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Les mots de l'actualité (2009), OFFRE PUBLIQUE   2009-09-08

OFFRE PUBLIQUE 2009-09-08

François Bayrou est président du MODEM, un parti politique français du centre, un parti centriste. Il peut pencher vers la droite comme vers la gauche ; et ce dernier week-end, il semble qu'il ait plutôt penché vers la gauche, en faisant au Parti socialiste une « offre publique de dialogue ». Cette formule, qu'il a incluse dans un discours, est faite pour être remarquée, notée, retenue. Et elle n'est pas sans habileté. Qu'évoque-t-elle ? D'abord l'offre, car c'est lui qui propose. Ensuite, cette offre se donne comme publique. Qu'on ne vienne pas dire après, qu'on ne savait pas, car tout ça se fait dans la transparence, publiquement, à son de trompe. On n'est donc pas dans la politique clandestine des pourparlers à voix basse, qui se font sans que le public ou les militants soient prévenus. Au contraire, on claironne qu'on demande le dialogue. C'est habile également, parce qu'on attend une réponse, qu'on provoque une réponse : la balle est dans l'autre camp. Et on pourra toujours dire, si le dialogue ne s'instaure pas, que c'est la faute des autres. Ils n'ont pas répondu, ils n'ont pas saisi la main tendue, ils ont fait la sourde oreille, alors que ce dialogue, nous le demandions. Il s'agit bien d'une formule, on souhaite qu'elle soit remarquée. Et elle peut l'être, car elle est un détournement d'une expression qui existe déjà : offre publique d'achat, ce qu'on appelle, en utilisant les initiales, une OPA. Une OPA est une proposition financière qui consiste, pour une société ou un groupe, à se porter acquéreur, à un prix donné, des actions d'une autre société, pour en prendre le contrôle. Et en fait, bien que le mot OPA évoque le plus souvent une opération de conquête économique, on distingue entre OPA amicale ou inamicale. Je vous l'accorde, l'OPA amicale est plutôt rare, ou simplement, on n'en parle peu : si elle est si cordiale, elle ne fera pas couler beaucoup d'encre, et donc le terme ne se répandra pas hors du jargon économique. En revanche, celle qu'on dit « inamicale » suscite commentaires et polémiques. Non contente d'être publique, elle est à la une de l'actualité. Ce côté agressif, presque militaire, en tout cas stratégique de ce mouvement, se sent jusque dans la grammaire qui permet de l'exprimer. On dit « lancer » une OPA, comme on dit « lancer une attaque ».

Alors revenons à notre formule de départ, offre publique de dialogue : est-elle bien astucieuse ? Ne va-t-elle pas sembler trop agressive ? Justement, elle va frapper les esprits car elle utilise un modèle de départ agressif, dont l'agressivité est modulée, peut-être même annulée, en apparence, par le dernier mot. On n'est plus dans une offre publique d'achat, mais de dialogue. C'est-à-dire de partage des mots, de partage du langage. L'expression a donc un aspect provocateur, murement réfléchi. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/


OFFRE PUBLIQUE   2009-09-08 PUBLIC OFFERING 2009-09-08 OFERTA PÚBLICA 2009-09-08

François Bayrou est président du MODEM, un parti politique français du centre, un parti centriste. Il peut pencher vers la droite comme vers la gauche ; et ce dernier week-end, il semble qu'il ait plutôt penché vers la gauche, en faisant au Parti socialiste une « offre publique de dialogue ». Cette formule, qu'il a incluse dans un discours, est faite pour être remarquée, notée, retenue. Et elle n'est pas sans habileté. Qu'évoque-t-elle ? D'abord l'offre, car c'est lui qui propose. Ensuite, cette offre se donne comme publique. Qu'on ne vienne pas dire après, qu'on ne savait pas, car tout ça se fait dans la transparence, publiquement, à son de trompe. On n'est donc pas dans la politique clandestine des pourparlers à voix basse, qui se font sans que le public ou les militants soient prévenus. Au contraire, on claironne qu'on demande le dialogue. C'est habile également, parce qu'on attend une réponse, qu'on provoque une réponse : la balle est dans l'autre camp. Et on pourra toujours dire, si le dialogue ne s'instaure pas, que c'est la faute des autres. Ils n'ont pas répondu, ils n'ont pas saisi la main tendue, ils ont fait la sourde oreille, alors que ce dialogue, nous le demandions. Il s'agit bien d'une formule, on souhaite qu'elle soit remarquée. Et elle peut l'être, car elle est un détournement d'une expression qui existe déjà : offre publique d'achat, ce qu'on appelle, en utilisant les initiales, une OPA. Une OPA est une proposition financière qui consiste, pour une société ou un groupe, à se porter acquéreur, à un prix donné, des actions d'une autre société, pour en prendre le contrôle. Et en fait, bien que le mot OPA évoque le plus souvent  une opération de conquête économique, on distingue entre OPA amicale ou inamicale. Je vous l'accorde, l'OPA amicale est plutôt rare, ou simplement, on n'en parle peu : si elle est si cordiale, elle ne fera pas couler beaucoup d'encre, et donc le terme ne se répandra pas hors du jargon économique. En revanche, celle qu'on dit « inamicale » suscite commentaires et polémiques. Non contente d'être publique, elle est à la une de l'actualité. Ce côté agressif, presque militaire, en tout cas stratégique de ce mouvement, se sent jusque dans la grammaire qui permet de l'exprimer. On dit « lancer » une OPA, comme on dit « lancer une attaque ».

Alors revenons à notre formule de départ, offre publique de dialogue : est-elle bien astucieuse ? Ne va-t-elle pas sembler trop agressive ? Justement, elle va frapper les esprits car elle utilise un modèle de départ agressif, dont l'agressivité est modulée, peut-être même annulée, en apparence, par le dernier mot. On n'est plus dans une offre publique d'achat, mais de dialogue. C'est-à-dire de partage des mots, de partage du langage. L'expression a donc un aspect provocateur, murement réfléchi. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/