×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

Nota Bene, Comment pratiquait-on la magie dans l'Antiquité ?

Comment pratiquait-on la magie dans l'Antiquité ?

Mes chers camarades bien le bonjour !

Aujourd'hui je vous propose de parler de magie noire et blanche, de croyances spirituelles des anciens et de tout un tas de trucs un peu mystiques qui n'impliquent pas forcément des vieux barbus exilés au fond des bois ! Ouais... on va voir ensemble ce que les archéologues peuvent dénicher en fouillant le territoire français et vous allez le voir, parfois c'est assez étonnant !

La religion romaine est bien connue des historiens.

Grâce aux nombreux textes faisant référence aux sacrifices, aux augures et aux cérémonies publiques, mais aussi aux vestiges de temples et à leurs bas-reliefs montrant les processions, on peut se faire une bonne idée des pratiques religieuses de l'Antiquité romaine, en tout cas des pratiques officielles de la cité.

Car il y a un domaine de la vie religieuse que ces sources traditionnelles que les sources traditionnelles permettent moins de cerner : les pratiques quotidiennes.

Au-delà des grandes manifestations religieuses qui avaient lieu dans les temples publics, les populations de l'Antiquité réalisaient de nombreux rites magiques, plus ou moins occultes.

Quelques textes d'époque mentionnent bien des histoires de sorcières maléfiques, mais ces accusations ne fournissent finalement que peu d'informations, et il est difficile de séparer le fantasme de la réalité.

Cette connaissance sur les rituels du quotidien peut être trouvée par l'archéologie.

Grâce aux chantiers d'archéologie préventive, c'est-à-dire les fouilles qu'on fait avant la construction d'une ligne de TGV ou d'un immeuble, et qui ont lieu sur tout le territoire français ; le quotidien des populations antiques nous apparaît de plus en plus clairement à travers les objets qu'elles utilisaient.

A partir de plusieurs exemples issus des chantiers de l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, qui est partenaire de cet épisode, mais aussi d'autres chantiers tenu par d'autres services archéologiques comme celui de la ville de Chartres, je vous propose aujourd'hui de nous intéresser aux pratiques religieuses et magiques de la Gaule romaine.

On commence ce tour d'horizon des rituels antiques avec l'ex-voto, une offrande faite à une divinité qui s'accompagne d'un vœu, d'une demande particulière.

L'offrande vient donc témoigner de la dévotion, elle cherche à amadouer la divinité en quelque sorte.

Dans l'Antiquité romaine, on fait le plus souvent ces offrandes pour demander une guérison par exemple !

A Mesnil-St-Nicaise, dans la Somme, les archéologues de l'INRAP ont mis au jour d'importantes quantités d'ex-voto.

Les dépôts ont été faits dans des puits à proximité immédiate d'un fanum, un petit sanctuaire.

Un bon nombre de ces offrandes sont en bois. Des trouvailles relativement rares car le bois ne se conserve jamais aussi longtemps : il pourrit.

Sauf lorsqu'il est continuellement sous l'eau ce qui était le cas grâce à l'eau des puits.

Ces ex-voto représentent pour la plupart des membres inférieurs comme des jambes et des pieds, sculptés dans des branches d'arbres.

Les offrandes viennent donc demander la guérison de ces parties du corps.

Ces trouvailles exceptionnelles sont conservées et restaurées avec soin pour éviter que le bois ne se dégrade après avoir été sorti de l'eau.

Une autre découverte d'importance a été faite sur le site.

Il s'agit d'un fragment de vasque dédié à Apollon par un dénommé Iunianus.

Cet objet nous indique que le fanum devait être consacré au dieu Apollon, d'où les ex-voto de guérison.

Et oui, parce que Appolon, la guérison, ça le connaît ! C'est “un peu” son domaine de compétence !

A Orléans, sur le site du Clos de la Fontaine, une autre fouille de l'INRAP témoigne de ces pratiques.

Cette fois-ci, la plupart des ex-voto sont en bronze, et représentent des visages.

Il s'agit ici, soit d'un portrait de la divinité soit d'un portrait de celui qui réalise l'offrande.

Et pourquoi ces objets sont intéressants vous allez me dire ? Et bien parce qu'ils se ressemblent beaucoup et donc ça prouve que les ex-voto pouvaient être fabriqués en série par des artisans et vendus à l'entrée des sanctuaires pour les pèlerins.

Si Johnny Hallyday avait vécu il ya 2000 ans, je vous laisse imaginer la tronche des ex-voto !

Les offrandes étaient déposées dans un petit sanctuaire situé à 3 km au nord de la cité antique d'Orléans.

Ce temple, un fanum carré additionné d'un bassin, était dédié à la déesse Acionna, vraisemblablement la personnification divine du fleuve.

Pour les Romains, chaque élément du paysage ou de la vie a droit à sa divinité.

Que ce soit un fleuve ou une ville, n'importe quel lieu a son dieu ou son génie, et ce sont ces divinités très locales qu'on essaye souvent d'amadouer avec des offrandes.

Vous noterez qu'il y a là des similarités avec d'autres religions et je vous invite à aller voir mon épisode sur les Yokaï, les petites créatures japonaises, vous verrez de quoi je parle !

La présence de l'eau et des nombreux ex-voto orientent l'interprétation du fanum d'Orléans vers un culte de guérison encore une fois.

Au IIe siècle, les archéologues constatent la destruction du bassin et la construction d'un aqueduc, les ex-voto sont alors remplacés par des offrandes de monnaies, une autre manière, très courante, de montrer aux dieux sa dévotion.

Bon, mais tout ça reste en somme assez classique, les dieux, les sanctuaires et les offrandes, on reste dans le cadre de la religion officielle.

Mais parfois, les archéologues mettent la main sur des objets un peu plus étonnants.L'archéologie permet aussi d'attester de pratiques de magie noire pendant l'Antiquité.

La magie noire, celle qui vise à nuire à quelqu'un, s'opère à travers ce qu'on appelle des tablettes de défixion.

Alors le premier qui lâche un commentaire nul, je le défixionne, soyez prévenus.

Le mot latin defixio signifie littéralement “clouer”, c'est un rituel qui doit contraindre, envoûter une personne ciblée.

Il y a une dizaine d'années, une fouille dans la ville du Mans sur le site des Jacobins, a mis au jour de telles tablettes.

Il s'agit de lamelles de plomb gravées d'un message magique.

Le plomb est utilisé parce qu'il est peu cher, et facile à inscrire, c'est un métal assez malléable.

Mais plus que ça, ce métal sombre, le plus souvent prélevé sur des canalisations, permet d'établir un lien avec les divinités souterraines.

Il est chargé d'une valeur symbolique maléfique !

On fait d'une pierre deux coups.

Enfin d'un métal deux coups plutôt.

Bon mais concrètement, comment ça marche ? Si vous voulez envoûter quelqu'un, voilà la recette.

Inscrivez le nom de la personne visée sur la tablette, en faisant référence à la généalogie maternelle de préférence.

Oui parce qu'en vrai, la mère on est toujours sûr que c'est la mère, alors que le père...il peut y avoir des doutes donc faut pas se tromper de Gérard quand on lance la malédiction !

Ensuite, continuez avec les malheurs que vous souhaitez, éventuellement inscrivez des formules magiques de votre choix et enfin, très important, faites un appel aux divinités.

Les plus citées sont Hécate ou Mercure en sa qualité de messager des âmes, mais vous pouvez aussi faire référence à des dieux étrangers, égyptiens notamment, ça claque toujours.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que la magie à un aspect syncrétique important : cela veut dire que la magie à une capacité à fusionner différentes croyances et religions.

Dans un souci d'efficacité, on peut même utiliser des noms d'anges de la religion hébraïque.

Et c'est logique, plus y'a de dieux, plus ça marche !

On sait que le plus souvent, le mage devait utiliser quelque chose appartenant à la cible comme un morceau d'étoffe ou une mèche de cheveux pour garantir l'efficacité du sort.

Ensuite, la tablette était éventuellement repliée et transpercée d'un clou, ou entourée de bandelettes de laine fermées de 365 nœuds et enfin jetée dans une tombe ou un puits.

Ce qui fait le bonheur des archéologues deux mille ans plus tard.

En tout cas si je dois le faire, je préfère planter un clou plutôt que de faire 365 nœuds je vous ne le cache pas...

Les tablettes de défixion pouvaient aussi être jetées dans des tombes, l'âme du défunt, ce que les Grecs nomment le daimon, qui a donné “démon”, sert alors de messager, en remplacement de la divinité pour réaliser le sortilège.

Cela est censé marcher en particulier avec les morts prématurés comme les guerriers, les enfants ou les condamnés à mort.

Ce type de magie d'origine grecque est introduit en Gaule vers le VIe siècle avant notre ère.

Après la conquête romaine, elle se diffuse rapidement et on compte aujourd'hui environ deux mille exemplaires de tablettes de défixion tout autour de la Méditerranée.

Les sortilèges y sont écrits en latin, en grec et même en gaulois, comme ceux trouvés au Larzac.

On note aussi des textes bilingues et même des langues inconnues ou signes indéchiffrables.

C'est le cas sur les tablettes trouvées au Mans.

En fait on s'en fout un peu de la langue, on peut même inventer notre propre langue et dire absolument n'importe quoi sur la tablette de défixion, ça fonctionne.

C'est à chacun de s'approprier le truc quoi !

Quelle importance que le texte soit lisible après tout, puisque les dieux comprennent tout, ce qui compte, c'est l'empreinte symbolique qu'on laisse sur l'objet.

On peut ainsi se contenter de graver des signes ressemblant vaguement à une écriture, ça fait l'affaire.

Il ne faut pas oublier que pour les Grecs et les Romains, les dieux s'expriment souvent par des voies détournées ou inaccessibles aux gens normaux.

La pythie à Delphes délivrait ses prophéties dans un charabia incompréhensible, qui était ensuite traduit par un prêtre du sanctuaire.

On a sans doute avec ces tablettes du Mans, la volonté de s'exprimer dans un langage codé, histoire de bien montrer au client que le mage maîtrise un rituel compliqué.

C'est ce que je dis à chaque fois à mes enfants quand ils n'arrivent pas à lire mon écriture.

C'est compliqué...

Dans l'Hérault, une tablette inscrite de signes géométriques donnant l'apparence d'une écriture a été trouvée sur l'oppidum de Roque de Castel Viel.

Elle illustre aussi très bien ce phénomène de langage magique codé.

Il ne faut pas penser pour autant que chaque mage inventait son propre charabia pour épater des clients particulièrement crédules.

Ceux qui procèdent aux rituels sont des spécialistes de la magie, qui se transmettent des méthodes et formules magiques car on retrouve des textes identiques dans tout le monde romain.

Ces rituels sont finalement assez répandus.

Généralement, on pratique la défixion pour éliminer un rival amoureux ou obtenir des faveurs de l'être aimé, nuire à son adversaire dans un procès, et même pour faire perdre l'équipe adverse dans les courses de chars.

C'était le PMU de l'époque quoi… Les envoûtements se pratiquent aussi avec des figurines en terre, plantées d'aiguilles, qu'on peut rapprocher des rituels vaudou.

Bref, il y a plein de raisons et de manières de pratiquer la magie noire.

Mais on connaît aussi des exemples de magie blanche.

A Chartres, tenez vous bien, c'est tout l'attirail d'un magicien qui a été retrouvé dans la cave d'une maison antique à proximité d'un petit sanctuaire.

Ce magicien pratiquait plutôt la magie blanche, c'est-à-dire celle qui est censée protéger des mauvais sorts.

C'est une découverte absolument unique.

Le matériel du magicien a été retrouvé dans un niveau d'incendie scellé par un remblai à la fin du Ier ou début du IIe siècle.

Pour être clair, ça veut dire qu'après un feu on s'est contenté d'aplanir les gravats et de reconstruire par dessus en laissant tout en place.

Encore une fois, ça fait le bonheur des archéologues.

Cette pièce était uniquement consacrée au rangement du matériel magique, un véritable atelier de magie.

Le mobilier en bois a disparu, mais subsistent les charnières en os et en métal, les boutons en fer des tiroirs et les fragments de serrure, correspondant à des coffres, un coffret et une armoire.

A l'intérieur, il y avait plusieurs vases à décor de serpents, un grand couteau sans doute utilisé pour les sacrifices, des lampes à huile et une quinzaine de poteries entières peut-être pour les potions et autres préparations liquides.

Mais la découverte la plus extraordinaire est celle de deux vases gravés, des turibula, c'est-à-dire brûle-encens, tous les deux inscrits avant cuisson.

L'un d'eux est entier et son inscription nous en apprend beaucoup sur les rituels de magie blanche.

Le texte est découpé en quatre colonnes correspondant aux points cardinaux, et la même formule y est répétée : un dénommé C.

Verius Sedatus, sans doute le nom du magicien, ou éventuellement celui du client, demande l'aide des tout-puissants car il est leur gardien.

Ensuite, on note une liste de mots secrets, sans doute dotés de pouvoirs, ou en tout cas qui servent à montrer que le magicien est un initié, comme sur les tablettes de défixion.

Ces formulations qui ont des sonorités gauloises ont sans doute été inventées par le magicien lui-même.

L'utilisation de vases pour brûler des encens ou les figures de serpents sur les autres récipients font penser à un probable lien avec le culte de Mithra.

Et ça tombe bien, parce que c'est le dernier exemple dont je voulais parler.

Est-ce que vous connaissez le culte mystérieux de Mithra ? Et je dis mystérieux...ça colle plutôt bien puisque le principe même du culte de Mithra est de se réunir à l'abri des regards.

Ce culte exotique est vraisemblablement ramené dans l'Empire romain par des légionnaires ayant combattu en Arménie ou en Asie Mineure.

Dieu d'origine iranienne, Mithra est l'objet d'un culte secret qui repose sur l'initiation de ses membres, exclusivement masculins.

La secte recrute préférentiellement dans les élites, les citoyens et vétérans, qui enfilent une tenue cérémonielle pour boire en l'honneur du dieu et lui offrir des sacrifices.

Un genre de franc-maçonnerie antique si vous voulez.

Et je vous renvoie à mon épisode sur les sociétés secrètes !

Ce culte séduit les légionnaires et reste apparemment répandu dans l'armée, comme le montre la profusion de vestiges liés au mithraïsme dans les camps des légions de Germanie.

Le dogme est assez difficile à connaître en détail car il ne s'appuie pas sur des documents écrits, c'est une religion initiatique orale.

On sait juste que l'initiation comporte sept étapes, et que les adeptes doivent rejouer le sacrifice du taureau par Mithra avec des sacrifices d'animaux, vaches, moutons, poulets, avant de s'asperger de sang. De chouettes soirées.

Il ne manque plus qu'une boîte de nuit, un peu de techno et Wesley Snipes et vous êtes prêts pour un remake de “Blade”.

Malgré cet aspect initiatique, Mithra est venu s'ajouter au panthéon romain de manière presque officielle, sans doute pas aussi caché qu'on l'imagine.

Il faut rappeler que les Romains sont assez souples niveau religion.

Tant qu'on jure fidélité à Rome et qu'on célèbre le culte de l'empereur, on peut bien rajouter tous les dieux qu'on veut.

Et puis le sacrifice sanglant est à la base des rites sacrés.

Le culte de Mithra est connu en Gaule par quelques exemples de mithraeum [MI-Tré-EUM], les bâtiments destinés au culte, et ces dix dernières années, l'INRAP a eu la chance d'en fouiller deux, à Angers et à côté de Bastia.

A Angers, le mithraeum est situé dans un îlot d'habitation aisé.

C'est une pièce en sous-sol censée reconstituer la grotte originelle où est né Mithra.

On éclaire la pièce par des lampes à huile, qui renforcent l'aspect secret.

Les archéologues ont d'ailleurs retrouvé de nombreuses lampes sur le site.

On place une représentation de Mithra au fond de la chapelle et des banquettes sont aménagées sur les longs côtés pour les adeptes.

Toujours à Angers, un gobelet porte une inscription mentionnant Mithra, c'est un ex-voto offert au dieu par l'un des adeptes.

Le site a été détruit volontairement au IVe siècle, tout le matériel y a été retrouvé brisé, en particulier la tête d'une statue de Mithra dont la face a été martelée pour la défigurer.

Faut pas être Sherlock Holmes pour deviner qu'il y a un truc qui a dû mal se passer...

En Corse également, le mithraeum fouillé par l'INRAP porte des traces de destruction.

Dans la colonie de Mariana, au sud de Bastia, le sanctuaire est incendié à la fin du IVe siècle.

Ici aussi, le relief de marbre représentant Mithra égorgeant le taureau est brisé et brûlé.

Le site est ensuite investi par une grande basilique chrétienne richement décorée.

Et c'est difficile de ne pas y voir une conséquence de l'éviction des adeptes de Mithra !

En fait, ces destructions portent la signature des chrétiens qui s'acharnent contre ce culte monothéiste concurrent.

Le christianisme, autre religion orientale, s'implante dans l'empire à la même époque que le mithraïsme.

Les adeptes de Mithra célèbrent l'eucharistie, comme dans le culte chrétien.

Et il n'est pas impossible que Mithra, comme Jésus, ait fait une forme de sacrifice pour sauver les humains, ou que le mithraïsme promette à ses adeptes un salut de l'âme après la mort, comme le christianisme.

Les chrétiens, dont fait partie l'empereur Constantin au début du IVe siècle, traquent donc sans relâche cette secte rivale.

Les sacrifices sanglants sont interdits, et le christianisme est proclamé seule religion officielle de l'empire en 392.

Le mithraïsme et les pratiques occultes sont alors définitivement rejetées.

Ce que l'on peut conclure de tout ça, c'est que la magie est partout dans le monde antique.

Même si elle est officiellement dénigrée, et pratiquée à l'abri des regards, elle n'est pas fondamentalement différente de la religion.

Les deux pratiques partent de croyances communes et s'entremêlent.

La magie en fait, c'est simplement exagérer à l'extrême des rituels religieux, pour essayer de contraindre des divinités, ce que ne fait pas le rite religieux, qui demande de l'aide aux dieux, mais qui leur témoigne toujours un prudent respect.

La magie, comme la religion, vient régler des affaires sociales, là où la méthode classique a échoué.

Les Romains tolèrent donc les pratiques magiques, comme tout le reste, tant que ça ne trouble pas l'ordre public, tant qu'il n'y a pas mort d'homme, pas de raison d'empêcher quoi que ce soit.

La diffusion du christianisme va bouleverser cet équilibre, mais les pratiques perdurent tout de même jusqu'au Moyen ge, en se transformant.

L'écriture, largement diffusée dans la société civile romaine, va se perdre puisqu'elle est monopolisée par les religieux.

Les sortilèges et les malédictions sont alors réalisés avec des formules orales ou des figurines.

Finalement, ces objets archéologiques nous permettent de nuancer un peu la vision traditionnelle d'une Antiquité assez rationnelle, peuplée de philosophes et de savants ; Mais ça nous permet aussi de nuancer un Moyen ge plus mystique et obscur.

La magie et les pratiques occultes sont bien présentes partout dans l'Empire romain et les fameux sorciers du Moyen ge ne sont que les héritiers des mages de l'Antiquité.

Merci à tous d'avoir suivi cet épisode préparé avec Lucas Pacotte ! Un grand merci également à l'INRAP pour ce superbe partenariat qui permet de pousser un peu d'archéologie sur la chaîne.

Comme vous le voyez, on trouve de nombreuses choses en fouillant et si vous avez envie vous aussi de découvrir ce patrimoine, le mieux pour le faire et être sûr de ne rien détruire, c'est d'être accompagné par des pros ! Alors sachez que chaque année, l'INRAP organise, sous l'autorité du ministère de la Culture, les journées européennes de l'Archéologie qui vous permettent d'en savoir plus sur le métier d'archéologue mais aussi de visiter certains sites archéologiques voir même des fouilles ! Cette année 2021 c'est le 18/19/20 juin mais ça revient tous les ans.

C'est une occasion assez unique et si ça vous intéresse c'est sur tout le territoire, donc il y a moyen qu'il y ai des événements près de chez vous ! Retrouvez tout le programme de ces journées sur journees-archeologie.fr . Je vous mets un lien en description si vous voulez en savoir plus et si vous avez déjà participé à ce genre d'initiatives, n'hésitez pas à nous le dire en commentaire pour motiver les autres !

On se retrouve très bientôt sur Nota Bene pour de nouvelles vidéos, ciao !


Comment pratiquait-on la magie dans l'Antiquité ? How was magic practised in ancient times? جادو در دوران باستان چگونه انجام می شد؟ Come veniva praticata la magia nell'antichità? 古代是如何使用魔法的?

Mes chers camarades bien le bonjour !

Aujourd'hui je vous propose de parler de magie noire et blanche, de croyances spirituelles  des anciens et de tout un tas de trucs un peu mystiques qui n'impliquent pas forcément  des vieux barbus exilés au fond des bois ! Ouais... on va voir ensemble ce que les  archéologues peuvent dénicher en fouillant le territoire français et vous allez le voir,  parfois c'est assez étonnant !

La religion romaine est bien connue des historiens.

Grâce aux nombreux textes faisant référence aux sacrifices, aux augures et aux cérémonies  publiques, mais aussi aux vestiges de temples et à leurs bas-reliefs montrant les processions,  on peut se faire une bonne idée des pratiques religieuses de l'Antiquité romaine, en  tout cas des pratiques officielles de la cité.

Car il y a un domaine de la vie religieuse que ces sources traditionnelles que les sources  traditionnelles permettent moins de cerner : les pratiques quotidiennes.

Au-delà des grandes manifestations religieuses qui avaient lieu dans les temples publics,  les populations de l'Antiquité réalisaient de nombreux rites magiques, plus ou moins  occultes.

Quelques textes d'époque mentionnent bien des histoires de sorcières maléfiques, mais  ces accusations ne fournissent finalement que peu d'informations, et il est difficile  de séparer le fantasme de la réalité.

Cette connaissance sur les rituels du quotidien peut être trouvée par l'archéologie.

Grâce aux chantiers d'archéologie préventive, c'est-à-dire les fouilles qu'on fait  avant la construction d'une ligne de TGV ou d'un immeuble, et qui ont lieu sur tout  le territoire français ; le quotidien des populations antiques nous apparaît de plus  en plus clairement à travers les objets qu'elles utilisaient.

A partir de plusieurs exemples issus des chantiers de l'INRAP, l'Institut national de recherches  archéologiques préventives, qui est partenaire de cet épisode, mais aussi d'autres chantiers  tenu par d'autres services archéologiques comme celui de la ville de Chartres, je vous  propose aujourd'hui de nous intéresser aux pratiques religieuses et magiques de la  Gaule romaine.

On commence ce tour d'horizon des rituels antiques avec l'ex-voto, une offrande faite  à une divinité qui s'accompagne d'un vœu, d'une demande particulière.

L'offrande vient donc témoigner de la dévotion, elle cherche à amadouer la divinité en quelque  sorte.

Dans l'Antiquité romaine, on fait le plus souvent ces offrandes pour demander une guérison  par exemple !

A Mesnil-St-Nicaise, dans la Somme, les archéologues de l'INRAP ont mis au jour d'importantes  quantités d'ex-voto. At Mesnil-St-Nicaise, in the Somme region, INRAP archaeologists have unearthed large quantities of votive offerings.

Les dépôts ont été faits dans des puits à proximité immédiate d'un fanum, un  petit sanctuaire.

Un bon nombre de ces offrandes sont en bois. Des trouvailles relativement rares car le bois ne se conserve jamais aussi longtemps  : il pourrit.

Sauf lorsqu'il est continuellement sous l'eau ce qui était le cas grâce à l'eau  des puits. Except when it's continuously underwater, which was the case thanks to well water.

Ces ex-voto représentent pour la plupart des membres inférieurs comme des jambes et  des pieds, sculptés dans des branches d'arbres.

Les offrandes viennent donc demander la guérison de ces parties du corps.

Ces trouvailles exceptionnelles sont conservées et restaurées avec soin pour éviter que  le bois ne se dégrade après avoir été sorti de l'eau.

Une autre découverte d'importance a été faite sur le site.

Il s'agit d'un fragment de vasque dédié à Apollon par un dénommé Iunianus.

Cet objet nous indique que le fanum devait être consacré au dieu Apollon, d'où les  ex-voto de guérison.

Et oui, parce que Appolon, la guérison, ça le connaît ! C'est “un peu” son domaine  de compétence !

A Orléans, sur le site du Clos de la Fontaine, une autre fouille de l'INRAP témoigne de  ces pratiques.

Cette fois-ci, la plupart des ex-voto sont en bronze, et représentent des visages.

Il s'agit ici, soit d'un portrait de la divinité soit d'un portrait de celui qui  réalise l'offrande.

Et pourquoi ces objets sont intéressants vous allez me dire ? Et bien parce qu'ils  se ressemblent beaucoup et donc ça prouve que les ex-voto pouvaient être fabriqués  en série par des artisans et vendus à l'entrée des sanctuaires pour les pèlerins.

Si Johnny Hallyday avait vécu il ya 2000 ans, je vous laisse imaginer la tronche des  ex-voto !

Les offrandes étaient déposées dans un petit sanctuaire situé à 3 km au nord de  la cité antique d'Orléans.

Ce temple, un fanum carré additionné d'un bassin, était dédié à la déesse Acionna,  vraisemblablement la personnification divine du fleuve.

Pour les Romains, chaque élément du paysage ou de la vie a droit à sa divinité.

Que ce soit un fleuve ou une ville, n'importe quel lieu a son dieu ou son génie, et ce  sont ces divinités très locales qu'on essaye souvent d'amadouer avec des offrandes.

Vous noterez qu'il y a là des similarités avec d'autres religions et je vous invite  à aller voir mon épisode sur les Yokaï, les petites créatures japonaises, vous verrez  de quoi je parle !

La présence de l'eau et des nombreux ex-voto orientent l'interprétation du fanum d'Orléans  vers un culte de guérison encore une fois.

Au IIe siècle, les archéologues constatent la destruction du bassin et la construction  d'un aqueduc, les ex-voto sont alors remplacés par des offrandes de monnaies, une autre manière,  très courante, de montrer aux dieux sa dévotion.

Bon, mais tout ça reste en somme assez classique, les dieux, les sanctuaires et les offrandes,  on reste dans le cadre de la religion officielle.

Mais parfois, les archéologues mettent la main sur des objets un peu plus étonnants.L'archéologie  permet aussi d'attester de pratiques de magie noire pendant l'Antiquité.

La magie noire, celle qui vise à nuire à quelqu'un, s'opère à travers ce qu'on  appelle des tablettes de défixion.

Alors le premier qui lâche un commentaire nul, je le défixionne, soyez prévenus. So be warned, the first person to make a lousy comment will be punished.

Le mot latin defixio signifie littéralement “clouer”, c'est un rituel qui doit contraindre,  envoûter une personne ciblée.

Il y a une dizaine d'années, une fouille dans la ville du Mans sur le site des Jacobins,  a mis au jour de telles tablettes.

Il s'agit de lamelles de plomb gravées d'un message magique.

Le plomb est utilisé parce qu'il est peu cher, et facile à inscrire, c'est un métal  assez malléable. Lead is used because it's inexpensive, easy to inscribe and quite malleable.

Mais plus que ça, ce métal sombre, le plus souvent prélevé sur des canalisations, permet  d'établir un lien avec les divinités souterraines. But more than that, this dark metal, most often taken from pipes, provides a link with subterranean divinities.

Il est chargé d'une valeur symbolique maléfique !

On fait d'une pierre deux coups. Killing two birds with one stone.

Enfin d'un métal deux coups plutôt. More like two birds with one stone.

Bon mais concrètement, comment ça marche ? Si vous voulez envoûter quelqu'un, voilà  la recette.

Inscrivez le nom de la personne visée sur la tablette, en faisant référence à la  généalogie maternelle de préférence.

Oui parce qu'en vrai, la mère on est toujours sûr que c'est la mère, alors que le père...il  peut y avoir des doutes donc faut pas se tromper de Gérard quand on lance la malédiction  ! Yes, because in real life, we're always sure it's the mother, whereas the father... there can be doubts, so don't get Gérard wrong when you cast the curse!

Ensuite, continuez avec les malheurs que vous souhaitez, éventuellement inscrivez des formules  magiques de votre choix et enfin, très important, faites un appel aux divinités.

Les plus citées sont Hécate ou Mercure en sa qualité de messager des âmes, mais vous  pouvez aussi faire référence à des dieux étrangers, égyptiens notamment, ça claque  toujours. The most frequently cited are Hecate or Mercury in his capacity as messenger of souls, but you can also make reference to foreign gods, Egyptian in particular, that's always a hit.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que la magie à un aspect syncrétique important  : cela veut dire que la magie à une capacité à fusionner différentes croyances et religions.

Dans un souci d'efficacité, on peut même utiliser des noms d'anges de la religion  hébraïque.

Et c'est logique, plus y'a de dieux, plus ça marche !

On sait que le plus souvent, le mage devait utiliser quelque chose appartenant à la cible  comme un morceau d'étoffe ou une mèche de cheveux pour garantir l'efficacité du  sort.

Ensuite, la tablette était éventuellement repliée et transpercée d'un clou, ou entourée  de bandelettes de laine fermées de 365 nœuds et enfin jetée dans une tombe ou un puits.

Ce qui fait le bonheur des archéologues deux mille ans plus tard. This is what makes archaeologists so happy two thousand years later.

En tout cas si je dois le faire, je préfère planter un clou plutôt que de faire 365 nœuds  je vous ne le cache pas...

Les tablettes de défixion pouvaient aussi être jetées dans des tombes, l'âme du  défunt, ce que les Grecs nomment le daimon, qui a donné “démon”, sert alors de messager,  en remplacement de la divinité pour réaliser le sortilège.

Cela est censé marcher en particulier avec les morts prématurés comme les guerriers,  les enfants ou les condamnés à mort. This is supposed to work especially with premature deaths such as warriors, children or those condemned to death.

Ce type de magie d'origine grecque est introduit en Gaule vers le VIe siècle avant notre ère.

Après la conquête romaine, elle se diffuse rapidement et on compte aujourd'hui environ  deux mille exemplaires de tablettes de défixion tout autour de la Méditerranée.

Les sortilèges y sont écrits en latin, en grec et même en gaulois, comme ceux trouvés  au Larzac.

On note aussi des textes bilingues et même des langues inconnues ou signes indéchiffrables.

C'est le cas sur les tablettes trouvées au Mans.

En fait on s'en fout un peu de la langue, on peut même inventer notre propre langue  et dire absolument n'importe quoi sur la tablette de défixion, ça fonctionne.

C'est à chacun de s'approprier le truc quoi ! It's up to everyone to make it their own!

Quelle importance que le texte soit lisible après tout, puisque les dieux comprennent  tout, ce qui compte, c'est l'empreinte symbolique qu'on laisse sur l'objet.

On peut ainsi se contenter de graver des signes ressemblant vaguement à une écriture, ça  fait l'affaire.

Il ne faut pas oublier que pour les Grecs et les Romains, les dieux s'expriment souvent  par des voies détournées ou inaccessibles aux gens normaux.

La pythie à Delphes délivrait ses prophéties dans un charabia incompréhensible, qui était  ensuite traduit par un prêtre du sanctuaire.

On a sans doute avec ces tablettes du Mans, la volonté de s'exprimer dans un langage  codé, histoire de bien montrer au client que le mage maîtrise un rituel compliqué. With these Le Mans tablets, there's no doubt a desire to express oneself in a coded language, to show the customer that the magician has mastered a complicated ritual.

C'est ce que je dis à chaque fois à mes enfants quand ils n'arrivent pas à lire  mon écriture.

C'est compliqué...

Dans l'Hérault, une tablette inscrite de signes géométriques donnant l'apparence  d'une écriture a été trouvée sur l'oppidum de Roque de Castel Viel. In the Hérault region, a tablet inscribed with geometric signs giving the appearance of writing was found on the Roque de Castel Viel oppidum.

Elle illustre aussi très bien ce phénomène de langage magique codé.

Il ne faut pas penser pour autant que chaque mage inventait son propre charabia pour épater  des clients particulièrement crédules.

Ceux qui procèdent aux rituels sont des spécialistes de la magie, qui se transmettent des méthodes  et formules magiques car on retrouve des textes identiques dans tout le monde romain. Those performing the rituals were magic specialists who passed on magic methods and formulas to each other, as identical texts were found throughout the Roman world.

Ces rituels sont finalement assez répandus.

Généralement, on pratique la défixion pour éliminer un rival amoureux ou obtenir des  faveurs de l'être aimé, nuire à son adversaire dans un procès, et même pour faire perdre  l'équipe adverse dans les courses de chars. Generally, defixion is used to eliminate a rival in love or to obtain favors from a loved one, to harm an opponent in a lawsuit, and even to make the opposing team lose in chariot races.

C'était le PMU de l'époque quoi… Les envoûtements se pratiquent aussi avec des  figurines en terre, plantées d'aiguilles, qu'on peut rapprocher des rituels vaudou.

Bref, il y a plein de raisons et de manières de pratiquer la magie noire.

Mais on connaît aussi des exemples de magie blanche.

A Chartres, tenez vous bien, c'est tout l'attirail d'un magicien qui a été retrouvé  dans la cave d'une maison antique à proximité d'un petit sanctuaire. In Chartres, a magician's paraphernalia was found in the cellar of an ancient house near a small sanctuary.

Ce magicien pratiquait plutôt la magie blanche, c'est-à-dire celle qui est censée protéger  des mauvais sorts. This magician practiced white magic, which is supposed to protect against evil spells.

C'est une découverte absolument unique.

Le matériel du magicien a été retrouvé dans un niveau d'incendie scellé par un  remblai à la fin du Ier ou début du IIe siècle. The magician's equipment was found in a fire level sealed by fill at the end of the 1st or beginning of the 2nd century.

Pour être clair, ça veut dire qu'après un feu on s'est contenté d'aplanir les  gravats et de reconstruire par dessus en laissant tout en place. To be clear, this means that after a fire, we simply cleared away the rubble and rebuilt on top, leaving everything in place.

Encore une fois, ça fait le bonheur des archéologues.

Cette pièce était uniquement consacrée au rangement du matériel magique, un véritable  atelier de magie.

Le mobilier en bois a disparu, mais subsistent les charnières en os et en métal, les boutons  en fer des tiroirs et les fragments de serrure, correspondant à des coffres, un coffret et  une armoire. The wooden furniture has disappeared, but the bone and metal hinges, the iron knobs of the drawers and the fragments of locks remain, corresponding to chests, a chest and a cupboard.

A l'intérieur, il y avait plusieurs vases à décor de serpents, un grand couteau sans  doute utilisé pour les sacrifices, des lampes à huile et une quinzaine de poteries entières  peut-être pour les potions et autres préparations liquides.

Mais la découverte la plus extraordinaire est celle de deux vases gravés, des turibula,  c'est-à-dire brûle-encens, tous les deux inscrits avant cuisson. But the most extraordinary discovery is that of two engraved vases, turibula, i.e. incense-burners, both inscribed before firing.

L'un d'eux est entier et son inscription nous en apprend beaucoup sur les rituels de  magie blanche. One of them is complete, and its inscription tells us a lot about white magic rituals.

Le texte est découpé en quatre colonnes correspondant aux points cardinaux, et la  même formule y est répétée : un dénommé C.

Verius Sedatus, sans doute le nom du magicien, ou éventuellement celui du client, demande  l'aide des tout-puissants car il est leur gardien. Verius Sedatus, presumably the magician's name, or possibly the customer's, asks for the help of the almighty as he is their guardian.

Ensuite, on note une liste de mots secrets, sans doute dotés de pouvoirs, ou en tout  cas qui servent à montrer que le magicien est un initié, comme sur les tablettes de  défixion.

Ces formulations qui ont des sonorités gauloises ont sans doute été inventées par le magicien  lui-même.

L'utilisation de vases pour brûler des encens ou les figures de serpents sur les  autres récipients font penser à un probable lien avec le culte de Mithra.

Et ça tombe bien, parce que c'est le dernier exemple dont je voulais parler.

Est-ce que vous connaissez le culte mystérieux de Mithra ? Et je dis mystérieux...ça colle  plutôt bien puisque le principe même du culte de Mithra est de se réunir à l'abri  des regards. And I say mysterious... which fits rather well, since the very principle of the Mithra cult is to meet out of sight.

Ce culte exotique est vraisemblablement ramené dans l'Empire romain par des légionnaires  ayant combattu en Arménie ou en Asie Mineure.

Dieu d'origine iranienne, Mithra est l'objet d'un culte secret qui repose sur l'initiation  de ses membres, exclusivement masculins.

La secte recrute préférentiellement dans les élites, les citoyens et vétérans, qui  enfilent une tenue cérémonielle pour boire en l'honneur du dieu et lui offrir des sacrifices.

Un genre de franc-maçonnerie antique si vous voulez. A kind of ancient freemasonry, if you will.

Et je vous renvoie à mon épisode sur les sociétés secrètes !

Ce culte séduit les légionnaires et reste apparemment répandu dans l'armée, comme  le montre la profusion de vestiges liés au mithraïsme dans les camps des légions de  Germanie.

Le dogme est assez difficile à connaître en détail car il ne s'appuie pas sur des  documents écrits, c'est une religion initiatique orale. The dogma is rather difficult to know in detail, as it is not based on written documents, but is an oral initiatory religion.

On sait juste que l'initiation comporte sept étapes, et que les adeptes doivent rejouer  le sacrifice du taureau par Mithra avec des sacrifices d'animaux, vaches, moutons, poulets,  avant de s'asperger de sang. All we know is that initiation involves seven stages, and that adepts must re-enact Mithra's sacrifice of the bull with animal sacrifices of cows, sheep and chickens, before sprinkling themselves with blood. De chouettes soirées.

Il ne manque plus qu'une boîte de nuit, un peu de techno et Wesley Snipes et vous  êtes prêts pour un remake de “Blade”. All you need is a nightclub, some techno and Wesley Snipes, and you're ready for a remake of "Blade".

Malgré cet aspect initiatique, Mithra est venu s'ajouter au panthéon romain de manière  presque officielle, sans doute pas aussi caché qu'on l'imagine. Despite this initiatory aspect, Mithra became an almost official addition to the Roman pantheon, and was probably not as hidden as one might imagine.

Il faut rappeler que les Romains sont assez souples niveau religion. It's worth remembering that the Romans were quite flexible when it came to religion.

Tant qu'on jure fidélité à Rome et qu'on célèbre le culte de l'empereur, on peut  bien rajouter tous les dieux qu'on veut.

Et puis le sacrifice sanglant est à la base des rites sacrés.

Le culte de Mithra est connu en Gaule par quelques exemples de mithraeum [MI-Tré-EUM],  les bâtiments destinés au culte, et ces dix dernières années, l'INRAP a eu la chance d'en fouiller deux, à Angers et à côté de Bastia. The cult of Mithra is known in Gaul through a few examples of mithraeum [MI-Tré-EUM], the buildings used for worship, and in the last ten years, INRAP has been lucky enough to excavate two of them, in Angers and near Bastia.

A Angers, le mithraeum est situé dans un îlot d'habitation aisé. In Angers, the mithraeum is located in a well-off residential area.

C'est une pièce en sous-sol censée reconstituer la grotte originelle où est né Mithra. It's a basement room that's supposed to recreate the original cave where Mithras was born.

On éclaire la pièce par des lampes à huile, qui renforcent l'aspect secret.

Les archéologues ont d'ailleurs retrouvé de nombreuses lampes sur le site.

On place une représentation de Mithra au fond de la chapelle et des banquettes sont  aménagées sur les longs côtés pour les adeptes.

Toujours à Angers, un gobelet porte une inscription mentionnant Mithra, c'est un ex-voto offert  au dieu par l'un des adeptes.

Le site a été détruit volontairement au IVe siècle, tout le matériel y a été retrouvé  brisé, en particulier la tête d'une statue de Mithra dont la face a été martelée pour  la défigurer.

Faut pas être Sherlock Holmes pour deviner qu'il y a un truc qui a dû mal se passer... You don't have to be Sherlock Holmes to guess that something must have gone wrong...

En Corse également, le mithraeum fouillé par l'INRAP porte des traces de destruction.

Dans la colonie de Mariana, au sud de Bastia, le sanctuaire est incendié à la fin du IVe  siècle.

Ici aussi, le relief de marbre représentant Mithra égorgeant le taureau est brisé et  brûlé.

Le site est ensuite investi par une grande basilique chrétienne richement décorée.

Et c'est difficile de ne pas y voir une conséquence de l'éviction des adeptes  de Mithra !

En fait, ces destructions portent la signature des chrétiens qui s'acharnent contre ce  culte monothéiste concurrent.

Le christianisme, autre religion orientale, s'implante dans l'empire à la même époque  que le mithraïsme. Christianity, another Eastern religion, took root in the empire at the same time as Mithraism.

Les adeptes de Mithra célèbrent l'eucharistie, comme dans le culte chrétien. Followers of Mithra celebrate the Eucharist, as in Christian worship.

Et il n'est pas impossible que Mithra, comme Jésus, ait fait une forme de sacrifice pour  sauver les humains, ou que le mithraïsme promette à ses adeptes un salut de l'âme  après la mort, comme le christianisme.

Les chrétiens, dont fait partie l'empereur Constantin au début du IVe siècle, traquent  donc sans relâche cette secte rivale. The Christians, including the emperor Constantine in the early 4th century, were relentless in their pursuit of this rival sect.

Les sacrifices sanglants sont interdits, et le christianisme est proclamé seule religion  officielle de l'empire en 392.

Le mithraïsme et les pratiques occultes sont alors définitivement rejetées.

Ce que l'on peut conclure de tout ça, c'est que la magie est partout dans le monde antique.

Même si elle est officiellement dénigrée, et pratiquée à l'abri des regards, elle  n'est pas fondamentalement différente de la religion. Even if it is officially denigrated, and practiced out of sight, it is not fundamentally different from religion.

Les deux pratiques partent de croyances communes et s'entremêlent. The two practices are based on shared beliefs and are intertwined.

La magie en fait, c'est simplement exagérer à l'extrême des rituels religieux, pour  essayer de contraindre des divinités, ce que ne fait pas le rite religieux, qui demande  de l'aide aux dieux, mais qui leur témoigne toujours un prudent respect.

La magie, comme la religion, vient régler des affaires sociales, là où la méthode  classique a échoué. Magic, like religion, resolves social issues where conventional methods have failed.

Les Romains tolèrent donc les pratiques magiques, comme tout le reste, tant que ça ne trouble  pas l'ordre public, tant qu'il n'y a pas mort d'homme, pas de raison d'empêcher  quoi que ce soit. The Romans therefore tolerated magical practices, like everything else, as long as they didn't disturb public order, as long as no one died, and as long as there was no reason to prevent anything.

La diffusion du christianisme va bouleverser cet équilibre, mais les pratiques perdurent  tout de même jusqu'au Moyen ge, en se transformant. The spread of Christianity upset this balance, but practices continued to evolve and change well into the Middle Ages.

L'écriture, largement diffusée dans la société civile romaine, va se perdre puisqu'elle  est monopolisée par les religieux.

Les sortilèges et les malédictions sont alors réalisés avec des formules orales  ou des figurines.

Finalement, ces objets archéologiques nous permettent de nuancer un peu la vision traditionnelle  d'une Antiquité assez rationnelle, peuplée de philosophes et de savants ; Mais ça nous  permet aussi de nuancer un Moyen ge plus mystique et obscur.

La magie et les pratiques occultes sont bien présentes partout dans l'Empire romain  et les fameux sorciers du Moyen ge ne sont que les héritiers des mages de l'Antiquité.

Merci à tous d'avoir suivi cet épisode préparé avec Lucas Pacotte ! Un grand merci également à l'INRAP pour ce superbe partenariat qui permet de pousser un peu d'archéologie  sur la chaîne.

Comme vous le voyez, on trouve de nombreuses choses en fouillant et si vous avez envie  vous aussi de découvrir ce patrimoine, le mieux pour le faire et être sûr de ne rien  détruire, c'est d'être accompagné par des pros ! Alors sachez que chaque année,  l'INRAP organise, sous l'autorité du ministère de la Culture, les journées européennes  de l'Archéologie qui vous permettent d'en savoir plus sur le métier d'archéologue  mais aussi de visiter certains sites archéologiques voir même des fouilles ! Cette année 2021  c'est le 18/19/20 juin mais ça revient tous les ans.

C'est une occasion assez unique et si ça vous intéresse c'est sur tout le territoire,  donc il y a moyen qu'il y ai des événements près de chez vous ! Retrouvez tout le programme  de ces journées sur journees-archeologie.fr . Je vous mets un lien en description si vous  voulez en savoir plus et si vous avez déjà participé à ce genre d'initiatives, n'hésitez  pas à nous le dire en commentaire pour motiver les autres !

On se retrouve très bientôt sur Nota Bene pour de nouvelles vidéos, ciao ! See you soon on Nota Bene for new videos, ciao!