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Le Grand Meaulnes, Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 2 - Chez Florentin

Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 2 - Chez Florentin

Autant j'avais été un enfant malheureux et rêveur et fermé, autant je devins résolu et, comme on dit chez nous, "décidé", lorsque je sentis que dépendait de moi l'issue de cette grave aventure. Ce fut, je crois bien, à dater de ce soir-là que mon genou cessa définitivement de me faire mal. Au Vieux-Nançay, qui était la commune du domaine des Sablonnières, habitait toute la famille de M. Seurel et en particulier mon oncle Florentin, un commerçant chez qui nous passions quelquefois la fin de septembre. Libéré de tout examen, je ne voulus pas attendre et j'obtins d'aller immédiatement voir mon oncle. Mais je décidai de ne rien faire savoir à Meaulnes aussi longtemps que je ne serais pas certain de pouvoir lui annoncer quelque bonne nouvelle. A quoi bon en effet l'arracher à son désespoir pour l'y replonger ensuite plus profondément peut-être? Le Vieux-Nançay fut pendant très longtemps le lieu du monde que je préférais, le pays des fins de vacances, où nous n'allions que bien rarement, lorsqu'il se trouvait une voiture à louer pour nous y conduire. Il y avait eu, jadis, quelque brouille avec la branche de la famille qui habitait là-bas, et c'est pourquoi sans doute Millie se faisait tant prier chaque fois pour monter en voiture. Mais moi, je me souciais bien de ces fâcheries!... Et sitôt arrivé, je me perdais et m'ébattais parmi les oncles, les cousines et les cousins, dans une existence faite de mille occupations amusantes et pleines de plaisirs qui me ravissaient. Nous descendions chez l'oncle Florentin et la tante Julie, qui avaient un garçon de mon âge, le cousin Firmin, et huit filles, dont les aînées, Marie-Louise, Charlotte, pouvaient avoir dix-sept et quinze ans. Ils tenaient un très grand magasin à l'une des entrées de ce bourg de Sologne, devant l'église--un magasin universel, auquel s'approvisionnaient tous les châtelains-chasseurs de la région, isolés dans la contrée perdue, à trente kilomètres de toute gare. Ce magasin, avec ses comptoirs d'épicerie et de rouennerie, donnait par de nombreuses fenêtres sur la route et, par la porte vitrée, sur la grande place de l'église. Mais, chose étrange, quoi qu'assez ordinaire dans ce pays pauvre, la terre battue dans toute la boutique tenait lieu de plancher. Par derrière c'étaient six chambres, chacune remplie d'une seule et même marchandise: la chambre aux chapeaux, la chambre au jardinage, la chambre aux lampes... que sais-je? Il me semblait, lorsque j'étais enfant et que je traversais ce dédale d'objets de bazar, que je n'en épuiserais jamais du regard toutes les merveilles. Et, à cette époque encore, je trouvais qu'il n'y avait de vraies vacances que passées en ce lieu. La famille vivait dans une grande cuisine dont la porte s'ouvrait sur le magasin--cuisine où brillaient aux fins de septembre de grandes flambées de cheminée, où les chasseurs et les braconniers qui vendaient du gibier à Florentin venaient de grand matin se faire servir à boire, tandis que les petites filles, déjà levées, couraient, criaient, se passaient les unes aux autres du "sent-y-bon" sur leurs cheveux lissés. Aux murs, de vieilles photographies, de vieux groupes scolaires jaunis montraient mon père--on mettait longtemps à le reconnaître en uniforme au milieu de ses camarades d'Ecole Normale... C'est là que se passaient nos matinées; et aussi dans la cour où Florentin faisait pousser des dahlias et élevait des pintades; où l'on torréfiait le café, assis sur des boîtes à savon; où nous déballions des caisses remplies d'objets divers précieusement enveloppés et dont nous ne savions pas toujours le nom... Toute la journée, le magasin était envahi par des paysans ou par les cochers des châteaux voisins. A la porte vitrée s'arrêtaient et s'égouttaient, dans le brouillard de septembre, des charrettes, venues du fond de la campagne. Et de la cuisine nous écoutions ce que disaient les paysannes, curieux de toutes leurs histoires... Mais le soir, après huit heures, lors qu'avec des lanternes on portait le foin aux chevaux dont la peau fumait dans l'écurie--tout le magasin nous appartenait! Marie-Louise, qui était l'aînée de mes cousines mais une des plus petites, achevait de plier et de ranger les piles de drap dans la boutique; elle nous encourageait à venir la distraire. Alors, Firmin et moi avec toutes les filles, nous faisions irruption dans la grande boutique, sous les lampes d'auberge, tournant les moulins à café, faisant des tours de force sur les comptoirs; et parfois Firmin allait chercher dans les greniers, car la terre battue invitait à la danse, quelque vieux trombone plein de vert-de-gris... Je rougis encore à l'idée que, les années précédentes, Mlle de Galais eût pu venir à cette heure et nous surprendre au milieu de ces enfantillages... Mais ce fut un peu avant la tombée de la nuit, un soir de ce mois d'août, tandis que je causais tranquillement avec Marie-Louise et Firmin, que je la vis pour la première fois... Dès le soir de mon arrivée au Vieux-Nançay, j'avais interrogé mon oncle Firmin sur le Domaine des Sablonnières. "Ce n'est plus un Domaine, avait-il dit. On a tout vendu, et les acquéreurs, des chasseurs, ont fait abattre les vieux bâtiments pour agrandir leurs terrains de chasse; la cour d'honneur n'est plus maintenant qu'une lande de bruyères et d'ajoncs. Les anciens possesseurs n'ont gardé qu'une petite maison d'un étage et la ferme. Tu auras bien l'occasion de voir ici mademoiselle de Galais; c'est elle-même qui vient faire ses provisions, tantôt en selle, tantôt en voiture, mais toujours avec le même cheval, le vieux Bélisaire... C'est un drôle d'équipage!" J'étais si troublé que je ne savais plus quelle question poser pour en apprendre davantage. "Ils étaient riches, pourtant?" --Oui, Monsieur de Galais donnait des fêtes pour amuser son fils, un garçon étrange, plein d'idées extraordinaires. Pour le distraire, il imaginait ce qu'il pouvait. On faisait venir des Parisiennes... des gars de Paris et d'ailleurs... "Toutes les Sablonnières étaient en ruine, madame de Galais près de sa fin, qu'ils cherchaient encore à l'amuser et lui passaient toutes ses fantaisies. C'est l'hiver dernier--non, l'autre hiver, qu'ils ont fait leur plus grande fête costumée. Ils avaient invité moitié gens de Paris et moitié gens de campagne. Ils avaient acheté ou loué des quantités d'habits merveilleux, des jeux, des chevaux, des bateaux. Toujours pour amuser Frantz de Galais. On disait qu'il allait se marier et qu'on fêtait là ses fiançailles. Mais il était bien trop jeune. Et tout a cassé d'un coup; il s'est sauvé; on ne l'a jamais revu... La châtelaine morte, mademoiselle de Galais est restée soudain toute seule avec son père, le vieux capitaine de vaisseau. N'est-elle pas mariée? Demandai-je enfin. Non, dit-il, je n'ai entendu parler de rien. Serais-tu un prétendant?" Tout déconcerté, je lui avouai aussi brièvement, aussi discrètement que possible, que mon meilleur ami, Augustin Meaulnes, peut-être, en serait un. "Ah! dit Florentin, en souriant, s'il ne tient pas à la fortune, c'est un joli parti... Faudra-t-il que j'en parle à monsieur de Galais? Il vient encore quelquefois jusqu'ici chercher du petit plomb pour la chasse. Je lui fais toujours goûter ma vieille eau-de-vie de marc". Mais je le priai bien vite de n'en rien faire, d'attendre. Et moi-même je ne me hâtai pas de prévenir Meaulnes. Tant d'heureuses chances accumulées m'inquiétaient un peu. Et cette inquiétude me commandait de ne rien annoncer à Meaulnes que je n'eusse au moins vu la jeune fille. Je n'attendis pas longtemps. Le lendemain, un peu avant le dîner, la nuit commençait à tomber; une brume fraîche, plutôt de septembre que d'août, descendait avec la nuit. Firmin et moi, pressentant le magasin vide d'acheteurs un instant, nous étions venus voir Marie-Louise et Charlotte. Je leur avais confié le secret qui m'amenait au Vieux-Nançay à cette date prématurée. Accoudés sur le comptoir ou assis les deux mains à plat sur le bois ciré, nous nous racontions mutuellement ce que nous savions de la mystérieuse jeune fille--et cela se réduisait à fort peu de chose--lorsqu'un bruit de roues nous fit tourner la tête. "La voici, c'est elle", dirent-ils à voix basse. Quelques secondes après, devant la porte vitrée, s'arrêtait l'étrange équipage. Une vieille voiture de ferme, aux panneaux arrondis, avec de petites galeries moulées, comme nous n'en avons jamais vu dans cette contrée; un vieux cheval blanc qui semblait toujours vouloir brouter quelque herbe sur la route, tant il baissait la tête pour marcher; et sur le siège je le dis dans la simplicité de mon coeur, mais sachant bien ce que je dis--la jeune fille la plus belle qu'il y ait peut-être jamais eu au monde. Jamais je ne vis tant de grâce s'unir à tant de gravité. Son costume lui faisait la taille si mince qu'elle semblait fragile. Un grand manteau marron, qu'elle enleva en entrant, était jeté sur ses épaules. C'était la plus grave des jeunes filles, la plus frêle des femmes. Une lourde chevelure blonde pesait sur son front et sur son visage, délicatement dessiné, finement modelé. Sur son teint très pur, l'été avait posé deux taches de rousseur... Je ne remarquai qu'un défaut à tant de beauté: aux moments de tristesse, de découragement ou seulement de réflexion profonde, ce visage si pur se marbrait légèrement de rouge, comme il arrive chez certains malades gravement atteints sans qu'on le sache. Alors toute l'admiration de celui qui la regardait faisait place à une sorte de pitié d'autant plus déchirante qu'elle surprenait davantage. Voilà du moins ce que je découvrais, tandis qu'elle descendait lentement de voiture et qu'enfin Marie-Louise, me présentant avec aisance à la jeune fille, m'engageait à lui parler. On lui avança une chaise cirée et elle s'assit, adossée au comptoir, tandis que nous restions debout. Elle paraissait bien connaître et aimer le magasin. Ma tante Julie, aussitôt prévenue, arriva, et, le temps quelle parla, sagement, les mains croisées sur son ventre, hochant doucement sa tête de paysanne-commerçante coiffée d'un bonnet blanc, retarda le moment--qui me faisait trembler un peu--où la conversation s'engagerait avec moi... Ce fut très simple. "Ainsi, dit Mlle de Galais, vous serez bientôt instituteur?" Ma tante allumait au-dessus de nos têtes la lampe de porcelaine qui éclairait faiblement le magasin. Je voyais le doux visage enfantin de la jeune fille, ses yeux bleus si ingénus, et j'étais d'autant plus surpris de sa voix si nette, si sérieuse. Lorsqu'elle cessait de parler, ses yeux se fixaient ailleurs, ne bougeaient plus en attendant la réponse, et elle tenait sa lèvre un peu mordue. "J'enseignerais, moi aussi, dit-elle, si M. de Galais voulait! J'enseignerais les petits garçons, comme votre mère..." Et elle sourit, montrant ainsi que mes cousins lui avaient parlé de moi. "C'est, continua-t-elle, que les villageois sont toujours avec moi polis, doux et serviables. Et je les aime beaucoup. Mais aussi quel mérite ai-je à les aimer?... "Tandis qu'avec l'institutrice, ils sont, n'est-ce pas? chicaniers et avares. Il y a sans cesse des histoires de porte-plume perdus, de cahiers trop chers ou d'enfants qui n'apprennent pas... Eh bien, je me débattrais avec eux et ils m'aimeraient tout de même. Ce serait beaucoup plus difficile..." Et, sans sourire, elle reprit sa pose songeuse et enfantine, son regard bleu, immobile. Nous étions gênés tous les trois par cette aisance à parler des choses délicates, de ce qui est secret, subtil, et dont on ne parle bien que dans les livres. Il y eut un instant de silence; et lentement une discussion s'engagea... Mais avec une sorte de regret et d'animosité contre je ne sais quoi de mystérieux dans sa vie, la jeune demoiselle poursuivit: "Et puis j'apprendrais aux garçons à être sages, d'une sagesse que je sais. Je ne leur donnerais pas le désir de courir le monde, comme vous le ferez sans doute, monsieur Seurel, quand vous serez sous-maître. Je leur enseignerais à trouver le bonheur qui est tout près d'eux et qui n'en a pas l'air..." Marie-Louise et Firmin étaient interdits comme moi. Nous restions sans mot dire. Elle sentit notre gêne et s'arrêta, se mordit la lèvre, baissa la tête et puis elle sourit comme si elle se moquait de nous: "Ainsi, dit-elle, il y a peut-être quelque grand jeune homme fou qui me cherche au bout du monde, pendant que je suis ici, dans le magasin de madame Florentin, sous cette lampe, et que mon vieux cheval m'attend à la porte. Si ce jeune homme me voyait, il ne voudrait pas y croire, sans doute?... " De la voir sourire, l'audace me prit et je sentis qu'il était temps de dire, en riant aussi: "Et peut-être que ce grand jeune homme fou, je le connais, moi?" Elle me regardait vivement. A ce moment le timbre de la porte sonna, deux bonnes femmes entrèrent avec des paniers: "Venez dans la 'salle à manger', vous serez en paix", nous dit ma tante en poussant la porte de la cuisine. Et comme Mlle de Galais refusait et voulait partir aussitôt, ma tante ajouta: "Monsieur de Galais est ici et cause avec Florentin, auprès du feu". Il y avait toujours, même au mois d'août, dans la grande cuisine, un éternel fagot de sapins qui flambait et craquait. Là aussi une lampe de porcelaine était allumée et un vieillard au doux visage, creusé et rasé, presque toujours silencieux comme un homme accablé par l'âge et les souvenirs, était assis auprès de Florentin devant deux verres de marc. Florentin salua: "François! Cria-t-il de sa forte voix de marchand forain, comme s'il y avait eu entre nous une rivière ou plusieurs hectares de terrain, je viens d'organiser un après-midi de plaisir au bord du Cher pour jeudi prochain. Les uns chasseront, les autres pêcheront, les autres danseront, les autres se baigneront!... Mademoiselle, vous viendrez à cheval; c'est entendu avec monsieur de Galais. J'ai tout arrangé... "Et, François! ajouta-t-il comme s'il y eût seulement pensé, tu pourras amener ton ami, monsieur Meaulnes... C'est bien Meaulnes qu'il s'appelle?" Mlle de Galais s'était levée, soudain devenue très pâle. Et, à ce moment précis, je me rappelai que Meaulnes, autrefois, dans le Domaine singulier, près de l'étang, lui avait dit son nom... Lorsqu'elle me tendit la main, pour partir, il y avait entre nous, plus clairement que si nous avions dit beaucoup de paroles, une entente secrète que la mort seule devait briser et une amitié plus pathétique qu'un grand amour. ... A quatre heures, le lendemain matin, Firmin frappait à la porte de la petite chambre que j'habitais dans la cour aux pintades. Il faisait nuit encore et j'eus grand peine à retrouver mes affaires sur la table encombrée de chandeliers de cuivre et de statuettes de bons saints toutes neuves, choisies au magasin pour meubler mon logis la veille de mon arrivée. Dans la cour, j'entendais Firmin gonfler ma bicyclette, et ma tante dans la cuisine souffler le feu. Le soleil se levait à peine lorsque je partis. Mais ma journée devait être longue: j'allais d'abord déjeuner à Sainte-Agathe pour expliquer mon absence prolongée et, poursuivant ma course, je devais arriver avant le soir à la Ferté-d'Angillon, chez mon ami Augustin Meaulnes.


Le Grand meaulnes - troisième partie - chapitre 2 - Chez Florentin Le Grand meaulnes - dritter Teil - Kapitel 2 - Chez Florentin Le Grand meaulnes - part 3 - chapter 2 - Chez Florentin The Grand Meaulnes - قسمت سوم - فصل 2 - Chez Florentin Le Grand meaulnes - terceira parte - capítulo 2 - Chez Florentin

Autant j'avais été un enfant malheureux et rêveur et fermé, autant je devins résolu et, comme on dit chez nous, "décidé", lorsque je sentis que dépendait de moi l'issue de cette grave aventure. As much as I had been an unhappy and dreamy and closed child, I became so resolute and, as we say at home, "decided" when I felt that the outcome of this serious adventure depended on me. Ce fut, je crois bien, à dater de ce soir-là que mon genou cessa définitivement de me faire mal. It was, I believe, from that night that my knee finally stopped hurting me. Au Vieux-Nançay, qui était la commune du domaine des Sablonnières, habitait toute la famille de M. Seurel et en particulier mon oncle Florentin, un commerçant chez qui nous passions quelquefois la fin de septembre. At Vieux-Nancay, which was the commune of the Domaine des Sablonnieres, lived all the family of M. Seurel and in particular my uncle Florentin, a shopkeeper where we sometimes spent the end of September. Libéré de tout examen, je ne voulus pas attendre et j'obtins d'aller immédiatement voir mon oncle. Free from all examination, I did not want to wait and I got to go immediately to see my uncle. Mais je décidai de ne rien faire savoir à Meaulnes aussi longtemps que je ne serais pas certain de pouvoir lui annoncer quelque bonne nouvelle. But I decided not to let Meaulnes know anything as long as I was not sure she could tell him some good news. A quoi bon en effet l'arracher à son désespoir pour l'y replonger ensuite plus profondément peut-être? What good is it to tear him away from his despair and then plunge him back deeper perhaps? Le Vieux-Nançay fut pendant très longtemps le lieu du monde que je préférais, le pays des fins de vacances, où nous n'allions que bien rarement, lorsqu'il se trouvait une voiture à louer pour nous y conduire. Vieux-Nançay was for a very long time the place in the world that I preferred, the land of the end of the holidays, where we rarely went, when there was a rental car to take us there. Il y avait eu, jadis, quelque brouille avec la branche de la famille qui habitait là-bas, et c'est pourquoi sans doute Millie se faisait tant prier chaque fois pour monter en voiture. There used to be some quarrel with the branch of the family that lived there, and that's why Millie was probably praying so much each time to get in the car. Mais moi, je me souciais bien de ces fâcheries!... But I, I was well cared for these fetishes! ... Et sitôt arrivé, je me perdais et m'ébattais parmi les oncles, les cousines et les cousins, dans une existence faite de mille occupations amusantes et pleines de plaisirs qui me ravissaient. And as soon as I arrived, I lost myself and romped among uncles, cousins and cousins, in an existence made of a thousand amusing and pleasurable occupations that delighted me. Nous descendions chez l'oncle Florentin et la tante Julie, qui avaient un garçon de mon âge, le cousin Firmin, et huit filles, dont les aînées, Marie-Louise, Charlotte, pouvaient avoir dix-sept et quinze ans. We were going to Uncle Florentin and Aunt Julie, who had a boy of my age, cousin Firmin, and eight daughters, the eldest of whom, Marie Louise, Charlotte, could be seventeen or fifteen years old. Ils tenaient un très grand magasin à l'une des entrées de ce bourg de Sologne, devant l'église--un magasin universel, auquel s'approvisionnaient tous les châtelains-chasseurs de la région, isolés dans la contrée perdue, à trente kilomètres de toute gare. They had a very large shop at one of the entrances to this village of Sologne, in front of the church - a universal shop, which was supplied by all the squire-hunters of the region, isolated in the lost country, thirty kilometers away. from any station. Ce magasin, avec ses comptoirs d'épicerie et de rouennerie, donnait par de nombreuses fenêtres sur la route et, par la porte vitrée, sur la grande place de l'église. This shop, with its grocer's and rouennerie counters, gave by many windows on the road and, through the glazed door, on the large square of the church. Mais, chose étrange, quoi qu'assez ordinaire dans ce pays pauvre, la terre battue dans toute la boutique tenait lieu de plancher. But, strangely enough, whatever was rather ordinary in this poor country, the beaten earth in the whole shop took the place of the floor. Par derrière c'étaient six chambres, chacune remplie d'une seule et même marchandise: la chambre aux chapeaux, la chambre au jardinage, la chambre aux lampes... que sais-je? From behind there were six rooms, each filled with one and the same merchandise: the room with hats, the room with gardening, the bedroom with lamps ... what do I know? Il me semblait, lorsque j'étais enfant et que je traversais ce dédale d'objets de bazar, que je n'en épuiserais jamais du regard toutes les merveilles. It seemed to me, when I was a child and crossing this labyrinth of bazaar objects, that I would never wear out all the wonders. Et, à cette époque encore, je trouvais qu'il n'y avait de vraies vacances que passées en ce lieu. And, at that time again, I found that there was a real vacation only spent in this place. La famille vivait dans une grande cuisine dont la porte s'ouvrait sur le magasin--cuisine où brillaient aux fins de septembre de grandes flambées de cheminée, où les chasseurs et les braconniers qui vendaient du gibier à Florentin venaient de grand matin se faire servir à boire, tandis que les petites filles, déjà levées, couraient, criaient, se passaient les unes aux autres du "sent-y-bon" sur leurs cheveux lissés. The family lived in a large kitchen, the door of which opened on the shop - a kitchen where large chimney flames exploded for the end of September, where the hunters and poachers who sold game to Florentin came early to be served. to drink, while the little girls, already raised, ran, shouted, passed to each other of the "feel-y-good" on their hair smoothed. Aux murs, de vieilles photographies, de vieux groupes scolaires jaunis montraient mon père--on mettait longtemps à le reconnaître en uniforme au milieu de ses camarades d'Ecole Normale... C'est là que se passaient nos matinées; et aussi dans la cour où Florentin faisait pousser des dahlias et élevait des pintades; où l'on torréfiait le café, assis sur des boîtes à savon; où nous déballions des caisses remplies d'objets divers précieusement enveloppés et dont nous ne savions pas toujours le nom... Toute la journée, le magasin était envahi par des paysans ou par les cochers des châteaux voisins. On the walls, old photographs, old yellow school groups showed my father - it took a long time to recognize him in uniform among his classmates at Ecole Normale ... This is where our mornings were spent; and also in the courtyard where Florentin grew dahlias and raised guinea-fowl; where the coffee was roasted, sitting on soap boxes; where we were unpacking cases filled with various objects carefully wrapped and we did not always know the name ... All day, the store was invaded by peasants or coachmen from neighboring castles. A la porte vitrée s'arrêtaient et s'égouttaient, dans le brouillard de septembre, des charrettes, venues du fond de la campagne. At the glass door stopped and dripped carts from the depths of the country in the fog of September. Et de la cuisine nous écoutions ce que disaient les paysannes, curieux de toutes leurs histoires... Mais le soir, après huit heures, lors qu'avec des lanternes on portait le foin aux chevaux dont la peau fumait dans l'écurie--tout le magasin nous appartenait! And from the kitchen we heard what the peasant women said, curious about all their stories ... But in the evening, after eight o'clock, when with lanterns the hay was carried to the horses whose skin smoked in the stable-- the whole store belonged to us! Marie-Louise, qui était l'aînée de mes cousines mais une des plus petites, achevait de plier et de ranger les piles de drap dans la boutique; elle nous encourageait à venir la distraire. Marie Louise, who was the eldest of my cousins but one of the smallest, finished folding and storing the piles of cloth in the shop; she encouraged us to come and distract her. Alors, Firmin et moi avec toutes les filles, nous faisions irruption dans la grande boutique, sous les lampes d'auberge, tournant les moulins à café, faisant des tours de force sur les comptoirs; et parfois Firmin allait chercher dans les greniers, car la terre battue invitait à la danse, quelque vieux trombone plein de vert-de-gris... Je rougis encore à l'idée que, les années précédentes, Mlle de Galais eût pu venir à cette heure et nous surprendre au milieu de ces enfantillages... Mais ce fut un peu avant la tombée de la nuit, un soir de ce mois d'août, tandis que je causais tranquillement avec Marie-Louise et Firmin, que je la vis pour la première fois... Dès le soir de mon arrivée au Vieux-Nançay, j'avais interrogé mon oncle Firmin sur le Domaine des Sablonnières. Then Firmin and I, with all the girls, burst into the big shop, under the inn lamps, turning the coffee grinders, doing tricks on the counters; and sometimes Firmin went to the lofts, for the clay floor was an invitation to dance, some old trombone full of verdigris ... I blush again at the idea that, in previous years, Miss de Galais could have come at this hour and surprise us in the middle of these childishness ... But it was a little before dark, one evening in August, while I chatted quietly with Marie-Louise and Firmin, that I Live for the first time ... On the evening of my arrival at Vieux-Nançay, I had questioned my uncle Firmin on the Domaine des Sablonnières. "Ce n'est plus un Domaine, avait-il dit. "It's no longer a domain," he said. On a tout vendu, et les acquéreurs, des chasseurs, ont fait abattre les vieux bâtiments pour agrandir leurs terrains de chasse; la cour d'honneur n'est plus maintenant qu'une lande de bruyères et d'ajoncs. Everything has been sold, and the purchasers, hunters, had the old buildings cut down to enlarge their hunting grounds; the court of honor is now only a heath of heather and gorse. Les anciens possesseurs n'ont gardé qu'une petite maison d'un étage et la ferme. The old owners have kept only a small one-story house and farm. Tu auras bien l'occasion de voir ici mademoiselle de Galais; c'est elle-même qui vient faire ses provisions, tantôt en selle, tantôt en voiture, mais toujours avec le même cheval, le vieux Bélisaire... C'est un drôle d'équipage!" You will have the opportunity to see Mademoiselle de Galais here; it is she herself who comes to stock up, sometimes in the saddle, sometimes by car, but always with the same horse, the old Belisarius ... It's a strange crew! " J'étais si troublé que je ne savais plus quelle question poser pour en apprendre davantage. I was so confused that I did not know what to ask to learn more. "Ils étaient riches, pourtant?" "They were rich, though?" --Oui, Monsieur de Galais donnait des fêtes pour amuser son fils, un garçon étrange, plein d'idées extraordinaires. "Yes, Monsieur de Galais gave parties to amuse his son, a strange boy, full of extraordinary ideas. Pour le distraire, il imaginait ce qu'il pouvait. To distract him, he imagined what he could. On faisait venir des Parisiennes... des gars de Paris et d'ailleurs... "Toutes les Sablonnières étaient en ruine, madame de Galais près de sa fin, qu'ils cherchaient encore à l'amuser et lui passaient toutes ses fantaisies. We brought Parisiennes ... guys from Paris and elsewhere ... "All the Sablonnières were in ruins, Madame de Galais near its end, they were still looking to amuse him and passed him all his fantasies . C'est l'hiver dernier--non, l'autre hiver, qu'ils ont fait leur plus grande fête costumée. It was last winter - no, the other winter, that they made their biggest costume party. Ils avaient invité moitié gens de Paris et moitié gens de campagne. They had invited half people from Paris and half people from the countryside. Ils avaient acheté ou loué des quantités d'habits merveilleux, des jeux, des chevaux, des bateaux. They had bought or rented lots of wonderful clothes, games, horses, boats. Toujours pour amuser Frantz de Galais. Always to amuse Frantz de Galais. On disait qu'il allait se marier et qu'on fêtait là ses fiançailles. It was said that he was going to get married and that he was celebrating his engagement there. Mais il était bien trop jeune. But he was way too young. Et tout a cassé d'un coup; il s'est sauvé; on ne l'a jamais revu... La châtelaine morte, mademoiselle de Galais est restée soudain toute seule avec son père, le vieux capitaine de vaisseau. And everything broke suddenly; he fled; he was never seen again. The dead chatelaine, Mademoiselle de Galais, suddenly remained all alone with her father, the old captain. N'est-elle pas mariée? Isn't she married? Demandai-je enfin. I finally asked. Non, dit-il, je n'ai entendu parler de rien. No, he said, I haven't heard of anything. Serais-tu un prétendant?" Would you be a suitor? " Tout déconcerté, je lui avouai aussi brièvement, aussi discrètement que possible, que mon meilleur ami, Augustin Meaulnes, peut-être, en serait un. Disconcerted, I confessed as briefly, as discreetly as possible, that my best friend, Augustin Meaulnes, perhaps, would be one. "Ah! dit Florentin, en souriant, s'il ne tient pas à la fortune, c'est un joli parti... Faudra-t-il que j'en parle à monsieur de Galais? said Florentin, smiling, if he does not care for fortune, it is a pretty party. Will it be necessary to speak to Monsieur de Galais? Il vient encore quelquefois jusqu'ici chercher du petit plomb pour la chasse. He still comes sometimes so far to look for some little lead for hunting. Je lui fais toujours goûter ma vieille eau-de-vie de marc". I always make him taste my old Marc brandy ". Mais je le priai bien vite de n'en rien faire, d'attendre. But I begged him quickly to do nothing, to wait. Et moi-même je ne me hâtai pas de prévenir Meaulnes. And I myself did not hasten to warn Meaulnes. Tant d'heureuses chances accumulées m'inquiétaient un peu. So many happy accumulated chances worried me a little. Et cette inquiétude me commandait de ne rien annoncer à Meaulnes que je n'eusse au moins vu la jeune fille. And this anxiety commanded me not to announce anything to Meaulnes that I had not at least seen the young girl. Je n'attendis pas longtemps. I did not wait long. Le lendemain, un peu avant le dîner, la nuit commençait à tomber; une brume fraîche, plutôt de septembre que d'août, descendait avec la nuit. The next day, a little before dinner, the night began to fall; a cool mist, more like September than August, came down with the night. Firmin et moi, pressentant le magasin vide d'acheteurs un instant, nous étions venus voir Marie-Louise et Charlotte. Firmin and I, sensing the empty store of buyers for a moment, had come to see Marie Louise and Charlotte. Je leur avais confié le secret qui m'amenait au Vieux-Nançay à cette date prématurée. I had confided to them the secret which brought me to Vieux-Nancay at this early date. Accoudés sur le comptoir ou assis les deux mains à plat sur le bois ciré, nous nous racontions mutuellement ce que nous savions de la mystérieuse jeune fille--et cela se réduisait à fort peu de chose--lorsqu'un bruit de roues nous fit tourner la tête. Leaning on the counter or sitting both hands flat on the polished wood, we told each other what we knew about the mysterious girl - and it was reduced to very little - when a sound of wheels made us head spin. "La voici, c'est elle", dirent-ils à voix basse. "Here it is, it's her," they whispered. Quelques secondes après, devant la porte vitrée, s'arrêtait l'étrange équipage. A few seconds later, in front of the glass door, the strange crew stopped. Une vieille voiture de ferme, aux panneaux arrondis, avec de petites galeries moulées, comme nous n'en avons jamais vu dans cette contrée; un vieux cheval blanc qui semblait toujours vouloir brouter quelque herbe sur la route, tant il baissait la tête pour marcher; et sur le siège je le dis dans la simplicité de mon coeur, mais sachant bien ce que je dis--la jeune fille la plus belle qu'il y ait peut-être jamais eu au monde. An old farm car, with rounded panels, with small molded galleries, as we have never seen in this country; an old white horse who always seemed to want to graze some grass on the road, so much did he bend his head to walk; and on the seat I say it in the simplicity of my heart, but knowing what I'm saying - the most beautiful girl there may have ever been in the world. Jamais je ne vis tant de grâce s'unir à tant de gravité. I never saw so much grace unite with so much gravity. Son costume lui faisait la taille si mince qu'elle semblait fragile. Her costume was so thin that she looked fragile. Un grand manteau marron, qu'elle enleva en entrant, était jeté sur ses épaules. A large brown cloak, which she took off on entering, was thrown over her shoulders. C'était la plus grave des jeunes filles, la plus frêle des femmes. It was the most serious of girls, the frailest of women. Une lourde chevelure blonde pesait sur son front et sur son visage, délicatement dessiné, finement modelé. A heavy blonde hair weighed on his forehead and on his face, delicately drawn, finely modeled. Sur son teint très pur, l'été avait posé deux taches de rousseur... Je ne remarquai qu'un défaut à tant de beauté: aux moments de tristesse, de découragement ou seulement de réflexion profonde, ce visage si pur se marbrait légèrement de rouge, comme il arrive chez certains malades gravement atteints sans qu'on le sache. On her very pure complexion, the summer had put two freckles ... I noticed only a defect to so much beauty: at times of sadness, discouragement or only deep reflection, this face so pure marbled slightly red, as it happens in some seriously ill patients without our knowledge. Alors toute l'admiration de celui qui la regardait faisait place à une sorte de pitié d'autant plus déchirante qu'elle surprenait davantage. Then all the admiration of him who looked at her gave way to a kind of pity all the more heartbreaking that she surprised more. Voilà du moins ce que je découvrais, tandis qu'elle descendait lentement de voiture et qu'enfin Marie-Louise, me présentant avec aisance à la jeune fille, m'engageait à lui parler. At least that's what I discovered, as she slowly got out of the car and finally Marie-Louise, introducing me with ease to the girl, committed me to talk to him. On lui avança une chaise cirée et elle s'assit, adossée au comptoir, tandis que nous restions debout. She was put on a waxed chair and she sat down, leaning against the counter, while we stood. Elle paraissait bien connaître et aimer le magasin. She seemed to know and love the store well. Ma tante Julie, aussitôt prévenue, arriva, et, le temps quelle parla, sagement, les mains croisées sur son ventre, hochant doucement sa tête de paysanne-commerçante coiffée d'un bonnet blanc, retarda le moment--qui me faisait trembler un peu--où la conversation s'engagerait avec moi... Ce fut très simple. My Aunt Julie, who had been immediately informed, arrived, and the time she spoke, wisely, her hands crossed over her belly, gently nodding her peasant-shopkeeper's head, wearing a white cap, delayed the moment-which made me tremble. little - where the conversation would engage with me ... It was very simple. "Ainsi, dit Mlle de Galais, vous serez bientôt instituteur?" "So," said Mademoiselle de Galais, "you will soon be a teacher?" Ma tante allumait au-dessus de nos têtes la lampe de porcelaine qui éclairait faiblement le magasin. My aunt lit up above our heads the porcelain lamp which lit the shop feebly. Je voyais le doux visage enfantin de la jeune fille, ses yeux bleus si ingénus, et j'étais d'autant plus surpris de sa voix si nette, si sérieuse. I saw the sweet childish face of the girl, her blue eyes so ingenuous, and I was all the more surprised by her voice so clear, so serious. Lorsqu'elle cessait de parler, ses yeux se fixaient ailleurs, ne bougeaient plus en attendant la réponse, et elle tenait sa lèvre un peu mordue. When she stopped talking, her eyes fixed elsewhere, did not move any more while waiting for the answer, and she held her lip a bit bitten. "J'enseignerais, moi aussi, dit-elle, si M. de Galais voulait! "I would teach, too," she said, "if Monsieur de Galais wanted! J'enseignerais les petits garçons, comme votre mère..." Et elle sourit, montrant ainsi que mes cousins lui avaient parlé de moi. I would teach little boys like your mother ... "And she smiled, showing that my cousins had told her about me. "C'est, continua-t-elle, que les villageois sont toujours avec moi polis, doux et serviables. "It is," she continued, "that the villagers are always with me polite, sweet and helpful. Et je les aime beaucoup. And I like them a lot. Mais aussi quel mérite ai-je à les aimer?... But also what merit do I have to like them? ... "Tandis qu'avec l'institutrice, ils sont, n'est-ce pas? "While with the teacher, they are, is not it? chicaniers et avares. quarrelsome and avaricious. Il y a sans cesse des histoires de porte-plume perdus, de cahiers trop chers ou d'enfants qui n'apprennent pas... Eh bien, je me débattrais avec eux et ils m'aimeraient tout de même. There are always stories of lost pens, expensive notebooks or children who do not learn ... Well, I will struggle with them and they will love me all the same. Ce serait beaucoup plus difficile..." Et, sans sourire, elle reprit sa pose songeuse et enfantine, son regard bleu, immobile. It would be much more difficult ... "And, without smiling, she resumed her thoughtful and childish pose, her blue gaze, motionless. Nous étions gênés tous les trois par cette aisance à parler des choses délicates, de ce qui est secret, subtil, et dont on ne parle bien que dans les livres. All three of us were embarrassed by this ease in speaking of delicate things, of what is secret, subtle, and of which we only speak well in books. Il y eut un instant de silence; et lentement une discussion s'engagea... Mais avec une sorte de regret et d'animosité contre je ne sais quoi de mystérieux dans sa vie, la jeune demoiselle poursuivit: "Et puis j'apprendrais aux garçons à être sages, d'une sagesse que je sais. There was a moment of silence; and slowly a discussion ensued ... But with a kind of regret and animosity against something mysterious in her life, the young lady continued: "And then I would teach the boys to be wise, a wisdom that I know. Je ne leur donnerais pas le désir de courir le monde, comme vous le ferez sans doute, monsieur Seurel, quand vous serez sous-maître. I would not give them the desire to run the world, as you will no doubt do, Mr. Seurel, when you are a sub-master. Je leur enseignerais à trouver le bonheur qui est tout près d'eux et qui n'en a pas l'air..." Marie-Louise et Firmin étaient interdits comme moi. I would teach them to find the happiness that is close to them and that does not look like it ... "Marie-Louise and Firmin were forbidden like me. Nous restions sans mot dire. We stayed without a word. Elle sentit notre gêne et s'arrêta, se mordit la lèvre, baissa la tête et puis elle sourit comme si elle se moquait de nous: She felt our embarrassment and stopped, bit her lip, bowed her head and then smiled as if she were laughing at us: "Ainsi, dit-elle, il y a peut-être quelque grand jeune homme fou qui me cherche au bout du monde, pendant que je suis ici, dans le magasin de madame Florentin, sous cette lampe, et que mon vieux cheval m'attend à la porte. "So," said she, "perhaps there is some great young madman looking for me at the end of the world, while I am here in Madame Florentin's shop, under this lamp, and my old horse wait at the door. Si ce jeune homme me voyait, il ne voudrait pas y croire, sans doute?... If this young man saw me, he would not believe it, no doubt? "  De la voir sourire, l'audace me prit et je sentis qu'il était temps de dire, en riant aussi: "Et peut-être que ce grand jeune homme fou, je le connais, moi?" "To see her smile, audacity took me and I felt that it was time to say, laughing too:" And maybe this big crazy young man, I know him? " Elle me regardait vivement. She looked at me quickly. A ce moment le timbre de la porte sonna, deux bonnes femmes entrèrent avec des paniers: "Venez dans la 'salle à manger', vous serez en paix", nous dit ma tante en poussant la porte de la cuisine. At that moment the doorbell rang, two good women entered with baskets: "Come into the 'dining room', you will be at peace," my aunt tells us, pushing the kitchen door. Et comme Mlle de Galais refusait et voulait partir aussitôt, ma tante ajouta: "Monsieur de Galais est ici et cause avec Florentin, auprès du feu". And as Mlle de Galais refused and wanted to leave at once, my aunt added: "Monsieur de Galais is here and talks with Florentin, near the fire." Il y avait toujours, même au mois d'août, dans la grande cuisine, un éternel fagot de sapins qui flambait et craquait. There was always, even in the month of August, in the big kitchen, an eternal fagot of fir trees that flamed and crackled. Là aussi une lampe de porcelaine était allumée et un vieillard au doux visage, creusé et rasé, presque toujours silencieux comme un homme accablé par l'âge et les souvenirs, était assis auprès de Florentin devant deux verres de marc. There too a porcelain lamp was lit, and an old man with a sweet face, dug and shaved, almost always silent, like a man overwhelmed by age and memory, was seated beside Florentin in front of two glasses of marc. Florentin salua: "François! Florentin greeted: "François! Cria-t-il de sa forte voix de marchand forain, comme s'il y avait eu entre nous une rivière ou plusieurs hectares de terrain, je viens d'organiser un après-midi de plaisir au bord du Cher pour jeudi prochain. He shouted in his loud voice as a fairground merchant, as if there had been between us a river or several hectares of land, I have just organized an afternoon of pleasure on the banks of the Cher for next Thursday. Les uns chasseront, les autres pêcheront, les autres danseront, les autres se baigneront!... Some will hunt, others will fish, others will dance, others will swim! ... Mademoiselle, vous viendrez à cheval; c'est entendu avec monsieur de Galais. Mademoiselle, you will come on horseback; it is understood with Monsieur de Galais. J'ai tout arrangé... "Et, François! I arranged everything ... "And, François! ajouta-t-il comme s'il y eût seulement pensé, tu pourras amener ton ami, monsieur Meaulnes... C'est bien Meaulnes qu'il s'appelle?" he added, as if he had only thought of it, you could bring your friend, Monsieur Meaulnes. Is that Meaulnes his name is? " Mlle de Galais s'était levée, soudain devenue très pâle. Mademoiselle de Galais had risen, suddenly very pale. Et, à ce moment précis, je me rappelai que Meaulnes, autrefois, dans le Domaine singulier, près de l'étang, lui avait dit son nom... Lorsqu'elle me tendit la main, pour partir, il y avait entre nous, plus clairement que si nous avions dit beaucoup de paroles, une entente secrète que la mort seule devait briser et une amitié plus pathétique qu'un grand amour. And at that moment, I remembered that Meaulnes, formerly, in the Singular Domain, near the pond, had told her her name ... When she held out her hand, to leave, there was between us more clearly than if we had said many words, a secret understanding that death alone must break and a friendship more pathetic than a great love. ... A quatre heures, le lendemain matin, Firmin frappait à la porte de la petite chambre que j'habitais dans la cour aux pintades. At four o'clock the next morning, Firmin was knocking at the door of the little room I lived in the guinea-fowl yard. Il faisait nuit encore et j'eus grand peine à retrouver mes affaires sur la table encombrée de chandeliers de cuivre et de statuettes de bons saints toutes neuves, choisies au magasin pour meubler mon logis la veille de mon arrivée. It was still dark, and it was very hard for me to find my belongings on the table, cluttered with copper candlesticks and statuettes of brand new good-looking saints, chosen from the shop to furnish my house the day before my arrival. Dans la cour, j'entendais Firmin gonfler ma bicyclette, et ma tante dans la cuisine souffler le feu. In the yard, I heard Firmin inflate my bicycle, and my aunt in the kitchen blow the fire. Le soleil se levait à peine lorsque je partis. The sun was barely up when I left. Mais ma journée devait être longue: j'allais d'abord déjeuner à Sainte-Agathe pour expliquer mon absence prolongée et, poursuivant ma course, je devais arriver avant le soir à la Ferté-d'Angillon, chez mon ami Augustin Meaulnes. But my day had to be long: I was going to lunch at Sainte-Agathe first to explain my prolonged absence and, continuing my race, I had to arrive before the evening at the Ferté-d'Angillon, at my friend Augustin Meaulnes's.