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Cinq semaines en ballon de Jules Verne, CHAPITRE XXVIII

CHAPITRE XXVIII

Soirée délicieuse.—La cuisine de Joe.—Dissertation sur la viande crue.—Histoire de James Bruce.—Le bivouac.—Les rêves de Joe.—Le baromètre baisse.—Le baromètre remonte.—Préparatifs de départ.—L'ouragan. La soirée fut charmante et se passa sous de frais ombrages de mimosas, après un repas réconfortant ; le thé et le grog n'y furent pas ménagés. Kennedy avait parcouru ce petit domaine dans tous les sens, il en avait fouillé les buissons ; les voyageurs étaient les seuls êtres animés de ce paradis terrestre ; ils s'étendirent sur leurs couvertures et passèrent une nuit paisible, qui leur apporta l'oubli des douleurs passées. Le lendemain, 7 mai, le soleil brillait de tout son éclat, mais ses rayons ne pouvaient traverser l'épais rideau d'ombrage. Comme il avait des vivres en suffisante quantité, le docteur résolut d'attendre en cet endroit un vent favorable. Joe y avait transporté sa cuisine portative, et il se livrait à une foule de combinaisons culinaires, en dépensant l'eau avec une insouciante prodigalité. « Quelle étrange succession de chagrins et de plaisirs ! s'écria Kennedy ; cette abondance après cette privation ! ce luxe succédant à cette misère ! Ah ! j'ai été bien près de devenir fou ! —Mon cher Dick, lui dit le docteur, sans Joe, tu ne serais pas là en train de discourir sur l'instabilité des choses humaines. —Brave ami ! fit Dick en tendant la main à Joe.

—Il n'y a pas de quoi, répondit celui-ci. A charge de revanche, Monsieur Dick, en préférant toutefois que l'occasion ne se présente pas de me rendre la pareille ! —C'est une pauvre nature que la notre ! reprit Fergusson. Se laisser abattre pour si peu !

—Pour si peu d'eau, voulez-vous dire, mon maître! Il faut que cet élément soit bien nécessaire à la vie !

—Sans doute, Joe, et les gens privés de manger résistent plus longtemps que les gens privés de boire.

—Je le crois ; d'ailleurs, au besoin, on mange ce qui se rencontre, même son semblable, quoique cela doive faire un repas à vous rester longtemps sur le coeur ! —Les sauvages ne s'en font pas faute, cependant, dit Kennedy. —Oui, mais ce sont des sauvages, et qui sont habitués à manger de la viande crue ; voilà une coutume qui me répugnerait !

—Cela est assez répugnant, en effet, reprit le docteur, pour que personne n'ait ajouté foi aux récits des premiers voyageurs en Afrique ; ceux-ci rapportèrent que plusieurs peuplades se nourrissaient de viande crue, et on refusa généralement d'admettre le fait. Ce fut dans ces circonstances qu'il arriva une singulière aventure à James Bruce. —Contez-nous cela, Monsieur ; nous avons le temps de vous entendre, dit Joe en s'étalant voluptueusement sur l'herbe fraîche. —Volontiers. James Bruce était un Écossais du comté de Stirling, qui, de 1768 à 1772, parcourut toute l'Abyssinie jusqu'au lac Tyana, à la recherche des sources du Nil ; puis, il revint en Angleterre, où il publia ses voyages en 1790 seulement. Ses récits furent accueillis avec une incrédulité extrême, incrédulité qui sans doute est réservée aux nôtres. Les habitudes des Abyssiniens semblaient si différentes des us et coutumes anglais, que personne ne voulait y croire. Entre autres détails, James Bruce avait avancé que les peuples de l'Afrique orientale mangeaient de la viande crue. Ce fait souleva tout le monde contre lui. Il pouvait en parler à son aise ! on n'irait point voir ! Bruce était un homme très courageux et très rageur. Ces doutes l'irritaient au suprême degré. Un jour, dans un salon d'Édimbourg, un Écossais reprit en sa présence le thème des plaisanteries quotidiennes, et à l'endroit de la viande crue, il déclara nettement que la chose n'était ni possible ni vraie. Bruce ne dit rien ; il sortit, et rentra quelques instants après avec un beefsteack cru, saupoudré de sel et de poivre à là mode africaine. « Monsieur, dit-il à l'Écossais, en doutant d'une chose que j'ai avancée, vous m'avez fait une injure grave ; en la croyant impraticable, vous vous êtes complètement trompé. Et, pour le prouver à tous, vous allez manger tout de suite ce beefsteack cru, ou vous me rendrez raison de vos paroles. L'Écossais eut peur, et il obéit non sans de fortes grimaces. Alors, avec le plus grand sang-froid, James Bruce ajouta : « En admettant même que la chose ne soit pas vraie, Monsieur, vous ne soutiendrez plus, du moins, qu'elle est impossible. —Bien riposté, fit Joe Si l'Écossais a pu attraper une indigestion, il n'a eu que ce qu'il méritait. Et si, à notre retour en Angleterre, on met notre voyage en doute...

—Eh bien ! que feras-tu ? Joe.

—Je ferai manger aux incrédules les morceaux du Victoria , sans sel et sans poivre ! Et chacun de rire des expédients de Joe. La journée se passa de la sorte, en agréables propos ; avec la force revenait l'espoir ; avec l'espoir, l'audace. Le passé s'effaçait devant l'avenir avec une providentielle rapidité. Joe n'aurait jamais voulu quitter cet asile enchanteur ; c'était le royaume de ses rêves ; il se sentait chez lui ; il fallut que son maître lui en donnât le relèvement exact, et ce fut avec un grand sérieux qu il inscrivit sur ses tablettes de voyage : 15° 43' de longitude et 8° 32' de latitude. Kennedy ne regrettait qu'une seule chose, de ne pouvoir chasser dans cette forêt en miniature ; selon lui, la situation manquait un peu de bêtes féroces. « Cependant, mon cher Dick, reprit le docteur, tu oublies promptement. Et ce lion, et cette lionne ?

— Ça ! fit-il avec le dédain du vrai chasseur pour l'animal abattu ! Mais, au fait leur présence dans cette oasis peut faire supposer que nous ne sommes pas très éloignés de contrées plus fertiles.

—Preuve médiocre, Dick ; ces animaux-là, pressés par la faim ou la soif, franchissent souvent des distances considérables pendant la nuit prochaine, nous ferons même bien de veiller avec plus de vigilance et d'allumer des feux. —Par cette température, fit Joe ! Enfin, si cela est nécessaire, on le fera. Mais j'éprouverai une véritable peine à brûler ce joli bois, qui nous a été si utile. —Nous ferons surtout attention à ne pas l'incendier, répondit le docteur, afin que d'autres puissent y trouver quelque jour un refuge au milieu du désert ! —On y veillera, Monsieur ; mais pensez-vous que cette oasis soit connue ?

—Certainement. C'est un lieu de halte pour les caravanes qui fréquentent le centre de l'Afrique, et leur visite pourrait bien ne pas te plaire, Joe. —Est-ce qu'il y a encore par ici de ces affreux Nyam-Nyam ? —Sans doute, c'est le nom général de toutes ces populations, et, sous le même climat, les mêmes races doivent avoir des habitudes pareilles. —Pouah ! fit Joe! Après tout, cela est bien naturel ! Si des sauvages avaient les goûts des gentlemen, où serait la différence ? Par exemple, voilà des braves gens qui ne se seraient pas fait prier pour avaler le beefsteak de l'Écossais, et même l'Écossais par-dessus le marché. Sur cette réflexion très sensée, Joe alla dresser ses bûchers pour la nuit, les faisant aussi minces que possible. Ces précautions furent heureusement inutiles, et chacun s'endormit tour à tour dans un profond sommeil. Le lendemain, le temps ne changea pas encore ; il se maintenait au beau avec obstination. Le ballon demeurait immobile, sans qu'aucune oscillation ne vînt trahir un souffle de vent. Le docteur recommençait à s'inquiéter : si le voyage devait ainsi se prolonger, les vivres seraient insuffisants. Après avoir failli succomber faute d'eau, en serait-on réduit à mourir de faim ? Mais il reprit assurance en voyant le mercure baisser très sensiblement dans le baromètre ; il y avait des signes évidents d'un changement prochain dans l'atmosphère ; il résolut donc de faire ses préparatifs de départ pour profiter de la première occasion ; la caisse d'alimentation et la caisse à eau furent entièrement remplies toutes les deux. Fergusson dut rétablir ensuite l'équilibre de l'aérostat, et Joe fut obligé de sacrifier une notable partie de son précieux minerai. Avec la santé, les idées d'ambition lui étaient revenues ; il fit plus d'une grimace avant d'obéir à son maître ; mais celui-ci lui démontra qu'il ne pouvait enlever un poids aussi considérable ; il lui donna à choisir entre l'eau ou l'or ; Joe n'hésita plus, et il jeta sur le sable une forte quantité de ses précieux cailloux « Voilà pour ceux qui viendront après nous, dit-il ; ils seront bien étonnés de trouver la fortune en pareil lieu.

—Eh ! fit Kennedy, si quelque savant voyageur vient à rencontrer ces échantillons ?...

—Ne doute pas, mon cher Dick, qu'il n'en soit fort surpris et qu'il ne publie sa surprise en nombreux in-folios ! Nous entendrons parler quelque jour d'un merveilleux gisement de quartz aurifère au milieu des sables de l'Afrique. —Et c'est Joe qui en sera la cause. L'idée de mystifier peut-être quelque savant consola le brave garçon et le fit sourire. Pendant le reste de la journée, le docteur attendit vainement un changement dans l'atmosphère. La température s'éleva et, sans les ombrages de l'oasis, elle eut été insoutenable. Le thermomètre marqua au soleil cent quarante-neuf degrés [50]. Une véritable pluie de feu traversait l'air. Ce fut la plus haute chaleur qui eut encore été observée.

Joe disposa comme la veille le bivouac du soir, et, pendant les quarts du docteur et de Kennedy, il ne se produisit aucun incident nouveau.

Mais, vers trois heures du matin, Joe veillant, la température s'abaissa subitement, le ciel se couvrit de nuages, et l'obscurité augmenta. « Alerte ! s'écria Joe en réveillant ses deux compagnons ! alerte ! voici le vent.

—Enfin ! dit le docteur en considérant le ciel, c'est une tempête ! Au Victoria ! au Victoria ! Il était temps d'y arriver. Le Victoria se courbait sous l'effort de l'ouragan et entraînait la nacelle qui rayait le sable. Si, par hasard, une partie du lest eut été précipitée à terre, le ballon serait parti, et tout espoir de le retrouver eut été à jamais perdu.

Mais le rapide Joe courut à toutes jambes et arrêta la nacelle, tandis que l'aérostat se couchait sur le sable au risque de se déchirer. Le docteur prit sa place habituelle, alluma son chalumeau, et jeta l'excès de poids. Les voyageurs regardèrent une dernière fois les arbres de l'oasis qui pliaient sous la tempête, et bientôt, ramassant le vent d'est à deux cents pieds du sol, ils disparurent dans la nuit.


CHAPITRE XXVIII CHAPTER XXVIII CAPÍTULO XXVIII CAPÍTULO XXVIII

Soirée délicieuse.—La cuisine de Joe.—Dissertation sur la viande crue.—Histoire de James Bruce.—Le bivouac.—Les rêves de Joe.—Le baromètre baisse.—Le baromètre remonte.—Préparatifs de départ.—L'ouragan. Delicious evening. — Joe’s cooking. — Raw meat dissertation.— Story of James Bruce. — The bivouac.— Joe’s dreams.— The barometer goes down. — The barometer goes up. — Preparations for departure. — The hurricane. La soirée fut charmante et se passa sous de frais ombrages de mimosas, après un repas réconfortant ; le thé et le grog n'y furent pas ménagés. The evening was charming and passed under cool shade of mimosas, after a comforting meal; tea and grog were not spared. Kennedy avait parcouru ce petit domaine dans tous les sens, il en avait fouillé les buissons ; les voyageurs étaient les seuls êtres animés de ce paradis terrestre ; ils s'étendirent sur leurs couvertures et passèrent une nuit paisible, qui leur apporta l'oubli des douleurs passées. Kennedy had traversed this small domain in all directions, he had searched the bushes; the travelers were the only animated beings of this terrestrial paradise; they stretched out on their blankets and spent a peaceful night, which made them forget their past pains. Le lendemain, 7 mai, le soleil brillait de tout son éclat, mais ses rayons ne pouvaient traverser l'épais rideau d'ombrage. The next day, May 7, the sun was shining brightly, but its rays could not pass through the thick curtain of shade. Comme il avait des vivres en suffisante quantité, le docteur résolut d'attendre en cet endroit un vent favorable. As he had enough food, the doctor resolved to wait there for a favorable wind. Joe y avait transporté sa cuisine portative, et il se livrait à une foule de combinaisons culinaires, en dépensant l'eau avec une insouciante prodigalité. Joe had carried his portable kitchen there, and he was engaged in a host of culinary combinations, spending the water with carefree lavishness. « Quelle étrange succession de chagrins et de plaisirs ! "What a strange succession of sorrows and pleasures! s'écria Kennedy ; cette abondance après cette privation ! cried Kennedy; this abundance after this deprivation! ce luxe succédant à cette misère ! this luxury succeeding this misery! Ah ! j'ai été bien près de devenir fou ! I was very close to going crazy! —Mon cher Dick, lui dit le docteur, sans Joe, tu ne serais pas là en train de discourir sur l'instabilité des choses humaines. "My dear Dick," said the doctor, "without Joe, you wouldn't be there talking about the instability of human things." —Brave ami ! fit Dick en tendant la main à Joe.

—Il n'y a pas de quoi, répondit celui-ci. "You're welcome," replied the latter. A charge de revanche, Monsieur Dick, en préférant toutefois que l'occasion ne se présente pas de me rendre la pareille ! In charge of revenge, Mr. Dick, preferring however that the opportunity does not arise to return the favor! —C'est une pauvre nature que la notre ! "Our nature is poor!" reprit Fergusson. Se laisser abattre pour si peu ! Let yourself be put down for so little!

—Pour si peu d'eau, voulez-vous dire, mon maître! "For so little water, you mean, my master!" Il faut que cet élément soit bien nécessaire à la vie ! This element must be very necessary for life!

—Sans doute, Joe, et les gens privés de manger résistent plus longtemps que les gens privés de boire. “Doubtless Joe and the people deprived of eating resist longer than the people deprived of drinking.

—Je le crois ; d'ailleurs, au besoin, on mange ce qui se rencontre, même son semblable, quoique cela doive faire un repas à vous rester longtemps sur le coeur ! -I believe him ; moreover, if necessary, we eat what meets, even its similar, although that should make a meal to stay you long on the heart! —Les sauvages ne s'en font pas faute, cependant, dit Kennedy. "The savages are not without fault, however," said Kennedy. —Oui, mais ce sont des sauvages, et qui sont habitués à manger de la viande crue ; voilà une coutume qui me répugnerait ! —Yes, but they are savages, and who are used to eating raw meat; this is a custom that would repel me!

—Cela est assez répugnant, en effet, reprit le docteur, pour que personne n'ait ajouté foi aux récits des premiers voyageurs en Afrique ; ceux-ci rapportèrent que plusieurs peuplades se nourrissaient de viande crue, et on refusa généralement d'admettre le fait. "It is repugnant enough, indeed," replied the doctor, "for no one to have believed the accounts of the first travelers to Africa; they reported that several tribes ate raw meat, and it was generally refused to admit the fact. Ce fut dans ces circonstances qu'il arriva une singulière aventure à James Bruce. It was under these circumstances that a strange adventure happened to James Bruce. —Contez-nous cela, Monsieur ; nous avons le temps de vous entendre, dit Joe en s'étalant voluptueusement sur l'herbe fraîche. “Tell us about it, sir; we have time to hear you, said Joe, sprawling voluptuously on the fresh grass. —Volontiers. James Bruce était un Écossais du comté de Stirling, qui, de 1768 à 1772, parcourut toute l'Abyssinie jusqu'au lac Tyana, à la recherche des sources du Nil ; puis, il revint en Angleterre, où il publia ses voyages en 1790 seulement. James Bruce was a Scot from Stirling County, who, from 1768 to 1772, traveled all of Abyssinia to Lake Tyana in search of the sources of the Nile; then he returned to England, where he published his travels only in 1790. Ses récits furent accueillis avec une incrédulité extrême, incrédulité qui sans doute est réservée aux nôtres. His stories were greeted with extreme disbelief, disbelief that no doubt is reserved for our own. Les habitudes des Abyssiniens semblaient si différentes des us et coutumes anglais, que personne ne voulait y croire. The habits of the Abyssinians seemed so different from English customs that no one wanted to believe it. Entre autres détails, James Bruce avait avancé que les peuples de l'Afrique orientale mangeaient de la viande crue. Among other details, James Bruce had argued that the peoples of East Africa ate raw meat. Ce fait souleva tout le monde contre lui. This fact raised everyone against him. Il pouvait en parler à son aise ! He could talk about it at his ease! on n'irait point voir ! we would not go to see! Bruce était un homme très courageux et très rageur. Bruce was a very brave and angry man. Ces doutes l'irritaient au suprême degré. These doubts irritated him to the highest degree. Un jour, dans un salon d'Édimbourg, un Écossais reprit en sa présence le thème des plaisanteries quotidiennes, et à l'endroit de la viande crue, il déclara nettement que la chose n'était ni possible ni vraie. One day, in an Edinburgh drawing room, a Scotsman took up the theme of daily jokes in his presence, and with regard to raw meat, he clearly declared that the thing was neither possible nor true. Bruce ne dit rien ; il sortit, et rentra quelques instants après avec un beefsteack cru, saupoudré de sel et de poivre à là mode africaine. Bruce said nothing; he went out, and returned a few moments later with a raw beefsteak, sprinkled with salt and pepper in the African fashion. « Monsieur, dit-il à l'Écossais, en doutant d'une chose que j'ai avancée, vous m'avez fait une injure grave ; en la croyant impraticable, vous vous êtes complètement trompé. "Sir," said he to the Scotsman, "doubting something I have advanced, you have done me a grave insult; by believing it impracticable, you were completely mistaken. Et, pour le prouver à tous, vous allez manger tout de suite ce beefsteack cru, ou vous me rendrez raison de vos paroles. And, to prove it to everyone, you will eat this raw beefsteak immediately, or you will give me reason for your words. L'Écossais eut peur, et il obéit non sans de fortes grimaces. The Scotsman was afraid, and he obeyed not without strong grimaces. Alors, avec le plus grand sang-froid, James Bruce ajouta : « En admettant même que la chose ne soit pas vraie, Monsieur, vous ne soutiendrez plus, du moins, qu'elle est impossible. Then, with the greatest composure, James Bruce added: "Even admitting that the thing is not true, Sir, you will no longer maintain, at least, that it is impossible." —Bien riposté, fit Joe Si l'Écossais a pu attraper une indigestion, il n'a eu que ce qu'il méritait. "Well fought back," said Joe. If the Scot was able to get indigestion, he got only what he deserved. Et si, à notre retour en Angleterre, on met notre voyage en doute... And if, on our return to England, we question our trip ...

—Eh bien ! que feras-tu ? Joe.

—Je ferai manger aux incrédules les morceaux du  Victoria , sans sel et sans poivre ! "I will make the unbelievers eat the Victoria pieces, without salt and pepper!" Et chacun de rire des expédients de Joe. And everyone laughing at Joe's expedients. La journée se passa de la sorte, en agréables propos ; avec la force revenait l'espoir ; avec l'espoir, l'audace. The day passed in this way, in pleasant words; with strength came hope; with hope, daring. Le passé s'effaçait devant l'avenir avec une providentielle rapidité. The past was fading before the future with providential rapidity. Joe n'aurait jamais voulu quitter cet asile enchanteur ; c'était le royaume de ses rêves ; il se sentait chez lui ; il fallut que son maître lui en donnât le relèvement exact, et ce fut avec un grand sérieux qu il inscrivit sur ses tablettes de voyage : 15° 43' de longitude et 8° 32' de latitude. Joe would never have wanted to leave this enchanting asylum; it was the kingdom of his dreams; he felt at home; his master had to give him the exact bearing, and it was with great seriousness that he wrote down on his traveling tablets: 15 ° 43 'longitude and 8 ° 32' latitude. Kennedy ne regrettait qu'une seule chose, de ne pouvoir chasser dans cette forêt en miniature ; selon lui, la situation manquait un peu de bêtes féroces. Kennedy regretted only one thing, not being able to hunt in this forest in miniature; according to him, the situation lacked a few ferocious beasts. « Cependant, mon cher Dick, reprit le docteur, tu oublies promptement. "However, my dear Dick," replied the doctor, "you forget quickly. Et ce lion, et cette lionne ? And this lion, and this lioness?

— Ça ! - That! fit-il avec le dédain du vrai chasseur pour l'animal abattu ! he said with the real hunter's disdain for the slaughtered animal! Mais, au fait leur présence dans cette oasis peut faire supposer que nous ne sommes pas très éloignés de contrées plus fertiles. But, in fact their presence in this oasis may suggest that we are not far from more fertile regions.

—Preuve médiocre, Dick ; ces animaux-là, pressés par la faim ou la soif, franchissent souvent des distances considérables pendant la nuit prochaine, nous ferons même bien de veiller avec plus de vigilance et d'allumer des feux. —Poor evidence, Dick; these animals, pressed by hunger or thirst, often cross considerable distances during the next night, we will even do well to watch with more vigilance and to light fires. —Par cette température, fit Joe ! "By this temperature," said Joe! Enfin, si cela est nécessaire, on le fera. Finally, if necessary, we will do it. Mais j'éprouverai une véritable peine à brûler ce joli bois, qui nous a été si utile. But I will feel real pain in burning this pretty wood, which has been so useful to us. —Nous ferons surtout attention à ne pas l'incendier, répondit le docteur, afin que d'autres puissent y trouver quelque jour un refuge au milieu du désert ! "We will be especially careful not to burn it down," replied the doctor, "so that others may find refuge there some day in the middle of the desert!" —On y veillera, Monsieur ; mais pensez-vous que cette oasis soit connue ? “We will take care of it, sir; but do you think this oasis is known?

—Certainement. C'est un lieu de halte pour les caravanes qui fréquentent le centre de l'Afrique, et leur visite pourrait bien ne pas te plaire, Joe. It's a place to stop for caravans that frequent central Africa, and you might not like their visit, Joe. —Est-ce qu'il y a encore par ici de ces affreux Nyam-Nyam ? -Are there any more of those awful Nyam-Nyam around here? —Sans doute, c'est le nom général de toutes ces populations, et, sous le même climat, les mêmes races doivent avoir des habitudes pareilles. "No doubt, it is the general name of all these populations, and, under the same climate, the same races must have similar habits." —Pouah ! fit Joe! Après tout, cela est bien naturel ! After all, this is only natural! Si des sauvages avaient les goûts des gentlemen, où serait la différence ? If savages had the tastes of gentlemen, where would the difference be? Par exemple, voilà des braves gens qui ne se seraient pas fait prier pour avaler le beefsteak de l'Écossais, et même l'Écossais par-dessus le marché. For example, these are good people who wouldn't have been asked to swallow the Scottish beefsteak, and even the Scottish over the market. Sur cette réflexion très sensée, Joe alla dresser ses bûchers pour la nuit, les faisant aussi minces que possible. On this very sensible reflection, Joe went to erect his pyres for the night, making them as thin as possible. Ces précautions furent heureusement inutiles, et chacun s'endormit tour à tour dans un profond sommeil. These precautions were luckily useless, and each one fell asleep in turn in a deep sleep. Le lendemain, le temps ne changea pas encore ; il se maintenait au beau avec obstination. The next day, the weather did not change yet; he stubbornly maintained his beauty. Le ballon demeurait immobile, sans qu'aucune oscillation ne vînt trahir un souffle de vent. The balloon remained motionless, without any oscillation betraying a breath of wind. Le docteur recommençait à s'inquiéter : si le voyage devait ainsi se prolonger, les vivres seraient insuffisants. The doctor began to worry again: if the trip were to be prolonged, food would be insufficient. Après avoir failli succomber faute d'eau, en serait-on réduit à mourir de faim ? After almost succumbing for lack of water, would we be reduced to starving? Mais il reprit assurance en voyant le mercure baisser très sensiblement dans le baromètre ; il y avait des signes évidents d'un changement prochain dans l'atmosphère ; il résolut donc de faire ses préparatifs de départ pour profiter de la première occasion ; la caisse d'alimentation et la caisse à eau furent entièrement remplies toutes les deux. But he regained confidence when he saw the mercury drop very appreciably in the barometer; there were obvious signs of an imminent change in the atmosphere; he therefore resolved to make his preparations for departure to take advantage of the first opportunity; both the feed and water boxes were completely filled. Fergusson dut rétablir ensuite l'équilibre de l'aérostat, et Joe fut obligé de sacrifier une notable partie de son précieux minerai. Fergusson then had to restore the balance of the aerostat, and Joe was forced to sacrifice a significant part of his precious ore. Avec la santé, les idées d'ambition lui étaient revenues ; il fit plus d'une grimace avant d'obéir à son maître ; mais celui-ci lui démontra qu'il ne pouvait enlever un poids aussi considérable ; il lui donna à choisir entre l'eau ou l'or ; Joe n'hésita plus, et il jeta sur le sable une forte quantité de ses précieux cailloux With health, ideas of ambition had returned to him; he made more than one grimace before obeying his master; but the latter showed him that he could not remove such a considerable weight; he gave her a choice between water or gold; Joe no longer hesitated, and threw a large quantity of his precious stones on the sand « Voilà pour ceux qui viendront après nous, dit-il ; ils seront bien étonnés de trouver la fortune en pareil lieu. "So much for those who will come after us," said he; they will be very surprised to find fortune in such a place.

—Eh ! fit Kennedy, si quelque savant voyageur vient à rencontrer ces échantillons ?... said Kennedy, "if any learned traveler comes across these samples? ...

—Ne doute pas, mon cher Dick, qu'il n'en soit fort surpris et qu'il ne publie sa surprise en nombreux in-folios ! "No doubt, my dear Dick, that he will be very surprised and that he will publish his surprise in numerous infolios!" Nous entendrons parler quelque jour d'un merveilleux gisement de quartz aurifère au milieu des sables de l'Afrique. We will hear some day about a wonderful deposit of gold quartz in the middle of the sands of Africa. —Et c'est Joe qui en sera la cause. "And Joe will be the cause." L'idée de mystifier peut-être quelque savant consola le brave garçon et le fit sourire. The idea of perhaps mystifying some scholar consoled the good boy and made him smile. Pendant le reste de la journée, le docteur attendit vainement un changement dans l'atmosphère. For the rest of the day, the doctor waited in vain for a change in the atmosphere. La température s'éleva et, sans les ombrages de l'oasis, elle eut été insoutenable. The temperature rose and, without the shade of the oasis, it would have been unbearable. Le thermomètre marqua au soleil cent quarante-neuf degrés [50]. The thermometer marked a hundred and forty-nine degrees in the sun [50]. Une véritable pluie de feu traversait l'air. A real rain of fire crossed the air. Ce fut la plus haute chaleur qui eut encore été observée. It was the highest heat yet observed.

Joe disposa comme la veille le bivouac du soir, et, pendant les quarts du docteur et de Kennedy, il ne se produisit aucun incident nouveau. Joe set up the evening bivouac the day before, and during the doctor and Kennedy shifts there were no new incidents.

Mais, vers trois heures du matin, Joe veillant, la température s'abaissa subitement, le ciel se couvrit de nuages, et l'obscurité augmenta. But, around three in the morning, Joe watching, the temperature suddenly dropped, the sky became cloudy, and the darkness increased. « Alerte ! s'écria Joe en réveillant ses deux compagnons ! cried Joe, waking up his two companions! alerte ! voici le vent.

—Enfin ! dit le docteur en considérant le ciel, c'est une tempête ! Au  Victoria ! au  Victoria ! Il était temps d'y arriver. Le  Victoria se courbait sous l'effort de l'ouragan et entraînait la nacelle qui rayait le sable. The Victoria bowed under the force of the hurricane and dragged the basket that scratched the sand. Si, par hasard, une partie du lest eut été précipitée à terre, le ballon serait parti, et tout espoir de le retrouver eut été à jamais perdu. If, by chance, part of the ballast had been thrown to the ground, the balloon would have left, and all hope of finding it would have been lost forever.

Mais le rapide Joe courut à toutes jambes et arrêta la nacelle, tandis que l'aérostat se couchait sur le sable au risque de se déchirer. But the fast Joe ran at full speed and stopped the basket, while the aerostat lay down on the sand at the risk of tearing. Le docteur prit sa place habituelle, alluma son chalumeau, et jeta l'excès de poids. The doctor took his usual place, lit his torch, and threw away the excess weight. Les voyageurs regardèrent une dernière fois les arbres de l'oasis qui pliaient sous la tempête, et bientôt, ramassant le vent d'est à deux cents pieds du sol, ils disparurent dans la nuit. The travelers looked one last time at the trees of the oasis which were bending under the storm, and soon, picking up the east wind at two hundred feet from the ground, they disappeared into the night.