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Bram Stoker - Dracula, Part (74)

Part (74)

« Euthanasie » est un mot excellent et bien réconfortant ! Merci à celui qui l'a inventé, quel qu'il soit. Nous sommes seulement à vingt-quatre heures des Dardanelles, à la vitesse du Czarina Catherine depuis son départ de Londres. Le navire devrait arriver au matin, mais comme il est impossible qu'il entre dans le port avant ce moment-là, nous allons nous coucher très tôt. Nous nous lèverons à une heure du matin, afin d'être prêts. 25 octobre, midi. Aucune nouvelle de l'arrivée du navire. Le compte rendu de Mrs. Harker sous hypnose ce matin était le même que d'habitude ; il est donc possible qu'il y ait du nouveau à tout moment. Nous les hommes sommes tous surexcités, à l'exception de Harker, qui reste calme. Ses mains sont aussi froides que la glace, et il y a une heure je l'ai vu aiguiser la lame d'un grand poignard Ghoorka qu'il emmène maintenant partout avec lui. Ce sera une sale affaire pour le Comte si la lame de ce « Kukri » parvenait à toucher sa gorge, maniée par cette main ferme, aussi froide que la glace ! Van Helsing et moi étions quelque peu inquiets au sujet de Mrs. Harker aujourd'hui. Aux environs de midi, elle entra dans une sorte de léthargie qui ne nous plaisait pas du tout. Même si nous gardâmes le silence vis-à-vis des autres, nous étions tous les deux inquiets de ce changement. Elle avait été très agitée toute la matinée, aussi nous étions d'abord satisfaits de savoir qu'elle dormait. Quand, toutefois, son mari mentionna en passant qu'elle dormait si profondément qu'il ne parvenait pas à l'éveiller, nous gagnâmes sa chambre pour nous rendre compte par nous-mêmes. Elle respirait naturellement, et elle semblait si tranquille, si paisible, que nous reconnûmes que le sommeil était pour elle préférable à tout autre état. Pauvre jeune femme, elle a tellement à oublier, qu'il n'est pas étonnant que le sommeil, qui le lui permet, lui fasse autant de bien. Plus tard. Notre opinion était justifiée, car quand après quelques heures de sommeil réparateur, elle s'éveilla, elle semblait mieux portante qu'elle ne l'avait été depuis des jours. Au coucher du soleil, elle fit son habituel rapport sous hypnose. Où qu'il soit dans la Mer Noire, le Comte se hâte vers sa destination – vers sa perte, je l'espère ! 26 octobre. Une nouvelle journée a passé, et aucune nouvelle du Czarina Catherine. Le navire devrait être ici maintenant. Il continue à naviguer quelque part, pourtant, puisque le compte-rendu sous hypnose de Mrs. Harker au matin est toujours le même. Il est possible que le vaisseau ait été ralenti par le brouillard par moments ; certains des steamers qui sont arrivés hier soir ont signalé des bancs de brouillard au nord et au sud du port. Nous devons poursuivre notre surveillance, car le navire peut maintenant être annoncé à tout moment.

27 octobre, midi. Vraiment étrange ; aucune nouvelle du navire que nous attendons. Hier soir et ce matin, le rapport de Mrs. Harker était toujours le même : les vagues et l'eau qui se brise, même si elle a ajouté que « les vagues étaient très faibles ». Les télégrammes de Londres étaient toujours identiques : « Plus rien à signaler. » Van Helsing est terriblement inquiet, et il vient de me dire à l'instant qu'il craint que le Comte ne soit en train de nous échapper. Il a ajouté, d'un air entendu : « Je n'aime pas cette léthargie de Madam Mina. Les âmes et les souvenirs peuvent accomplir d'étranges choses durant la transe. » J'étais sur le point de lui en demander plus, mais Harker rentra à ce moment-là, et Van Helsing leva la main en guise d'avertissement. Ce soir au coucher du soleil, nous devrons essayer d'en faire dire plus à Mrs. Harker pendant qu'elle sera en état hypnotique. 28 octobre. Télégramme de Rufus Smith, Lloyd's, Londres, à Lord Godalming, aux bons soins du Vice-Consul de Sa Majesté Britannique, Varna Czarina Catherine signalé entrant dans le port de Galatz à une heure aujourd'hui. Journal du Docteur Seward 28 octobre. Quand nous reçûmes le télégramme annonçant l'arrivée du navire à Galatz, je ne crois pas que pour aucun d'entre nous le choc ait été aussi grand qu'on aurait pu s'y attendre. Il est vrai que nous ne savions ni d'où, ni comment, ni quand le coup tomberait, mais je crois que nous nous attendions tous à ce que quelque chose d'étrange se produise. Ce retard du Comte à Varna avait convaincu chacun d'entre nous que les choses ne se produiraient pas comme nous l'espérions, et nous attendions seulement de connaître la nature de ce changement. Mais quoi qu'il en soit, ce fut quand même une surprise. Je suppose que la nature se fonde sur des bases tellement optimistes que nous pensons toujours au fond de nous-même que les choses se produiront comme elles devraient se produire, et non pas comme nous savons qu'elles vont se produire. Le transcendantalisme est un phare pour les anges, même si pour l'homme il n'est qu'un feu-follet. C'était une expérience étrange, et chacun d'entre nous la vécut différemment. Van Helsing leva la main au-dessus de sa tête pendant un moment, comme s'il adressait un reproche au tout-puissant, mais il ne dit pas un mot, et quelques secondes plus tard il se releva, son visage ayant retrouvé toute sa fermeté. Lord Godalming devint très pâle, et s'assit, respirant difficilement. J'étais moi-même presque étourdi, et regardai les autres un par un avec ébahissement. Quincey Morris resserra sa ceinture de ce mouvement rapide que je connaissais si bien, et qui, à l'époque de nos aventures, signifiait : « action ». Mrs. Harker devint horriblement pâle, tellement pâle que la cicatrice sur son front semblait s'être mise à brûler, mais elle joignit les mains comme en signe d'acceptation, et leva les yeux pour prier. Harker souriait – il souriait, en vérité – de ce sourire sombre et amer de celui qui n'a plus d'espoir, mais au même moment ses actes démentaient son attitude, car ses mains se mirent à chercher instinctivement la poignée de son poignard Kukri, et y restèrent lorsqu'elles l'eurent trouvé. « Quand part le prochain train pour Galatz ? » demanda Van Helsing à la cantonade. « A six heures trente demain matin ! » Chacun d'entre nous sursauta, car la réponse était venue de Mrs. Harker. « Mais comment diable le savez-vous ? » demanda Art. « Vous oubliez, ou peut-être ne savez-vous pas – encore que Jonathan et le Dr. Van Helsing, eux, le savent bien – que je suis la fée des trains. Chez nous à Exeter, j'étudiais toujours les tableaux des horaires des trains, afin d'être utile à mon mari. J'ai trouvé cela tellement utile à certains moments, que je continue à examiner les horaires maintenant. Je savais que si pour une raison ou une autre nous devions aller au château Dracula, nous devrions passer par Galatz, ou en tout cas par Bucarest, alors

j'ai mémorisé ces horaires avec beaucoup de soin. Malheureusement il n'y en avait pas beaucoup à apprendre, car il n'y a qu'un seul train demain, qui part à l'heure que j'ai dite. » « Merveilleuse femme ! » murmura le Professeur. « Ne pourrions-nous pas prendre un train spécial ? » demanda Lord Godalming. Van Helsing secoua la tête : « Je crains que non. Ce pays est très différent du vôtre ou du mien ; même si nous parvenions à obtenir un train spécial, il n'arriverait sans doute pas avant le régulier. Qui plus est, nous devons nous préparer. Nous devons réfléchir. Nous devons nous organiser. Vous, ami Arthur, rendez-vous à la gare, prenez les billets et faites en sorte que tout soit prêt pour notre départ demain matin. Vous, ami Jonathan, allez voir l'agent de l'armateur et obtenez de lui des lettres à l'attention de son confrère de Galatz, qui nous donneront autorité pour fouiller le navire là-bas comme c'était convenu ici. Morris Quincey, allez voir le Vice-Consul, et obtenez son appui auprès de son homologue de Galatz, et assurez-vous qu'il fera son possible pour faciliter notre tâche, afin que nous ne perdions pas de temps quand nous serons sur le Danube. John restera avec Madam Mina et moi-même, et nous allons délibérer. Ainsi, si vous perdez du temps dans ces démarches et dépassez l'heure du crépuscule, cela importera peu, puisque je serai ici avec Madam Mina au crépuscule. » « Et moi » dit Mrs. Harker d'une voix enjouée, plus proche de son ancienne personnalité que nous ne l'avions vue depuis des jours, « j'essaierai de me rendre utile de toutes les façons ; je vais réfléchir et écrire pour vous comme je l'ai déjà fait. Quelque chose se modifie en moi d'une étrange façon, et je me sens plus libre que je ne l'ai été depuis longtemps ! » Les trois jeunes gens semblèrent ragaillardis lorsqu'ils réalisèrent le sens de ces paroles, mais Van Helsing et moi échangeâmes un regard grave et troublé. Mais nous ne prononçâmes toutefois pas un mot. Quand les trois hommes furent sortis pour se consacrer à leurs tâches, Van Helsing demanda à Mrs. Harker d'aller chercher son exemplaire des journaux et de lui trouver la partie qui avait trait au séjour de Harker au château. Elle sortit pour aller le chercher, et dès que la porte se fût refermée sur elle, il me dit : « Nous pensons la même chose ! Parlez ! » « Il y a en effet un changement. Cet espoir me rend malade, car il pourrait être trompeur. » « Tout à fait exact. Savez-vous pourquoi je lui ai demandé d'aller chercher le manuscrit ? » « Non ! » répondis-je. « Sauf s'il s'agissait d'un moyen pour me parler seul à seul. » « Vous avez en partie raison, ami John, mais seulement en partie. Je vais vous dire quelque chose. Et, oh mon ami, je prends un grand, un terrible risque, mais je crois avoir raison. Au moment même où Madam Mina a prononcé ces mots qui nous ont tellement étonnés, il m'est venu une inspiration. Lors de la transe il y a trois jours, l'esprit du Comte est venu à elle pour lire dans son esprit, ou plus exactement il l'a attirée vers lui dans sa caisse de terre dans le navire au milieu des eaux, juste au moment où il se libère au lever et au coucher du soleil. A ce moment, il a appris que nous étions ici, car elle avait plus à lui apprendre, elle qui vit au grand jour avec des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, que lui, enfermé dans son cercueil. Mais maintenant qu'il fait tout ce qu'il peut pour nous échapper, il ne veut plus d'elle. Avec son immense savoir il est sûr qu'elle viendra dès qu'il l'appellera, mais pour l'instant il s'est coupé d'elle, il l'a mise hors de son pouvoir, afin qu'elle ne vienne pas à lui. Ah ! Maintenant j'ai bon espoir que nos cerveaux d'hommes, qui appartiennent depuis si longtemps à l'humanité, et qui n'ont rien perdu de la grâce de Dieu, sauront s'élever plus haut que ce cerveau infantile qui repose dans une tombe depuis des siècles, et qui ne pourra jamais s'élever aussi haut que les nôtres, occupé qu'il est à ses petites menées, égoïstes, et par là même, mesquines. Voici Madam Mina, pas un mot à elle au sujet de sa transe ! Elle ne sait pas ; cela l'accablerait et la désespérerait, au moment où nous la voulons courageuse et pleine d'espoir, et où nous avons besoin de son cerveau puissant, qui a les capacités d'un cerveau d'homme, mais a en même temps la douceur d'une femme, et ces pouvoirs particuliers qui lui viennent du Comte, et qu'il ne pourra pas lui retirer aussi facilement qu'il le pense. Chut ! Laissez-moi parler, et vous comprendrez. Oh, John, mon ami, nous sommes dans une terrible situation ! J'ai peur, comme jamais auparavant. Nous ne devons nous fier qu'à la bonté de Dieu. Silence ! Elle arrive ! » Je pensais que le professeur était sur le point de craquer et allait faire une crise d'hystérie, comme cela lui était arrivé à la mort de Lucy, mais il parvint à se maîtriser au prix d'un grand effort. Il contrôlait parfaitement ses nerfs lorsque Mrs.

Part (74) Anteil (74) Part (74) Parte (74) Parte (74) Del (74)

« Euthanasie » est un mot excellent et bien réconfortant ! Merci à celui qui l'a inventé, quel qu'il soit. Nous sommes seulement à vingt-quatre heures des Dardanelles, à la vitesse du Czarina Catherine depuis son départ de Londres. Le navire devrait arriver au matin, mais comme il est impossible qu'il entre dans le port avant ce moment-là, nous allons nous coucher très tôt. Nous nous lèverons à une heure du matin, afin d'être prêts. 25 octobre, midi. Aucune nouvelle de l'arrivée du navire. Le compte rendu de Mrs. Harker sous hypnose ce matin était le même que d'habitude ; il est donc possible qu'il y ait du nouveau à tout moment. Nous les hommes sommes tous surexcités, à l'exception de Harker, qui reste calme. Ses mains sont aussi froides que la glace, et il y a une heure je l'ai vu aiguiser la lame d'un grand poignard Ghoorka qu'il emmène maintenant partout avec lui. His hands are as cold as ice, and an hour ago I saw him sharpening the blade of a large Ghoorka dagger that he now takes everywhere with him. Ce sera une sale affaire pour le Comte si la lame de ce « Kukri » parvenait à toucher sa gorge, maniée par cette main ferme, aussi froide que la glace ! Van Helsing et moi étions quelque peu inquiets au sujet de Mrs. Harker aujourd'hui. Aux environs de midi, elle entra dans une sorte de léthargie qui ne nous plaisait pas du tout. Même si nous gardâmes le silence vis-à-vis des autres, nous étions tous les deux inquiets de ce changement. Elle avait été très agitée toute la matinée, aussi nous étions d'abord satisfaits de savoir qu'elle dormait. Quand, toutefois, son mari mentionna en passant qu'elle dormait si profondément qu'il ne parvenait pas à l'éveiller, nous gagnâmes sa chambre pour nous rendre compte par nous-mêmes. Elle respirait naturellement, et elle semblait si tranquille, si paisible, que nous reconnûmes que le sommeil était pour elle préférable à tout autre état. Pauvre jeune femme, elle a tellement à oublier, qu'il n'est pas étonnant que le sommeil, qui le lui permet, lui fasse autant de bien. Plus tard. Notre opinion était justifiée, car quand après quelques heures de sommeil réparateur, elle s'éveilla, elle semblait mieux portante qu'elle ne l'avait été depuis des jours. Au coucher du soleil, elle fit son habituel rapport sous hypnose. Où qu'il soit dans la Mer Noire, le Comte se hâte vers sa destination – vers sa perte, je l'espère ! 26 octobre. Une nouvelle journée a passé, et aucune nouvelle du Czarina Catherine. Le navire devrait être ici maintenant. Il continue à naviguer quelque part, pourtant, puisque le compte-rendu sous hypnose de Mrs. Harker au matin est toujours le même. Il est possible que le vaisseau ait été ralenti par le brouillard par moments ; certains des steamers qui sont arrivés hier soir ont signalé des bancs de brouillard au nord et au sud du port. Nous devons poursuivre notre surveillance, car le navire peut maintenant être annoncé à tout moment.

27 octobre, midi. Vraiment étrange ; aucune nouvelle du navire que nous attendons. Hier soir et ce matin, le rapport de Mrs. Harker était toujours le même : les vagues et l'eau qui se brise, même si elle a ajouté que « les vagues étaient très faibles ». Les télégrammes de Londres étaient toujours identiques : « Plus rien à signaler. » Van Helsing est terriblement inquiet, et il vient de me dire à l'instant qu'il craint que le Comte ne soit en train de nous échapper. Il a ajouté, d'un air entendu : « Je n'aime pas cette léthargie de Madam Mina. Les âmes et les souvenirs peuvent accomplir d'étranges choses durant la transe. » J'étais sur le point de lui en demander plus, mais Harker rentra à ce moment-là, et Van Helsing leva la main en guise d'avertissement. Ce soir au coucher du soleil, nous devrons essayer d'en faire dire plus à Mrs. Harker pendant qu'elle sera en état hypnotique. 28 octobre. Télégramme de Rufus Smith, Lloyd's, Londres, à Lord Godalming, aux bons soins du Vice-Consul de Sa Majesté Britannique, Varna Czarina Catherine signalé entrant dans le port de Galatz à une heure aujourd'hui. Journal du Docteur Seward 28 octobre. Quand nous reçûmes le télégramme annonçant l'arrivée du navire à Galatz, je ne crois pas que pour aucun d'entre nous le choc ait été aussi grand qu'on aurait pu s'y attendre. Il est vrai que nous ne savions ni d'où, ni comment, ni quand le coup tomberait, mais je crois que nous nous attendions tous à ce que quelque chose d'étrange se produise. Ce retard du Comte à Varna avait convaincu chacun d'entre nous que les choses ne se produiraient pas comme nous l'espérions, et nous attendions seulement de connaître la nature de ce changement. Mais quoi qu'il en soit, ce fut quand même une surprise. Je suppose que la nature se fonde sur des bases tellement optimistes que nous pensons toujours au fond de nous-même que les choses se produiront comme elles devraient se produire, et non pas comme nous savons qu'elles vont se produire. Le transcendantalisme est un phare pour les anges, même si pour l'homme il n'est qu'un feu-follet. Transcendentalism is a beacon for angels, even if for man it's just a flickering light. C'était une expérience étrange, et chacun d'entre nous la vécut différemment. Van Helsing leva la main au-dessus de sa tête pendant un moment, comme s'il adressait un reproche au tout-puissant, mais il ne dit pas un mot, et quelques secondes plus tard il se releva, son visage ayant retrouvé toute sa fermeté. Lord Godalming devint très pâle, et s'assit, respirant difficilement. J'étais moi-même presque étourdi, et regardai les autres un par un avec ébahissement. Quincey Morris resserra sa ceinture de ce mouvement rapide que je connaissais si bien, et qui, à l'époque de nos aventures, signifiait : « action ». Mrs. Harker devint horriblement pâle, tellement pâle que la cicatrice sur son front semblait s'être mise à brûler, mais elle joignit les mains comme en signe d'acceptation, et leva les yeux pour prier. Harker souriait – il souriait, en vérité – de ce sourire sombre et amer de celui qui n'a plus d'espoir, mais au même moment ses actes démentaient son attitude, car ses mains se mirent à chercher instinctivement la poignée de son poignard Kukri, et y restèrent lorsqu'elles l'eurent trouvé. « Quand part le prochain train pour Galatz ? » demanda Van Helsing à la cantonade. « A six heures trente demain matin ! » Chacun d'entre nous sursauta, car la réponse était venue de Mrs. Harker. « Mais comment diable le savez-vous ? » demanda Art. « Vous oubliez, ou peut-être ne savez-vous pas – encore que Jonathan et le Dr. Van Helsing, eux, le savent bien – que je suis la fée des trains. Chez nous à Exeter, j'étudiais toujours les tableaux des horaires des trains, afin d'être utile à mon mari. J'ai trouvé cela tellement utile à certains moments, que je continue à examiner les horaires maintenant. Je savais que si pour une raison ou une autre nous devions aller au château Dracula, nous devrions passer par Galatz, ou en tout cas par Bucarest, alors

j'ai mémorisé ces horaires avec beaucoup de soin. Malheureusement il n'y en avait pas beaucoup à apprendre, car il n'y a qu'un seul train demain, qui part à l'heure que j'ai dite. » « Merveilleuse femme ! » murmura le Professeur. « Ne pourrions-nous pas prendre un train spécial ? » demanda Lord Godalming. Van Helsing secoua la tête : « Je crains que non. Ce pays est très différent du vôtre ou du mien ; même si nous parvenions à obtenir un train spécial, il n'arriverait sans doute pas avant le régulier. Qui plus est, nous devons nous préparer. Nous devons réfléchir. Nous devons nous organiser. Vous, ami Arthur, rendez-vous à la gare, prenez les billets et faites en sorte que tout soit prêt pour notre départ demain matin. Vous, ami Jonathan, allez voir l'agent de l'armateur et obtenez de lui des lettres à l'attention de son confrère de Galatz, qui nous donneront autorité pour fouiller le navire là-bas comme c'était convenu ici. Morris Quincey, allez voir le Vice-Consul, et obtenez son appui auprès de son homologue de Galatz, et assurez-vous qu'il fera son possible pour faciliter notre tâche, afin que nous ne perdions pas de temps quand nous serons sur le Danube. John restera avec Madam Mina et moi-même, et nous allons délibérer. Ainsi, si vous perdez du temps dans ces démarches et dépassez l'heure du crépuscule, cela importera peu, puisque je serai ici avec Madam Mina au crépuscule. » « Et moi » dit Mrs. Harker d'une voix enjouée, plus proche de son ancienne personnalité que nous ne l'avions vue depuis des jours, « j'essaierai de me rendre utile de toutes les façons ; je vais réfléchir et écrire pour vous comme je l'ai déjà fait. Quelque chose se modifie en moi d'une étrange façon, et je me sens plus libre que je ne l'ai été depuis longtemps ! » Les trois jeunes gens semblèrent ragaillardis lorsqu'ils réalisèrent le sens de ces paroles, mais Van Helsing et moi échangeâmes un regard grave et troublé. Mais nous ne prononçâmes toutefois pas un mot. Quand les trois hommes furent sortis pour se consacrer à leurs tâches, Van Helsing demanda à Mrs. Harker d'aller chercher son exemplaire des journaux et de lui trouver la partie qui avait trait au séjour de Harker au château. Elle sortit pour aller le chercher, et dès que la porte se fût refermée sur elle, il me dit : « Nous pensons la même chose ! Parlez ! » « Il y a en effet un changement. Cet espoir me rend malade, car il pourrait être trompeur. » « Tout à fait exact. Savez-vous pourquoi je lui ai demandé d'aller chercher le manuscrit ? » « Non ! » répondis-je. « Sauf s'il s'agissait d'un moyen pour me parler seul à seul. » « Vous avez en partie raison, ami John, mais seulement en partie. Je vais vous dire quelque chose. Et, oh mon ami, je prends un grand, un terrible risque, mais je crois avoir raison. Au moment même où Madam Mina a prononcé ces mots qui nous ont tellement étonnés, il m'est venu une inspiration. Lors de la transe il y a trois jours, l'esprit du Comte est venu à elle pour lire dans son esprit, ou plus exactement il l'a attirée vers lui dans sa caisse de terre dans le navire au milieu des eaux, juste au moment où il se libère au lever et au coucher du soleil. A ce moment, il a appris que nous étions ici, car elle avait plus à lui apprendre, elle qui vit au grand jour avec des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, que lui, enfermé dans son cercueil. Mais maintenant qu'il fait tout ce qu'il peut pour nous échapper, il ne veut plus d'elle. Avec son immense savoir il est sûr qu'elle viendra dès qu'il l'appellera, mais pour l'instant il s'est coupé d'elle, il l'a mise hors de son pouvoir, afin qu'elle ne vienne pas à lui. Ah ! Maintenant j'ai bon espoir que nos cerveaux d'hommes, qui appartiennent depuis si longtemps à l'humanité, et qui n'ont rien perdu de la grâce de Dieu, sauront s'élever plus haut que ce cerveau infantile qui repose dans une tombe depuis des siècles, et qui ne pourra jamais s'élever aussi haut que les nôtres, occupé qu'il est à ses petites menées, égoïstes, et par là même, mesquines. Voici Madam Mina, pas un mot à elle au sujet de sa transe ! Elle ne sait pas ; cela l'accablerait et la désespérerait, au moment où nous la voulons courageuse et pleine d'espoir, et où nous avons besoin de son cerveau puissant, qui a les capacités d'un cerveau d'homme, mais a en même temps la douceur d'une femme, et ces pouvoirs particuliers qui lui viennent du Comte, et qu'il ne pourra pas lui retirer aussi facilement qu'il le pense. Chut ! Laissez-moi parler, et vous comprendrez. Oh, John, mon ami, nous sommes dans une terrible situation ! J'ai peur, comme jamais auparavant. Nous ne devons nous fier qu'à la bonté de Dieu. Silence ! Elle arrive ! » Je pensais que le professeur était sur le point de craquer et allait faire une crise d'hystérie, comme cela lui était arrivé à la mort de Lucy, mais il parvint à se maîtriser au prix d'un grand effort. Il contrôlait parfaitement ses nerfs lorsque Mrs.