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Bram Stoker - Dracula, Part (55)

Part (55)

Alors, je les conduisis, et, après quelques errements, je me retrouvai face à une porte de chêne, basse et voûtée, renforcée de fer. « C'est ici » dit le Professeur, dirigeant sa lampe vers un petit plan du bâtiment, qu'il avait copié sur l'original qui se trouvait dans le dossier relatif à l'achat de la propriété. Nous eûmes quelques difficultés à trouver la bonne clé sur le trousseau, mais parvînmes à ouvrir la porte. Nous nous attendions à quelque chose de très déplaisant, car en ouvrant la porte, un air malodorant avait commencé à s'exhaler par l'entrebâillement, mais personne n'était préparé à une odeur aussi nauséabonde. Aucun de mes compagnons n'avait jamais approché le Comte d'aussi près que moi, et lorsque je l'avais vu, soit il était en période de jeûne dans ses appartements, soit il était gorgé de sang frais dans un bâtiment en ruines où pouvait pénétrer l'air frais du dehors. Mais cet endroit était exigu, il était fermé depuis longtemps, et l'air y était immobile et vicié. A une odeur de terre se mêlait celle des miasmes qui emplissaient l'air infect. Mais l'odeur elle-même, comment pourrais-je la décrire ? Ce n'était pas seulement qu'elle mêlait aux senteurs de la mort celle, âcre et acide, du sang, mais c'était comme si la putréfaction elle-même s'était corrompue. Malheur ! Cela me rend malade rien que d'y penser. Chaque souffle exhalé par ce monstre semblait s'être accumulé en ce lieu pour le rendre encore plus abominable. Dans des circonstances ordinaires, une telle puanteur aurait dû mettre fin à notre entreprise, mais les circonstances n'étaient pas ordinaires, et la tâche noble et terrible que nous devions accomplir nous donnait la force de nous élever au-dessus des considérations purement physiques. Après un mouvement de recul bien naturel devant cette pestilence, nous nous mîmes au travail, comme si cet endroit répugnant était un jardin de roses. Lorsque nous commençâmes à examiner attentivement l'endroit, le Professeur nous dit : « La première chose à faire, c'est de voir combien de caisses il reste ; nous devons donc fouiller chaque recoin, chaque ouverture et chaque anfractuosité pour y chercher des indices de ce qu'ont pu devenir celles qui manquent. » Un seul regard nous suffit pour en déterminer le nombre, car les caisses de terre étaient très encombrantes, et on ne pouvait s'y tromper.

Sur les cinquante, il n'en restait que vingt-neuf ! Soudain, je frissonnai : je vis Lord Godalming se retourner d'un seul coup et observer le passage qui se trouvait au-delà de la porte voûtée, et mon cœur s'arrêta. Là-bas, il me semblait voir, nous observant depuis les ténèbres, les traits du visage maléfique du Comte, l'arête de son nez, ses yeux rouges, ses lèvres rouges, et sa terrifiante pâleur. Un instant après, toutefois, Lord Goldaming dit : « J'avais cru voir un visage, mais ce n'étaient que des ombres », et il reprit ses recherches. Je dirigeai ma lampe vers le passage, et y pénétrai. Il n'y avait absolument personne, et comme l'endroit ne comportait aucun recoin, aucune porte et aucune ouverture quelle qu'elle soit, mais seulement de solides murs de pierre, il n'y avait aucun endroit où se dissimuler, même pour lui. Je pensai que ma peur avait joué un tour à mon imagination, et ne dis rien. Quelques minutes plus tard, je vis Morris reculer subitement de quelques pas de l'endroit qu'il était occupé à examiner. Nous le suivîmes tous du regard, car sans nul doute, nous étions gagnés par une certaine nervosité, et nous vîmes alors une masse phosphorescente, qui brillait comme un ciel étoilé. Instinctivement, nous battîmes en retraite : la pièce entière devint littéralement grouillante de rats. Pendant quelques instants, nous restâmes interdits, tous, sauf Lord Godalming, qui s'était visiblement préparé à une telle éventualité. Il se jeta sur une autre grande porte de chêne bardée de fer, dont le Dr. Seward nous avait déjà fait une description, d'après sa première visite à l'extérieur du batiment, et que j'avais également vue moi-même. Il tourna la clé, tira les lourds verrous, et ouvrit la porte toute grande. Puis, tirant de sa poche son petit sifflet d'argent, il fit entendre un sifflement strident. Des chiens, derrière l'établissement du Dr. Seward, se mirent à hurler, et après une minute, trois terriers surgirent au coin du bâtiment. Inconsciemment, nous nous étions tous rapprochés de la porte, et dans ce mouvement je remarquai que la couche de poussière avait été foulée : les caisses qui avaient disparu étaient donc sorties par cette porte. Mais, même si à peine une minute s'était écoulée, les nombre de rats avait augmenté de façon alarmante. Ils semblaient déferler en masse dans la chapelle, à tel point que la lumière des lampes, se reflétant sur leurs corps noirs grouillants et leurs yeux brillants et maléfiques, donnait l'impression d'un essaim de lucioles. Les chiens se précipitèrent, mais il s'arrêtèrent soudain sur le seuil et se mirent à grogner, puis, levant le museau tous les trois en même temps, commencèrent à hurler de la façon la plus lugubre. Les rats étaient maintenant des milliers, et nous sortîmes. Lord Godalming prit un chien dans ses bras, et alla le déposer sur le sol, et à ce moment, la bête sembla retrouver son courage, et se rua sur ses ennemis naturels. Ceux-ci s'enfuirent si vite qu'avant qu'il ait pu en tuer une vingtaine, les autres chiens, qui l'avaient rejoint de la même manière, n'avaient plus beaucoup de proies à se mettre sous la dent : la plus grande partie des rats avaient disparu. Et avec eux, c'était comme si une présence maléfique s'était évanouie, car les chiens gambadèrent alors dans la pièce en aboyant joyeusement, jouant avec les cadavres de leurs ennemis, les retournant et les jetant en l'air en les secouant avec rage. Nous sentîmes tous le courage revenir. Etait-ce le fait d'avoir purifié l'air en ouvrant la porte, ou le soulagement de ne plus être enfermés après cette terrible expérience ? En tout cas, la terreur nous quitta comme on ôte un manteau, et notre présence en ce lieu perdit un peu de son caractère sinistre, même si notre résolution demeurait toujours aussi ferme. Nous refermâmes la porte extérieure et la verrouillâmes, puis, emmenant les chiens, entreprîmes d'explorer la maison elle-même. Nous ne trouvâmes rien de particulier, si ce n'est de la poussière dans des quantités inimaginables, et complètement vierge, à part les traces que j'avais moi-même laissées lors de ma première visite. A aucun moment les chiens ne montrèrent le moindre signe de nervosité, et même lorsque nous retournâmes à la chapelle, ils frétillaient d'excitation comme s'ils sortaient chasser le lapin dans la forêt en plein été. Le ciel s'éclaircissait déjà à l'est quand nous sortîmes par la porte principale. Le Dr. Van Helsing avait ôté du trousseau la clé de cette porte, qu'il avait convenablement verrouillée, et avait ensuite mis la clé dans sa poche. « Jusqu'ici », dit-il, « cette nuit nous a été très favorable. Rien de grave ne nous est arrivé comme j'aurais pu le craindre, et nous savons maintenant combien il manque de caisses. Mais surtout, je me réjouis que cette première étape, peut-être la plus difficile et la plus dangereuse, ait pu être accomplie sans qu'il eût été nécessaire de faire entrer dans cette chapelle notre douce Madam Mina, ou de troubler son sommeil, ou ses journées, avec des visions, des sons ou des odeurs monstrueuses qu'elle n'aurait jamais pu oublier. Nous avons appris quelque chose aussi, si du moins on peut raisonner à partir de ce cas particulier, c'est que les bêtes sauvages aux ordres du Comte ne sont pas sensibles à ses pouvoir mentaux. En effet, voyez : ces rats qui ont répondu à son appel, tout comme les loups avaient répondu à son appel lancé depuis le haut du château pour dévorer cette pauvre mère, ou au moment de votre départ, Jonathan ; mais bien qu'ils soient venus quand il les a appelés, ils se sont enfuis en désordre devant les petits chiens de notre ami Arthur. Nous avons encore d'autres épreuves devant nous, d'autres dangers, d'autres terreurs, et ce monstre lui-même – Il n'a pas utilisé son pouvoir sur le monde animal cette nuit pour la dernière fois, soyez-en sûrs. Ainsi donc, il est parti autre part. Bien ! Voici qui nous donne l'opportunité d'annoncer

« échec », dans cette partie que nous jouons pour la survie des âmes humaines. Et maintenant, rentrons. L'aube est proche, et nous avons de quoi nous réjouir de notre première nuit de travail. Il se pourrait que de nombreuses nuits et de nombreux jours pleins de périls nous attendent, mais nous devons aller de l'avant, et nul danger ne doit nous faire reculer. L'établissement était silencieux quand nous rentrâmes, à part une pauvre créature qui hurlait à l'autre bout du bâtiment, et un sourd gémissement qui venait de la chambre de Renfield. Le pauvre homme se torturait sans doute l'esprit en vain, comme tous les aliénés. Je rentrai sur la pointe des pieds dans notre chambre, et je trouvai Mina endormie, respirant si doucement que je dus m'approcher d'elle pour entendre son souffle. Elle semblait plus pâle que de coutume. J'espère que la conférence de ce soir ne l'a pas trop perturbée. Je suis vraiment heureux que les tâches qu'il nous reste à accomplir, et même nos délibérations, lui soient épargnées. C'est une pression trop forte pour une femme. Ce n'était pas mon opinion au début, mais j'en sais maintenant davantage ; je suis donc heureux qu'il en soit ainsi. Elle pourrait être effrayée ne serait-ce que d'entendre certaines choses. Mais elle ne doit pas se rendre compte qu'il y a dissimulation, ou ce serait encore pire. En conséquence, notre travail doit être pour elle comme un livre scellé, du moins tant que nous ne sommes pas en mesure de lui dire que tout est fini, et que la terre a été délivrée d'un monstre des enfers. Je sais bien qu'il sera difficile de garder le silence, tant elle et moi nous faisons confiance, mais je dois être inflexible, et demain je ne lui révèlerai rien des évènements de cette nuit ; je refuserai d'en dire quoi que ce soit. Je vais rester sur le sofa, afin de ne pas la déranger. 1er octobre, plus tard Je suppose qu'il est bien naturel que nous ayons tous dormi très tard : la journée d'hier fut très occupée, et la nuit pas du tout reposante. Même Mina doit avoir ressenti cet épuisement ; en effet, même si j'ai dormi jusqu'à ce que le soleil soit haut dans le ciel, je me suis éveillé avant elle, et ai dû l'appeler deux ou trois fois avant qu'elle n'ouvre les yeux. A vrai dire, elle était si profondément endormie que pendant quelques secondes elle ne sembla même pas me reconnaître, mais au contraire me regarda avec terreur, comme quelqu'un qui aurait été tiré d'un mauvais rêve. Elle se plaignit d'être fatiguée, et je la laissai se reposer encore un peu. Nous savons maintenant que vingt-et-une caisses ont été enlevées, et si c'est le cas, nous devrions être capables de les suivre à la trace. Bien sûr, cela simplifierait considérablement notre travail, et le plus tôt sera le mieux. J'irai voir Thomas Snelling aujourd'hui. Journal du Dr. Seward 1er octobre Il était presque midi lorsque je fus réveillé par le Professeur qui entrait dans ma chambre. Il était plus joyeux qu'à l'ordinaire, et il est évident que les tâches de la nuit dernière l'ont aidé à de débarrasser de soucis qui pesaient sur son esprit. Après m'avoir parlé un peu de l'aventure de la nuit dernière, il me dit soudainement : « Votre patient m'intéresse beaucoup. Se pourrait-il que je lui rende à nouveau visite ce matin en votre compagnie ? Ou si vous êtes trop occupé, je peux y aller seul si vous y consentez. C'est une expérience nouvelle pour moi, de rencontrer un aliéné avec qui parler philosophie, et aux raisonnements si rigoureux. » J'avais quelques travaux urgents, je lui répondis donc que s'il pouvait y aller seul, j'en serais heureux, et qu'ainsi je n'aurais pas à le faire attendre. J'appelai donc un surveillant, et lui donnai les instructions nécessaires.

Part (55) Anteil (55) Part (55) Parte (55) Часть (55)

Alors, je les conduisis, et, après quelques errements, je me retrouvai face à une porte de chêne, basse et voûtée, renforcée de fer. « C'est ici » dit le Professeur, dirigeant sa lampe vers un petit plan du bâtiment, qu'il avait copié sur l'original qui se trouvait dans le dossier relatif à l'achat de la propriété. Nous eûmes quelques difficultés à trouver la bonne clé sur le trousseau, mais parvînmes à ouvrir la porte. Nous nous attendions à quelque chose de très déplaisant, car en ouvrant la porte, un air malodorant avait commencé à s'exhaler par l'entrebâillement, mais personne n'était préparé à une odeur aussi nauséabonde. Aucun de mes compagnons n'avait jamais approché le Comte d'aussi près que moi, et lorsque je l'avais vu, soit il était en période de jeûne dans ses appartements, soit il était gorgé de sang frais dans un bâtiment en ruines où pouvait pénétrer l'air frais du dehors. Mais cet endroit était exigu, il était fermé depuis longtemps, et l'air y était immobile et vicié. A une odeur de terre se mêlait celle des miasmes qui emplissaient l'air infect. Mais l'odeur elle-même, comment pourrais-je la décrire ? Ce n'était pas seulement qu'elle mêlait aux senteurs de la mort celle, âcre et acide, du sang, mais c'était comme si la putréfaction elle-même s'était corrompue. Malheur ! Cela me rend malade rien que d'y penser. Chaque souffle exhalé par ce monstre semblait s'être accumulé en ce lieu pour le rendre encore plus abominable. Dans des circonstances ordinaires, une telle puanteur aurait dû mettre fin à notre entreprise, mais les circonstances n'étaient pas ordinaires, et la tâche noble et terrible que nous devions accomplir nous donnait la force de nous élever au-dessus des considérations purement physiques. Après un mouvement de recul bien naturel devant cette pestilence, nous nous mîmes au travail, comme si cet endroit répugnant était un jardin de roses. Lorsque nous commençâmes à examiner attentivement l'endroit, le Professeur nous dit : « La première chose à faire, c'est de voir combien de caisses il reste ; nous devons donc fouiller chaque recoin, chaque ouverture et chaque anfractuosité pour y chercher des indices de ce qu'ont pu devenir celles qui manquent. » Un seul regard nous suffit pour en déterminer le nombre, car les caisses de terre étaient très encombrantes, et on ne pouvait s'y tromper.

Sur les cinquante, il n'en restait que vingt-neuf ! Soudain, je frissonnai : je vis Lord Godalming se retourner d'un seul coup et observer le passage qui se trouvait au-delà de la porte voûtée, et mon cœur s'arrêta. Là-bas, il me semblait voir, nous observant depuis les ténèbres, les traits du visage maléfique du Comte, l'arête de son nez, ses yeux rouges, ses lèvres rouges, et sa terrifiante pâleur. Un instant après, toutefois, Lord Goldaming dit : « J'avais cru voir un visage, mais ce n'étaient que des ombres », et il reprit ses recherches. Je dirigeai ma lampe vers le passage, et y pénétrai. Il n'y avait absolument personne, et comme l'endroit ne comportait aucun recoin, aucune porte et aucune ouverture quelle qu'elle soit, mais seulement de solides murs de pierre, il n'y avait aucun endroit où se dissimuler, même pour lui. Je pensai que ma peur avait joué un tour à mon imagination, et ne dis rien. Quelques minutes plus tard, je vis Morris reculer subitement de quelques pas de l'endroit qu'il était occupé à examiner. Nous le suivîmes tous du regard, car sans nul doute, nous étions gagnés par une certaine nervosité, et nous vîmes alors une masse phosphorescente, qui brillait comme un ciel étoilé. Instinctivement, nous battîmes en retraite : la pièce entière devint littéralement grouillante de rats. Pendant quelques instants, nous restâmes interdits, tous, sauf Lord Godalming, qui s'était visiblement préparé à une telle éventualité. Il se jeta sur une autre grande porte de chêne bardée de fer, dont le Dr. Seward nous avait déjà fait une description, d'après sa première visite à l'extérieur du batiment, et que j'avais également vue moi-même. Il tourna la clé, tira les lourds verrous, et ouvrit la porte toute grande. Puis, tirant de sa poche son petit sifflet d'argent, il fit entendre un sifflement strident. Des chiens, derrière l'établissement du Dr. Seward, se mirent à hurler, et après une minute, trois terriers surgirent au coin du bâtiment. Inconsciemment, nous nous étions tous rapprochés de la porte, et dans ce mouvement je remarquai que la couche de poussière avait été foulée : les caisses qui avaient disparu étaient donc sorties par cette porte. Mais, même si à peine une minute s'était écoulée, les nombre de rats avait augmenté de façon alarmante. Ils semblaient déferler en masse dans la chapelle, à tel point que la lumière des lampes, se reflétant sur leurs corps noirs grouillants et leurs yeux brillants et maléfiques, donnait l'impression d'un essaim de lucioles. Les chiens se précipitèrent, mais il s'arrêtèrent soudain sur le seuil et se mirent à grogner, puis, levant le museau tous les trois en même temps, commencèrent à hurler de la façon la plus lugubre. Les rats étaient maintenant des milliers, et nous sortîmes. Lord Godalming prit un chien dans ses bras, et alla le déposer sur le sol, et à ce moment, la bête sembla retrouver son courage, et se rua sur ses ennemis naturels. Ceux-ci s'enfuirent si vite qu'avant qu'il ait pu en tuer une vingtaine, les autres chiens, qui l'avaient rejoint de la même manière, n'avaient plus beaucoup de proies à se mettre sous la dent : la plus grande partie des rats avaient disparu. Et avec eux, c'était comme si une présence maléfique s'était évanouie, car les chiens gambadèrent alors dans la pièce en aboyant joyeusement, jouant avec les cadavres de leurs ennemis, les retournant et les jetant en l'air en les secouant avec rage. Nous sentîmes tous le courage revenir. Etait-ce le fait d'avoir purifié l'air en ouvrant la porte, ou le soulagement de ne plus être enfermés après cette terrible expérience ? En tout cas, la terreur nous quitta comme on ôte un manteau, et notre présence en ce lieu perdit un peu de son caractère sinistre, même si notre résolution demeurait toujours aussi ferme. Nous refermâmes la porte extérieure et la verrouillâmes, puis, emmenant les chiens, entreprîmes d'explorer la maison elle-même. Nous ne trouvâmes rien de particulier, si ce n'est de la poussière dans des quantités inimaginables, et complètement vierge, à part les traces que j'avais moi-même laissées lors de ma première visite. A aucun moment les chiens ne montrèrent le moindre signe de nervosité, et même lorsque nous retournâmes à la chapelle, ils frétillaient d'excitation comme s'ils sortaient chasser le lapin dans la forêt en plein été. Le ciel s'éclaircissait déjà à l'est quand nous sortîmes par la porte principale. Le Dr. Van Helsing avait ôté du trousseau la clé de cette porte, qu'il avait convenablement verrouillée, et avait ensuite mis la clé dans sa poche. « Jusqu'ici », dit-il, « cette nuit nous a été très favorable. Rien de grave ne nous est arrivé comme j'aurais pu le craindre, et nous savons maintenant combien il manque de caisses. Mais surtout, je me réjouis que cette première étape, peut-être la plus difficile et la plus dangereuse, ait pu être accomplie sans qu'il eût été nécessaire de faire entrer dans cette chapelle notre douce Madam Mina, ou de troubler son sommeil, ou ses journées, avec des visions, des sons ou des odeurs monstrueuses qu'elle n'aurait jamais pu oublier. Nous avons appris quelque chose aussi, si du moins on peut raisonner à partir de ce cas particulier, c'est que les bêtes sauvages aux ordres du Comte ne sont pas sensibles à ses pouvoir mentaux. En effet, voyez : ces rats qui ont répondu à son appel, tout comme les loups avaient répondu à son appel lancé depuis le haut du château pour dévorer cette pauvre mère, ou au moment de votre départ, Jonathan ; mais bien qu'ils soient venus quand il les a appelés, ils se sont enfuis en désordre devant les petits chiens de notre ami Arthur. Nous avons encore d'autres épreuves devant nous, d'autres dangers, d'autres terreurs, et ce monstre lui-même – Il n'a pas utilisé son pouvoir sur le monde animal cette nuit pour la dernière fois, soyez-en sûrs. Ainsi donc, il est parti autre part. Bien ! Voici qui nous donne l'opportunité d'annoncer

« échec », dans cette partie que nous jouons pour la survie des âmes humaines. Et maintenant, rentrons. L'aube est proche, et nous avons de quoi nous réjouir de notre première nuit de travail. Il se pourrait que de nombreuses nuits et de nombreux jours pleins de périls nous attendent, mais nous devons aller de l'avant, et nul danger ne doit nous faire reculer. L'établissement était silencieux quand nous rentrâmes, à part une pauvre créature qui hurlait à l'autre bout du bâtiment, et un sourd gémissement qui venait de la chambre de Renfield. Le pauvre homme se torturait sans doute l'esprit en vain, comme tous les aliénés. Je rentrai sur la pointe des pieds dans notre chambre, et je trouvai Mina endormie, respirant si doucement que je dus m'approcher d'elle pour entendre son souffle. Elle semblait plus pâle que de coutume. J'espère que la conférence de ce soir ne l'a pas trop perturbée. Je suis vraiment heureux que les tâches qu'il nous reste à accomplir, et même nos délibérations, lui soient épargnées. C'est une pression trop forte pour une femme. Ce n'était pas mon opinion au début, mais j'en sais maintenant davantage ; je suis donc heureux qu'il en soit ainsi. Elle pourrait être effrayée ne serait-ce que d'entendre certaines choses. Mais elle ne doit pas se rendre compte qu'il y a dissimulation, ou ce serait encore pire. En conséquence, notre travail doit être pour elle comme un livre scellé, du moins tant que nous ne sommes pas en mesure de lui dire que tout est fini, et que la terre a été délivrée d'un monstre des enfers. Je sais bien qu'il sera difficile de garder le silence, tant elle et moi nous faisons confiance, mais je dois être inflexible, et demain je ne lui révèlerai rien des évènements de cette nuit ; je refuserai d'en dire quoi que ce soit. Je vais rester sur le sofa, afin de ne pas la déranger. 1er octobre, plus tard Je suppose qu'il est bien naturel que nous ayons tous dormi très tard : la journée d'hier fut très occupée, et la nuit pas du tout reposante. Même Mina doit avoir ressenti cet épuisement ; en effet, même si j'ai dormi jusqu'à ce que le soleil soit haut dans le ciel, je me suis éveillé avant elle, et ai dû l'appeler deux ou trois fois avant qu'elle n'ouvre les yeux. A vrai dire, elle était si profondément endormie que pendant quelques secondes elle ne sembla même pas me reconnaître, mais au contraire me regarda avec terreur, comme quelqu'un qui aurait été tiré d'un mauvais rêve. Elle se plaignit d'être fatiguée, et je la laissai se reposer encore un peu. Nous savons maintenant que vingt-et-une caisses ont été enlevées, et si c'est le cas, nous devrions être capables de les suivre à la trace. Bien sûr, cela simplifierait considérablement notre travail, et le plus tôt sera le mieux. J'irai voir Thomas Snelling aujourd'hui. Journal du Dr. Seward 1er octobre Il était presque midi lorsque je fus réveillé par le Professeur qui entrait dans ma chambre. Il était plus joyeux qu'à l'ordinaire, et il est évident que les tâches de la nuit dernière l'ont aidé à de débarrasser de soucis qui pesaient sur son esprit. Après m'avoir parlé un peu de l'aventure de la nuit dernière, il me dit soudainement : « Votre patient m'intéresse beaucoup. Se pourrait-il que je lui rende à nouveau visite ce matin en votre compagnie ? Ou si vous êtes trop occupé, je peux y aller seul si vous y consentez. C'est une expérience nouvelle pour moi, de rencontrer un aliéné avec qui parler philosophie, et aux raisonnements si rigoureux. » J'avais quelques travaux urgents, je lui répondis donc que s'il pouvait y aller seul, j'en serais heureux, et qu'ainsi je n'aurais pas à le faire attendre. J'appelai donc un surveillant, et lui donnai les instructions nécessaires.