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LA MACHINE À EXPLORER LE TEMPS, CHAPITRE XII – DANS LES TENÉBRES

CHAPITRE XII – DANS LES TENÉBRES

« Nous sortîmes du palais alors que le soleil était encore en partie au-dessus de l'horizon. J'avais décidé d'atteindre le Sphinx Blanc le lendemain matin de bonne heure et je me proposais de traverser avant la nuit la forêt qui m'avait arrêté en venant. Mon plan était d'aller aussi loin que possible ce soir-là, et ensuite de préparer un feu à la lueur duquel nous pourrions dormir. En conséquence, au long du chemin, je ramassai des herbes sèches et des branches dont j'eus bientôt les bras remplis ; ainsi chargé, nous avancions plus lentement que je ne l'avais prévu, et de plus Weena était très fatiguée. Je commençai aussi à sentir un assoupissement me gagner ; si bien qu'il faisait tout à fait nuit lorsque nous atteignîmes l'orée de la forêt. Weena, redoutant l'obscurité, aurait voulu s'arrêter à la lisière ; mais la singulière sensation d'une calamité imminente qui aurait dû, en fait, me servir d'avertissement, m'entraîna en avant. Je n'avais pas dormi depuis deux jours et une nuit, et j'étais fiévreux et irritable ; je sentais le sommeil me vaincre, et avec lui venir les Morlocks.

« Tandis que nous hésitions, je vis parmi les buissons, ternes dans l'obscurité profonde, trois formes rampantes. Il y avait tout autour de nous des broussailles et de hautes herbes, et je ne me sentais pas protégé contre leur approche insidieuse. La forêt, à ce que je supposais, devait avoir un peu plus d'un kilomètre de largeur. Si nous pouvions, en la traversant, atteindre le versant dénudé de la colline, là, me semblait-il, nous trouverions un lieu de repos absolument sûr : je pensai qu'avec mes allumettes et le camphre je réussirais à éclairer mon chemin à travers la forêt. Cependant il était évident que si j'avais à agiter d'une main les allumettes, il me faudrait abandonner ma provision de bois ; aussi, je la posai à terre, bien à contrecœur. Alors me vint l'idée de stupéfier nos amis derrière nous en l'allumant. Je devais bientôt découvrir l'atroce folie de cet acte, mais il se présentait à mon esprit comme une tactique ingénieuse, destinée à couvrir notre retraite.

« Je ne sais pas si vous avez jamais songé à la rareté d'une flamme naturelle en l'absence de toute intervention humaine et sous un climat tempéré. La chaleur solaire est rarement assez forte pour produire la flamme, même quand elle est concentrée par des gouttes de rosée, comme c'est quelquefois le cas en des contrées plus tropicales. La foudre peut abattre et carboniser, mais elle est rarement la cause d'incendies considérables. Des végétaux en décomposition peuvent occasionnellement couver de fortes chaleurs pendant la fermentation ; mais il est rare qu'il en résulte de la flamme. À cette époque de décadence, l'art de produire le feu avait été oublié sur la terre. Les langues rouges qui s'élevaient en léchant le tas de bois étaient pour Weena une chose étrange et entièrement nouvelle.

« Elle voulait en prendre et jouer avec ; je crois qu'elle se serait jetée dedans si je ne l'avais pas retenue. Mais je l'enlevai dans mes bras et, en dépit de sa résistance, m'enfonçai hardiment, droit devant moi, dans la forêt. Jusqu'à une certaine distance la flamme éclaira mon chemin. En me retournant, je pus voir, à travers la multitude des troncs, que de mon tas de brindilles la flamme s'étendait à quelques broussailles adjacentes et qu'une courbe de feu s'avançait dans les herbes de la colline. À cette vue, j'éclatai de rire, et, me retournant du côté des arbres obscurs, je me remis en marche. Il faisait très sombre, et Weena se cramponnait à moi convulsivement ; mais comme mes yeux s'accoutumaient à l'obscurité, il faisait encore suffisamment clair pour que je pusse éviter les troncs. Au-dessus de moi, tout était noir, excepté çà et là une trouée où le ciel bleu lointain brillait sur nous. Je n'allumai pas d'allumettes parce que mes mains n'étaient pas libres. Sur mon bras gauche je portais ma petite amie, et dans ma main droite j'avais ma barre de fer.

« Pendant un certain temps, je n'entendis autre chose que les craquements des branches sous mes pieds, le frémissement de la brise dans les arbres, ma propre respiration et les pulsations du sang à mes oreilles. Puis il me sembla percevoir une infinité de petits bruits autour de moi. Les petits bruits répétés devinrent plus distincts, et je perçus clairement les sons et les voix bizarres que j'avais entendus déjà dans le monde souterrain. Ce devaient être évidemment les Morlocks qui m'enveloppaient peu à peu. Et de fait, une minute après, je sentis un tiraillement à mon habit, puis quelque chose à mon bras ; Weena frissonna violemment et devint complètement immobile.

« C'était le moment de craquer une allumette. Mais pour cela il me fallut poser Weena à terre. Tandis que je fouillais dans ma poche, une lutte s'engagea dans les ténèbres à mes genoux ; Weena absolument silencieuse et les Morlocks roucoulant de leur singulière façon, et de petites mains molles tâtant mes habits et mon dos, allant même jusqu'à mon cou. Alors je grattai l'allumette qui s'enflamma en crépitant. Je la levai en l'air et vis les dos livides des Morlocks qui s'enfuyaient parmi les troncs. Je pris en hâte un morceau de camphre et me tins prêt à l'enflammer dès que l'allumette serait sur le point de s'éteindre. Puis j'examinai Weena. Elle était étendue, étreignant mes jambes, inanimée et la face contre le sol. Pris d'une terreur soudaine, je me penchai vers elle. Elle respirait à peine ; j'allumai le morceau de camphre et le posai à terre ; tandis qu'il éclatait et flambait, éloignant les Morlocks et les ténèbres, je m'agenouillai et soulevai Weena. Derrière moi, le bois semblait plein de l'agitation et du murmure d'une troupe nombreuse.

« Weena paraissait évanouie. Je la mis doucement sur mon épaule et me relevai pour partir, mais l'horrible réalité m'apparut. En m'occupant des allumettes et de Weena, j'avais tourné plusieurs fois sur moi-même et je n'avais plus maintenant la moindre idée de la direction à suivre. Tout ce que je pus savoir, c'est que probablement je faisais face au Palais de Porcelaine Verte. Une sueur froide m'envahit. Il me fallait rapidement prendre une décision. Je résolus d'allumer un feu et de camper où nous étions. J'adossai Weena, toujours inanimée, contre un tronc moussu, et en toute hâte, avant que mon premier morceau de camphre ne s'éteignît, je me mis à rassembler des brindilles et des feuilles sèches. Ici et là, dans les ténèbres, les yeux des Morlocks étincelaient comme des escarboucles.

« La flamme du camphre vacilla et s'éteignit. Je craquai une allumette et aussitôt deux formes blêmes, qui dans le court intervalle d'obscurité s'étaient approchées de Weena, s'enfuirent, et l'une d'elles fut tellement aveuglée par la lueur soudaine qu'elle vint droit à moi, et je sentis ses os se broyer sous le coup de poing que je lui assenai ; elle poussa un cri de terreur, chancela un moment et s'abattit. J'enflammai un autre morceau de camphre et continuai de rassembler mon bûcher. Soudain je remarquai combien sec était le feuillage au-dessus de moi, car depuis mon arrivée sur la Machine, l'espace d'une semaine, il n'était pas tombé une goutte de pluie. Aussi, au lieu de chercher entre les arbres des brindilles tombées, je me mis à atteindre et à briser des branches. J'eus bientôt un feu de bois vert et de branches sèches qui répandait une fumée suffocante, mais qui me permettait d'économiser mon camphre. Alors je m'occupai de Weena, toujours étendue auprès de ma massue de fer. Je fis tout ce que je pus pour la ranimer, mais elle était comme morte. Je ne pus même me rendre compte si elle respirait ou non.

« La fumée maintenant se rabattait dans ma direction et, engourdi par son âcre odeur, je dus m'assoupir tout d'un coup. De plus il y avait encore dans l'air des vapeurs de camphre. Mon feu pouvait durer encore pendant une bonne heure. Je me sentais épuisé après tant d'efforts et je m'étais assis. La forêt aussi était pleine d'un étourdissant murmure dont je ne pouvais comprendre la cause. Il me sembla que je venais de fermer les yeux et que je les rouvrais. Mais tout était noir et sur moi je sentis les mains des Morlocks. Repoussant vivement leurs doigts agrippeurs, en hâte, je cherchai dans ma poche la boîte d'allumettes… Elle n'y était plus ! Alors ils me saisirent et cherchèrent à me maintenir. En une seconde je compris ce qui s'était passé. Je m'étais endormi et le feu s'était éteint : l'amertume de la mort m'emplit l'âme. La forêt semblait envahie par une odeur de bois qui brûle. Je fus saisi, par le cou, par les cheveux, par les bras, et maintenu à terre ; ce fut une indicible horreur de sentir dans l'obscurité toutes ces créatures molles entassées sur moi. J'eus la sensation de me trouver pris dans une énorme toile d'araignée. J'étais accablé et ne luttais plus. Mais soudain je me sentis mordu au cou par de petites dents aiguës. Je me roulai de côté et par hasard ma main rencontra le levier de fer. Cela me redonna du courage. Je me débattis, secouant de sur moi ces rats humains et, tenant court le levier, je frappai où je croyais qu'étaient leurs têtes, je sentais sous mes coups un délicieux écrasement de chair et d'os, et en un instant je fus délivré.

« L'étrange exultation qui, si souvent, accompagne un rude combat m'envahit. Je savais que Weena et moi étions perdus, mais je résolus que les Morlocks paieraient cher notre peau. Je m'adossai à un arbre, brandissant ma barre de fer devant moi. La forêt entière était pleine de leurs cris et de leur agitation. Une minute s'écoula. Leurs voix semblèrent s'élever à un haut diapason d'excitation, et leurs mouvements devinrent plus rapides. Pourtant aucun ne passa à portée de mes coups. Je restai là, cherchant à percer les ténèbres, quand tout à coup l'espoir me revint : quoi donc pouvait ainsi effrayer les Morlocks ? Et au même moment, je vis une chose étrange. Les ténèbres parurent devenir lumineuses. Vaguement, je commençai à distinguer les Morlocks autour de moi – trois d'entre eux abattus à mes pieds – et je remarquai alors, avec une surprise incrédule, que les autres s'enfuyaient en flots incessants, à travers la forêt, droit devant moi, et leurs dos n'étaient plus du tout blancs, mais rougeâtres. Tandis que, bouche bée, je les regardais passer, je vis dans une trouée de ciel étoilé, entre les branches, une petite étincelle rouge voltiger et disparaître. Et je compris alors l'odeur du bois qui brûle, le murmure étourdissant qui maintenant devenait un grondement, les reflets rougeâtres et la fuite des Morlocks.

« M'écartant un instant de mon tronc d'arbre, je regardai en arrière et je vis, entre les piliers noirs des arbres les plus proches, les flammes de la forêt en feu. C'était mon premier bivouac qui me rattrapait. Je cherchai Weena, mais elle n'était plus là. Derrière moi, les sifflements et les craquements, le bruit d'explosion de chaque tronc qui prenait feu laissaient peu de temps pour réfléchir. Ma barre de fer bien en main, je courus sur les traces des Morlocks. Ce fut une course affolante. Une fois, les flammes s'avancèrent si rapidement sur ma droite que je fus dépassé et dus faire un détour sur la gauche. Mais enfin j'arrivai à une petite clairière et, à cet instant même, un Morlock accourut en trébuchant de mon côté, me frôla et se précipita droit dans les flammes.

« J'allais contempler maintenant le plus horrible et effrayant spectacle qu'il me fût donné de voir dans cet âge à venir. Aux lueurs du feu, il faisait dans cet espace découvert aussi clair qu'en plein jour. Au centre était un monticule, un tumulus, surmonté d'un buisson d'épine desséché. Au-delà, un autre bras de la forêt brûlait, où se tordait déjà d'énormes langues de flamme jaune, qui encerclaient complètement la clairière d'une barrière de feu. Sur le monticule, il y avait trente ou quarante Morlocks, éblouis par la lumière et la chaleur, courant de-ci, de-là, en se heurtant les uns aux autres dans leur confusion. Tout d'abord, je ne pensai pas qu'ils étaient aveuglés, et, avec ma barre de fer, en une frénésie de crainte, je les frappai quand ils m'approchaient, en tuant un et en estropiant plusieurs autres. Mais quand j'eus remarqué les gestes de l'un d'entre eux, tâtonnant autour du buisson d'épine, et que j'eus entendu leurs gémissements, je fus convaincu de leur misérable état d'impuissance au milieu de cette clarté, et je cessai de les frapper.

« Cependant, de temps à autre, l'un d'eux accourait droit sur moi, me donnant chaque fois un frisson d'horreur qui me jetait de côté. Un moment, les flammes baissèrent beaucoup, et je craignis que ces infectes créatures ne pussent m'apercevoir. Je pensais même, avant que cela n'arrivât, à entamer le combat en en tuant quelques-uns ; mais les flammes s'élevèrent de nouveau avec violence et j'attendis. Je me promenai à travers eux en les évitant, cherchant quelque trace de Weena. Mais Weena n'était pas là.

« À la fin, je m'assis au sommet du monticule, contemplant cette troupe étrange d'êtres aveugles, courant ici et là, en tâtonnant et en poussant des cris horribles, tandis que les flammes se rabattaient sur eux. D'épaisses volutes de fumée inondaient le ciel, et à travers les rares déchirures de cet immense dais rouge, lointaines comme si elles appartenaient à un autre univers, étincelaient les petites étoiles. Deux ou trois Morlocks vinrent à trébucher contre moi et je les repoussai à coups de poing en frissonnant.

« Pendant la plus grande partie de cette nuit, je fus persuadé que tout cela n'était qu'un cauchemar. Je me mordis et poussai des cris, dans un désir passionné de m'éveiller. De mes mains je frappai le sol, je me levai et me rassis, errai çà et là et me rassis encore. J'en arrivai à me frotter les yeux et à crier vers la Providence de me permettre de m'éveiller. Trois fois, je vis un Morlock, en une sorte d'agonie, s'élancer tête baissée dans les flammes. Mais, enfin, au-dessus des dernières lueurs rougeoyantes de l'incendie, au-dessus des masses ruisselantes de fumée noire, des troncs d'arbres à demi consumés et du nombre diminué de ces vagues créatures, montèrent les premières blancheurs du jour.

« De nouveau, je me mis en quête de Weena, mais ne la trouvai nulle part. Il était clair que les Morlocks avaient laissé son pauvre petit corps dans la forêt. Je ne puis dire combien cela adoucit ma peine de penser qu'elle avait échappé à l'horrible destin qui lui semblait réservé. En pensant à cela, je fus presque sur le point d'entreprendre un massacre des impuissantes abominations qui couraient encore autour de moi, mais je me contins. Ce monticule, comme je l'ai dit, était une sorte d'îlot dans la forêt. De son sommet, je pouvais maintenant distinguer à travers une brume de fumée le Palais de Porcelaine Verte, ce qui me permit de retrouver ma direction vers le Sphinx Blanc. Alors, abandonnant le reste de ces âmes damnées qui se traînaient encore de-ci, de-là, en gémissant, je liai autour de mes pieds quelques touffes d'herbes et m'avançai, en boitant, à travers les cendres fumantes et parmi les troncs noirs qu'agitait encore une combustion intérieure, dans la direction de la cachette de ma Machine. Je marchais lentement, car j'étais presque épuisé, autant que boiteux, et je me sentais infiniment malheureux de l'horrible mort de la petite Weena. Sa perte me semblait une accablante calamité. En ce moment, dans cette pièce familière, ce que je ressens me paraît être beaucoup plus le regret qui reste d'un rêve qu'une perte véritable. Mais ce matin-là, cette mort me laissait de nouveau absolument seul – terriblement seul. Le souvenir me revint de cette maison, de ce coin du feu, de quelques-uns d'entre vous, et avec ces pensées m'envahit le désir de tout cela, un désir qui était une souffrance.

« Mais, en avançant sur les cendres fumantes, sous le ciel brillant du matin, je fis une découverte. Dans la poche de mon pantalon, il y avait encore quelques allumettes qui avaient dû s'échapper de la boîte avant que les Morlocks ne la prissent.


CHAPITRE XII – DANS LES TENÉBRES CHAPTER XII - IN THE DARKNESS CAPÍTULO XII - EN LA OSCURIDAD HOOFDSTUK XII - IN DE DUISTERNIS ГЛАВА XII - В ТЕМНОТЕ

« Nous sortîmes du palais alors que le soleil était encore en partie au-dessus de l'horizon. “We left the palace while the sun was still partly above the horizon. J'avais décidé d'atteindre le Sphinx Blanc le lendemain matin de bonne heure et je me proposais de traverser avant la nuit la forêt qui m'avait arrêté en venant. I had decided to reach the White Sphinx early the next morning and I intended to cross before dark the forest which had stopped me on my way. Mon plan était d'aller aussi loin que possible ce soir-là, et ensuite de préparer un feu à la lueur duquel nous pourrions dormir. En conséquence, au long du chemin, je ramassai des herbes sèches et des branches dont j'eus bientôt les bras remplis ; ainsi chargé, nous avancions plus lentement que je ne l'avais prévu, et de plus Weena était très fatiguée. Accordingly, along the way, I picked up dry grasses and branches with which I soon had my arms full; thus loaded, we advanced more slowly than I had expected, and moreover Weena was very tired. Je commençai aussi à sentir un assoupissement me gagner ; si bien qu'il faisait tout à fait nuit lorsque nous atteignîmes l'orée de la forêt. I also began to feel a drowsiness coming over me, so that it was quite dark when we reached the edge of the forest. Weena, redoutant l'obscurité, aurait voulu s'arrêter à la lisière ; mais la singulière sensation d'une calamité imminente qui aurait dû, en fait, me servir d'avertissement, m'entraîna en avant. Weena, dreading the darkness, wanted to stop at the edge; but the singular sensation of an impending calamity, which should, in fact, have served me as a warning, carried me forward. Je n'avais pas dormi depuis deux jours et une nuit, et j'étais fiévreux et irritable ; je sentais le sommeil me vaincre, et avec lui venir les Morlocks. I had not slept for two days and one night, and I was feverish and irritable; I felt sleep overcome me, and with it come the Morlocks.

« Tandis que nous hésitions, je vis parmi les buissons, ternes dans l'obscurité profonde, trois formes rampantes. “As we hesitated, I saw among the bushes, dull in the deep darkness, three crawling forms. "Mientras dudábamos, vi tres formas que se arrastraban entre los arbustos, opacas en la profunda oscuridad. Il y avait tout autour de nous des broussailles et de hautes herbes, et je ne me sentais pas protégé contre leur approche insidieuse. There was brush and tall grass all around us, and I didn't feel protected from their insidious approach. La forêt, à ce que je supposais, devait avoir un peu plus d'un kilomètre de largeur. The forest, I guessed, must have been a little over a mile wide. Si nous pouvions, en la traversant, atteindre le versant dénudé de la colline, là, me semblait-il, nous trouverions un lieu de repos absolument sûr : je pensai qu'avec mes allumettes et le camphre je réussirais à éclairer mon chemin à travers la forêt. If we could, by crossing it, reach the bare side of the hill, there, it seemed to me, we would find an absolutely safe resting place: I thought that with my matches and the camphor I would manage to light my way through the forest. Cependant il était évident que si j'avais à agiter d'une main les allumettes, il me faudrait abandonner ma provision de bois ; aussi, je la posai à terre, bien à contrecœur. However, it was obvious that if I had to wave the matches with one hand, I would have to abandon my supply of wood; so I put her down, very reluctantly. Sin embargo, era obvio que si tenía que agitar las cerillas con una mano, tendría que renunciar a mi provisión de leña, así que la dejé a regañadientes. Alors me vint l'idée de stupéfier nos amis derrière nous en l'allumant. So the idea came to me to amaze our friends behind us by lighting it. Je devais bientôt découvrir l'atroce folie de cet acte, mais il se présentait à mon esprit comme une tactique ingénieuse, destinée à couvrir notre retraite. I was soon to discover the atrocious madness of this act, but it presented itself to my mind as an ingenious tactic, intended to cover our retreat.

« Je ne sais pas si vous avez jamais songé à la rareté d'une flamme naturelle en l'absence de toute intervention humaine et sous un climat tempéré. “I don't know if you've ever thought about the rarity of a natural flame in the absence of any human intervention and in a temperate climate. La chaleur solaire est rarement assez forte pour produire la flamme, même quand elle est concentrée par des gouttes de rosée, comme c'est quelquefois le cas en des contrées plus tropicales. The solar heat is seldom strong enough to produce the flame, even when it is concentrated by drops of dew, as is sometimes the case in more tropical countries. La foudre peut abattre et carboniser, mais elle est rarement la cause d'incendies considérables. Lightning can strike down and char, but it rarely causes major fires. Des végétaux en décomposition peuvent occasionnellement couver de fortes chaleurs pendant la fermentation ; mais il est rare qu'il en résulte de la flamme. La materia vegetal en descomposición puede arder ocasionalmente durante la fermentación, pero es raro que se produzcan llamas. À cette époque de décadence, l'art de produire le feu avait été oublié sur la terre. At this time of decadence, the art of producing fire had been forgotten on earth. Les langues rouges qui s'élevaient en léchant le tas de bois étaient pour Weena une chose étrange et entièrement nouvelle. The red tongues that rose as they licked the pile of wood were a strange and entirely new thing to Weena.

« Elle voulait en prendre et jouer avec ; je crois qu'elle se serait jetée dedans si je ne l'avais pas retenue. “She wanted to take it and play with it; I think she would have thrown herself into it if I hadn't held her back. Mais je l'enlevai dans mes bras et, en dépit de sa résistance, m'enfonçai hardiment, droit devant moi, dans la forêt. But I picked her up in my arms and, despite her resistance, plunged boldly straight ahead into the forest. Pero le cogí en brazos y, a pesar de su resistencia, me adentré con valentía en el bosque. Jusqu'à une certaine distance la flamme éclaira mon chemin. En me retournant, je pus voir, à travers la multitude des troncs, que de mon tas de brindilles la flamme s'étendait à quelques broussailles adjacentes et qu'une courbe de feu s'avançait dans les herbes de la colline. Turning around, I could see, through the multitude of trunks, that from my heap of twigs the flame extended to some adjacent brushwood and that a curve of fire advanced in the grasses of the hill. À cette vue, j'éclatai de rire, et, me retournant du côté des arbres obscurs, je me remis en marche. At this sight, I burst out laughing, and, turning towards the side of the dark trees, I set off again. Il faisait très sombre, et Weena se cramponnait à moi convulsivement ; mais comme mes yeux s'accoutumaient à l'obscurité, il faisait encore suffisamment clair pour que je pusse éviter les troncs. It was very dark, and Weena clung to me convulsively; but as my eyes grew accustomed to the darkness, it was still light enough for me to avoid the tree trunks. Estaba muy oscuro y Weena se aferró a mí convulsivamente, pero cuando mis ojos se acostumbraron a la oscuridad, aún había luz suficiente para evitar los troncos. Au-dessus de moi, tout était noir, excepté çà et là une trouée où le ciel bleu lointain brillait sur nous. Above me everything was black, except here and there a gap where the distant blue sky shone down on us. Je n'allumai pas d'allumettes parce que mes mains n'étaient pas libres. I didn't light any matches because my hands weren't free. Sur mon bras gauche je portais ma petite amie, et dans ma main droite j'avais ma barre de fer. On my left arm I carried my girlfriend, and in my right hand I had my iron bar.

« Pendant un certain temps, je n'entendis autre chose que les craquements des branches sous mes pieds, le frémissement de la brise dans les arbres, ma propre respiration et les pulsations du sang à mes oreilles. Puis il me sembla percevoir une infinité de petits bruits autour de moi. Then I seemed to perceive an infinity of small noises around me. Les petits bruits répétés devinrent plus distincts, et je perçus clairement les sons et les voix bizarres que j'avais entendus déjà dans le monde souterrain. The repeated little noises became more distinct, and I clearly perceived the odd sounds and voices I had heard before in the underworld. Ce devaient être évidemment les Morlocks qui m'enveloppaient peu à peu. Et de fait, une minute après, je sentis un tiraillement à mon habit, puis quelque chose à mon bras ; Weena frissonna violemment et devint complètement immobile. And in fact, a minute later, I felt a tug in my coat, then something in my arm; Weena shivered violently and became completely still.

« C'était le moment de craquer une allumette. “It was time to strike a match. Mais pour cela il me fallut poser Weena à terre. But for that I had to put Weena down. Tandis que je fouillais dans ma poche, une lutte s'engagea dans les ténèbres à mes genoux ; Weena absolument silencieuse et les Morlocks roucoulant de leur singulière façon, et de petites mains molles tâtant mes habits et mon dos, allant même jusqu'à mon cou. As I reached into my pocket, a struggle broke out in the darkness at my knees; Weena absolutely silent and the Morlocks cooing in their peculiar way, and soft little hands feeling my clothes and my back, even reaching up to my neck. Alors je grattai l'allumette qui s'enflamma en crépitant. So I struck the match, which ignited with a crackle. Je la levai en l'air et vis les dos livides des Morlocks qui s'enfuyaient parmi les troncs. I lifted it in the air and saw the livid backs of the Morlocks fleeing among the trunks. Je pris en hâte un morceau de camphre et me tins prêt à l'enflammer dès que l'allumette serait sur le point de s'éteindre. I quickly grabbed a piece of camphor and stood ready to light it as soon as the match was about to go out. Puis j'examinai Weena. Then I examined Weena. Elle était étendue, étreignant mes jambes, inanimée et la face contre le sol. She was lying, hugging my legs, lifeless and face down on the floor. Pris d'une terreur soudaine, je me penchai vers elle. Taken by a sudden terror, I leaned towards her. Elle respirait à peine ; j'allumai le morceau de camphre et le posai à terre ; tandis qu'il éclatait et flambait, éloignant les Morlocks et les ténèbres, je m'agenouillai et soulevai Weena. She was barely breathing; I lit the piece of camphor and put it on the ground; as it burst and flamed, driving away the Morlocks and the darkness, I knelt down and lifted Weena. Derrière moi, le bois semblait plein de l'agitation et du murmure d'une troupe nombreuse. Behind me the wood seemed full of the bustle and murmur of a large troop.

« Weena paraissait évanouie. “Weena looked passed out. Je la mis doucement sur mon épaule et me relevai pour partir, mais l'horrible réalité m'apparut. I put her gently on my shoulder and got up to leave, but the horrible reality dawned on me. En m'occupant des allumettes et de Weena, j'avais tourné plusieurs fois sur moi-même et je n'avais plus maintenant la moindre idée de la direction à suivre. While dealing with matches and Weena, I had spun around several times and now had no idea which way to go. Mientras cuidaba de las cerillas y de Weena, me había dado la vuelta varias veces y ahora no tenía ni idea de qué camino tomar. Tout ce que je pus savoir, c'est que probablement je faisais face au Palais de Porcelaine Verte. All I could tell was that I was probably facing the Green Porcelain Palace. Une sueur froide m'envahit. A cold sweat washes over me. Il me fallait rapidement prendre une décision. I had to quickly make a decision. Je résolus d'allumer un feu et de camper où nous étions. I resolved to light a fire and camp where we were. J'adossai Weena, toujours inanimée, contre un tronc moussu, et en toute hâte, avant que mon premier morceau de camphre ne s'éteignît, je me mis à rassembler des brindilles et des feuilles sèches. I leaned Weena, still lifeless, against a mossy log, and in a hurry, before my first piece of camphor was extinguished, I began to gather twigs and dry leaves. Ici et là, dans les ténèbres, les yeux des Morlocks étincelaient comme des escarboucles. Here and there in the darkness the eyes of the Morlocks sparkled like carbuncles.

« La flamme du camphre vacilla et s'éteignit. “The camphor flame flickered and went out. Je craquai une allumette et aussitôt deux formes blêmes, qui dans le court intervalle d'obscurité s'étaient approchées de Weena, s'enfuirent, et l'une d'elles fut tellement aveuglée par la lueur soudaine qu'elle vint droit à moi, et je sentis ses os se broyer sous le coup de poing que je lui assenai ; elle poussa un cri de terreur, chancela un moment et s'abattit. I struck a match and immediately two pale forms, which in the short interval of darkness had approached Weena, fled, and one of them was so blinded by the sudden glow that it came straight at me. , and I felt his bones crush under the blow of the fist which I struck him; she uttered a cry of terror, staggered for a moment, and fell down. J'enflammai un autre morceau de camphre et continuai de rassembler mon bûcher. I ignited another piece of camphor and continued to gather my pyre. Soudain je remarquai combien sec était le feuillage au-dessus de moi, car depuis mon arrivée sur la Machine, l'espace d'une semaine, il n'était pas tombé une goutte de pluie. Suddenly I noticed how dry the foliage above me was, for since my arrival on the Machine, for the space of a week, not a drop of rain had fallen. Aussi, au lieu de chercher entre les arbres des brindilles tombées, je me mis à atteindre et à briser des branches. So instead of searching between the trees for fallen twigs, I started reaching and breaking branches. J'eus bientôt un feu de bois vert et de branches sèches qui répandait une fumée suffocante, mais qui me permettait d'économiser mon camphre. I soon had a fire of green wood and dry branches which spread suffocating smoke, but which allowed me to save my camphor. Alors je m'occupai de Weena, toujours étendue auprès de ma massue de fer. So I took care of Weena, still lying beside my iron club. Je fis tout ce que je pus pour la ranimer, mais elle était comme morte. I did everything I could to revive her, but she was dead. Je ne pus même me rendre compte si elle respirait ou non. I couldn't even tell if she was breathing or not.

« La fumée maintenant se rabattait dans ma direction et, engourdi par son âcre odeur, je dus m'assoupir tout d'un coup. “The smoke was now beating in my direction and, numbed by its pungent smell, I must have dozed off suddenly. "El humo soplaba ahora en mi dirección y, adormecido por su olor acre, me quedé dormido de repente. De plus il y avait encore dans l'air des vapeurs de camphre. Moreover there were still fumes of camphor in the air. Mon feu pouvait durer encore pendant une bonne heure. My fire could last for another good hour. Je me sentais épuisé après tant d'efforts et je m'étais assis. I felt exhausted after so much effort and sat down. La forêt aussi était pleine d'un étourdissant murmure dont je ne pouvais comprendre la cause. The forest too was full of a deafening murmur whose cause I could not understand. En el bosque también se oía un murmullo vertiginoso cuya causa no podía comprender. Il me sembla que je venais de fermer les yeux et que je les rouvrais. It seemed to me that I had just closed my eyes and that I opened them again. Mais tout était noir et sur moi je sentis les mains des Morlocks. But everything was dark and on me I felt the hands of the Morlocks. Repoussant vivement leurs doigts agrippeurs, en hâte, je cherchai dans ma poche la boîte d'allumettes… Elle n'y était plus ! Pushing away their gripping fingers, I hurriedly searched my pocket for the box of matches… It was gone! Aparté a toda prisa sus dedos, busqué la caja de cerillas en el bolsillo... ¡Ya no estaba! Alors ils me saisirent et cherchèrent à me maintenir. So they grabbed me and tried to hold me down. En une seconde je compris ce qui s'était passé. In a second I understood what had happened. Je m'étais endormi et le feu s'était éteint : l'amertume de la mort m'emplit l'âme. I fell asleep and the fire went out: the bitterness of death fills my soul. La forêt semblait envahie par une odeur de bois qui brûle. The forest seemed invaded by the smell of burning wood. Je fus saisi, par le cou, par les cheveux, par les bras, et maintenu à terre ; ce fut une indicible horreur de sentir dans l'obscurité toutes ces créatures molles entassées sur moi. I was seized by the neck, by the hair, by the arms, and held to the ground; it was an unspeakable horror to feel in the darkness all these soft creatures piled up on me. J'eus la sensation de me trouver pris dans une énorme toile d'araignée. I felt like I was caught in a huge spider's web. J'étais accablé et ne luttais plus. I was overwhelmed and no longer struggled. Mais soudain je me sentis mordu au cou par de petites dents aiguës. But suddenly I felt bitten in the neck by small sharp teeth. Je me roulai de côté et par hasard ma main rencontra le levier de fer. I rolled over and by chance my hand found the iron lever. Cela me redonna du courage. It gave me courage. Je me débattis, secouant de sur moi ces rats humains et, tenant court le levier, je frappai où je croyais qu'étaient leurs têtes, je sentais sous mes coups un délicieux écrasement de chair et d'os, et en un instant je fus délivré. I struggled, shaking these human rats off me and, holding the lever short, I struck where I thought their heads were, I felt under my blows a delicious crushing of flesh and bone, and in an instant I was issued.

« L'étrange exultation qui, si souvent, accompagne un rude combat m'envahit. “The strange exultation that so often accompanies a tough fight overwhelms me. Je savais que Weena et moi étions perdus, mais je résolus que les Morlocks paieraient cher notre peau. I knew Weena and I were lost, but I resolved that the Morlocks would pay dearly for us. Je m'adossai à un arbre, brandissant ma barre de fer devant moi. I leaned against a tree, brandishing my iron bar in front of me. La forêt entière était pleine de leurs cris et de leur agitation. The entire forest was full of their cries and commotion. Une minute s'écoula. A minute passed. Leurs voix semblèrent s'élever à un haut diapason d'excitation, et leurs mouvements devinrent plus rapides. Their voices seemed to rise to a high pitch of excitement, and their movements became quicker. Pourtant aucun ne passa à portée de mes coups. Yet none passed within range of my blows. Je restai là, cherchant à percer les ténèbres, quand tout à coup l'espoir me revint : quoi donc pouvait ainsi effrayer les Morlocks ? I stood there, trying to pierce the darkness, when suddenly hope returned to me: what could have frightened the Morlocks like this? Et au même moment, je vis une chose étrange. And at the same time, I saw a strange thing. Les ténèbres parurent devenir lumineuses. The darkness seemed to turn bright. Vaguement, je commençai à distinguer les Morlocks autour de moi – trois d'entre eux abattus à mes pieds – et je remarquai alors, avec une surprise incrédule, que les autres s'enfuyaient en flots incessants, à travers la forêt, droit devant moi, et leurs dos n'étaient plus du tout blancs, mais rougeâtres. Vaguely, I began to make out the Morlocks around me - three of them slain at my feet - and then noticed, with incredulous surprise, that the others fled in ceaseless streams, through the forest, straight ahead of me. , and their backs were no longer white at all, but reddish. Tandis que, bouche bée, je les regardais passer, je vis dans une trouée de ciel étoilé, entre les branches, une petite étincelle rouge voltiger et disparaître. While, speechless, I watched them pass, I saw in a gap in the starry sky, between the branches, a small red spark flutter and disappear. Et je compris alors l'odeur du bois qui brûle, le murmure étourdissant qui maintenant devenait un grondement, les reflets rougeâtres et la fuite des Morlocks. And then I understood the smell of burning wood, the deafening murmur that now became a roar, the reddish reflections and the flight of the Morlocks.

« M'écartant un instant de mon tronc d'arbre, je regardai en arrière et je vis, entre les piliers noirs des arbres les plus proches, les flammes de la forêt en feu. “Standing away from my tree trunk for a moment, I looked back and saw, between the black pillars of the nearest trees, the flames of the burning forest. C'était mon premier bivouac qui me rattrapait. It was my first bivouac which caught up with me. Era mi primer vivac y me estaba pasando factura. Je cherchai Weena, mais elle n'était plus là. I looked for Weena, but she was gone. Derrière moi, les sifflements et les craquements, le bruit d'explosion de chaque tronc qui prenait feu laissaient peu de temps pour réfléchir. Behind me, the hissing and creaking, the exploding sound of each log catching fire left little time to think. Ma barre de fer bien en main, je courus sur les traces des Morlocks. My iron bar well in hand, I ran in the footsteps of the Morlocks. Ce fut une course affolante. It was a maddening race. Une fois, les flammes s'avancèrent si rapidement sur ma droite que je fus dépassé et dus faire un détour sur la gauche. Once the flames advanced so rapidly to my right that I was overtaken and had to detour to the left. Mais enfin j'arrivai à une petite clairière et, à cet instant même, un Morlock accourut en trébuchant de mon côté, me frôla et se précipita droit dans les flammes. But at last I came to a small clearing, and just then a Morlock stumbled up to my side, brushed past me, and rushed straight into the flames.

« J'allais contempler maintenant le plus horrible et effrayant spectacle qu'il me fût donné de voir dans cet âge à venir. “I was about to behold now the most horrible and terrifying sight I have ever seen in this age to come. Aux lueurs du feu, il faisait dans cet espace découvert aussi clair qu'en plein jour. By the light of the fire, the open space was as bright as day. Au centre était un monticule, un tumulus, surmonté d'un buisson d'épine desséché. In the center was a mound, a tumulus, topped with a withered thorn bush. Au-delà, un autre bras de la forêt brûlait, où se tordait déjà d'énormes langues de flamme jaune, qui encerclaient complètement la clairière d'une barrière de feu. Beyond, another arm of the forest was burning, already writhing huge tongues of yellow flame, completely encircling the clearing with a barrier of fire. Sur le monticule, il y avait trente ou quarante Morlocks, éblouis par la lumière et la chaleur, courant de-ci, de-là, en se heurtant les uns aux autres dans leur confusion. On the mound there were thirty or forty Morlocks, dazzled by the light and the heat, running to and fro, bumping into each other in their confusion. Tout d'abord, je ne pensai pas qu'ils étaient aveuglés, et, avec ma barre de fer, en une frénésie de crainte, je les frappai quand ils m'approchaient, en tuant un et en estropiant plusieurs autres. At first I did not think they were blinded, and with my iron bar, in a frenzy of fear, struck them when they approached me, killing one and crippling several others. Mais quand j'eus remarqué les gestes de l'un d'entre eux, tâtonnant autour du buisson d'épine, et que j'eus entendu leurs gémissements, je fus convaincu de leur misérable état d'impuissance au milieu de cette clarté, et je cessai de les frapper. But when I noticed the gestures of one of them, groping around the thornbush, and heard their moans, I was convinced of their miserable state of helplessness in the midst of that brightness, and I stopped hitting them.

« Cependant, de temps à autre, l'un d'eux accourait droit sur moi, me donnant chaque fois un frisson d'horreur qui me jetait de côté. “However, from time to time, one of them would come running straight at me, each time giving me a shudder of horror that threw me aside. Un moment, les flammes baissèrent beaucoup, et je craignis que ces infectes créatures ne pussent m'apercevoir. For a moment, the flames went down a lot, and I was afraid that those filthy creatures might not see me. Je pensais même, avant que cela n'arrivât, à entamer le combat en en tuant quelques-uns ; mais les flammes s'élevèrent de nouveau avec violence et j'attendis. I was even thinking, before that happened, of starting the fight by killing a few of them; but the flames rose violently again and I waited. Antes de que eso ocurriera, incluso pensé en iniciar la lucha matando a algunos de ellos, pero las llamas volvieron a levantarse violentamente y esperé. Je me promenai à travers eux en les évitant, cherchant quelque trace de Weena. I strolled through them, avoiding them, looking for any trace of Weena. Mais Weena n'était pas là. But Weena wasn't there.

« À la fin, je m'assis au sommet du monticule, contemplant cette troupe étrange d'êtres aveugles, courant ici et là, en tâtonnant et en poussant des cris horribles, tandis que les flammes se rabattaient sur eux. “In the end, I sat on top of the mound, watching this strange troop of blind beings, running hither and thither, groping and uttering horrible cries, while the flames fell on them. D'épaisses volutes de fumée inondaient le ciel, et à travers les rares déchirures de cet immense dais rouge, lointaines comme si elles appartenaient à un autre univers, étincelaient les petites étoiles. Thick curls of smoke flooded the sky, and through the rare tears in this huge red canopy, distant as if they belonged to another universe, sparkled the little stars. Gruesas volutas de humo inundaban el cielo, y a través de las escasas grietas de este inmenso dosel rojo, lejanas como si pertenecieran a otro universo, centelleaban las pequeñas estrellas. Deux ou trois Morlocks vinrent à trébucher contre moi et je les repoussai à coups de poing en frissonnant. Two or three Morlocks stumbled against me, and I punched them away with a shudder.

« Pendant la plus grande partie de cette nuit, je fus persuadé que tout cela n'était qu'un cauchemar. “For most of that night, I was sure it was all a nightmare. Je me mordis et poussai des cris, dans un désir passionné de m'éveiller. I bit myself and cried out, in a passionate desire to wake up. De mes mains je frappai le sol, je me levai et me rassis, errai çà et là et me rassis encore. With my hands I slapped the ground, got up and sat down again, wandered here and there and sat down again. J'en arrivai à me frotter les yeux et à crier vers la Providence de me permettre de m'éveiller. I came to rub my eyes and cry out to Providence to allow me to wake up. Trois fois, je vis un Morlock, en une sorte d'agonie, s'élancer tête baissée dans les flammes. Three times I saw a Morlock, in a sort of agony, throw himself headlong into the flames. Mais, enfin, au-dessus des dernières lueurs rougeoyantes de l'incendie, au-dessus des masses ruisselantes de fumée noire, des troncs d'arbres à demi consumés et du nombre diminué de ces vagues créatures, montèrent les premières blancheurs du jour. But at last, above the last red glow of the fire, above the dripping masses of black smoke, above the half-consumed tree trunks and the diminished number of these vague creatures, rose the first whiteness of the day. Pero al fin, por encima del último resplandor rojo del fuego, por encima de las ondulantes masas de humo negro, de los troncos de los árboles medio quemados y del número cada vez menor de estas vagas criaturas, irrumpió la primera blancura del día.

« De nouveau, je me mis en quête de Weena, mais ne la trouvai nulle part. “Again I searched for Weena, but found her nowhere. Il était clair que les Morlocks avaient laissé son pauvre petit corps dans la forêt. It was clear that the Morlocks had left his poor little body in the forest. Je ne puis dire combien cela adoucit ma peine de penser qu'elle avait échappé à l'horrible destin qui lui semblait réservé. I can't say how much it eases my pain to think that she had escaped the horrible fate that seemed to be in store for her. En pensant à cela, je fus presque sur le point d'entreprendre un massacre des impuissantes abominations qui couraient encore autour de moi, mais je me contins. Thinking of this, I was almost on the verge of undertaking a massacre of the helpless abominations that still stalked around me, but I restrained myself. Ce monticule, comme je l'ai dit, était une sorte d'îlot dans la forêt. This mound, as I said, was a kind of island in the forest. De son sommet, je pouvais maintenant distinguer à travers une brume de fumée le Palais de Porcelaine Verte, ce qui me permit de retrouver ma direction vers le Sphinx Blanc. From its summit, I could now distinguish through a haze of smoke the Palace of Green Porcelain, which allowed me to find my direction towards the White Sphinx. Alors, abandonnant le reste de ces âmes damnées qui se traînaient encore de-ci, de-là, en gémissant, je liai autour de mes pieds quelques touffes d'herbes et m'avançai, en boitant, à travers les cendres fumantes et parmi les troncs noirs qu'agitait encore une combustion intérieure, dans la direction de la cachette de ma Machine. Then, abandoning the rest of those damned souls who were still crawling this way and that, groaning, I tied around my feet a few tufts of grass and limped on through the smoking ashes and among the black trunks still agitated by an interior combustion, in the direction of the hiding place of my Machine. Je marchais lentement, car j'étais presque épuisé, autant que boiteux, et je me sentais infiniment malheureux de l'horrible mort de la petite Weena. I walked slowly, for I was almost exhausted, as well as lame, and I felt infinitely sorry for the horrible death of little Weena. Sa perte me semblait une accablante calamité. His loss seemed to me an overwhelming calamity. En ce moment, dans cette pièce familière, ce que je ressens me paraît être beaucoup plus le regret qui reste d'un rêve qu'une perte véritable. At this moment, in this familiar room, what I feel seems to me to be much more the regret that remains of a dream than a real loss. Mais ce matin-là, cette mort me laissait de nouveau absolument seul – terriblement seul. But that morning, that death left me absolutely alone again – terribly alone. Le souvenir me revint de cette maison, de ce coin du feu, de quelques-uns d'entre vous, et avec ces pensées m'envahit le désir de tout cela, un désir qui était une souffrance. The memory came back to me of this house, of this corner of the fire, of some of you, and with these thoughts invaded me the desire for all that, a desire which was a suffering.

« Mais, en avançant sur les cendres fumantes, sous le ciel brillant du matin, je fis une découverte. “But as I walked over the smoldering ashes, under the bright morning sky, I made a discovery. Dans la poche de mon pantalon, il y avait encore quelques allumettes qui avaient dû s'échapper de la boîte avant que les Morlocks ne la prissent. In my trouser pocket there were still a few matches that must have slipped out of the box before the Morlocks took it. En el bolsillo de mi pantalón aún quedaban algunas cerillas que debieron escaparse de la caja antes de que los Morlocks se la llevaran.