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Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", D'esclave à US Marshal - L'incroyable destin de Bass Reeves

D'esclave à US Marshal - L'incroyable destin de Bass Reeves

Mes chers camarades bien le bonjour, avant de débuter cet épisode, j'aimerai vous

présenter le sponsor de cette émission : Cartaventura, des jeux de cartes narratifs dans lequel vous

plongez dans l'Histoire à travers des scénarios mettant en scène des personnages historiques

ayant réellement existé : vous partirez à la découverte de la mystérieuse cité

de Lhassa avec l'exploratrice Alexandra David Neel; vous voyagerez dans le Moyen-Orient

du XIVe siècle avec le voyageur Ibn Battuta ou vous partirez explorer de nouvelles terres

en compagnie de Leif Eriksson; le fils du célèbre Éric le Rouge ! À la manière

d'une aventure dont vous êtes les héros; en solo ou à plusieurs, plongez immédiatement

dans l'histoire grâce à des règles très simples qui s'apprennent en jouant. Chaque

scénario est écrit avec l'aide de spécialistes et les multiples péripéties auxquelles vous

serez confrontés vous permettent de rejouer plusieurs fois chaque scénario. Et pour vous

montrer à quel point les aventures et les personnages que vous allez découvrir sont

passionnants, sachez que l'épisode qui suit, dédié à Bass Reeves, le premier shérif

noir américain, fait l'objet d'un scénario à part entière ! Si vous avez toujours rêvé

de vous plonger dans le Far West, ça peut être un bon moyen ! Si vous aimez l'Histoire,

n'hésitez pas à vous renseigner sur toute la gamme Cartaventura, pour l'avoir testé

moi-même, c'est un bon moment à partager ! Rendez-vous sur blam-edition.com ou chez

votre vendeur de jeu préféré. Bon visionnage !

Mes chers camarades bien le bonjour ! Premier deputy marshal noir des Etats-Unis

en 1875, Bass Reeves est l'objet depuis une dizaine d'années d'un d'intérêt

croissant. Grâce à plusieurs historiens qui ont sondé les archives et retracé sa

vie, ce personnage a pris une place dans le récit de la conquête de l'Ouest américain.

Déjà au centre de toute une littérature de Western, romans comme bande-dessinées,

il a récemment fait son apparition dans les séries télé, notamment Gunslingers ou Watchmen,

rien que ça ! Bass Reeves est devenu une figure de la « frontière

», ce front pionnier qui progressait vers l'ouest à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis,

et en même temps, un symbole d'émancipation pour les Noirs américains. On va donc revenir

aujourd'hui sur la vie hors du commun de Bass Reeves, officier de police noir dans

une Amérique ségrégationniste, devenu expert dans la traque des criminels de l'Ouest

sauvage. La jeunesse de Bass Reeves reste particulièrement

énigmatique, sa date et son lieu de naissance ne sont pas connus avec certitude. Le mieux

qu'on puisse dire, c'est qu'il est né en Arkansas ou au Texas, et sans doute en

juillet 1838. L'incertitude provient du fait que Reeves est né esclave, sa mère

appartenant à un fonctionnaire nommé William Steel Reeves. Le jeune Bass prend ainsi le

nom de son maître, comme c'est l'usage à l'époque. Bass, son frère et leur mère

sont envoyés en 1846 à Grayson County au nord du Texas, pour servir dans la propriété

du fils de leur maître. Celui-ci, George Robertson Reeves, est un personnage important.

Colonel dans l'armée américaine, il cumule aussi les fonctions de shérif du comté et

de percepteur d'impôt. Il fait de Bass, âgé seulement de 8 ans, son majordome.

Bass exécute donc les tâches diverses du quotidien, souvent ingrates et pénibles,

mais il apprend aussi à s'occuper des chevaux, à forger et réparer des outils.

Son éducation se limite à la pratique, il est impensable qu'un enfant esclave apprenne

à lire ou à écrire. Bass reste donc pratiquement illettré toute sa vie, ce qui présente un

certain handicap pour un policier qui doit lire les mandats d'arrêt et écrire des

rapports d'opérations. Sa seule approche d'un livre est celle de la Bible, dont sa

mère lui répète des passages qu'elle a appris par cœur.

Son enfance et son adolescence sont donc rudes, et ce n'est pas parce qu'il est au service

d'un personnage important que sa condition de vie d'esclave fait l'objet d'une

attention particulière. Il est vêtu et nourri sommairement, il dort sur une paillasse de

feuilles de maïs, il est battu et privé lorsque son maître en éprouve l'envie.

Pas la meilleure des situations quoi... La guerre de Sécession éclate en 1861 lorsqu'il

a 23 ans. On sait qu'il est enrôlé pour servir auprès de son maître, colonel de

cavalerie dans l'armée confédérée, mais son implication dans le conflit reste difficile

à connaître en détails. Selon quelques biographies, il a peut-être été aligné

comme soldat lors des batailles de Pea Ridge en mars 1862, de Chickamauga en septembre

1863 et de Chattanooga en novembre 1863. Il aurait donc été forcé de se battre contre

l'abolition de l'esclavage, et contre sa liberté.

Mais cela reste assez improbable, les sudistes n'ayant recours aux esclaves dans l'armée

qu'à la fin du conflit, et avec beaucoup de réticence. Bass Reeves a en réalité

surement été assigné à des tâches non-combattantes, au services de son maître.

Quoiqu'il en soit, c'est durant la guerre que Reeves s'émancipe. Lors d'une dispute

avec son maître, peut-être après une partie de cartes arrosée, il le frappe puis s'enfuit

sur son cheval. Seul, il est en grave danger, la loi américaine obligeant les citoyens

à ramener à leur propriétaire les esclaves en fuite. Reeves se rend donc vers une région

où il a plus de chances d'échapper aux esclavagistes : les Territoires Indiens. Cette

région située au nord du Texas est devenue aujourd'hui l'Etat de l'Oklahoma, mais

dans les années 1860, elle a un statut de réserve indienne. C'est là qu'ont été

déportés plusieurs peuples amérindiens dans les années 1830 : Cherokee, Creek, Chickasaw,

Choctaw, Séminole, Osage, Seneca, Pawnee, et bien d'autres. En 1874, l'armée américaine

forcera encore d'autres peuples à s'installer dans les Territoires Indiens : Comanches,

Kiowas, Cheyennes du Sud et Arapahos. Cette promiscuité contrainte sur des terres qu'ils

ne connaissent pas et les ingérences constantes des colons qui cherchent à accaparer les

terres et les ressources, créent un climat extrêmement tendu. Beaucoup d'Indiens se

mettent à voler du bétail et les contrebandiers se réfugient dans ces réserves où la loi

américaine s'applique difficilement. Les grands espaces compliquent la tâche des forces

de l'ordre pour retrouver les criminels. Mais pour Reeves, c'est l'endroit idéal

où se cacher, il sait qu'il ne sera pas rattrapé ici. Il trouve même auprès des

peuples Cherokee, Creek et Séminole de la région des alliés précieux. Ceux que l'on

nomme les Indiens sont eux-mêmes victimes de la loi américaine et n'ont aucune intention

d'aider les Blancs à retrouver leurs esclaves. Au contact de plusieurs tribus, Bass Reeves

se familiarise avec cinq dialectes, et acquiert de solides compétences en pistage, chasse

et équitation. Loin de la loi des Blancs, il peut aussi se familiariser avec les armes

à feu, ce qui était bien entendu interdit aux esclaves. Il s'entraîne avec rigueur

et constance sur des cibles d'entraînement et à la chasse, devenant progressivement

un tireur précis et expérimenté. Les Séminoles organisent régulièrement des compétitions

de tir auxquelles participe Reeves, reconnu pour ses talents. L'abolition de l'esclavage

décrétée en janvier 1863 par l'Union fait de lui un homme libre. La fin de la guerre

lui permet de quitter les Territoires Indiens, et il regagne l'Arkansas vers 1865. Reeves

s'installe dans la ville de Van Buren et achète un lopin de terre. Il y épouse Nellie

Jennie, une femme Creek dont il a fait la connaissance lors de son séjour auprès de

son peuple. Ensemble ils auront onze enfants. Reeves mène dès lors une vie paisible, il

travaille la terre et élève du bétail, mais ses talents sont aussi mis à profit

par la police locale. Il devient l'un des éclaireurs chargés de retrouver la piste

des criminels en fuite. Mais l'abolition de l'esclavage ne signifie

pas pour autant une pleine émancipation pour les Noirs américains. Les Etats sudistes

sont très réticents à faire appliquer l'égalité, et des Ligues armées comme le Ku Klux Klan

se forment pour terroriser les Noirs et les empêcher d'exercer leurs droits.

Par “chance” cette violence et cette discrimination sont un peu moins présentes dans l'Ouest

où vit Reeves, et se concentrent surtout en Louisiane, Alabama et Mississippi. Le statut

de territoire “frontière” de l'Arkansas ou du Nord texan épargne un peu les Noirs,

puisque la violence s'exerce bien plus sur les peuples amérindiens. En 1875, le gouvernement

des Etats-Unis entreprend de faire baisser le taux de criminalité affolant dans l'Ouest.

Un nouveau juge fédéral est nommé par le président, il s'agit d'Isaac Charles Parker.

Parker décide de recruter 200 nouveaux officiers pour faire respecter la loi dans les Territoires

Indiens. Bass Reeves, dont la réputation de pisteur n'est plus à faire, est immédiatement

approché par le nouveau responsable. A 37 ans, il devient donc le premier deputy marshal

noir des Etats-Unis. Avec ses 199 collègues, il a pour mission de faire régner l'ordre

sur les Territoires Indiens et l'ouest de l'Arkansas, soit presque 200 000 km² : plus

du tiers du territoire français. Le statut de deputy marshal est supérieur

à celui du shérif, qui n'a pas le droit de traverser les limites de comtés. Le deputy

marshal est en fait un policier fédéral du département de la Justice, il est chargé

notamment de traquer et livrer les prévenus aux tribunaux, ainsi que de protéger les

juges et les témoins. Sur le papier ça à l'air hyper stylé

et je vous vois déjà en train de fantasmer le job badass comme dans tous les westerns

que vous avez pu voir. Mais cette fonction est plus dangereuse que prestigieuse, il n'est

pas rare que les officiers de police soient abattus dans des fusillades. Entre 1872 et

1896, ce qui correspond à peu près aux années de service de Bass Reeves, 103 d'entre eux

sont tués dans l'exercice de leurs fonctions. Ça fait réfléchir...

Seuls représentants de la loi dans ces vastes confins, ils sont exposés à l'extrême

violence qui règne en dehors des quelques centres de peuplement. Les bandits et contrebandiers

laissent souvent à l'attention des deputies des menaces de mort explicites, et chaque

incursion dans les territoires sauvages peut s'avérer fatale. La « dead-line » dans

cette région est constituée par la voie de chemin de fer qui relie le Missouri, le

Kansas et le Texas. Passer les rails vers l'ouest expose les officiers de police à

être abattus sans sommation. Dans ce contexte, Reeves est réputé pour avoir gardé son

sang-froid en toutes circonstances. Prenant son nouveau statut très au sérieux, il traque

sans relâche les criminels recherchés. Il s'entoure d'adjoints, pour conduire son

chariot-prison, gérer la logistique de la traque ou même pour servir d'appât, mais

il doit souvent affronter seul plusieurs hommes et ruser pour les arrêter. Reeves est réputé

pour avoir été un expert en la matière, il se déguise en fermier, en gardien de troupeau,

en religieux, en vagabond, et tend des pièges aux criminels.

C'est le cas par exemple lors de l'arrestation de quatre hommes qui ont braqué un comptoir

commercial à Keokuk Falls. Reeves se fait passer pour un fermier qui a besoin de leur

aide pour remettre son chariot sur la route afin de les attirer hors de la cabane où

ils s'étaient réfugiés. Se présentant souvent comme affamé et hors-la-loi lui-même,

il parvient parfois à gagner la confiance de ceux qu'il traque. Préparant même à

l'occasion des plans de braquages futurs avec eux, il profite de leur ébriété ou

de leur inattention pour leur pointer le canon de son fusil sur la tempe.

Bass Reeves est badass. On est d'accord. N'empêche que perso je ferai pas son taff

! Certaines arrestations dégénèrent bien

entendu, et Bass Reeves a dû faire usage de son arme à de nombreuses reprises. Le

racisme omniprésent ajoute à la difficulté de sa tâche puisque les malfrats refusaient

régulièrement de se faire arrêter par un policier à la peau noire. Il s'associe

d'ailleurs à l'occasion avec d'autres officiers noirs, notamment Grant Johnson,

deputy marshal né esclave comme lui, avec qui il forme un duo redoutable.

L'une des arrestations les plus notables de Reeves est celle de Bob Dozier, le 20 décembre

1878. Dozier est un criminel expérimenté, il a tué, braqué, détroussé à de nombreuses reprises et se terre dans la nature avec succès depuis des mois pour échapper aux poursuites.

Reeves le traque, le retrouve et l'abat dans une fusillade épique sous un violent

orage. Une autre fois, capturé par des malfrats

qui le soupçonnent d'être le célèbre Bass Reeves, il parvient à prendre le dessus

sur ses deux geôliers qui s'apprêtaient à l'exécuter et les arrête.

En 1885, Reeves se lance aussi à la poursuite de l'une des plus fameuses femmes hors-la-loi

de l'ouest américain, Belle Starr. Reeves se rend chez elle et lui demande de se rendre,

elle lui échappe, mais finit par se rendre d'elle-même, épuisée par la traque qu'il

lui impose. Les récompenses élevées pour les arrestations

et le talent de Reeves lui permettent de gagner confortablement sa vie, mais il vit toujours

dans la simplicité et porte des habits sobres. Il ne s'équipe pas d'armes chromées

et tape-à-l'œil comme d'autres deputies, préférant une simple carabine Uberti-Winchester

et des pistolets militaires en complément. Bien qu'étant illettré, il fait rédiger

en détail à ses assistants les comptes-rendus d'arrestation et livre toujours avec précision

les criminels aux tribunaux. Mais un épisode dramatique survient en avril 1884 et vient

perturber cette carrière sans accroc. Plusieurs versions existent et il est toujours impossible

de savoir avec certitude ce qu'il s'est vraiment passé. Alors que Reeves et ses assistants

transportent cinq prisonniers à travers les Territoires Indiens, une altercation éclate

avec son cuisinier William Leach. Le cuisinier aurait interdit au deputy marshal de faire

du mal à un chien qui rôdait autour du camp, et Reeves, par colère, lui aurait tiré une

balle dans le cou. Le cuisinier s'effondre et meurt quelques heures plus tard. Le rapport

que fait Reeves sur l'incident à son retour en ville est différent : il explique qu'il

essayait de décoincer une cartouche du canon de son fusil quand le coup est parti tout

seul et a mortellement blessé Leach… En janvier 1886, presque deux ans après le

regrettable incident, Reeves est l'objet d'un mandat d'arrêt. La rumeur court

que la mort de Leach n'avait rien d'un accident et il est écroué à la prison de

Fort Smith en Arkansas, pour le meurtre de son compagnon et cuisinier. Heureusement pour

lui, Reeves a mis de l'argent de côté, il paye lui-même sa caution de 3000 $ et

engage les meilleurs avocats de la ville pour préparer son procès. La presse fait à l'époque

du deputy le coupable idéal : homme noir en apparence respectable sous l'uniforme

de la police, il serait en fait un personnage dangereux, aux pulsions incontrôlables et

complice de nombreux malfrats de la région. Des rumeurs apparaissent sur la manière dont

il se conduit avec les femmes ou avec ses prisonniers, leur extorquant de l'argent

par cupidité. Quoi qu'il en soit, le procès de Bass Reeves

débute le 11 octobre 1887 à Fort Smith. Il est présidé par le juge Isaac Parker,

celui-là même qui l'a recruté douze ans plus tôt. Les prisonniers du convoi servent

de témoin à l'accusation et corroborent la version du meurtre de sang-froid. Mais

face aux questions pressantes des avocats de Reeves, ils se rétractent et minimisent

la dispute qui précède le coup de feu. Ceux qui persévèrent à accuser Reeves ne sont

pas jugés fiables par le jury car ils ont été arrêtés par lui et peuvent mentir

pour lui nuire. Le jury considère également que si l'officier

avait voulu tuer son cuisinier, étant donné sa dextérité au fusil, il l'aurait abattu

d'un seul coup, et pas seulement blessé à mort. Ses efforts pour trouver un médecin

cette nuit-là, ainsi que le fait qu'il n'ait pas cherché à fuir sont portés

à son crédit, et Reeves est finalement acquitté le 15 octobre. Son badge lui est restitué

mais les frais de son procès l'ont ruiné, il est contraint de vendre sa maison à Van

Buren et s'installe avec sa femme et ses nombreux enfants à Fort Smith. En 1889, les

Territoires Indiens deviennent le territoire de l'Oklahoma. Ce n'est pas encore un

Etat à part entière, puisqu'on n'y compte pas encore les 60 000 habitants requis, mais

il est néanmoins ouvert à la colonisation. Des nouveaux arrivants s'installent dans

les anciennes réserves indiennes. L'Oklahoma légalise par ailleurs le whisky, auparavant

interdit dans les Territoires Indiens et dont la contrebande constituait l'essentiel des

crimes que traitaient la police. Mais cette nouvelle législation ne diminue pas pour

autant la charge des officiers de police. En effet, de nombreux saloons s'ouvrent

où les soifards de tout l'Ouest viennent se saouler, générant disputes, vols et autres

règlements de compte sanglants avec les Indiens chassés de leurs terres.

Reeves reprend donc son travail et arrête ou abat de nombreux autres criminels.

A son tableau de chasse, on trouve notamment en 1889, Tom Story, le chef d'un gang de

voleurs de chevaux. Reeves attend pendant quatre jours face à un pont de la Red River

où il pense que le criminel va traverser la rivière. Lorsque Story apparaît enfin,

Reeves sort de sa cachette et lui annonce qu'il est en état d'arrestation. Le bandit

aurait alors cherché à dégainer son pistolet mais Reeves, préparé à cette éventualité,

l'abat le premier. Il arrête aussi l'année d'après le

meurtrier Séminole Tosa-lo-nah, dit « Greenleaf », en cavale depuis 18 ans et accusé, entre

autres choses, de sept meurtres. En novembre 1890, Bass Reeves rencontre finalement un

malfrat à sa hauteur en la personne de Ned Christie, un Cherokee à la tête d'une

bande de hors-la-loi accusée du meurtre d'un deputy marshal.

Malgré la ténacité de Reeves et ses ruses pour le surprendre - il va jusqu'à enfumer

la cabane où il se réfugiait - ce bandit lui échappe. C'est l'un des très rares

échecs de sa carrière. En 1893, Reeves et sa famille déménagent à Paris au Texas.

Il y poursuit son travail de policier, mais dans une autre juridiction. A partir de 1896

toutefois, les malheurs s'enchaînent. Reeves perd cette année-là sa femme a seulement

46 ans, puis très peu de temps après, il apprend la mort de son ami le juge Parker.

Reeves sombre dans une dépression peut-être accentuée par le contexte politique. L'année

1896 est en effet celle à laquelle la ségrégation raciale dans l'espace public est reconnue

par la Cour suprême des Etats-Unis. Malgré son statut de policier et ses loyaux services

depuis vingt ans, Reeves est renvoyé à sa condition inférieure d'homme noir. Pour

conjurer le sort, Reeves quitte le Texas en 1897 pour l'Oklahoma, les anciens Territoires

Indiens qu'il connaît si bien. Il s'y remarie en 1900 à une veuve Cherokee de 50

ans nommée Winnie J. Sumter. C'est là qu'à l'été 1902, son supérieur

le convoque et lui confie l'affaire la plus difficile de sa carrière. Et on pourrait

franchement en faire un film dramatique. Bass Reeves apprend qu'un mandat d'arrêt a

été émis contre l'un de ses fils, Bennie Houston Reeves, accusé du meurtre de sa femme,

qu'il a surprise avec son amant. Le shérif de la ville de Muskogee n'ose pas envoyer

un policier traquer le fils de Reeves, et par respect pour le deputy, personne ne s'est

proposé pour le faire. Se sentant peut-être coupable d'avoir dit à son fils de punir

son épouse, Reeves endosse la responsabilité qui est la sienne et traque son propre fils

pour le conduire devant le tribunal. Il le capture après deux semaines de recherches

et son fils part purger sa peine au Kansas. Après cet épisode éprouvant, Bass Reeves

continue de servir toujours aussi efficacement. L'Oklahoma devient un Etat à part entière

en 1907 et la loi ségrégationniste s'y applique pleinement. gé de 69 ans, il est

alors contraint de rendre son badge et ne fait plus office que d'éclaireur pour les

autorités locales de Muskogee, comme au début de sa carrière. Malade des reins, il cesse

toute activité policière en 1909, et meurt finalement le 10 janvier 1910. Mythe et réalité

Voilà ce qui peut être dit de la vie de cet homme hors du commun. Sa carrière a permis

d'arrêter près de 3000 criminels, et 14 d'entre eux sont tombés sous ses balles.

Mais le récit que je viens de faire reste assez flou. Difficile de faire la part des

choses entre les faits et la légende. Les seules sources écrites à notre disposition

sont les procès-verbaux des arrestations et des procès, ainsi que les articles de

journaux de l'époque. La majorité des affaires sur lesquelles Reeves a travaillé

ne sont pas conservées dans les archives et son illettrisme lui a par ailleurs interdit

de laisser toute trace écrite telle qu'un journal ou même une correspondance.

Le reste des informations provient des récits oraux avec leur part d'exagération : les

anecdotes racontées par ceux qui l'ont connu ou par ses descendants sont parfois

un peu trop belles pour être vraies, les citations qu'on lui prête sont incertaines

et les exploits racontés lors des arrestations sont invérifiables. Le mythe du justicier

inflexible et tirant plus vite que son ombre est d'ailleurs repris au pied de la lettre

dans ses biographies en langue anglaise. Sa force prétendument surhumaine, son amour

inconditionnel des animaux, son sang-froid à toute épreuve, même face à un danger

imminent, beaucoup d'éléments sont venus en faire un mythe moderne peut-être un peu

éloigné du personnage réel. Mais finalement, que la légende de Bass Reeves

retrouve un écho important ces dernières années dit beaucoup des préoccupations contemporaines

de la société américaine. Reeves sert aujourd'hui de modèle et de figure d'identification

pour beaucoup d'afro-américains car il permet de raconter une autre histoire que

celle de l'esclavage, une histoire dans laquelle les Noirs américains sont acteurs

de leur destin et réalisent des exploits. Enfin, il ne faut pas oublier qu'une cinquantaine

au total d'afro-américains ont aussi servi comme deputy marshal dans les Territoires

Indiens avant 1907 : ils s'appelaient Zeke Miller, Bob Fortune, Neely Factor, Billy Colbert…

Un nombre important de ces officiers avaient par ailleurs des ancêtres amérindiens et

ces deux communautés se sont mêlées bien souvent comme en attestent les deux mariages

de Reeves avec des femmes Creek et Cherokee. La vie de Bass Reeves nous montre bien qu'une

toute autre version de la conquête de l'Ouest reste sans doute à écrire, et perso j'ai

hâte de la découvrir !

Merci à tous suivi cet épisode et à Lucas Pacotte pour la préparation. N'oubliez

pas de vous abonner et de partager la vidéo si ça vous a plu ! Je vous rappelle que cet

épisode est sponsorisé par le jeu Cartaventura ! Si cet épisode sur Bass Reeves vous a plu,

aucun ne doute que vous vous laissiez emporter dans cette aventure collaborative en vous

mettant dans sa peau et en traquant les hors la loi !Pour découvrir toute la série de

scénarios, rendez-vous sur blam-edition.com ou chez votre vendeur de jeu habituel ! Merci

à tous et à très bientôt sur Nota Bene


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Mes chers camarades bien le bonjour, avant de débuter cet épisode, j'aimerai vous Hello my dear friends, before starting this episode, I would like to

présenter le sponsor de cette émission : Cartaventura, des jeux de cartes narratifs dans lequel vous present the sponsor of this show: Cartaventura, narrative card games in which you

plongez dans l'Histoire à travers des scénarios mettant en scène des personnages historiques Immerse yourself in history through scenarios featuring historical figures

ayant réellement existé : vous partirez à la découverte de la mystérieuse cité that really existed: you will set off to discover the mysterious city

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vie, ce personnage a pris une place dans le récit de la conquête de l'Ouest américain.

Déjà au centre de toute une littérature de Western, romans comme bande-dessinées,

il a récemment fait son apparition dans les séries télé, notamment Gunslingers ou Watchmen,

rien que ça ! Bass Reeves est devenu une figure de la « frontière

», ce front pionnier qui progressait vers l'ouest à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis,

et en même temps, un symbole d'émancipation pour les Noirs américains. On va donc revenir

aujourd'hui sur la vie hors du commun de Bass Reeves, officier de police noir dans

une Amérique ségrégationniste, devenu expert dans la traque des criminels de l'Ouest

sauvage. La jeunesse de Bass Reeves reste particulièrement

énigmatique, sa date et son lieu de naissance ne sont pas connus avec certitude. Le mieux

qu'on puisse dire, c'est qu'il est né en Arkansas ou au Texas, et sans doute en

juillet 1838. L'incertitude provient du fait que Reeves est né esclave, sa mère

appartenant à un fonctionnaire nommé William Steel Reeves. Le jeune Bass prend ainsi le

nom de son maître, comme c'est l'usage à l'époque. Bass, son frère et leur mère

sont envoyés en 1846 à Grayson County au nord du Texas, pour servir dans la propriété

du fils de leur maître. Celui-ci, George Robertson Reeves, est un personnage important.

Colonel dans l'armée américaine, il cumule aussi les fonctions de shérif du comté et

de percepteur d'impôt. Il fait de Bass, âgé seulement de 8 ans, son majordome.

Bass exécute donc les tâches diverses du quotidien, souvent ingrates et pénibles,

mais il apprend aussi à s'occuper des chevaux, à forger et réparer des outils.

Son éducation se limite à la pratique, il est impensable qu'un enfant esclave apprenne

à lire ou à écrire. Bass reste donc pratiquement illettré toute sa vie, ce qui présente un

certain handicap pour un policier qui doit lire les mandats d'arrêt et écrire des

rapports d'opérations. Sa seule approche d'un livre est celle de la Bible, dont sa

mère lui répète des passages qu'elle a appris par cœur.

Son enfance et son adolescence sont donc rudes, et ce n'est pas parce qu'il est au service

d'un personnage important que sa condition de vie d'esclave fait l'objet d'une

attention particulière. Il est vêtu et nourri sommairement, il dort sur une paillasse de

feuilles de maïs, il est battu et privé lorsque son maître en éprouve l'envie.

Pas la meilleure des situations quoi... La guerre de Sécession éclate en 1861 lorsqu'il

a 23 ans. On sait qu'il est enrôlé pour servir auprès de son maître, colonel de

cavalerie dans l'armée confédérée, mais son implication dans le conflit reste difficile

à connaître en détails. Selon quelques biographies, il a peut-être été aligné

comme soldat lors des batailles de Pea Ridge en mars 1862, de Chickamauga en septembre

1863 et de Chattanooga en novembre 1863. Il aurait donc été forcé de se battre contre

l'abolition de l'esclavage, et contre sa liberté.

Mais cela reste assez improbable, les sudistes n'ayant recours aux esclaves dans l'armée

qu'à la fin du conflit, et avec beaucoup de réticence. Bass Reeves a en réalité

surement été assigné à des tâches non-combattantes, au services de son maître.

Quoiqu'il en soit, c'est durant la guerre que Reeves s'émancipe. Lors d'une dispute

avec son maître, peut-être après une partie de cartes arrosée, il le frappe puis s'enfuit

sur son cheval. Seul, il est en grave danger, la loi américaine obligeant les citoyens

à ramener à leur propriétaire les esclaves en fuite. Reeves se rend donc vers une région

où il a plus de chances d'échapper aux esclavagistes : les Territoires Indiens. Cette

région située au nord du Texas est devenue aujourd'hui l'Etat de l'Oklahoma, mais

dans les années 1860, elle a un statut de réserve indienne. C'est là qu'ont été

déportés plusieurs peuples amérindiens dans les années 1830 : Cherokee, Creek, Chickasaw,

Choctaw, Séminole, Osage, Seneca, Pawnee, et bien d'autres. En 1874, l'armée américaine

forcera encore d'autres peuples à s'installer dans les Territoires Indiens : Comanches,

Kiowas, Cheyennes du Sud et Arapahos. Cette promiscuité contrainte sur des terres qu'ils

ne connaissent pas et les ingérences constantes des colons qui cherchent à accaparer les

terres et les ressources, créent un climat extrêmement tendu. Beaucoup d'Indiens se

mettent à voler du bétail et les contrebandiers se réfugient dans ces réserves où la loi

américaine s'applique difficilement. Les grands espaces compliquent la tâche des forces

de l'ordre pour retrouver les criminels. Mais pour Reeves, c'est l'endroit idéal

où se cacher, il sait qu'il ne sera pas rattrapé ici. Il trouve même auprès des

peuples Cherokee, Creek et Séminole de la région des alliés précieux. Ceux que l'on

nomme les Indiens sont eux-mêmes victimes de la loi américaine et n'ont aucune intention

d'aider les Blancs à retrouver leurs esclaves. Au contact de plusieurs tribus, Bass Reeves

se familiarise avec cinq dialectes, et acquiert de solides compétences en pistage, chasse

et équitation. Loin de la loi des Blancs, il peut aussi se familiariser avec les armes

à feu, ce qui était bien entendu interdit aux esclaves. Il s'entraîne avec rigueur

et constance sur des cibles d'entraînement et à la chasse, devenant progressivement

un tireur précis et expérimenté. Les Séminoles organisent régulièrement des compétitions

de tir auxquelles participe Reeves, reconnu pour ses talents. L'abolition de l'esclavage

décrétée en janvier 1863 par l'Union fait de lui un homme libre. La fin de la guerre

lui permet de quitter les Territoires Indiens, et il regagne l'Arkansas vers 1865. Reeves

s'installe dans la ville de Van Buren et achète un lopin de terre. Il y épouse Nellie

Jennie, une femme Creek dont il a fait la connaissance lors de son séjour auprès de

son peuple. Ensemble ils auront onze enfants. Reeves mène dès lors une vie paisible, il

travaille la terre et élève du bétail, mais ses talents sont aussi mis à profit

par la police locale. Il devient l'un des éclaireurs chargés de retrouver la piste

des criminels en fuite. Mais l'abolition de l'esclavage ne signifie

pas pour autant une pleine émancipation pour les Noirs américains. Les Etats sudistes

sont très réticents à faire appliquer l'égalité, et des Ligues armées comme le Ku Klux Klan

se forment pour terroriser les Noirs et les empêcher d'exercer leurs droits.

Par “chance” cette violence et cette discrimination sont un peu moins présentes dans l'Ouest

où vit Reeves, et se concentrent surtout en Louisiane, Alabama et Mississippi. Le statut

de territoire “frontière” de l'Arkansas ou du Nord texan épargne un peu les Noirs,

puisque la violence s'exerce bien plus sur les peuples amérindiens. En 1875, le gouvernement

des Etats-Unis entreprend de faire baisser le taux de criminalité affolant dans l'Ouest.

Un nouveau juge fédéral est nommé par le président, il s'agit d'Isaac Charles Parker.

Parker décide de recruter 200 nouveaux officiers pour faire respecter la loi dans les Territoires

Indiens. Bass Reeves, dont la réputation de pisteur n'est plus à faire, est immédiatement

approché par le nouveau responsable. A 37 ans, il devient donc le premier deputy marshal

noir des Etats-Unis. Avec ses 199 collègues, il a pour mission de faire régner l'ordre

sur les Territoires Indiens et l'ouest de l'Arkansas, soit presque 200 000 km² : plus

du tiers du territoire français. Le statut de deputy marshal est supérieur

à celui du shérif, qui n'a pas le droit de traverser les limites de comtés. Le deputy

marshal est en fait un policier fédéral du département de la Justice, il est chargé

notamment de traquer et livrer les prévenus aux tribunaux, ainsi que de protéger les

juges et les témoins. Sur le papier ça à l'air hyper stylé

et je vous vois déjà en train de fantasmer le job badass comme dans tous les westerns

que vous avez pu voir. Mais cette fonction est plus dangereuse que prestigieuse, il n'est

pas rare que les officiers de police soient abattus dans des fusillades. Entre 1872 et

1896, ce qui correspond à peu près aux années de service de Bass Reeves, 103 d'entre eux

sont tués dans l'exercice de leurs fonctions. Ça fait réfléchir...

Seuls représentants de la loi dans ces vastes confins, ils sont exposés à l'extrême

violence qui règne en dehors des quelques centres de peuplement. Les bandits et contrebandiers

laissent souvent à l'attention des deputies des menaces de mort explicites, et chaque

incursion dans les territoires sauvages peut s'avérer fatale. La « dead-line » dans

cette région est constituée par la voie de chemin de fer qui relie le Missouri, le

Kansas et le Texas. Passer les rails vers l'ouest expose les officiers de police à

être abattus sans sommation. Dans ce contexte, Reeves est réputé pour avoir gardé son

sang-froid en toutes circonstances. Prenant son nouveau statut très au sérieux, il traque

sans relâche les criminels recherchés. Il s'entoure d'adjoints, pour conduire son

chariot-prison, gérer la logistique de la traque ou même pour servir d'appât, mais

il doit souvent affronter seul plusieurs hommes et ruser pour les arrêter. Reeves est réputé

pour avoir été un expert en la matière, il se déguise en fermier, en gardien de troupeau,

en religieux, en vagabond, et tend des pièges aux criminels.

C'est le cas par exemple lors de l'arrestation de quatre hommes qui ont braqué un comptoir

commercial à Keokuk Falls. Reeves se fait passer pour un fermier qui a besoin de leur

aide pour remettre son chariot sur la route afin de les attirer hors de la cabane où

ils s'étaient réfugiés. Se présentant souvent comme affamé et hors-la-loi lui-même,

il parvient parfois à gagner la confiance de ceux qu'il traque. Préparant même à

l'occasion des plans de braquages futurs avec eux, il profite de leur ébriété ou

de leur inattention pour leur pointer le canon de son fusil sur la tempe.

Bass Reeves est badass. On est d'accord. N'empêche que perso je ferai pas son taff

! Certaines arrestations dégénèrent bien

entendu, et Bass Reeves a dû faire usage de son arme à de nombreuses reprises. Le

racisme omniprésent ajoute à la difficulté de sa tâche puisque les malfrats refusaient

régulièrement de se faire arrêter par un policier à la peau noire. Il s'associe

d'ailleurs à l'occasion avec d'autres officiers noirs, notamment Grant Johnson,

deputy marshal né esclave comme lui, avec qui il forme un duo redoutable.

L'une des arrestations les plus notables de Reeves est celle de Bob Dozier, le 20 décembre

1878\\. Dozier est un criminel expérimenté, il a tué, braqué, détroussé à de nombreuses reprises et se terre dans la nature avec succès depuis des mois pour échapper aux poursuites.

Reeves le traque, le retrouve et l'abat dans une fusillade épique sous un violent

orage. Une autre fois, capturé par des malfrats

qui le soupçonnent d'être le célèbre Bass Reeves, il parvient à prendre le dessus

sur ses deux geôliers qui s'apprêtaient à l'exécuter et les arrête.

En 1885, Reeves se lance aussi à la poursuite de l'une des plus fameuses femmes hors-la-loi

de l'ouest américain, Belle Starr. Reeves se rend chez elle et lui demande de se rendre,

elle lui échappe, mais finit par se rendre d'elle-même, épuisée par la traque qu'il

lui impose. Les récompenses élevées pour les arrestations

et le talent de Reeves lui permettent de gagner confortablement sa vie, mais il vit toujours

dans la simplicité et porte des habits sobres. Il ne s'équipe pas d'armes chromées

et tape-à-l'œil comme d'autres deputies, préférant une simple carabine Uberti-Winchester

et des pistolets militaires en complément. Bien qu'étant illettré, il fait rédiger

en détail à ses assistants les comptes-rendus d'arrestation et livre toujours avec précision

les criminels aux tribunaux. Mais un épisode dramatique survient en avril 1884 et vient

perturber cette carrière sans accroc. Plusieurs versions existent et il est toujours impossible

de savoir avec certitude ce qu'il s'est vraiment passé. Alors que Reeves et ses assistants

transportent cinq prisonniers à travers les Territoires Indiens, une altercation éclate

avec son cuisinier William Leach. Le cuisinier aurait interdit au deputy marshal de faire

du mal à un chien qui rôdait autour du camp, et Reeves, par colère, lui aurait tiré une

balle dans le cou. Le cuisinier s'effondre et meurt quelques heures plus tard. Le rapport

que fait Reeves sur l'incident à son retour en ville est différent : il explique qu'il

essayait de décoincer une cartouche du canon de son fusil quand le coup est parti tout

seul et a mortellement blessé Leach… En janvier 1886, presque deux ans après le

regrettable incident, Reeves est l'objet d'un mandat d'arrêt. La rumeur court

que la mort de Leach n'avait rien d'un accident et il est écroué à la prison de

Fort Smith en Arkansas, pour le meurtre de son compagnon et cuisinier. Heureusement pour

lui, Reeves a mis de l'argent de côté, il paye lui-même sa caution de 3000 $ et

engage les meilleurs avocats de la ville pour préparer son procès. La presse fait à l'époque

du deputy le coupable idéal : homme noir en apparence respectable sous l'uniforme

de la police, il serait en fait un personnage dangereux, aux pulsions incontrôlables et

complice de nombreux malfrats de la région. Des rumeurs apparaissent sur la manière dont

il se conduit avec les femmes ou avec ses prisonniers, leur extorquant de l'argent

par cupidité. Quoi qu'il en soit, le procès de Bass Reeves

débute le 11 octobre 1887 à Fort Smith. Il est présidé par le juge Isaac Parker,

celui-là même qui l'a recruté douze ans plus tôt. Les prisonniers du convoi servent

de témoin à l'accusation et corroborent la version du meurtre de sang-froid. Mais

face aux questions pressantes des avocats de Reeves, ils se rétractent et minimisent

la dispute qui précède le coup de feu. Ceux qui persévèrent à accuser Reeves ne sont

pas jugés fiables par le jury car ils ont été arrêtés par lui et peuvent mentir

pour lui nuire. Le jury considère également que si l'officier

avait voulu tuer son cuisinier, étant donné sa dextérité au fusil, il l'aurait abattu

d'un seul coup, et pas seulement blessé à mort. Ses efforts pour trouver un médecin

cette nuit-là, ainsi que le fait qu'il n'ait pas cherché à fuir sont portés

à son crédit, et Reeves est finalement acquitté le 15 octobre. Son badge lui est restitué

mais les frais de son procès l'ont ruiné, il est contraint de vendre sa maison à Van

Buren et s'installe avec sa femme et ses nombreux enfants à Fort Smith. En 1889, les

Territoires Indiens deviennent le territoire de l'Oklahoma. Ce n'est pas encore un

Etat à part entière, puisqu'on n'y compte pas encore les 60 000 habitants requis, mais

il est néanmoins ouvert à la colonisation. Des nouveaux arrivants s'installent dans

les anciennes réserves indiennes. L'Oklahoma légalise par ailleurs le whisky, auparavant

interdit dans les Territoires Indiens et dont la contrebande constituait l'essentiel des

crimes que traitaient la police. Mais cette nouvelle législation ne diminue pas pour

autant la charge des officiers de police. En effet, de nombreux saloons s'ouvrent

où les soifards de tout l'Ouest viennent se saouler, générant disputes, vols et autres

règlements de compte sanglants avec les Indiens chassés de leurs terres.

Reeves reprend donc son travail et arrête ou abat de nombreux autres criminels.

A son tableau de chasse, on trouve notamment en 1889, Tom Story, le chef d'un gang de

voleurs de chevaux. Reeves attend pendant quatre jours face à un pont de la Red River

où il pense que le criminel va traverser la rivière. Lorsque Story apparaît enfin,

Reeves sort de sa cachette et lui annonce qu'il est en état d'arrestation. Le bandit

aurait alors cherché à dégainer son pistolet mais Reeves, préparé à cette éventualité,

l'abat le premier. Il arrête aussi l'année d'après le

meurtrier Séminole Tosa-lo-nah, dit « Greenleaf », en cavale depuis 18 ans et accusé, entre

autres choses, de sept meurtres. En novembre 1890, Bass Reeves rencontre finalement un

malfrat à sa hauteur en la personne de Ned Christie, un Cherokee à la tête d'une

bande de hors-la-loi accusée du meurtre d'un deputy marshal.

Malgré la ténacité de Reeves et ses ruses pour le surprendre - il va jusqu'à enfumer

la cabane où il se réfugiait - ce bandit lui échappe. C'est l'un des très rares

échecs de sa carrière. En 1893, Reeves et sa famille déménagent à Paris au Texas.

Il y poursuit son travail de policier, mais dans une autre juridiction. A partir de 1896

toutefois, les malheurs s'enchaînent. Reeves perd cette année-là sa femme a seulement

46 ans, puis très peu de temps après, il apprend la mort de son ami le juge Parker.

Reeves sombre dans une dépression peut-être accentuée par le contexte politique. L'année

1896 est en effet celle à laquelle la ségrégation raciale dans l'espace public est reconnue

par la Cour suprême des Etats-Unis. Malgré son statut de policier et ses loyaux services

depuis vingt ans, Reeves est renvoyé à sa condition inférieure d'homme noir. Pour

conjurer le sort, Reeves quitte le Texas en 1897 pour l'Oklahoma, les anciens Territoires

Indiens qu'il connaît si bien. Il s'y remarie en 1900 à une veuve Cherokee de 50

ans nommée Winnie J. Sumter. C'est là qu'à l'été 1902, son supérieur

le convoque et lui confie l'affaire la plus difficile de sa carrière. Et on pourrait

franchement en faire un film dramatique. Bass Reeves apprend qu'un mandat d'arrêt a

été émis contre l'un de ses fils, Bennie Houston Reeves, accusé du meurtre de sa femme,

qu'il a surprise avec son amant. Le shérif de la ville de Muskogee n'ose pas envoyer

un policier traquer le fils de Reeves, et par respect pour le deputy, personne ne s'est

proposé pour le faire. Se sentant peut-être coupable d'avoir dit à son fils de punir

son épouse, Reeves endosse la responsabilité qui est la sienne et traque son propre fils

pour le conduire devant le tribunal. Il le capture après deux semaines de recherches

et son fils part purger sa peine au Kansas. Après cet épisode éprouvant, Bass Reeves

continue de servir toujours aussi efficacement. L'Oklahoma devient un Etat à part entière

en 1907 et la loi ségrégationniste s'y applique pleinement. gé de 69 ans, il est

alors contraint de rendre son badge et ne fait plus office que d'éclaireur pour les

autorités locales de Muskogee, comme au début de sa carrière. Malade des reins, il cesse

toute activité policière en 1909, et meurt finalement le 10 janvier 1910. Mythe et réalité

Voilà ce qui peut être dit de la vie de cet homme hors du commun. Sa carrière a permis

d'arrêter près de 3000 criminels, et 14 d'entre eux sont tombés sous ses balles.

Mais le récit que je viens de faire reste assez flou. Difficile de faire la part des

choses entre les faits et la légende. Les seules sources écrites à notre disposition

sont les procès-verbaux des arrestations et des procès, ainsi que les articles de

journaux de l'époque. La majorité des affaires sur lesquelles Reeves a travaillé

ne sont pas conservées dans les archives et son illettrisme lui a par ailleurs interdit

de laisser toute trace écrite telle qu'un journal ou même une correspondance.

Le reste des informations provient des récits oraux avec leur part d'exagération : les

anecdotes racontées par ceux qui l'ont connu ou par ses descendants sont parfois

un peu trop belles pour être vraies, les citations qu'on lui prête sont incertaines

et les exploits racontés lors des arrestations sont invérifiables. Le mythe du justicier

inflexible et tirant plus vite que son ombre est d'ailleurs repris au pied de la lettre

dans ses biographies en langue anglaise. Sa force prétendument surhumaine, son amour

inconditionnel des animaux, son sang-froid à toute épreuve, même face à un danger

imminent, beaucoup d'éléments sont venus en faire un mythe moderne peut-être un peu

éloigné du personnage réel. Mais finalement, que la légende de Bass Reeves

retrouve un écho important ces dernières années dit beaucoup des préoccupations contemporaines

de la société américaine. Reeves sert aujourd'hui de modèle et de figure d'identification

pour beaucoup d'afro-américains car il permet de raconter une autre histoire que

celle de l'esclavage, une histoire dans laquelle les Noirs américains sont acteurs

de leur destin et réalisent des exploits. Enfin, il ne faut pas oublier qu'une cinquantaine

au total d'afro-américains ont aussi servi comme deputy marshal dans les Territoires

Indiens avant 1907 : ils s'appelaient Zeke Miller, Bob Fortune, Neely Factor, Billy Colbert…

Un nombre important de ces officiers avaient par ailleurs des ancêtres amérindiens et

ces deux communautés se sont mêlées bien souvent comme en attestent les deux mariages

de Reeves avec des femmes Creek et Cherokee. La vie de Bass Reeves nous montre bien qu'une

toute autre version de la conquête de l'Ouest reste sans doute à écrire, et perso j'ai

hâte de la découvrir !

Merci à tous suivi cet épisode et à Lucas Pacotte pour la préparation. N'oubliez

pas de vous abonner et de partager la vidéo si ça vous a plu ! Je vous rappelle que cet

épisode est sponsorisé par le jeu Cartaventura ! Si cet épisode sur Bass Reeves vous a plu,

aucun ne doute que vous vous laissiez emporter dans cette aventure collaborative en vous

mettant dans sa peau et en traquant les hors la loi !Pour découvrir toute la série de

scénarios, rendez-vous sur blam-edition.com ou chez votre vendeur de jeu habituel ! Merci

à tous et à très bientôt sur Nota Bene