×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

Bram Stoker - Dracula, Part (31)

Part (31)

Mais, Dieu vous bénisse, dans la vraie vie, les loups sont des créatures inférieures, qui n'ont pas la moitié de la jugeote d'un bon chien, et pas le quart de sa combativité. Celui-là non seulement n'avait pas l'habitude de se battre, mais il ne savait même pas se nourrir tout seul, et c'est probable qu'il soit quelque part dans le Parc, en train de trembler et de se cacher, et, s'il pense un tant soit peu, pour sûr il est en train de se demander d'où va sortir son petit déjeuner; ou peut-être qu'il est descendu dans une cave à charbon du voisinage. Pardi, y'a une cuisinière qui va faire un joli saut en l'air quand elle verra ses deux yeux verts qui brillent dans le noir ! Si on n' lui donne pas de nourriture, il va devoir s'en trouver lui-même… Avec un peu de chance il tombera sur une boucherie. S'il a pas de chance, et qu'il croise une nurse qui fricote avec un soldat et qui laisse un enfant sans surveillance dans un landau, alors je s'rais pas surpris qu'y manque un bébé au recensement. C'est tout. » J'étais en train de lui tendre l'autre moitié du pourboire, lorsque quelque chose cogna à la fenêtre, et la figure, naturellement longue, de Mister Bilder, s'est encore allongée de surprise. « Dieu me pardonne ! dit-il. Si c'est pas ce vieux Bersicker, qui revient tout seul ! » Il alla à la porte et l'ouvrit - un acte absolument superfétatoire, selon moi. J'ai toujours trouvé qu'un animal sauvage était d'autant plus admirable qu'il se trouvait derrière un obstacle dont la résistance est éprouvée; mon expérience personnelle a d'ailleurs intensifié, plutôt que diminué, ce préjugé. Toute la scène offrait un mélange inextricable de comique et de pathétique. Le méchant loup qui, pendant tout un jour avait paralysé Londres et fait trembler tous les gamins dans leurs chaussures, se trouvait là, avec un air penaud, et fut accueilli et flatté comme une sorte de version vulpine du fils prodigue. Le vieux Bilder l'examina partout avec une tendre sollicitude, et quand il en eut fini avec son pénitent, il dit : « Et voilà, je savais bien qu'il allait, le pauvre, se fourrer dans des ennuis; est-ce que je ne le répète pas depuis le début ? Il a la tête toute coupée, pleine de verre brisé. Il a dû essayer de franchir un mur… C'est-y pas une honte, que les gens soient autorisés à garnir le haut de leurs murs avec des bris de verre ? Voilà ce que ça donne. Viens là, Bersicker. » Il prit le loup et l'enferma dans une cage, avec un morceau de viande qui correspondait, au moins par la quantité, à l'idée qu'on peut se faire d'un veau gras, et il alla faire son rapport.

Je sortis également, afin de vous rapporter la seule exclusivité de la journée concernant cette étrange escapade au Zoo. Journal du Dr. Seward 17 septembre. J'étais occupé dans mon bureau après le dîner, à rattraper le retard qui s'était accumulé dans mon travail à cause d'autres tâches et de mes nombreuses visites à Lucy. Soudain, la porte s'ouvrit violemment, et mon patient se précipita à l'intérieur, le visage en proie à une violente émotion. Je restai figé sur place, car un tel évènement : un patient pénétrant de son propre chef dans le bureau du Directeur, personne n'avait jamais vu cela. Sans attendre un instant, il se dirigea droit vers moi. Il avait un couteau dans la main, et comprenant qu'il était dangereux, je m'efforçai de garder la table entre lui et moi. Mais il était trop rapide et trop fort pour moi, car avant que je puisse me mettre en garde, il m'avait frappé, m'entaillant sévèrement le poignet gauche. Mais avant qu'il ne frappe de nouveau, je lui envoyai une droite qui l'étendit au sol. Mon poignet saignait abondamment, et le sang formait une petite mare sur le tapis. Je vis que mon ami ne comptait pas poursuivre la lutte ; aussi je bandai ma blessure au poignet, tout en ne quittant pas des yeux l'homme, prostré au sol. Quand les surveillants se ruèrent dans la pièce, nous nous occupâmes de lui, et je fus littéralement malade de voir à quelle activité il se livrait : il était étendu sur le ventre, et léchait, comme un chien, le sang qui s'était écoulé de ma blessure au poignet. On se saisit de lui sans difficultés, et à mon grand étonnement, il suivit docilement les surveillants, répétant sans cesse : « Le sang, c'est la vie ! Le sang, c'est la vie ! » Je ne puis vraiment me permettre de perdre du sang en ce moment ; j'en ai déjà perdu trop ces derniers temps, et à vrai dire, la maladie de Lucy et ses horribles développements me pèsent beaucoup. Je suis surexcité et épuisé, et j'ai besoin de repos, de repos, de repos. Par bonheur, Van Helsing n'a pas fait appel à moi, et cette nuit je n'aurai pas à veiller. Tant mieux, car je n'aurais pas pu le supporter. Télégramme de Van Helsing, Anvers, à Seward, Carfax. (envoyé à Carfax dans le Sussex, faute de mention du nom du Comté ; remis avec vingt-deux heures de retard) 17 septembre. Soyez sans faute à Hillingham ce soir. Si pas possible de veiller en permanence, aller voir souvent si fleurs encore en place ; très important. Serai avec vous dès que possible une fois arrivé. » Journal du Dr. Seward 18 septembre. Je prends le train pour Londres. L'arrivée du télégramme de Van Helsing m'a consterné. Une nuit entière de perdue, et je sais, par expérience, ce qui peut arriver de tragique en une nuit. Bien sûr, il est possible que tout aille bien, mais par ailleurs, que peut-il être arrivé ? Sans aucun doute, une terrible malédiction pèse sur nous, pour que tous les incidents possibles et

imaginables viennent sans cesse contrarier nos efforts. Je vais prendre ce cylindre avec moi, et je pourrai compléter mon enregistrement sur le phonographe de Lucy. Memorandum laissé par Lucy Westenra 18 septembre - Nuit. J'écris ces lignes et je les laisse en évidence, afin d'éviter que quiconque ait des problèmes à cause de moi. Ceci est le rapport fidèle de ce qui s'est passé cette nuit. Je sens que je meurs de faiblesse, et j'ai à peine la force d'écrire, mais cela doit être fait, même si je meurs en le faisant. Je suis allée au lit comme d'habitude, en faisant très attention à ce que les fleurs soient placées à la manière indiquée par le Docteur Van Helsing, et je me suis endormie rapidement. J'ai été réveillée par le bruissement d'ailes à la fenêtre, ce bruissement qui a commencé juste après mon épisode somnambulique sur la falaise de Whitby, quand Mina m'a sauvée, et qui m'est devenu si familier. Je n'avais pas peur, mais je souhaitais vivement que le Dr Seward fût dans la pièce d'à côté - où le Dr Van Helsing m'avait affirmé qu'il serait - afin qu'il soit à portée de voix. J'essayai de me rendormir, mais ce fut impossible. Ma vieille peur de dormir me revenait, et je décidai de rester éveillée. Avec une certaine perversité, le sommeil s'imposa alors que je ne le cherchais plus, aussi, comme je craignais d'être seule, j'ouvris ma porte et appelai : « Y a-t-il quelqu'un ici ? » Il n'y eut pas de réponse. J'avais peur de réveiller Maman, aussi je refermai ma porte. C'est alors que j'entendis, en provenance du jardin, une sorte d'aboiement de chien, mais plus sauvage et plus grave. J'allai à la fenêtre pour regarder, mais je ne pus rien voir, à l'exception d'une grosse chauve-souris, qui avait manifestement cogné ses ailes contre la fenêtre. Je retournai donc au lit, mais déterminée à ne pas dormir. A cet instant la porte s'ouvrit, et ma mère regarda à l'intérieur; voyant que je ne dormais pas, elle entra et s'assit à mon chevet. Elle me dit, encore plus doucement et plus bas que d'habitude : « J'avais une inquiétude à ton sujet, ma chérie, et je suis juste venue voir si tout allait bien. » Comme j'avais peur qu'elle n'attrape froid à rester ainsi assise, je lui ai demandé de venir dans le lit avec moi, ce qu'elle fit. Elle s'allongea à mes côtés, sans ôter sa robe de chambre, car elle ne voulait rester qu'un moment avant de rejoindre son propre lit. Alors que nous étions enlacées, le bruissement d'ailes et leur choc contre la fenêtre recommencèrent. Maman en fut un peu effrayée, et gémit : « Qu'est-ce que c'est ? » J'essayai de la rassurer, et j'y réussis enfin, car elle se calma; mais je pouvais entendre son pauvre cœur qui cognait encore terriblement dans sa poitrine. Après un moment il y eut à nouveau le hurlement grave dans le jardin, et presque aussitôt la vitre de la fenêtre vola en éclats et un flot de verre brisé se répandit dans la chambre. Le volet claqua avec le vent qui s'engouffrait à l'intérieur, et dans l'ouverture de la fenêtre cassée, il y avait la tête d'un grand loup gris famélique. Maman hurla de frayeur, et se débattit pour s'asseoir, s'accrochant désespérément à ce qu'elle pouvait. Parmi d'autres choses, elle s'agrippa au collier de fleurs que le Dr Van Helsing avait insisté pour que je porte, et me l'arracha. Pendant un bref instant, elle désigna le loup, sa gorge pleine d'un gargouillis étrange et horrible ; puis elle retomba, comme frappée par la foudre, et sa tête heurta mon front. Je fus sonnée pendant un moment. La pièce, et tout alentour, semblait tanguer. Je gardai les yeux rivés sur la fenêtre, mais le loup retira sa tête, et je vis une myriade de petits grains de poussière qui avançait, comme une nuée, à travers la fenêtre brisée, tournoyant comme les colonnes de sable soulevées par le simoun, dans les récits des voyageurs revenant du désert. Je voulais bouger, mais j'étais comme pétrifiée, et le corps de ma chère Maman, qui paraissait déjà se refroidir - car son coeur avait cessé de battre - m'écrasait; et je crois que je perdis conscience pendant un moment. Ces instants avant que je reprenne mes esprits ne me parurent pas vraiment longs, mais vraiment, vraiment affreux. Quelque part aux environs, un glas sonnait; tous les chiens du quartier hurlaient, et dans notre petit jardin, juste à côté me semble-t-il, chantait un rossignol. J'étais totalement paralysée et stupéfiée par la douleur, la terreur et la faiblesse, mais la voix du rossignol m'apparaissait comme la voix de ma chère Maman revenue pour me soutenir. Tout ce vacarme semblait également avoir réveillé les femmes de chambre, car j'entendais leurs pieds nus trottiner derrière ma porte. Je les appelai, et elles vinrent, et lorsqu'elles virent ce qui s'était passé, et sous quoi je me trouvais dans le lit, elles poussèrent des hurlements. Le vent s'engouffrait par la fenêtre cassée, et la porte claqua aussi. Elles soulevèrent le corps de ma chère Maman, le couchèrent et le recouvrirent d'un drap, après que je me fus levée. Elles étaient si effrayées et si nerveuses que je leur ordonnai à toutes d'aller dans la salle à manger de se servir un verre de vin chacune. La porte s'ouvrit un instant, et se referma en claquant. Les femmes de chambre crièrent, puis partirent en bas, et je déposai les fleurs dont je disposais sur la poitrine de ma chère

Maman. Quand elles furent disposées, je me souvins de ce que le Dr Van Helsing m'avait dit, mais je n'avais pas le cœur à les retirer, et, de plus, j'aurais désormais les servantes pour veiller avec moi. Je m'étonnai d'ailleurs qu'elles ne revinssent pas. Je les appelai, mais ne reçus aucune réponse, aussi je me rendis dans la salle à manger pour les chercher. Mon coeur chavira lorsque je vis ce qui était arrivé. Toutes les quatre gisaient sur le sol, respirant avec difficulté. La carafe de sherry se trouvait sur la table, à moitié pleine, mais elle dégageait une odeur étrange et âcre. Suspicieuse, j'examinai la carafe. Elle sentait le laudanum, et en regardant sur le buffet, je vis que la fiole dont le docteur de Maman se sert pour elle - ou plutôt, se servait - était vide.

Part (31) Part (31) اشتراک گذاری (31) Parte (31)

Mais, Dieu vous bénisse, dans la vraie vie, les loups sont des créatures inférieures, qui n'ont pas la moitié de la jugeote d'un bon chien, et pas le quart de sa combativité. Celui-là non seulement n'avait pas l'habitude de se battre, mais il ne savait même pas se nourrir tout seul, et c'est probable qu'il soit quelque part dans le Parc, en train de trembler et de se cacher, et, s'il pense un tant soit peu, pour sûr il est en train de se demander d'où va sortir son petit déjeuner; ou peut-être qu'il est descendu dans une cave à charbon du voisinage. Pardi, y'a une cuisinière qui va faire un joli saut en l'air quand elle verra ses deux yeux verts qui brillent dans le noir ! Si on n' lui donne pas de nourriture, il va devoir s'en trouver lui-même… Avec un peu de chance il tombera sur une boucherie. S'il a pas de chance, et qu'il croise une nurse qui fricote avec un soldat et qui laisse un enfant sans surveillance dans un landau, alors je s'rais pas surpris qu'y manque un bébé au recensement. C'est tout. » J'étais en train de lui tendre l'autre moitié du pourboire, lorsque quelque chose cogna à la fenêtre, et la figure, naturellement longue, de Mister Bilder, s'est encore allongée de surprise. « Dieu me pardonne ! dit-il. Si c'est pas ce vieux Bersicker, qui revient tout seul ! » Il alla à la porte et l'ouvrit - un acte absolument superfétatoire, selon moi. J'ai toujours trouvé qu'un animal sauvage était d'autant plus admirable qu'il se trouvait derrière un obstacle dont la résistance est éprouvée; mon expérience personnelle a d'ailleurs intensifié, plutôt que diminué, ce préjugé. Toute la scène offrait un mélange inextricable de comique et de pathétique. Le méchant loup qui, pendant tout un jour avait paralysé Londres et fait trembler tous les gamins dans leurs chaussures, se trouvait là, avec un air penaud, et fut accueilli et flatté comme une sorte de version vulpine du fils prodigue. Le vieux Bilder l'examina partout avec une tendre sollicitude, et quand il en eut fini avec son pénitent, il dit : « Et voilà, je savais bien qu'il allait, le pauvre, se fourrer dans des ennuis; est-ce que je ne le répète pas depuis le début ? Il a la tête toute coupée, pleine de verre brisé. Il a dû essayer de franchir un mur… C'est-y pas une honte, que les gens soient autorisés à garnir le haut de leurs murs avec des bris de verre ? Voilà ce que ça donne. Viens là, Bersicker. » Il prit le loup et l'enferma dans une cage, avec un morceau de viande qui correspondait, au moins par la quantité, à l'idée qu'on peut se faire d'un veau gras, et il alla faire son rapport.

Je sortis également, afin de vous rapporter la seule exclusivité de la journée concernant cette étrange escapade au Zoo. Journal du Dr. Seward 17 septembre. J'étais occupé dans mon bureau après le dîner, à rattraper le retard qui s'était accumulé dans mon travail à cause d'autres tâches et de mes nombreuses visites à Lucy. Soudain, la porte s'ouvrit violemment, et mon patient se précipita à l'intérieur, le visage en proie à une violente émotion. Je restai figé sur place, car un tel évènement : un patient pénétrant de son propre chef dans le bureau du Directeur, personne n'avait jamais vu cela. Sans attendre un instant, il se dirigea droit vers moi. Il avait un couteau dans la main, et comprenant qu'il était dangereux, je m'efforçai de garder la table entre lui et moi. Mais il était trop rapide et trop fort pour moi, car avant que je puisse me mettre en garde, il m'avait frappé, m'entaillant sévèrement le poignet gauche. Mais avant qu'il ne frappe de nouveau, je lui envoyai une droite qui l'étendit au sol. But before he could strike again, I sent him a right that sent him sprawling to the ground. Mon poignet saignait abondamment, et le sang formait une petite mare sur le tapis. Je vis que mon ami ne comptait pas poursuivre la lutte ; aussi je bandai ma blessure au poignet, tout en ne quittant pas des yeux l'homme, prostré au sol. Quand les surveillants se ruèrent dans la pièce, nous nous occupâmes de lui, et je fus littéralement malade de voir à quelle activité il se livrait : il était étendu sur le ventre, et léchait, comme un chien, le sang qui s'était écoulé de ma blessure au poignet. On se saisit de lui sans difficultés, et à mon grand étonnement, il suivit docilement les surveillants, répétant sans cesse : « Le sang, c'est la vie ! Le sang, c'est la vie ! » Je ne puis vraiment me permettre de perdre du sang en ce moment ; j'en ai déjà perdu trop ces derniers temps, et à vrai dire, la maladie de Lucy et ses horribles développements me pèsent beaucoup. Je suis surexcité et épuisé, et j'ai besoin de repos, de repos, de repos. Par bonheur, Van Helsing n'a pas fait appel à moi, et cette nuit je n'aurai pas à veiller. Tant mieux, car je n'aurais pas pu le supporter. Télégramme de Van Helsing, Anvers, à Seward, Carfax. (envoyé à Carfax dans le Sussex, faute de mention du nom du Comté ; remis avec vingt-deux heures de retard) 17 septembre. Soyez sans faute à Hillingham ce soir. Si pas possible de veiller en permanence, aller voir souvent si fleurs encore en place ; très important. Serai avec vous dès que possible une fois arrivé. » Journal du Dr. Seward 18 septembre. Je prends le train pour Londres. L'arrivée du télégramme de Van Helsing m'a consterné. Une nuit entière de perdue, et je sais, par expérience, ce qui peut arriver de tragique en une nuit. Bien sûr, il est possible que tout aille bien, mais par ailleurs, que peut-il être arrivé ? Sans aucun doute, une terrible malédiction pèse sur nous, pour que tous les incidents possibles et

imaginables viennent sans cesse contrarier nos efforts. Je vais prendre ce cylindre avec moi, et je pourrai compléter mon enregistrement sur le phonographe de Lucy. Memorandum laissé par Lucy Westenra 18 septembre - Nuit. J'écris ces lignes et je les laisse en évidence, afin d'éviter que quiconque ait des problèmes à cause de moi. Ceci est le rapport fidèle de ce qui s'est passé cette nuit. Je sens que je meurs de faiblesse, et j'ai à peine la force d'écrire, mais cela doit être fait, même si je meurs en le faisant. Je suis allée au lit comme d'habitude, en faisant très attention à ce que les fleurs soient placées à la manière indiquée par le Docteur Van Helsing, et je me suis endormie rapidement. J'ai été réveillée par le bruissement d'ailes à la fenêtre, ce bruissement qui a commencé juste après mon épisode somnambulique sur la falaise de Whitby, quand Mina m'a sauvée, et qui m'est devenu si familier. Je n'avais pas peur, mais je souhaitais vivement que le Dr Seward fût dans la pièce d'à côté - où le Dr Van Helsing m'avait affirmé qu'il serait - afin qu'il soit à portée de voix. J'essayai de me rendormir, mais ce fut impossible. Ma vieille peur de dormir me revenait, et je décidai de rester éveillée. Avec une certaine perversité, le sommeil s'imposa alors que je ne le cherchais plus, aussi, comme je craignais d'être seule, j'ouvris ma porte et appelai : « Y a-t-il quelqu'un ici ? » Il n'y eut pas de réponse. J'avais peur de réveiller Maman, aussi je refermai ma porte. C'est alors que j'entendis, en provenance du jardin, une sorte d'aboiement de chien, mais plus sauvage et plus grave. J'allai à la fenêtre pour regarder, mais je ne pus rien voir, à l'exception d'une grosse chauve-souris, qui avait manifestement cogné ses ailes contre la fenêtre. Je retournai donc au lit, mais déterminée à ne pas dormir. A cet instant la porte s'ouvrit, et ma mère regarda à l'intérieur; voyant que je ne dormais pas, elle entra et s'assit à mon chevet. Elle me dit, encore plus doucement et plus bas que d'habitude : « J'avais une inquiétude à ton sujet, ma chérie, et je suis juste venue voir si tout allait bien. » Comme j'avais peur qu'elle n'attrape froid à rester ainsi assise, je lui ai demandé de venir dans le lit avec moi, ce qu'elle fit. Elle s'allongea à mes côtés, sans ôter sa robe de chambre, car elle ne voulait rester qu'un moment avant de rejoindre son propre lit. Alors que nous étions enlacées, le bruissement d'ailes et leur choc contre la fenêtre recommencèrent. Maman en fut un peu effrayée, et gémit : « Qu'est-ce que c'est ? » J'essayai de la rassurer, et j'y réussis enfin, car elle se calma; mais je pouvais entendre son pauvre cœur qui cognait encore terriblement dans sa poitrine. Après un moment il y eut à nouveau le hurlement grave dans le jardin, et presque aussitôt la vitre de la fenêtre vola en éclats et un flot de verre brisé se répandit dans la chambre. Le volet claqua avec le vent qui s'engouffrait à l'intérieur, et dans l'ouverture de la fenêtre cassée, il y avait la tête d'un grand loup gris famélique. Maman hurla de frayeur, et se débattit pour s'asseoir, s'accrochant désespérément à ce qu'elle pouvait. Parmi d'autres choses, elle s'agrippa au collier de fleurs que le Dr Van Helsing avait insisté pour que je porte, et me l'arracha. Pendant un bref instant, elle désigna le loup, sa gorge pleine d'un gargouillis étrange et horrible ; puis elle retomba, comme frappée par la foudre, et sa tête heurta mon front. Je fus sonnée pendant un moment. La pièce, et tout alentour, semblait tanguer. Je gardai les yeux rivés sur la fenêtre, mais le loup retira sa tête, et je vis une myriade de petits grains de poussière qui avançait, comme une nuée, à travers la fenêtre brisée, tournoyant comme les colonnes de sable soulevées par le simoun, dans les récits des voyageurs revenant du désert. Je voulais bouger, mais j'étais comme pétrifiée, et le corps de ma chère Maman, qui paraissait déjà se refroidir - car son coeur avait cessé de battre - m'écrasait; et je crois que je perdis conscience pendant un moment. Ces instants avant que je reprenne mes esprits ne me parurent pas vraiment longs, mais vraiment, vraiment affreux. Quelque part aux environs, un glas sonnait; tous les chiens du quartier hurlaient, et dans notre petit jardin, juste à côté me semble-t-il, chantait un rossignol. J'étais totalement paralysée et stupéfiée par la douleur, la terreur et la faiblesse, mais la voix du rossignol m'apparaissait comme la voix de ma chère Maman revenue pour me soutenir. Tout ce vacarme semblait également avoir réveillé les femmes de chambre, car j'entendais leurs pieds nus trottiner derrière ma porte. Je les appelai, et elles vinrent, et lorsqu'elles virent ce qui s'était passé, et sous quoi je me trouvais dans le lit, elles poussèrent des hurlements. Le vent s'engouffrait par la fenêtre cassée, et la porte claqua aussi. Elles soulevèrent le corps de ma chère Maman, le couchèrent et le recouvrirent d'un drap, après que je me fus levée. Elles étaient si effrayées et si nerveuses que je leur ordonnai à toutes d'aller dans la salle à manger de se servir un verre de vin chacune. La porte s'ouvrit un instant, et se referma en claquant. Les femmes de chambre crièrent, puis partirent en bas, et je déposai les fleurs dont je disposais sur la poitrine de ma chère

Maman. Quand elles furent disposées, je me souvins de ce que le Dr Van Helsing m'avait dit, mais je n'avais pas le cœur à les retirer, et, de plus, j'aurais désormais les servantes pour veiller avec moi. Je m'étonnai d'ailleurs qu'elles ne revinssent pas. Je les appelai, mais ne reçus aucune réponse, aussi je me rendis dans la salle à manger pour les chercher. Mon coeur chavira lorsque je vis ce qui était arrivé. My heart capsized when I saw what had happened. Toutes les quatre gisaient sur le sol, respirant avec difficulté. La carafe de sherry se trouvait sur la table, à moitié pleine, mais elle dégageait une odeur étrange et âcre. Suspicieuse, j'examinai la carafe. Elle sentait le laudanum, et en regardant sur le buffet, je vis que la fiole dont le docteur de Maman se sert pour elle - ou plutôt, se servait - était vide.