de te prendre en photo.

Mais généralement, oui, c'est parce que je trouve les gens beaux

que j'ai envie de les prendre en photo.

C'est un travail très égoïste.

On dit toujours que le travail d'un photographe,

c'est un travail égoïste, c'est vrai.

Mais je le faisais parce que je trouve que les gens sont beaux

et j'ai envie de leur montrer à quel point je les trouve beaux.

Tu continues à traîner dans le milieu libertin

ou pas du tout ?

Plus du tout, parce que...

Oui, j'en ai eu besoin pour ces photos.

Pour voir un peu tout ce que je pouvais

en sortir visuellement.

Et finalement, avec le temps,

au début, je trouvais ça super drôle.

Après, j'ai trouvé ça utile.

Et après, j'ai trouvé ça pas très cool.

Et au moment où j'ai trouvé ça

pas très cool, je suis partie.

Parce que j'en avais marre

de ce format-là de sexualité,

de soirée

où tout doit être...

Tout doit rentrer dans des cases.

C'est-à-dire que...

C'était toujours avec le même organisateur,

que j'apprécie beaucoup, c'est pas le sujet.

Mais j'en avais marre de voir cette femme toujours dans la même position.

Elle doit être sur des talons,

elle doit être avec des portes-jartelles,

elle fait 40 degrés dehors.

Tout ça, j'en avais ras-le-cul.

Et j'étais toujours la seule qui râlait,

qui ne s'habillait pas comme il fallait.

Au début, quand je participais sans prendre de photos,

j'étais toujours pointée du doigt.

« Ah, moi, Patricia, elle fait jamais ça. »

Elle n'écoute jamais rien.

Et puis, après, j'en ai eu marre.

Et quand j'ai fait des photos, je venais en jean.

Sauf que je faisais tâche sur les photos

parce qu'il y avait d'autres photographes.

Donc, il ne fallait pas que je sois en jean.

Et tout ça, ça m'a gonflée.

Et puis, je sais que si un jour,

j'ai envie de me marrer,

je peux toujours aller à une soirée d'un pote.

Mais entre temps, j'ai rencontré d'autres personnes.

Et puis, en libérant la parole aussi

avec toutes ces années,

j'ai rencontré des gens qui, un peu comme moi,

aiment s'éclater comme ils l'entendent

avec qui ils veulent.

Et du coup, on finit finalement

par organiser des trucs entre nous

avec des gens qu'on connaît

et puis comme on a envie, surtout.

Tu ne t'es pas posée depuis avec quelqu'un ?

Tu es célibataire actuellement,

tu m'as dit que tu avais traversé une longue période de célibat.

Il n'y a pas eu de relation ?

Il y a eu des relations depuis 10 ans,

parce que je suis séparée depuis 10 ans maintenant.

Il y a eu des périodes où j'ai rencontré

des gars où je suis restée quelques mois,

voire quelques années.

Ça n'a pas excédé deux ans.

Mais non,

aujourd'hui,

je n'ai pas réussi à me poser avec quelqu'un.

J'aimerais parce que finalement,

je trouve ça cool de se marrer et tout ça.

Je sais aussi ce que je veux,

c'est-à-dire faire un bout de chemin avec quelqu'un,

mais pas forcément vivre sous le même toit,

ce n'est pas le sujet.

Mais avoir vraiment quelque chose à partager avec quelqu'un.

Dormir en tête à tête

avec ma rosace, mon mur au plafond,

ça me fait chier.

Il y a des moments où ça me fait chier,

mais la vie est comme ça.

Et puis je ne sais toujours pas draguer.

Ça, c'est un grand problème.

Ce n'est pas toujours nécessaire.

On va parler de ta dernière fois.

C'était pas une dernière fois en couple ?

C'était quand, cette dernière fois ?

Eh bien, c'était il y a quelques semaines maintenant.

Je ne sais pas, on va dire

un mois et demi, un truc comme ça.

Avec un de ces gars,

enfin,

un de ces gars,

c'est hyper péjoratif ce que je viens de dire.

Ça lui fera plaisir.

Non, un homme

que j'ai rencontré

sur des applis, parce qu'entre-temps, en disant

j'ai quand même testé des applis,

je n'ai pas eu de revenu parce que ça ne me convient toujours pas.

Mais j'ai rencontré ce garçon

il y a quelques temps, quelques années,

qui me ressemble,

qui aime bien partager son corps avec d'autres personnes.

Je ne vois pas

d'inconvénients à partir du moment où

les choses sont dites et clairement dites

et où il n'y a pas d'embrouille

ni d'arnaque.

C'est une sorte de sex-friend ?

Oui, voilà, c'est vrai, on appelle ça comme ça.

C'est vrai, je n'utilise jamais ce terme-là, mais c'est ça.

Et voilà, donc on se voit de temps en temps.

C'est toujours des moments super cools

partagés avec sincérité

et ça me va.

On ne se voit pas assez souvent quand même, mais c'est cool.

Il faut lui envoyer un message.

Je pense qu'on va se voir dans pas longtemps.

Est-ce que tu as pris du plaisir ?

Est-ce que par rapport à ta première fois, dont on a parlé

tout à l'heure, est-ce que tu ressens

vraiment le chemin parcouru ?

Alors, oui, je ressens le chemin parcouru

parce que maintenant,

je n'ai pas honte de ce que j'aime.

Au début, je n'osais pas montrer ce que j'aimais.

Déjà, tu aimes des trucs, ce qui n'était pas forcément évident au début.

Voilà, au début, je ne savais pas.

Pour moi, c'était...

Bon, un pénis dans un vagin,

basta, on s'arrêtait là.

Pour moi, la relation s'arrêtait là.

Mais maintenant, elle n'a plus de frontières.

Et aujourd'hui, oui,

c'est complètement différent.

En plus, avec cet homme-là, il est très attentif.

On prend toujours notre temps.

On prend notre pied toujours tous les deux.

Quel que soit l'ordre, on s'en fout,

ni comment, on s'en fiche.

Mais c'est assumé,

c'est dit.

Quand on n'aime pas un truc, on le dit.

Aujourd'hui, je dis ce que je n'aime pas

et je sais aussi montrer à l'autre

ce qui me fait du bien,

ce que je ne faisais jamais avant.

Aujourd'hui, j'ai une vie complètement différente.

Je dis souvent que je suis née deux fois,

mais franchement,

ma deuxième naissance, elle vaut le coup de l'avoir vécue.

Je pense qu'on peut conclure là-dessus

parce qu'au final, ce qui a vraiment changé dans ta vie sexuelle,

c'est la communication aussi.

L'autre existe, c'est pouvoir lui parler,

c'est pouvoir communiquer, être soi.

Ça me fait encore défaut aujourd'hui, la communication.

Mais ça vient.

J'ai fait un énorme pas là-dessus.

Mais oui,

c'était la communication et de s'assumer

et de savoir qui on est.

Merci à tous et à toutes et à très bientôt.