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Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", La mystérieuse armée de terre cuite du 1er empereur chinois (2)

La mystérieuse armée de terre cuite du 1er empereur chinois (2)

très prisé du commerce le long de la rivière wei, un affluent principal du Fleuve Jaune.

Pour le coup, que l'on soit clair, la tombe impériale, encore aujourd'hui,

n'a jamais été fouillée. Et ça pour plusieurs raisons. Déjà les archéologues ne veulent pas

se retrouver face à une tombe pillée, ce qui pourrait avoir des conséquences symboliques

particulièrement mauvaises. Oui, car c'est souvent le cas que les tombes d'élites soient,

quelques années à peine après l'inhumation, les cibles de vandalisme et de pillages.

Il faut dire aussi que les spécialistes attendent de pouvoir disposer de technologies suffisantes

pour être à même de protéger ce qui se trouve au sein du tumulus. Ils craignent d'ailleurs

de tomber sur des pièges, destinés à repousser les intrus et les archéologues en vrai c'est

pas Indiana Jones. Donc s'ils rentrent, ils se prennent le piège dans le pif et

au suivant ! Donc ils sont moyens chauds on va dire… D'ailleurs la crainte est justifiée,

comme nous l'indique cette description de ce qui devrait se trouver à l'intérieur de

la tombe que nous devons à nouveau à notre cher Sima Qian, et dont voici un extrait :

« Au neuvième mois, le Premier Auguste Empereur fut inhumé près du mont Li. […] quand il unifia

le monde, il y envoya 700 000 personnes. […] [On ordonna] aux artisans de fabriquer

des arbalètes et des traits, prêts à être décochés au cas où quelqu'un

essaierait de violer la sépulture. Avec du vif-argent (c'est-à-dire le mercure),

on fit les 100 fleuves.[…] Le plafond figurait le ciel, le sol, la Terre. »

Les archéologues chinois ont effectué des prospections au-dessus du tumulus, et ont bien

trouvé un taux élevé en mercure. C'est la preuve que la description semble probable, et donc sans

doute la suite aussi. Un peu parano, l'Empereur décréta en tout cas qu'il ne pouvait mourir seul.

Non seulement on sacrifia toutes les veuves des précédents souverains (une bonne dizaine

au moins), mais on enterra aussi vivant les artisans chargés de la construction de la tombe.

Voilà, comme ça, vous avez une bonne impression générale de ce sympathique personnage !

C'est donc tout naturel que tout autour de cette immense pyramide funéraire, les archéologues

découvrent des fosses d'accompagnements sacrificielles. Mais comme on ne pouvait

pas massacrer l'ensemble de la population chinoise pour les beaux yeux de l'Empereur,

(enfin, peut-être qu'il en avait l'intention, mais comme il est mort en tournée d'inspection,

il a fallu s'adapter), il fallait pouvoir aussi substituer les humains sacrifiés par

des objets que les chinois de l'antiquité appellent : mingqi, un sujet qui doit être

brièvement abordé ici pour comprendre la raison d'être de l'armée en terre cuite.

Mot-à-mot « Objet lumineux », les mingqi désignent des objets qui ont pour mission

d'éclairer la tombe pour l'éternité, comme une lampe torche de luxe quoi... Ces objets

se popularisent depuis la période des Royaumes-Combattants pour remplacer

la pratique jusqu'alors courante du sacrifice. Ils peuvent prendre la forme d'à peu près tout,

du moment que l'objet avait une valeur sentimentale pour le défunt. Cette pratique

continue à être observée encore aujourd'hui, comme on le voit avec les offrandes funéraires

en papier à Taiwan qui prennent la forme de produits de consommations associés au défunt.

On retrouve ainsi des offrandes en forme d'I Phone, d'avion, de Ferrari, de porte clé.

Le moment venu si c'est possible un PC en papier, je dis pas non,

ça doit être classe.

Au sein du mausolée du Premier Empereur, ces mingqi sont notamment des statues en

bronze et en céramique représentant des fonctionnaires, serviteurs, cuisiniers,

palefreniers, acrobates et même scribes. En gros, toutes les personnes indispensables au

bon fonctionnement du jeune Empire. Et bien sûr, il ne peut y avoir d'unité sans armée :

ainsi, au lieu de massacrer 8000 bons hommes avec leurs armures, on va utiliser cette pratique des

mingqi pour sculpter une armée entière destinée à défendre éternellement la tombe impériale.

Et maintenant que l'on a dit tout ça, on va enfin pouvoir

s'intéresser à cette armée ! L'intro était un peu longue, mais nécessaire !

Située à 1,2 km à l'est de l'enceinte, 4 fosses occupent un espace total de 24 780m².

La fosse n°4 est vide, en revanche les trois autres comptent près de

8500 soldats. Chaque fosse représente un corps militaire bien spécifique :

• La fosse n°1,

la plus grande et la plus connue, rassemble une armée entière de fantassins et d'archers (un peu

plus de 6000 statues) : c'est l'avant-garde. Elle est divisée en 6 rangées chacune menée en tête par

un quadrige, un char antique sur deux roues. L'armée s'organise en formation rectangulaire.

Les archées se tiennent prêts pour décocher leurs flèches, les fantassins attendent le

signal pour charger. Les ailes droites et gauches, étant identiques, s'ouvrent en éventail, ou se

referment en tenaille, deux formations militaires destinées à soutenir les unités centrales.

• La fosse n°2 (1000 statues environ), en « L », se compose en quatre blocs. Au nord,

un régiment d'archers entoure une unité d'arbalétriers. Derrière, en deux blocs

parallèles, deux chars légers précédent un escadron de cavalerie. Au sud, se tiennent les

chars lourds et les régiments d'infanterie. Chacune de ces unités combat peut opérer

seule pour mieux contourner l'ennemi : c'est la formation dite du « déploiement concentrique ».

• La fosse n°3, en « U » est la plus petite. Divisée en trois sections elle rassemble le

Quartier Général, avec 68 soldats qui semblent vouloir protéger l'officier

de haut rang se trouvant au centre, près de l'unique char. Ce dernier n'est d'ailleurs pas

là et les archéologues pensent que sa tombe se trouve quelques kilomètres à l'ouest.

Il faut comprendre que personne n'est censé voir ces armées,

encore moins de les observer de face comme nous le faisons aujourd'hui.

L'ensemble des fosses était recouvert par plusieurs niveaux de sols différents,

afin d'en garantir leurs protections contre les précipitations et, surtout, les pilleurs.

A l'origine on a recouvert l'ensemble de ces fosses par un plafond fait à base de

troncs d'arbres, de couches de natte et de terre damée. Ces fosses sont pensées comme

des cryptes au-dessus desquelles devait se tenir un palais monumental, resté sans doute

inachevé par la mort inopinée de l'Empereur, et des révoltes qui ont suivi. D'ailleurs,

quand les archéologues découvrent ces statues, elles sont renversées sur le sol en brique,

détruites par des frappes intentionnées. Voilà pourquoi beaucoup d'armes ont disparu

des mains des soldats, sans doute prises par les pilleurs qui s'étaient immiscés dans la tombe.

On va se pencher maintenant sur les étapes de constructions de ces statues,

car c'est une véritable chaîne de travail, ordonnée, contrôlée et

organisée qui a été mise en place pour leur fabrication, à la chinoise quoi !

Les ouvriers travaillent dans un chantier à proximité des fosses, et sont tout autant utilisés

pour façonner les soldats, que les autres statues placées au sein de l'enceinte sacrée. Construites

à l'échelle 1/1, ces figures à taille humaine (en fait légèrement plus grandes que les humains de

l'époque, pour amplifier la portée symbolique de l'armée) sont fabriquées localement. La matière

première, l'argile, est utilisée pour la formation de l'ensemble du corps. C'est un véritable puzzle

à taille humaine. Les artisans disposent de moules pour façonner les têtes, bras, jambes,

et torses. Les parties sont rassemblées avant de passer au four. Imaginez un peu la taille des

fours pour cuire tout ça quand même ! .

Pour être bien certain que le rendu final est conforme au cahier des charges,

la statue passe par une étape de contrôle. Chaque atelier doit laisser sa trace en

inscrivant son nom dans l'argile crue. Et autant dire que l'atelier responsable d'un

défaut passait un sale quart d'heure. Après la cuisson, les statues sont laquées puis peintes.

Eh oui, comme les statues grecques en marbre recouvertes d'une feuille d'or,

celles de l'armée du Premier Empereur, sont peintes en rose,

rouge, vert, bleu, noir, blanc, brun… c'était coloré quoi !

Bien sûr, la couleur dépendait de la fonction. Le rendu final est si réaliste,

que l'on pourrait croire à des portraits. Mais ce n'est qu'une illusion. Une fois que toutes

les parties sont rassemblées, l'artisan (remarquez que je ne dis pas artiste ici), travaille l'argile

à froid pour façonner les expressions du visage. Chaque statue paraît ainsi différente de l'autre.

Côté hiérarchie au sein de cette armée de terre cuite, rien n'est laissé au hasard :

Taille, vêtement, couleur, coiffe, emplacement, armure,

les artisans respectent à la lettre les codes de représentations des soldats.

- Les fantassins sont sans armures, tandis

que les officiers de rang moyen sont équipés d'une armure à tunique avec épaulières et brassards.

- Le général est vêtu d'une écharpes ouatée, d'un couvre-chef,

d'une sous tunique, d'une armure qui se termine en « V »,et d'un couvre-chef appelé He [REU],

du nom d'un faisan célèbre pour ses qualités de combattant tenace.

- Les arbalétriers qui décochent leurs flèches un genou à terre, en maintenant l'arc avec les pieds

tandis qu'ils arment la corde, ont besoin d'être libres de leurs mouvements. Ils portent donc

une cuirasse courte et une jupette, tandis que leurs cheveux sont retenus par un chignon haut.

Voilà, maintenant vous savez tout sur ces statues

pour faire des blind tests et deviner à quel rang est associé tel ou tel soldat !

Bon...après tout ça, il est difficile de parler de ces statues sans aborder,

ici en conclusion, quelques mystères qu'ils restent encore à expliquer.

D'abord, aucun texte ancien ne mentionne l'existence d'une telle armée, alors que

la tombe du Premier Empereur, nous l'avons vu, est connue du grand historien des Han,

un siècle après l'inhumation. Cette absence de sources est d'autant plus étonnante que

des pilleurs se sont manifestement rendus dans la tombe pour prendre les armes.

Un autre débat domine encore de nos jours sur la question des influences possibles

pour cette statuaire de taille humaine. Un chercheur de la SOAS, à Londres, considère

que des artisans grecs se sont rendus jusqu'à Lintong pour participer à cette entreprise.

Alors, soyons clairs : les découvertes archéologiques en Chine et les textes

anciens attestent de l'existence de statues de plain-pied bien avant le Premier Empereur.

Donc on peut douter de ça mais cette théorie a quand même quelques arguments qui se tiennent.

Il ne faut pas oublier que depuis les conquêtes d'Alexandre le Grand, les satrapies grecques,

des morceaux de territoire quoi, sont installées en Asie centrale, et jusqu'au Pakistan actuel.

Durant l'époque « Gréco-bactrienne » (250 à 130 av. environ), les rois grecs frappent les monnaies

avec des effigies de dieux grecs, développent leurs cités qu'ils agrémentent de décors purement

hellénistiques, dont des statues. Et on est exactement au moment du règne de Qin ShiHuangdi.

D'ailleurs, en septembre 2019, on a découvert un truc dans une tombe située à proximité de

l'enceinte nord qui renforce cette idée. Il s'agit d'un chameau en or mesurant 25 cm,

et qui est clairement un modèle des fameux chameaux de Bactriane (États

actuels d'Afghanistan, du Tadjikistan, et de l'Ouzbékistan). Ces chameaux sont les

principaux animaux de transport de marchandises dans le désert,

entre la Chine et l'Asie centrale, là où régnaient ces dynasties grecques.

Quoi qu'il en soit, il faut garder en mémoire que cette armée monumentale transformera en

profondeur la structure des inhumations dans les tombes impériales de la dynastie suivante, celle

des Han. Puisque l'on va en retrouver d'autres des armées comme ça, sauf qu'il s'agit de soldats de

petites tailles et beaucoup moins travaillés. En gros…. il y avait plus de pognon !

Ces changements prouvent donc de façon assez évidente que la tombe du Premier

Empereur aura fortement marqué les esprits de ce temps. Voilà les amis,

c'est tout pour aujourd'hui ! Merci à Arnaud Bertrand qui m'a accompagné une

fois de plus sur la préparation de cet épisode. Merci également à Tianci Media,

le partenaire qui nous permet de valoriser cette culture chinoise à travers cette série. J'espère

que cette vidéo vous a plu, on compte évidemment sur vos partages, c'est super important ! On se

retrouve bientôt sur la chaîne pour de nouvelles aventures sur la Chine. Ciao !


La mystérieuse armée de terre cuite du 1er empereur chinois (2) Die mysteriöse Terrakotta-Armee des ersten chinesischen Kaisers (2) The mysterious terracotta army of the 1st Chinese emperor (2) El misterioso ejército de terracota del primer emperador chino (2) ارتش مرموز سفالی اولین امپراتور چین (2) Tajemnicza terakotowa armia pierwszego chińskiego cesarza (2) Таинственная терракотовая армия 1-го китайского императора (2) Den första kinesiska kejsarens mystiska terrakottaarmé (2) 神秘的秦始皇兵马俑 (2)

très prisé du commerce le long de la rivière  wei, un affluent principal du Fleuve Jaune.

Pour le coup, que l'on soit clair, la  tombe impériale, encore aujourd'hui, Let's be clear, the imperial tomb is still there today,

n'a jamais été fouillée. Et ça pour plusieurs  raisons. Déjà les archéologues ne veulent pas has never been excavated. There are several reasons for this. Firstly, archaeologists don't want

se retrouver face à une tombe pillée, ce qui  pourrait avoir des conséquences symboliques be faced with a looted grave, which could have symbolic consequences.

particulièrement mauvaises. Oui, car c'est  souvent le cas que les tombes d'élites soient,

quelques années à peine après l'inhumation,  les cibles de vandalisme et de pillages.

Il faut dire aussi que les spécialistes attendent  de pouvoir disposer de technologies suffisantes

pour être à même de protéger ce qui se trouve  au sein du tumulus. Ils craignent d'ailleurs to be able to protect what's inside the tumulus. They also fear

de tomber sur des pièges, destinés à repousser  les intrus et les archéologues en vrai c'est

pas Indiana Jones. Donc s'ils rentrent,  ils se prennent le piège dans le pif et

au suivant ! Donc ils sont moyens chauds on  va dire… D'ailleurs la crainte est justifiée,

comme nous l'indique cette description de  ce qui devrait se trouver à l'intérieur de

la tombe que nous devons à nouveau à notre  cher Sima Qian, et dont voici un extrait :

« Au neuvième mois, le Premier Auguste Empereur  fut inhumé près du mont Li. […] quand il unifia

le monde, il y envoya 700 000 personnes.  […] [On ordonna] aux artisans de fabriquer

des arbalètes et des traits, prêts  à être décochés au cas où quelqu'un

essaierait de violer la sépulture. Avec  du vif-argent (c'est-à-dire le mercure),

on fit les 100 fleuves.[…] Le plafond  figurait le ciel, le sol, la Terre. »

Les archéologues chinois ont effectué des  prospections au-dessus du tumulus, et ont bien

trouvé un taux élevé en mercure. C'est la preuve  que la description semble probable, et donc sans

doute la suite aussi. Un peu parano, l'Empereur  décréta en tout cas qu'il ne pouvait mourir seul.

Non seulement on sacrifia toutes les veuves  des précédents souverains (une bonne dizaine

au moins), mais on enterra aussi vivant les  artisans chargés de la construction de la tombe.

Voilà, comme ça, vous avez une bonne impression  générale de ce sympathique personnage !

C'est donc tout naturel que tout autour de cette  immense pyramide funéraire, les archéologues

découvrent des fosses d'accompagnements  sacrificielles. Mais comme on ne pouvait

pas massacrer l'ensemble de la population  chinoise pour les beaux yeux de l'Empereur,

(enfin, peut-être qu'il en avait l'intention,  mais comme il est mort en tournée d'inspection,

il a fallu s'adapter), il fallait pouvoir  aussi substituer les humains sacrifiés par

des objets que les chinois de l'antiquité  appellent : mingqi, un sujet qui doit être

brièvement abordé ici pour comprendre la  raison d'être de l'armée en terre cuite.

Mot-à-mot « Objet lumineux »,  les mingqi  désignent des objets qui ont pour mission

d'éclairer la tombe pour l'éternité, comme  une lampe torche de luxe quoi... Ces objets

se popularisent depuis la période des  Royaumes-Combattants pour remplacer

la pratique jusqu'alors courante du sacrifice.  Ils peuvent prendre la forme d'à peu près tout,

du moment que l'objet avait une valeur  sentimentale pour le défunt. Cette pratique

continue à être observée encore aujourd'hui,  comme on le voit avec les offrandes funéraires

en papier à Taiwan qui prennent la forme de  produits de consommations associés au défunt.

On retrouve ainsi des offrandes en forme d'I  Phone, d'avion, de Ferrari, de porte clé.

Le moment venu si c'est possible  un PC en papier, je dis pas non,

ça doit être classe.

Au sein du mausolée du Premier Empereur,  ces mingqi sont notamment des statues en

bronze et en céramique représentant des  fonctionnaires, serviteurs, cuisiniers,

palefreniers, acrobates et même scribes. En  gros, toutes les personnes indispensables au

bon fonctionnement du jeune Empire. Et bien  sûr, il ne peut y avoir d'unité sans armée :

ainsi, au lieu de massacrer 8000 bons hommes avec  leurs armures, on va utiliser cette pratique des

mingqi pour sculpter une armée entière destinée  à défendre éternellement la tombe impériale.

Et maintenant que l'on a dit  tout ça, on va enfin pouvoir

s'intéresser à cette armée ! L'intro  était un peu longue, mais nécessaire !

Située à 1,2 km à l'est de l'enceinte, 4  fosses occupent un espace total de 24 780m².

La fosse n°4 est vide, en revanche  les trois autres comptent près de

8500 soldats. Chaque fosse représente  un corps militaire bien spécifique :

• La fosse n°1,

la plus grande et la plus connue, rassemble une  armée entière de fantassins et d'archers (un peu

plus de 6000 statues) : c'est l'avant-garde. Elle  est divisée en 6 rangées chacune menée en tête par

un quadrige, un char antique sur deux roues.  L'armée s'organise en formation rectangulaire.

Les archées se tiennent prêts pour décocher  leurs flèches, les fantassins attendent le

signal pour charger. Les ailes droites et gauches,  étant identiques, s'ouvrent en éventail, ou se

referment en tenaille, deux formations militaires  destinées à soutenir les unités centrales.

• La fosse n°2 (1000 statues environ), en  « L », se compose en quatre blocs. Au nord,

un régiment d'archers entoure une unité  d'arbalétriers. Derrière, en deux blocs

parallèles, deux chars légers précédent un  escadron de cavalerie. Au sud, se tiennent les

chars lourds et les régiments d'infanterie.  Chacune de ces unités combat peut opérer

seule pour mieux contourner l'ennemi : c'est la  formation dite du «  déploiement concentrique ».

• La fosse n°3, en « U » est la plus petite.  Divisée en trois sections elle rassemble le

Quartier Général, avec 68 soldats qui  semblent vouloir protéger l'officier

de haut rang se trouvant au centre, près de  l'unique char. Ce dernier n'est d'ailleurs pas

là et les archéologues pensent que sa tombe  se trouve quelques kilomètres à l'ouest.

Il faut comprendre que personne  n'est censé voir ces armées,

encore moins de les observer de face  comme nous le faisons aujourd'hui.

L'ensemble des fosses était recouvert  par plusieurs niveaux de sols différents,

afin d'en garantir leurs protections contre  les précipitations et, surtout, les pilleurs.

A l'origine on a recouvert l'ensemble de  ces fosses par un plafond fait à base de

troncs d'arbres, de couches de natte et de  terre damée. Ces fosses sont pensées comme

des cryptes au-dessus desquelles devait se  tenir un palais monumental, resté sans doute

inachevé par la mort inopinée de l'Empereur,  et des révoltes qui ont suivi. D'ailleurs,

quand les archéologues découvrent ces statues,  elles sont renversées sur le sol en brique,

détruites par des frappes intentionnées.  Voilà pourquoi beaucoup d'armes ont disparu

des mains des soldats, sans doute prises par les  pilleurs qui s'étaient immiscés dans la tombe.

On va se pencher maintenant sur les  étapes de constructions de ces statues,

car c'est une véritable chaîne de  travail, ordonnée, contrôlée et

organisée qui a été mise en place pour  leur fabrication, à la chinoise quoi !

Les ouvriers travaillent dans un chantier à  proximité des fosses, et sont tout autant utilisés

pour façonner les soldats, que les autres statues  placées au sein de l'enceinte sacrée. Construites

à l'échelle 1/1, ces figures à taille humaine (en  fait légèrement plus grandes que les humains de

l'époque, pour amplifier la portée symbolique de  l'armée) sont fabriquées localement. La matière

première, l'argile, est utilisée pour la formation  de l'ensemble du corps. C'est un véritable puzzle

à taille humaine. Les artisans disposent de  moules pour façonner les têtes, bras, jambes,

et torses. Les parties sont rassemblées avant de  passer au four.

Imaginez un peu la taille des

fours pour cuire tout ça quand même !  .

Pour être bien certain que le rendu  final est conforme au cahier des charges,

la statue passe par une étape de contrôle.  Chaque atelier doit laisser sa trace en

inscrivant son nom dans l'argile crue. Et  autant dire que l'atelier responsable d'un

défaut passait un sale quart d'heure.  Après la  cuisson, les statues sont laquées puis peintes.

Eh oui, comme les statues grecques en  marbre recouvertes d'une feuille d'or,

celles de l'armée du Premier  Empereur, sont peintes en rose,

rouge, vert, bleu, noir, blanc,  brun… c'était coloré quoi !

Bien sûr, la couleur dépendait de la  fonction. Le rendu final est si réaliste,

que l'on pourrait croire à des portraits. Mais  ce n'est qu'une illusion. Une fois que toutes

les parties sont rassemblées, l'artisan (remarquez  que je ne dis pas artiste ici), travaille l'argile

à froid pour façonner les expressions du visage.  Chaque statue paraît ainsi différente de l'autre.

Côté hiérarchie au sein de cette armée de  terre cuite, rien n'est laissé au hasard :

Taille, vêtement, couleur,  coiffe, emplacement, armure,

les artisans respectent à la lettre les  codes de représentations des soldats.

- Les fantassins sont sans armures, tandis

que les officiers de rang moyen sont équipés d'une  armure à tunique avec épaulières et brassards.

- Le général est vêtu d'une  écharpes ouatée, d'un couvre-chef,

d'une sous tunique, d'une armure qui se termine  en « V »,et d'un couvre-chef appelé He [REU],

du nom d'un faisan célèbre pour ses  qualités de combattant tenace.

- Les arbalétriers qui décochent leurs flèches un  genou à terre, en maintenant l'arc avec les pieds

tandis qu'ils arment la corde, ont besoin d'être  libres de leurs mouvements. Ils portent donc

une cuirasse courte et une jupette, tandis que  leurs cheveux sont retenus par un chignon haut.

Voilà, maintenant vous savez tout sur ces statues

pour faire des blind tests et deviner à  quel rang est associé tel ou tel soldat !

Bon...après tout ça, il est difficile  de parler de ces statues sans aborder,

ici en conclusion, quelques mystères  qu'ils restent encore à expliquer.

D'abord, aucun texte ancien ne mentionne  l'existence d'une telle armée, alors que

la tombe du Premier Empereur, nous l'avons  vu, est connue du grand historien des Han,

un siècle après l'inhumation. Cette absence  de sources est d'autant plus étonnante que

des pilleurs se sont manifestement rendus  dans la tombe pour prendre les armes.

Un autre débat domine encore de nos jours  sur la question des influences possibles

pour cette statuaire de taille humaine. Un  chercheur de la SOAS, à Londres, considère

que des artisans grecs se sont rendus jusqu'à  Lintong pour participer à cette entreprise.

Alors, soyons clairs : les découvertes  archéologiques en Chine et les textes

anciens attestent de l'existence de statues  de plain-pied bien avant le Premier Empereur.

Donc on peut douter de ça mais cette théorie a  quand même quelques arguments qui se tiennent.

Il ne faut pas oublier que depuis les conquêtes  d'Alexandre le Grand, les satrapies grecques,

des morceaux de territoire quoi, sont installées  en Asie centrale, et jusqu'au Pakistan actuel.

Durant l'époque « Gréco-bactrienne » (250 à 130  av. environ), les rois grecs frappent les monnaies

avec des effigies de dieux grecs, développent  leurs cités qu'ils agrémentent de décors purement

hellénistiques, dont des statues. Et on est  exactement au moment du règne de Qin ShiHuangdi.

D'ailleurs, en septembre 2019, on a découvert  un truc dans une tombe située à proximité de

l'enceinte nord qui renforce cette idée. Il  s'agit d'un chameau en or mesurant 25 cm,

et qui est clairement un modèle des  fameux chameaux de Bactriane (États

actuels d'Afghanistan, du Tadjikistan, et  de l'Ouzbékistan). Ces chameaux sont les

principaux animaux de transport  de marchandises dans le désert,

entre la Chine et l'Asie centrale, là  où régnaient ces dynasties grecques.

Quoi qu'il en soit, il faut garder en mémoire  que cette armée monumentale transformera en

profondeur la structure des inhumations dans les  tombes impériales de la dynastie suivante, celle

des Han. Puisque l'on va en retrouver d'autres des  armées comme ça, sauf qu'il s'agit de soldats de

petites tailles et beaucoup moins travaillés.  En gros…. il y avait plus de pognon !

Ces changements prouvent donc de façon  assez évidente que la tombe du Premier

Empereur aura fortement marqué les  esprits de ce temps. Voilà les amis,

c'est tout pour aujourd'hui ! Merci à  Arnaud Bertrand qui m'a accompagné une

fois de plus sur la préparation de cet  épisode. Merci également à Tianci Media,

le partenaire qui nous permet de valoriser cette  culture chinoise à travers cette série. J'espère

que cette vidéo vous a plu, on compte évidemment  sur vos partages, c'est super important ! On se

retrouve bientôt sur la chaîne  pour de  nouvelles aventures sur la Chine. Ciao !