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Nota Bene, Le Graal ne ressemble peut-être pas à ce que vous pensez... (2)

Le Graal ne ressemble peut-être pas à ce que vous pensez... (2)

mais vous inquietez pas, je vais vous l'expliquer ! La transsubstantiation, en plus d'être

compliquée à prononcer, ça veut dire que désormais, durant la messe, le pain et le

vin manipulé par le prêtre se changent réellement en corps et sang du Christ. Cette croyance,

qui a pour objet de renforcer encore plus le pouvoir de l'Église, va transformer

la quête du Graal en une recherche mystique du salut.

Ce n'est plus seulement l'objet qui est sacré, mais ce qu'il contient, c'est-à-dire

le corps même de Dieu. Dans la Vulgate, Galaad voit ainsi dans le Graal un pain qui se change

en homme puis en représentation de Jésus. Celui-ci finit par s'extraire encore sanglant

du calice pour donner la communion à ceux qui assistent à la scène, comme on peut

le voir sur cette enluminure réalisée au milieu du XIVe siècle où l'on aperçoit

aussi la lance-qui-saigne.

Ca mériterait un feat entre Arthur et Snoop Dog cette histoire...Bref ! Désormais, le

graal, objet évoqué par Chrétien de Troyes, devient le saint Graal avec un « g »

majuscule. Et il transmet un message clair aux lecteurs médiévaux des textes arthuriens

: s'ils veulent accéder à une forme de salut, il faut communier régulièrement à

l'église sous la direction d'un prêtre.

Instrument de rédemption, le Graal n'est pourtant pas l'objet qui guérit les blessures

du roi Pêcheur, allégorie même de l'humanité pécheresse et plus largement d'une Terre

en proie au mal depuis la Chute d'Adam et Ève. , Cette fonction est, dans la Vulgate,

réservée à la lance-qui-saigne qu'à décrite brièvement Chrétien de Troyes de

son roman consacré à Perceval. Comme pour le Graal, cette lance a été fortement christianisée

et est identifiée, depuis les Continuations rédigées au début du XIIIe siècle, à

la lance de Longin qui aurait percé le flanc du Christ sur la croix. En fait, le lien entre

le Graal et la guérison des plaies du roi Pêcheur, n'est évoqué que sur une seule

enluminure du XIVe siècle, où l'on voit Galaad appliquer le calice sur la jambe du

souverain blessée alors que derrière, les autres chevaliers sont en prières. Ce que

semble faire ici Galaad, c'est reproduire le geste du Christ en train de laver les pieds

de ses disciples, geste qu'il effectue juste après la Cène.

Si la légende du calice sacré est en grande partie ignorée du XVIe au début du XVIIIe

siècle, elle va connaître une nouvelle vie à l'époque victorienne et encore plus

au XXe siècle. L'imprécision de Chrétien de Troyes sur la nature même du Graal permet

à cette époque à des auteurs de s'emparer de l'objet et d'en faire un symbole pour

tout et n'importe quoi. C'est open bar de toute façon il n'y avait rien de précis

avant donc...ça peut pas faire de mal ! Enfin je crois...

Dans les années 1930, Otto Rahn, proche du parti nazi, publie son livre Croisade contre

le Graal (1933). Pour lui, le calice aurait été caché par les hérétiques cathares

— aidés par les Templiers et l'empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen — descendants

des « purs » Aryens, pour le protéger de l'Église chrétienne de Rome manipulée

par les Juifs. Ce que fait mine de rien Otto Rahn ici, c'est qu'il inscrit du coup

le national-socialisme d'une pseudo-tradition millénaire qui remonterait à la chevalerie

médiévale, lui donnant au passage, une certaine légitimité.

Le thème d'un Graal caché par des organisations occultes a aussi inspiré, de loin, le fameux

Da Vinci Code (2003) de Dan Brown, dans lequel le Graal représente en fait une lignée de

descendants du Christ protégée secrètement par les Templiers. Cette idée a été inventée

par des occultistes du XXe siècle, dirigé par Pierre Plantard, militant d'extrême

droite, qui, pour avancer ses théories, a créé de faux documents. Cela n'a pas empêché

des auteurs anglais de reprendre ses propos pour écrire en 1982 L'énigme sacrée (1982)

qui a largement influencé Dan Brown, après avoir été parodié dans Le Pendule de Foucault

(1988) d'Umberto Eco.

Mais de toutes les interprétations, il y en a une qui rencontre le plus de succès

: c'est celle qui lie le Graal à la nature !

En effet, dans les récits médiévaux, le fief du roi pêcheur, le personnage de la

légende arthurienne qui garde le graal, est décrit comme une terre « gaste », c'est

dire « gâtée » ou « dévastée », parce que le souverain a été frappé aux

jambes par un « coup douloureux » qui lui a été administré par une épée merveilleuse.

Le monarque est alors au plus mal et, en conséquence, ses terres dépérissent, comme l'explique

ce passage tiré de la Vulgate :

« Tel fut le premier coup donné par cette épée. Cela eut lieu au royaume de Logres ;

il en résulta une si grande calamité et une si grande ruine pour les deux royaumes

que jamais, depuis lors, le blé ni rien d'autre n'y poussèrent, les arbres n'y portèrent

de fruits, les eaux ne donnèrent de poisson, si ce n'est en petite quantité. Et c'est

pourquoi le territoire des deux royaumes est appelé la Terre Gaste, parce que dévastée

par ce coup d'épée. » (trad. Gérard Gros).

Au Moyen âge, associer le graal et la nature, ça n'est pas vraiment le coeur du sujet

qui comme on l'a vu se concentre plus sur les mystères religieux de la coupe. Mais

il prend une grande importance au XXe siècle, notamment après la Première guerre mondiale.

En fait beaucoup de membres de l'élite britannique, qui avaient été éduqués avec

l'idée que la guerre se résumait à un combat chevaleresque glorieux, déchantent

avec l'horreur des tranchées, où les obus et les gaz fauchent les soldats sans discrimination.

Le conflit est un rude retour à la réalité qui influe sur leur manière de concevoir

la légende de la Table ronde. On a vu par exemple, dans la vidéo consacrée à l'histoire

du mythe arthurien, qu'un auteur comme T. H. White, lorsqu'il écrit sa propre version

du récit de la table ronde à la fin des années 1930, met en scène un souverain de

Camelot presque pacifiste qui se moque ouvertement des combattants féodaux. Le même genre de

phénomène se produit au même moment dans la fantasy avec Tolkien, lui aussi vétéran

des tranchées, qui centre son roman Le Hobbit, publié en 1937, sur un petit personnage sympathique

plutôt que sur une figure de combattant. Le mythe du Graal est également réécrit

à la lumière du traumatisme de la Première Guerre mondiale. Dans un long poème intitulé

La Terre gaste (The Wasteland en anglais) publié en 1922, T.S. Eliot invente une version

du roi Pêcheur errant dans une grande ville moderne. On peut lire à la fin du texte ce

passage assez triste :

Je pêchais sur la rive. Et derrière moi se déroulait la plaine aride.

Mettrai-je au moins de l'ordre dans mes terres ?

Derrière ces trois vers et cette figure d'un souverain désormais privée de couronne et

qui cherche son Graal sur un territoire dévastée, on pourrait par exemple être tenté de voir

une allégorie de l'homme moderne, perdu dans une société industrielle absurde.

Une idée qui se retrouve également dans Les Enchantements de Glastonbury (1932) de

John Cowper Powys, dont l'action se déroule dans la ville où a été découvert le faux

tombeau du roi Arthur à la fin du XIIe siècle. L'un des personnages principaux du récit,

Philip Crow, fait la promotion de l'industrialisation de la région. Mais le développement de cette

industrie entraîne une forte pollution que l'auteur du roman assimile à un « coup

douloureux » porté à la nature, en référence à la blessure du Roi pêcheur. Face à Crow

se dresse John Geard, un mystique venu fonder une nouvelle religion inspirée des rites

du Graal. Il s'allie pour cela à un groupe de communistes et d'anarchistes voulant

créer, dans la petite ville anglaise, une commune libre.

Tout à l'heure on avait Arthur et Snoop Dog, on y rajoute Karl Marx donc...ça commence

à faire une sacré collab ! On retrouve une histoire assez semblable dans

le roman d'un ami de J.R.R. Tolkien, C.S. Lewis, que vous connaissez sans doute pour

avoir écrit le cycle de Narnia. Dans son livre Cette hideuse puissance, publié en

1945, il raconte comment une conspiration occulte appelée le N.I.C.E tente d'asservir

l'humanité et la nature pour les besoins de l'industrie. Ils trouvent sur leur chemin

Merlin, réveillé d'un long sommeil, mais surtout Elwin Ransom qui cumule le rôle d'Arthur

et du roi Pêcheur. Le livre est écrit durant la Seconde Guerre mondiale et le N.I.C.E.

renvoie clairement au totalitarisme nazi et plus largement à toutes les formes d'oppression

scientiste. Pour Powys comme pour Lewis, la quête de

la coupe sacrée devient l'élément central d'un combat qui oppose la modernité capitaliste

et polluante, à la spiritualité et à l'idéalisme, un idéalisme mystique, politique ou écologique.

Et tout cela va marquer profondément la génération contestataire des années 1960.

Dans les pays anglo-saxons, les gens qui font parti de ces mouvements de contestation, en

réaction à la société de consommation et à la guerre au Vietnam, aiment se plonger

dans les récits de Tolkien et plus largement dans un Moyen âge magique perçu comme le

parfait opposé d'un monde contemporain qui leur fait peur. Leurs héros ne sont plus

les chevaliers ou les rois, mais les enchanteurs et les sorcières. Beaucoup d'artistes de

cette époque voient ainsi la recherche du Graal comme une critique de la modernité

industrielle et de ses dérives. L'un d'entre eux, John Boorman, après avoir abandonné

un projet d'adaptation du Seigneur des Anneaux pour le grand écran, réalise le film Excalibur

en 1981. Influencé par la lecture d'Eliot et Powys, le cinéaste britannique met en

scène un récit, inspiré du Morte d'Arthur de Mallory, où le souverain de Camelot est

confondu, encore une fois, avec le roi Pêcheur. Maudit par Morgane, malade, incapable de monter

à cheval, ce n'est qu'en buvant dans le Graal que lui ramène Perceval qu'il

peut se rendre à un ultime combat contre son fils incestueux Mordred. Alors qu'il

chevauche pour sa dernière bataille, son royaume, plongé dans un long hiver, renaît

et reverdie à son passage tandis que résonne en fond sonore l'adaptation des Carmina

Burana de Carl Orff.

Et ce qui est intéressant c'est que Boorman s'est plusieurs fois expliqué à propos

de cette scène célèbre, notamment dans une interview donnée en 1985.

« Depuis cent ans, nous nous précipitons la tête la première dans le futur, nous

avons voué un culte au progrès et nous avons oublié nos traces, nos conduites antérieures

dont on trouve les origines au Moyen ge. Nous sommes sans racines ; et aujourd'hui particulièrement,

où nous contemplons la destruction possible de notre planète, il y a une soif, une nostalgie

du passé, un désir profond de le comprendre. Cette légende du Graal nous attire parce

qu'elle nous parle d'une nature qui n'était pas souillée et avec laquelle l'homme vivait

en harmonie. »

On ne va pas se le cacher, c'est une vision très idéalisée de l'époque médiévale

mais elle est devenue de plus en plus à la mode aujourd'hui, d'autant plus qu'on

est dans une période où on a globalement peur du changement climatique et de l'impact

de notre société sur la biodiversité. C'est surement pour ça que, même si c'est inconscient

chez les gens, le Moyen âge magique, la fantasy en général, et le mythe arthurien en particulier,

sont à la mode dans notre société. En France, rien n'incarne mieux cette fascination

très contemporaine que le succès de la série télévisée Kaamelott dans laquelle on retrouve

nettement l'influence d'Excalibur de Boorman. La figure du Roi Pêcheur y est ainsi confondue,

comme dans le film des années 1980, avec celle d'Arthur, roi infertile donc blessé

aux jambes, tellement mal en point en fait qu'il tente plus tard de se suicider dans

le livre V alors que son royaume, devenu une véritable terre gaste, est plongé dans un

long hiver. Face à cela, la quête du Graal semble prendre plusieurs formes dans Kaamelott.

Pour le roi Arthur, ce qui compte, ce n'est pas tant la vase sacrée en lui-même que


Le Graal ne ressemble peut-être pas à ce que vous pensez... (2) Der Gral sieht vielleicht nicht so aus, wie Sie denken... (2) Το Δισκοπότηρο μπορεί να μην είναι αυτό που νομίζετε... (2) The Grail may not look like what you think... (2) El Grial puede no ser lo que crees que es... (2) Il Graal potrebbe non essere quello che pensate... (2) De Graal is misschien niet wat je denkt dat het is... (2) Graal może nie być tym, czym myślisz, że jest... (2) Грааль может оказаться не тем, чем вы его считаете... (2)

mais vous inquietez pas, je vais vous l'expliquer ! La transsubstantiation, en plus d'être

compliquée à prononcer, ça veut dire que désormais, durant la messe, le pain et le complicated to pronounce, it means that from now on, during mass, the bread and the

vin manipulé par le prêtre se changent réellement en corps et sang du Christ. Cette croyance,

qui a pour objet de renforcer encore plus le pouvoir de l'Église, va transformer

la quête du Graal en une recherche mystique du salut. the quest for the Grail into a mystical search for salvation. поиск Грааля в мистический поиск спасения.

Ce n'est plus seulement l'objet qui est sacré, mais ce qu'il contient, c'est-à-dire

le corps même de Dieu. Dans la Vulgate, Galaad voit ainsi dans le Graal un pain qui se change the very body of God. In the Vulgate, Galaad sees the Grail as a bread that changes into

en homme puis en représentation de Jésus. Celui-ci finit par s'extraire encore sanglant into a man, then into a representation of Jesus. He finally emerges, still bleeding.

du calice pour donner la communion à ceux qui assistent à la scène, comme on peut of the chalice to give communion to those who attend the scene, as we can see

le voir sur cette enluminure réalisée au milieu du XIVe siècle où l'on aperçoit can be seen in this mid-14th-century illumination, which shows

aussi la lance-qui-saigne. also the spear-that-wounds. также копьеметатель.

Ca mériterait un feat entre Arthur et Snoop Dog cette histoire...Bref ! Désormais, le This story deserves a feat between Arthur and Snoop Dog... Anyway! From now on, the

graal, objet évoqué par Chrétien de Troyes, devient le saint Graal avec un « g »

majuscule. Et il transmet un message clair aux lecteurs médiévaux des textes arthuriens

: s'ils veulent accéder à une forme de salut, il faut communier régulièrement à Если они хотят обрести форму спасения, они должны регулярно причащаться в

l'église sous la direction d'un prêtre.

Instrument de rédemption, le Graal n'est pourtant pas l'objet qui guérit les blessures

du roi Pêcheur, allégorie même de l'humanité pécheresse et plus largement d'une Terre of the Fisher King, the very allegory of sinful humanity and more broadly of an Earth

en proie au mal depuis la Chute d'Adam et Ève. , Cette fonction est, dans la Vulgate, plagued by evil since the Fall of Adam and Eve. This function is, in the Vulgate,

réservée à la lance-qui-saigne qu'à décrite brièvement Chrétien de Troyes de reserved for the bleeding lance that Chretien de Troyes briefly described in

son roman consacré à Perceval. Comme pour le Graal, cette lance a été fortement christianisée his novel dedicated to Perceval. As with the Grail, this spear has been heavily Christianized.

et est identifiée, depuis les Continuations rédigées au début du XIIIe siècle, à

la lance de Longin qui aurait percé le flanc du Christ sur la croix. En fait, le lien entre

le Graal et la guérison des plaies du roi Pêcheur, n'est évoqué que sur une seule the Grail and the healing of the Fisher King's wounds, is only evoked on a single

enluminure du XIVe siècle, où l'on voit Galaad appliquer le calice sur la jambe du 14th-century illumination, which shows Galaad applying the chalice to the leg of the

souverain blessée alors que derrière, les autres chevaliers sont en prières. Ce que sovereign wounded while behind, the other knights are in prayers. That

semble faire ici Galaad, c'est reproduire le geste du Christ en train de laver les pieds

de ses disciples, geste qu'il effectue juste après la Cène. of his disciples, a gesture he performs just after the Last Supper.

Si la légende du calice sacré est en grande partie ignorée du XVIe au début du XVIIIe

siècle, elle va connaître une nouvelle vie à l'époque victorienne et encore plus

au XXe siècle. L'imprécision de Chrétien de Troyes sur la nature même du Graal permet in the 20th century. Chrétien de Troyes's imprecision about the very nature of the Grail makes it possible

à cette époque à des auteurs de s'emparer de l'objet et d'en faire un symbole pour at the time, authors seized on the object and turned it into a symbol for their country.

tout et n'importe quoi. C'est open bar de toute façon il n'y avait rien de précis everything and anything. It's open bar anyway there was nothing specific

avant donc...ça peut pas faire de mal ! Enfin je crois... before so...it can't hurt! I think...

Dans les années 1930, Otto Rahn, proche du parti nazi, publie son livre Croisade contre In the 1930s, Otto Rahn, who was close to the Nazi party, published his book Crusade against the Nazis.

le Graal (1933). Pour lui, le calice aurait été caché par les hérétiques cathares the Grail (1933). For him, the chalice was hidden by Cathar heretics.

— aidés par les Templiers et l'empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen — descendants - aided by the Knights Templar and the German emperor Frederick II of Hohenstaufen - descendants

des « purs » Aryens, pour le protéger de l'Église chrétienne de Rome manipulée of the "pure" Aryans, to protect it from the manipulated Christian Church of Rome

par les Juifs. Ce que fait mine de rien Otto Rahn ici, c'est qu'il inscrit du coup by the Jews. What Otto Rahn doesn't seem to be doing here is writing down

le national-socialisme d'une pseudo-tradition millénaire qui remonterait à la chevalerie national-socialism of a thousand-year-old pseudo-tradition dating back to chivalry

médiévale, lui donnant au passage, une certaine légitimité.

Le thème d'un Graal caché par des organisations occultes a aussi inspiré, de loin, le fameux

Da Vinci Code (2003) de Dan Brown, dans lequel le Graal représente en fait une lignée de

descendants du Christ protégée secrètement par les Templiers. Cette idée a été inventée

par des occultistes du XXe siècle, dirigé par Pierre Plantard, militant d'extrême

droite, qui, pour avancer ses théories, a créé de faux documents. Cela n'a pas empêché

des auteurs anglais de reprendre ses propos pour écrire en 1982 L'énigme sacrée (1982) English authors to take up his words in 1982, writing L'énigme sacrée (1982)

qui a largement influencé Dan Brown, après avoir été parodié dans Le Pendule de Foucault which greatly influenced Dan Brown, after being parodied in Le Pendule de Foucault.

(1988) d'Umberto Eco.

Mais de toutes les interprétations, il y en a une qui rencontre le plus de succès

: c'est celle qui lie le Graal à la nature ! It's the one that links the Grail to nature!

En effet, dans les récits médiévaux, le fief du roi pêcheur, le personnage de la

légende arthurienne qui garde le graal, est décrit comme une terre « gaste », c'est

dire « gâtée » ou « dévastée », parce que le souverain a été frappé aux

jambes par un « coup douloureux » qui lui a été administré par une épée merveilleuse. ноги от "болезненного удара", нанесенного чудесным мечом.

Le monarque est alors au plus mal et, en conséquence, ses terres dépérissent, comme l'explique

ce passage tiré de la Vulgate : этот отрывок из Вульгаты:

« Tel fut le premier coup donné par cette épée. Cela eut lieu au royaume de Logres ; "Это был первый удар, нанесенный этим мечом. Это произошло в королевстве Логрес;

il en résulta une si grande calamité et une si grande ruine pour les deux royaumes

que jamais, depuis lors, le blé ni rien d'autre n'y poussèrent, les arbres n'y portèrent

de fruits, les eaux ne donnèrent de poisson, si ce n'est en petite quantité. Et c'est

pourquoi le territoire des deux royaumes est appelé la Terre Gaste, parce que dévastée

par ce coup d'épée. » (trad. Gérard Gros).

Au Moyen âge, associer le graal et la nature, ça n'est pas vraiment le coeur du sujet

qui comme on l'a vu se concentre plus sur les mystères religieux de la coupe. Mais which as we have seen focuses more on the religious mysteries of the cup. But которая, как мы видели, больше сосредоточена на религиозных таинствах чаши. Но

il prend une grande importance au XXe siècle, notamment après la Première guerre mondiale.

En fait beaucoup de membres de l'élite britannique, qui avaient été éduqués avec

l'idée que la guerre se résumait à un combat chevaleresque glorieux, déchantent

avec l'horreur des tranchées, où les obus et les gaz fauchent les soldats sans discrimination.

Le conflit est un rude retour à la réalité qui influe sur leur manière de concevoir

la légende de la Table ronde. On a vu par exemple, dans la vidéo consacrée à l'histoire

du mythe arthurien, qu'un auteur comme T. H. White, lorsqu'il écrit sa propre version

du récit de la table ronde à la fin des années 1930, met en scène un souverain de

Camelot presque pacifiste qui se moque ouvertement des combattants féodaux. Le même genre de

phénomène se produit au même moment dans la fantasy avec Tolkien, lui aussi vétéran

des tranchées, qui centre son roman Le Hobbit, publié en 1937, sur un petit personnage sympathique

plutôt que sur une figure de combattant. Le mythe du Graal est également réécrit

à la lumière du traumatisme de la Première Guerre mondiale. Dans un long poème intitulé

La Terre gaste (The Wasteland en anglais) publié en 1922, T.S. Eliot invente une version

du roi Pêcheur errant dans une grande ville moderne. On peut lire à la fin du texte ce of King Fisher wandering in a big modern city. You can read at the end of the text that

passage assez triste :

Je pêchais sur la rive. Et derrière moi se déroulait la plaine aride. I was fishing on the shore. And behind me lay the arid plain.

Mettrai-je au moins de l'ordre dans mes terres ?

Derrière ces trois vers et cette figure d'un souverain désormais privée de couronne et

qui cherche son Graal sur un territoire dévastée, on pourrait par exemple être tenté de voir

une allégorie de l'homme moderne, perdu dans une société industrielle absurde.

Une idée qui se retrouve également dans Les Enchantements de Glastonbury (1932) de

John Cowper Powys, dont l'action se déroule dans la ville où a été découvert le faux

tombeau du roi Arthur à la fin du XIIe siècle. L'un des personnages principaux du récit,

Philip Crow, fait la promotion de l'industrialisation de la région. Mais le développement de cette

industrie entraîne une forte pollution que l'auteur du roman assimile à un « coup

douloureux » porté à la nature, en référence à la blessure du Roi pêcheur. Face à Crow

se dresse John Geard, un mystique venu fonder une nouvelle religion inspirée des rites

du Graal. Il s'allie pour cela à un groupe de communistes et d'anarchistes voulant

créer, dans la petite ville anglaise, une commune libre.

Tout à l'heure on avait Arthur et Snoop Dog, on y rajoute Karl Marx donc...ça commence

à faire une sacré collab ! On retrouve une histoire assez semblable dans

le roman d'un ami de J.R.R. Tolkien, C.S. Lewis, que vous connaissez sans doute pour

avoir écrit le cycle de Narnia. Dans son livre Cette hideuse puissance, publié en

1945, il raconte comment une conspiration occulte appelée le N.I.C.E tente d'asservir

l'humanité et la nature pour les besoins de l'industrie. Ils trouvent sur leur chemin

Merlin, réveillé d'un long sommeil, mais surtout Elwin Ransom qui cumule le rôle d'Arthur

et du roi Pêcheur. Le livre est écrit durant la Seconde Guerre mondiale et le N.I.C.E.

renvoie clairement au totalitarisme nazi et plus largement à toutes les formes d'oppression

scientiste. Pour Powys comme pour Lewis, la quête de

la coupe sacrée devient l'élément central d'un combat qui oppose la modernité capitaliste

et polluante, à la spiritualité et à l'idéalisme, un idéalisme mystique, politique ou écologique.

Et tout cela va marquer profondément la génération contestataire des années 1960.

Dans les pays anglo-saxons, les gens qui font parti de ces mouvements de contestation, en

réaction à la société de consommation et à la guerre au Vietnam, aiment se plonger

dans les récits de Tolkien et plus largement dans un Moyen âge magique perçu comme le

parfait opposé d'un monde contemporain qui leur fait peur. Leurs héros ne sont plus

les chevaliers ou les rois, mais les enchanteurs et les sorcières. Beaucoup d'artistes de

cette époque voient ainsi la recherche du Graal comme une critique de la modernité

industrielle et de ses dérives. L'un d'entre eux, John Boorman, après avoir abandonné

un projet d'adaptation du Seigneur des Anneaux pour le grand écran, réalise le film Excalibur

en 1981. Influencé par la lecture d'Eliot et Powys, le cinéaste britannique met en

scène un récit, inspiré du Morte d'Arthur de Mallory, où le souverain de Camelot est

confondu, encore une fois, avec le roi Pêcheur. Maudit par Morgane, malade, incapable de monter

à cheval, ce n'est qu'en buvant dans le Graal que lui ramène Perceval qu'il

peut se rendre à un ultime combat contre son fils incestueux Mordred. Alors qu'il

chevauche pour sa dernière bataille, son royaume, plongé dans un long hiver, renaît

et reverdie à son passage tandis que résonne en fond sonore l'adaptation des Carmina

Burana de Carl Orff.

Et ce qui est intéressant c'est que Boorman s'est plusieurs fois expliqué à propos

de cette scène célèbre, notamment dans une interview donnée en 1985.

« Depuis cent ans, nous nous précipitons la tête la première dans le futur, nous

avons voué un culte au progrès et nous avons oublié nos traces, nos conduites antérieures

dont on trouve les origines au Moyen ge. Nous sommes sans racines ; et aujourd'hui particulièrement,

où nous contemplons la destruction possible de notre planète, il y a une soif, une nostalgie

du passé, un désir profond de le comprendre. Cette légende du Graal nous attire parce

qu'elle nous parle d'une nature qui n'était pas souillée et avec laquelle l'homme vivait

en harmonie. »

On ne va pas se le cacher, c'est une vision très idéalisée de l'époque médiévale

mais elle est devenue de plus en plus à la mode aujourd'hui, d'autant plus qu'on

est dans une période où on a globalement peur du changement climatique et de l'impact

de notre société sur la biodiversité. C'est surement pour ça que, même si c'est inconscient нашего общества на биоразнообразие. Возможно, именно поэтому, пусть и неосознанно

chez les gens, le Moyen âge magique, la fantasy en général, et le mythe arthurien en particulier,

sont à la mode dans notre société. En France, rien n'incarne mieux cette fascination

très contemporaine que le succès de la série télévisée Kaamelott dans laquelle on retrouve

nettement l'influence d'Excalibur de Boorman. La figure du Roi Pêcheur y est ainsi confondue,

comme dans le film des années 1980, avec celle d'Arthur, roi infertile donc blessé

aux jambes, tellement mal en point en fait qu'il tente plus tard de se suicider dans Он так сильно ударился ногами, что впоследствии пытался покончить с собой в

le livre V alors que son royaume, devenu une véritable terre gaste, est plongé dans un

long hiver. Face à cela, la quête du Graal semble prendre plusieurs formes dans Kaamelott.

Pour le roi Arthur, ce qui compte, ce n'est pas tant la vase sacrée en lui-même que