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Bram Stoker - Dracula, Part (8)

Part (8)

Je contemplai donc ces vastes et beaux espaces, éclairés par le paisible clair de lune, qui devint presque aussi lumineux que le jour. Dans cette douce lumière, les lointaines collines se confondaient, et les ombres des vallées et des gorges étaient d'un noir de velours. Cette beauté pure m'apaisa : chaque respiration m'apportait paix et réconfort. Tandis que j'étais penché à la fenêtre, mon regard fut attiré par un mouvement à l'étage du dessous, sur ma gauche, là où j'imaginais, d'après l'arrangement des pièces, que donnait la fenêtre de la chambre du Comte. La fenêtre où je me tenais était haute et profonde derrière ses meneaux de pierre, et même si elle était marquée par les assauts des intempéries, elle était encore en bon état, même si son encadrement était à l'évidence très ancien. Je me reculai, et regardai attentivement. Je vis le Comte qui passait la tête par la fenêtre. Je ne vis pas son visage, mais je reconnus sa nuque, son dos et sa façon de bouger les bras. En tout cas, je ne pouvais me tromper sur ses mains, que j'avais déjà eu tant d'occasions d'étudier. D'abord, je fus intéressé et même quelque peu amusé : il est étonnant de constater combien un homme peut s'amuser de peu de choses lorsqu'il est prisonnier. Mais mon sentiment se changea en répulsion et en terreur quand je vis l'homme sortir entièrement de la fenêtre et commencer à ramper le long du mur du château, au-dessus de ce terrible gouffre, la tête en bas, son manteau s'étalant de part et d'autre de lui tel deux grandes ailes. Au début je ne pus en croire mes yeux. Je pensais à un tour que me jouait la pleine lune, à un effet curieux des ombres, mais je continuai à regarder : il ne s'agissait pas d'une illusion. Je voyais les doigts et les orteils qui s'agrippaient au bord des pierres, que les années avaient débarrassées de leur mortier, et, profitant de chaque aspérité, il descendit très rapidement, comme un lézard le long d'un mur. Quelle sorte d'homme est-ce là, ou quelle sorte de créature sous l'apparence d'un homme ? La terreur que j'éprouve pour cet horrible endroit me paralyse, j'ai peur, affreusement peur – et je ne puis m'enfuir ; je suis environné d'horreurs auxquelles je n'ose pas songer… 15 mai Une fois de plus, j'ai vu le comte sortir à la manière d'un lézard. Il a descendu de biais une centaine de pieds vers la gauche, puis il a disparu dans quelque trou ou fenêtre. Quand sa tête eût disparu, je me penchai en avant pour essayer d'en voir plus, mais sans y parvenir : la distance était trop importante pour que je puisse avoir un bon angle de vue. Je savais qu'il avait quitté le château, et je pensais que c'était une bonne occasion d'explorer le lieu plus complètement que je n'avais osé le faire jusqu'ici. Je retournai dans ma chambre, pris une lampe, et essayai toutes les portes. Elles étaient toutes verrouillées, comme je m'y attendais, et je vis que toutes les serrures étaient relativement récentes. Je descendis l'escalier de pierre et gagnai le hall par lequel j'étais entré dans le château. Je vis que je pouvais facilement tirer les verrous et enlever les chaînes, mais la porte était fermée à clef, et la clef n'était pas dans la serrure ! Elle devait être dans la chambre du Comte. Je devrais guetter le moment où cette pièce ne serait pas fermée, afin de pouvoir m'emparer de la clef et m'enfuir. J'entrepris de faire un examen complet des divers escaliers et passages, et d'essayer toutes les portes qui s'y trouvaient. Une ou deux petites pièces à côté du hall d'entrée étaient ouvertes, mais il n'y avait rien à y voir à part de vieux meubles couverts de poussière et mangés par les mites. Enfin, je trouvai une porte en haut de l'escalier, qui semblait verrouillée, mais cédait un peu lorsque je la poussai. J'appuyai plus fort, et me rendis compte qu'elle n'était pas réellement fermée, et que la résistance venait du fait que les gonds s'étaient légèrement affaissés, et que la lourde porte reposait donc sur le sol. C'était là une opportunité que je risquais de ne pas rencontrer à nouveau : je m'employai donc à l'ouvrir, et après beaucoup d'efforts, je parvins à la pousser suffisamment pour pouvoir entrer. J'étais maintenant dans une aile du château qui se trouvait plus à droite que les pièces que je connaissais, et un étage plus bas. Je regardai par les fenêtres et pus me rendre compte que cette enfilade de pièces se trouvait dans la partie sud du château ; les fenêtres de la dernière pièce s'ouvrant à la fois sur l'ouest et sur le sud. Des deux côtés, elles donnaient sur un grand précipice. Le château était bâti sur le coin d'un gigantesque rocher, si bien que sur trois de ses côtés, il était quasiment imprenable. De grandes fenêtres se trouvaient là, que nulle fronde, nul arc, nulle couleuvrine ne pouvait atteindre ; cette partie du château était donc lumineuse et confortable, par rapport aux autres pièces qui devaient être mieux protégées. A l'ouest s'étendait une grande vallée, et au-delà, de grandes montagnes déchiquetées, les pics s'élançant les uns sur les autres, la roche abrupte parsemée de frênes et d'arbustes, dont les racines s'accrochaient dans les fentes et les fissures de la pierre. Il s'agissait évidemment d'une partie du château qui était occupée jadis par des dames , car les meubles étaient plus confortables que tous ceux que j'avais vus jusque-là. Il n'y avait pas de rideaux aux fenêtres, et le clair de lune, pénétrant dans la pièce à travers les fenêtres à losanges, permettait de voir même les couleurs, tandis qu'il atténuait en quelque sorte l'impression donnée par la poussière qui couvrait tout, et masquait dans une certaine mesure les ravages du temps et des mites. Ma lampe semblait assez inutile dans ce brillant clair de lune, mais j'étais heureux de l'avoir avec moi, car je ressentais en cet endroit une terrible solitude qui me glaçait le cœur et mettait mes nerfs à rude épreuve. Et pourtant, c'était mieux que cette vie solitaire dans ces pièces que j'avais appris à détester en raison de la présence du Comte, et après avoir maîtrisé mes nerfs, je me sentis envahi par une douce quiétude. J'étais là assis à une petite table, où certainement dans le

passé, une belle dame s'était assise pour écrire quelque maladroite lettre d'amour, avec force émois et rougissements ; et je rapportais dans mon journal en sténographie tout ce qui s'était passé depuis la dernière fois que je l'avais refermé. Voilà bien là les progrès du XIXème siècle ! Et pourtant, à moins que mes sens ne me trompent, les siècles passés avaient, et ont encore, un charme qui leur est propre et que la « modernité » ne peut pas tuer. Plus tard, matin du 16 mai – Dieu préserve ma santé mentale, car c'est tout ce qu'il me reste. La sécurité, ou l'assurance de la sécurité, appartiennent au passé. Tant que je vis ici, je n'ai qu'une seule chose à espérer : ne pas devenir fou, en espérant ne pas l'être déjà. Si je suis sain d'esprit, alors il est terrifiant d'imaginer que de toutes les choses maudites qui rôdent ici, le Comte est pour moi la moins terrible ; et que c'est de lui seul que je peux attendre le salut, même si ce doit être en servant ses desseins. Grand Dieu, Dieu miséricordieux ! Aide-moi à garder mon calme, sinon c'est sans aucun doute la folie qui m'attend. Je commence à comprendre certaines choses, qui jusqu'ici étaient pour moi déconcertantes. Jusqu'à maintenant, je n'avais jamais bien su ce que voulait dire Shakespeare quand il faisait dire à Hamlet : « Ici, mes tablettes ! car il importe d'y noter… », etc1. Car maintenant, je sens que mon cerveau est sur le point d'exploser, ou qu'il a reçu le choc qui lui sera fatal, et je me tourne vers mon journal pour y trouver le repos. Le fait d'y inscrire tout précisément sera pour moi source d'apaisement. J'avais été effrayé lorsque le Comte m'avait adressé son mystérieux avertissement, mais je le suis plus encore maintenant que j'y repense, et il conservera toujours sur moi un terrible ascendant. Je ne dois plus jamais mettre en doute ce qu'il pourra me dire ! Après avoir écrit dans mon journal, et avoir, Dieu merci, remis dans ma poche ce dernier ainsi que le crayon, j'eus envie de dormir. L'avertissement du Comte me revint à l'esprit, mais je pris un malin plaisir à lui désobéir. Le sommeil me gagnait. Le doux clair de lune m'apaisait, et les vastes espaces que je voyais au-dehors me donnaient une sensation de liberté qui me revigorait. Je décidai de ne pas rentrer ce soir dans ces sinistres chambres enténébrées, mais de dormir ici, où les dames de jadis s'étaient assises, avaient chanté et vécu leurs vies paisibles, tandis que leur cœur se serrait à la pensée de leurs hommes partis mener des guerres sans merci. Je tirai un grand canapé du coin où il se trouvait, afin de pouvoir profiter, une fois couché, de la belle vue vers l'est et le sud, et, sans me soucier de la poussière, je me préparai à dormir. Je suppose que je me suis endormi ; à vrai dire, je l'espère, mais je crains que non, car tout ce qui suivit alors fut incroyablement réel – tellement réel que même maintenant, assis ici dans la clarté du soleil matinal, je ne puis croire qu'il ne se fût agi que d'un rêve. Je n'étais pas seul. La pièce n'avait en aucune façon changé depuis que j'y étais entré ; je pouvais voir sur le sol, le brillant clair de lune, et mes propres empreintes là où j'avais dérangé la très ancienne couche de poussière. Eclairées par les rayons de lune, en face de moi, se tenaient trois jeunes femmes ; des aristocrates d'après leurs vêtements et leurs manières. Lorsque je les vis, je pensai d'abord que j'étais en train de rêver, car bien qu'elles fussent éclairées par la lune, elles ne projetaient aucune ombre sur le sol. Elles s'approchèrent de moi, me regardèrent pendant un moment, et se mirent à murmurer. Deux d'entre elles étaient brunes, avec un nez aquilin comme le Comte, et de grands yeux noirs et perçants, qui semblaient presque rouges par contraste avec la pâle lueur de la lune. La troisième avait le teint clair, aussi clair qu'il est possible, avec une abondante chevelure blonde ondulée, et des yeux pareils à de pâles saphirs. Il me semblait d'une façon ou d'une autre connaître son visage, et l'associer à quelque peur cauchemardesque, mais je ne pus sur le moment me souvenir dans quelles circonstances. Toutes trois avaient des dents blanches qui brillaient comme des perles entre leurs lèvres voluptueuses rouges comme des rubis. Il y avait quelque chose en elles qui me mettait mal à l'aise, une attirance à laquelle se mêlait une terrible peur. Je sentais au fond de mon cœur que je brûlais d'une envie malsaine de sentir sur mes lèvres leurs lèvres rouges. C'est mal d'écrire cela ; peut-être un jour Mina lira-t-elle ces mots et alors cela lui causera du chagrin, mais c'est la vérité. Elles murmuraient entre elles, puis elles se mirent soudain à rire – un rire tellement argenté et musical, mais plus dur que ne le fut jamais son sorti de lèvres humaines. C'était comme le bruit à la fois délicat et intolérable d'un doigt cruel jouant sur le bord d'un verre à eau. La fille blonde secoua la tête avec coquetterie tandis que les deux autres la poussaient. L'une d'entre elles dit : « Allez ! Tu seras la première, tu en as le droit, et nous suivrons. » La deuxième ajouta : « Il est jeune et fort, il y aura des baisers pour chacune de nous. » J'étais étendu, tranquille, les regardant à travers mes paupières à demi fermées, rongé par une 1[Hamlet, Acte I, Scène V, traduction par François Guizot (1787 – 1874) https://fr.wikisource.org/wiki/Hamlet/Traduction_Guizot,_1864/Acte_I]

impatience exquise.

Part (8) Teil (8) Part (8) Parte (8) Parte (8)

Je contemplai donc ces vastes et beaux espaces, éclairés par le paisible clair de lune, qui devint presque aussi lumineux que le jour. Guardavo questi spazi immensi e bellissimi, illuminati dalla luce pacifica della luna, che diventava luminosa quasi come il giorno. Dans cette douce lumière, les lointaines collines se confondaient, et les ombres des vallées et des gorges étaient d'un noir de velours. In this soft light, the distant hills blurred, and the shadows of the valleys and gorges were velvety black. Cette beauté pure m'apaisa : chaque respiration m'apportait paix et réconfort. Tandis que j'étais penché à la fenêtre, mon regard fut attiré par un mouvement à l'étage du dessous, sur ma gauche, là où j'imaginais, d'après l'arrangement des pièces, que donnait la fenêtre de la chambre du Comte. As I was leaning out of the window, my gaze was caught by a movement on the floor below, to my left, where I imagined, from the arrangement of the rooms, the window to the Count's bedroom looked out. La fenêtre où je me tenais était haute et profonde derrière ses meneaux de pierre, et même si elle était marquée par les assauts des intempéries, elle était encore en bon état, même si son encadrement était à l'évidence très ancien. The window I was standing in was high and deep behind its stone mullions, and although it was weather-beaten, it was still in good condition, even if its frame was obviously very old. Je me reculai, et regardai attentivement. Je vis le Comte qui passait la tête par la fenêtre. Je ne vis pas son visage, mais je reconnus sa nuque, son dos et sa façon de bouger les bras. En tout cas, je ne pouvais me tromper sur ses mains, que j'avais déjà eu tant d'occasions d'étudier. In any case, I couldn't go wrong with his hands, which I'd already had so many opportunities to study. D'abord, je fus intéressé et même quelque peu amusé : il est étonnant de constater combien un homme peut s'amuser de peu de choses lorsqu'il est prisonnier. At first, I was interested and even a little amused: it's amazing how little a man can enjoy when he's a prisoner. Mais mon sentiment se changea en répulsion et en terreur quand je vis l'homme sortir entièrement de la fenêtre et commencer à ramper le long du mur du château, au-dessus de ce terrible gouffre, la tête en bas, son manteau s'étalant de part et d'autre de lui tel deux grandes ailes. But my feelings turned to revulsion and terror as I saw the man emerge from the window entirely and begin to crawl along the castle wall, over that terrible chasm, head down, his cloak spreading out on either side of him like two great wings. Au début je ne pus en croire mes yeux. Je pensais à un tour que me jouait la pleine lune, à un effet curieux des ombres, mais je continuai à regarder : il ne s'agissait pas d'une illusion. I thought it was a trick the full moon was playing on me, a curious effect of the shadows, but I kept looking: it wasn't an illusion. Je voyais les doigts et les orteils qui s'agrippaient au bord des pierres, que les années avaient débarrassées de leur mortier, et, profitant de chaque aspérité, il descendit très rapidement, comme un lézard le long d'un mur. Quelle sorte d'homme est-ce là, ou quelle sorte de créature sous l'apparence d'un homme ? What kind of man is this, or what kind of creature in the guise of a man? La terreur que j'éprouve pour cet horrible endroit me paralyse, j'ai peur, affreusement peur – et je ne puis m'enfuir ; je suis environné d'horreurs auxquelles je n'ose pas songer… 15 mai Une fois de plus, j'ai vu le comte sortir à la manière d'un lézard. Il a descendu de biais une centaine de pieds vers la gauche, puis il a disparu dans quelque trou ou fenêtre. It slanted down a hundred feet to the left, then disappeared into some hole or window. Quand sa tête eût disparu, je me penchai en avant pour essayer d'en voir plus, mais sans y parvenir : la distance était trop importante pour que je puisse avoir un bon angle de vue. When his head had disappeared, I leaned forward to try and see more, but I couldn't: the distance was too great for me to get a good angle of view. Je savais qu'il avait quitté le château, et je pensais que c'était une bonne occasion d'explorer le lieu plus complètement que je n'avais osé le faire jusqu'ici. I knew he'd left the castle, and I thought this was a good opportunity to explore the place more fully than I'd dared before. Je retournai dans ma chambre, pris une lampe, et essayai toutes les portes. Elles étaient toutes verrouillées, comme je m'y attendais, et je vis que toutes les serrures étaient relativement récentes. They were all locked, as I'd expected, and I saw that all the locks were relatively new. Je descendis l'escalier de pierre et gagnai le hall par lequel j'étais entré dans le château. I descended the stone staircase and made my way back to the hall through which I had entered the castle. Je vis que je pouvais facilement tirer les verrous et enlever les chaînes, mais la porte était fermée à clef, et la clef n'était pas dans la serrure ! Elle devait être dans la chambre du Comte. Je devrais guetter le moment où cette pièce ne serait pas fermée, afin de pouvoir m'emparer de la clef et m'enfuir. I'd have to wait for the moment when this room wasn't locked, so I could grab the key and run. J'entrepris de faire un examen complet des divers escaliers et passages, et d'essayer toutes les portes qui s'y trouvaient. I undertook a thorough examination of the various staircases and passageways, and tried out all the doors therein. Une ou deux petites pièces à côté du hall d'entrée étaient ouvertes, mais il n'y avait rien à y voir à part de vieux meubles couverts de poussière et mangés par les mites. One or two small rooms next to the entrance hall were open, but there was nothing to be seen in them except dusty, moth-eaten old furniture. Enfin, je trouvai une porte en haut de l'escalier, qui semblait verrouillée, mais cédait un peu lorsque je la poussai. Finally, I found a door at the top of the stairs, which seemed to be locked, but gave way a little when I pushed it. J'appuyai plus fort, et me rendis compte qu'elle n'était pas réellement fermée, et que la résistance venait du fait que les gonds s'étaient légèrement affaissés, et que la lourde porte reposait donc sur le sol. I pressed harder, and realized that it wasn't really closed, and that the resistance came from the fact that the hinges had sagged slightly, so that the heavy door was resting on the floor. C'était là une opportunité que je risquais de ne pas rencontrer à nouveau : je m'employai donc à l'ouvrir, et après beaucoup d'efforts, je parvins à la pousser suffisamment pour pouvoir entrer. This was an opportunity I might not encounter again, so I set about opening it, and after much effort, managed to push it open enough to enter. Si trattava di un'opportunità che forse non avrei più incontrato: così mi accinsi ad aprirla e, dopo un grande sforzo, riuscii ad aprirla abbastanza da poter entrare. J'étais maintenant dans une aile du château qui se trouvait plus à droite que les pièces que je connaissais, et un étage plus bas. Je regardai par les fenêtres et pus me rendre compte que cette enfilade de pièces se trouvait dans la partie sud du château ; les fenêtres de la dernière pièce s'ouvrant à la fois sur l'ouest et sur le sud. I looked through the windows and realized that this series of rooms was in the southern part of the château, with the windows of the last room opening both to the west and to the south. Guardai attraverso le finestre e mi resi conto che questa serie di stanze si trovava nella parte meridionale del castello; le finestre dell'ultima stanza si aprivano sia a ovest che a sud. Des deux côtés, elles donnaient sur un grand précipice. Le château était bâti sur le coin d'un gigantesque rocher, si bien que sur trois de ses côtés, il était quasiment imprenable. The castle was built on the corner of a gigantic rock, so that on three sides it was virtually impregnable. De grandes fenêtres se trouvaient là, que nulle fronde, nul arc, nulle couleuvrine ne pouvait atteindre ; cette partie du château était donc lumineuse et confortable, par rapport aux autres pièces qui devaient être mieux protégées. There were large windows here, which no slingshot, bow or couleuvrine could reach, so this part of the castle was bright and comfortable, compared to the other rooms, which had to be better protected. Qui c'erano grandi finestre, che nessuna fionda, arco o couleuvrine poteva raggiungere; quindi questa parte del castello era luminosa e confortevole, rispetto alle altre stanze, che dovevano essere più protette. A l'ouest s'étendait une grande vallée, et au-delà, de grandes montagnes déchiquetées, les pics s'élançant les uns sur les autres, la roche abrupte parsemée de frênes et d'arbustes, dont les racines s'accrochaient dans les fentes et les fissures de la pierre. To the west lay a great valley, and beyond it, great jagged mountains, the peaks jutting out one on top of the other, the sheer rock dotted with ash trees and shrubs, their roots clinging into the cracks and crevices of the stone. Il s'agissait évidemment d'une partie du château qui était occupée jadis par des dames , car les meubles étaient plus confortables que tous ceux que j'avais vus jusque-là. Il n'y avait pas de rideaux aux fenêtres, et le clair de lune, pénétrant dans la pièce à travers les fenêtres à losanges, permettait de voir même les couleurs, tandis qu'il atténuait en quelque sorte l'impression donnée par la poussière qui couvrait tout, et masquait dans une certaine mesure les ravages du temps et des mites. There were no curtains on the windows, and the moonlight streaming into the room through the diamond-paned windows made it possible to see even the colors, while it somehow softened the impression given by the dust that covered everything, and masked to some extent the ravages of time and moths. No había cortinas en las ventanas, y la luz de la luna, que entraba en la habitación a través de las ventanas en forma de diamante, permitía ver incluso los colores, al tiempo que suavizaba en cierto modo la impresión que daba el polvo que lo cubría todo, y enmascaraba hasta cierto punto los estragos del tiempo y las polillas. Non c'erano tende alle finestre e la luce della luna, che entrava nella stanza attraverso le finestre a forma di diamante, permetteva di vedere anche i colori, attenuando l'impressione data dalla polvere che ricopriva ogni cosa e mascherando in qualche modo le ingiurie del tempo e delle tarme. Ma lampe semblait assez inutile dans ce brillant clair de lune, mais j'étais heureux de l'avoir avec moi, car je ressentais en cet endroit une terrible solitude qui me glaçait le cœur et mettait mes nerfs à rude épreuve. My lamp seemed rather useless in this brilliant moonlight, but I was glad to have it with me, for I felt in this place a terrible loneliness that chilled my heart and put my nerves to the test. Et pourtant, c'était mieux que cette vie solitaire dans ces pièces que j'avais appris à détester en raison de la présence du Comte, et après avoir maîtrisé mes nerfs, je me sentis envahi par une douce quiétude. And yet, it was better than this solitary life in these rooms, which I'd grown to loathe because of the Count's presence, and after getting my nerves under control, I felt invaded by a gentle quietude. J'étais là assis à une petite table, où certainement dans le There I was, sitting at a small table, where I'm sure the

passé, une belle dame s'était assise pour écrire quelque maladroite lettre d'amour, avec force émois et rougissements ; et je rapportais dans mon journal en sténographie tout ce qui s'était passé depuis la dernière fois que je l'avais refermé. past, a beautiful lady had sat down to write some clumsy love letter, with a lot of emotion and blushing; and I was writing in my shorthand diary everything that had happened since I last closed it. Voilà bien là les progrès du XIXème siècle ! That's 19th-century progress for you! Et pourtant, à moins que mes sens ne me trompent, les siècles passés avaient, et ont encore, un charme qui leur est propre et que la « modernité » ne peut pas tuer. And yet, unless my senses deceive me, past centuries had, and still have, a charm of their own that "modernity" can't kill. Plus tard, matin du 16 mai – Dieu préserve ma santé mentale, car c'est tout ce qu'il me reste. Later, morning of May 16 - God preserve my sanity, because it's all I've got left. La sécurité, ou l'assurance de la sécurité, appartiennent au passé. Safety, or the assurance of safety, is a thing of the past. Tant que je vis ici, je n'ai qu'une seule chose à espérer : ne pas devenir fou, en espérant ne pas l'être déjà. As long as I live here, I have only one thing to hope for: that I don't go mad, hoping that I haven't already. Si je suis sain d'esprit, alors il est terrifiant d'imaginer que de toutes les choses maudites qui rôdent ici, le Comte est pour moi la moins terrible ; et que c'est de lui seul que je peux attendre le salut, même si ce doit être en servant ses desseins. If I'm sane, then it's terrifying to imagine that of all the cursed things lurking around here, the Count is the least terrible to me; and that it's from him alone that I can expect salvation, even if it must be by serving his purposes. Grand Dieu, Dieu miséricordieux ! Great God, merciful God! Aide-moi à garder mon calme, sinon c'est sans aucun doute la folie qui m'attend. Help me to stay calm, otherwise I'll undoubtedly go mad. Je commence à comprendre certaines choses, qui jusqu'ici étaient pour moi déconcertantes. I'm beginning to understand certain things, which up to now have been baffling to me. Jusqu'à maintenant, je n'avais jamais bien su ce que voulait dire Shakespeare quand il faisait dire à Hamlet : « Ici, mes tablettes ! Until now, I never quite knew what Shakespeare meant when he had Hamlet say, "Here, my tablets! car il importe d'y noter… », etc1. because it is important to note...", etc1. Car maintenant, je sens que mon cerveau est sur le point d'exploser, ou qu'il a reçu le choc qui lui sera fatal, et je me tourne vers mon journal pour y trouver le repos. For now I feel that my brain is about to explode, or has received the shock that will prove fatal, and I turn to my diary for rest. Le fait d'y inscrire tout précisément sera pour moi source d'apaisement. For me, writing everything down will be a source of reassurance. J'avais été effrayé lorsque le Comte m'avait adressé son mystérieux avertissement, mais je le suis plus encore maintenant que j'y repense, et il conservera toujours sur moi un terrible ascendant. I was frightened when the Count gave me his mysterious warning, but I'm even more frightened now that I think about it, and he'll always have a terrible hold on me. Je ne dois plus jamais mettre en doute ce qu'il pourra me dire ! I must never again doubt anything he tells me! Après avoir écrit dans mon journal, et avoir, Dieu merci, remis dans ma poche ce dernier ainsi que le crayon, j'eus envie de dormir. After writing in my diary and, thank God, putting it and the pencil back in my pocket, I felt like sleeping. L'avertissement du Comte me revint à l'esprit, mais je pris un malin plaisir à lui désobéir. The Count's warning came back to mind, but I took a malicious pleasure in disobeying him. Le sommeil me gagnait. I was falling asleep. Le doux clair de lune m'apaisait, et les vastes espaces que je voyais au-dehors me donnaient une sensation de liberté qui me revigorait. The soft moonlight soothed me, and the vast spaces outside gave me a feeling of freedom that invigorated me. Je décidai de ne pas rentrer ce soir dans ces sinistres chambres enténébrées, mais de dormir ici, où les dames de jadis s'étaient assises, avaient chanté et vécu leurs vies paisibles, tandis que leur cœur se serrait à la pensée de leurs hommes partis mener des guerres sans merci. I decided not to go back to those sinister, darkened rooms tonight, but to sleep here, where the ladies of yore had sat and sung and lived their peaceful lives, while their hearts sank at the thought of their men off fighting merciless wars. Decidí no volver esta noche a aquellas siniestras y oscuras habitaciones, sino dormir aquí, donde las damas de antaño se habían sentado y cantado y vivido sus apacibles vidas, mientras sus corazones se hundían al pensar en sus hombres fuera luchando en guerras despiadadas. Je tirai un grand canapé du coin où il se trouvait, afin de pouvoir profiter, une fois couché, de la belle vue vers l'est et le sud, et, sans me soucier de la poussière, je me préparai à dormir. I pulled a large sofa from the corner where it was, so that when I lay down I could enjoy the beautiful view to the east and south, and, without worrying about the dust, I prepared to sleep. Je suppose que je me suis endormi ; à vrai dire, je l'espère, mais je crains que non, car tout ce qui suivit alors fut incroyablement réel – tellement réel que même maintenant, assis ici dans la clarté du soleil matinal, je ne puis croire qu'il ne se fût agi que d'un rêve. I suppose I fell asleep; to tell the truth, I hope I did, but I'm afraid I didn't, because everything that followed was incredibly real - so real that even now, sitting here in the bright morning sun, I can't believe it was all a dream. Je n'étais pas seul. No estaba sola. La pièce n'avait en aucune façon changé depuis que j'y étais entré ; je pouvais voir sur le sol, le brillant clair de lune, et mes propres empreintes là où j'avais dérangé la très ancienne couche de poussière. The room hadn't changed in any way since I'd entered; I could see the brilliant moonlight on the floor, and my own footprints where I'd disturbed the ancient layer of dust. Eclairées par les rayons de lune, en face de moi, se tenaient trois jeunes femmes ; des aristocrates d'après leurs vêtements et leurs manières. Illuminated by the moonlight, across from me stood three young women; aristocrats by their clothes and manners. Lorsque je les vis, je pensai d'abord que j'étais en train de rêver, car bien qu'elles fussent éclairées par la lune, elles ne projetaient aucune ombre sur le sol. When I saw them, my first thought was that I was dreaming, for although they were illuminated by the moon, they cast no shadow on the ground. Elles s'approchèrent de moi, me regardèrent pendant un moment, et se mirent à murmurer. They came up to me, looked at me for a moment, and began to murmur. Deux d'entre elles étaient brunes, avec un nez aquilin comme le Comte, et de grands yeux noirs et perçants, qui semblaient presque rouges par contraste avec la pâle lueur de la lune. La troisième avait le teint clair, aussi clair qu'il est possible, avec une abondante chevelure blonde ondulée, et des yeux pareils à de pâles saphirs. The third had a fair complexion, as fair as could be, with abundant wavy blond hair, and eyes like pale sapphires. Il me semblait d'une façon ou d'une autre connaître son visage, et l'associer à quelque peur cauchemardesque, mais je ne pus sur le moment me souvenir dans quelles circonstances. I seemed somehow to know his face, and to associate it with some nightmarish fear, but I couldn't at the time remember under what circumstances. Toutes trois avaient des dents blanches qui brillaient comme des perles entre leurs lèvres voluptueuses rouges comme des rubis. All three had white teeth that shone like pearls between their voluptuous lips, red as rubies. Il y avait quelque chose en elles qui me mettait mal à l'aise, une attirance à laquelle se mêlait une terrible peur. There was something about them that made me uneasy, an attraction mixed with a terrible fear. Je sentais au fond de mon cœur que je brûlais d'une envie malsaine de sentir sur mes lèvres leurs lèvres rouges. I felt in my heart that I was burning with an unhealthy desire to feel their red lips on mine. C'est mal d'écrire cela ; peut-être un jour Mina lira-t-elle ces mots et alors cela lui causera du chagrin, mais c'est la vérité. Elles murmuraient entre elles, puis elles se mirent soudain à rire – un rire tellement argenté et musical, mais plus dur que ne le fut jamais son sorti de lèvres humaines. They murmured to each other, then suddenly began to laugh - a laugh so silvery and musical, but harsher than has ever come from human lips. C'était comme le bruit à la fois délicat et intolérable d'un doigt cruel jouant sur le bord d'un verre à eau. It was like the delicate yet intolerable sound of a cruel finger playing on the rim of a water glass. La fille blonde secoua la tête avec coquetterie tandis que les deux autres la poussaient. The blonde girl shook her head coquettishly as the other two pushed her along. L'une d'entre elles dit : « Allez ! Tu seras la première, tu en as le droit, et nous suivrons. You'll be the first, you have every right to be, and we'll follow. » La deuxième ajouta : « Il est jeune et fort, il y aura des baisers pour chacune de nous. "The second added: "He's young and strong, there will be kisses for each of us. " El segundo añadió: "Es joven y fuerte, y habrá besos para todos. » J'étais étendu, tranquille, les regardant à travers mes paupières à demi fermées, rongé par une 1[Hamlet, Acte I, Scène V, traduction par François Guizot (1787 – 1874) https://fr.wikisource.org/wiki/Hamlet/Traduction_Guizot,_1864/Acte_I] "I lay still, watching them through my half-closed eyelids, gnawed by a 1[Hamlet, Act I, Scene V, translation by François Guizot (1787 - 1874) https://fr.wikisource.org/wiki/Hamlet/Traduction_Guizot,_1864/Acte_I]

impatience exquise. exquisite impatience.