×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

Enlevé Kidnapped, Chapitre 5

Chapitre 5

V. Je vais à Queensferry

La pluie tomba toute la nuit, abondamment, et le matin il souffla du nord-ouest un vent d'hiver qui emporta et dispersa les nuages. Malgré tout, le soleil n'était pas encore levé, ni la dernière étoile disparue, que je m'en allai jusqu'à la rivière où je fis un plongeon dans un endroit calme et profond. Tout revigoré de mon bain, j'allai m'asseoir à nouveau devant le feu, que je bourrai, et examinai sérieusement ma situation.

L'inimitié de mon oncle ne faisait plus de doute. Sans conteste, je tenais ma vie entre mes mains, car il n'épargnerait rien pour venir à bout de me supprimer. Mais j'étais jeune et hardi, et comme beaucoup de jeunes gens élevés à la campagne, j'avais une haute opinion de mon habileté. J'étais venu frapper à sa porte, ne valant guère mieux qu'un mendiant, et à peine plus qu'un enfant ; il m'avait accueilli par la trahison et la violence ; et ce serait une belle revanche que de prendre à mon tour le dessus et de le mener comme un mouton.

J'étais là, le genou entre les mains, et souriant au feu. Je me voyais en imagination lui tirer ses secrets l'un après l'autre et m'impatroniser finalement chez lui comme son maître et seigneur. Le sorcier d'Essendean avait, dit-on, fabriqué un miroir dans lequel on lisait l'avenir ; ce miroir devait être fait d'autre substance que de charbon flambant ; car entre toutes les figures et les tableaux que je vis défiler devant mes yeux, il ne s'offrit pas un navire ni un matelot à bonnet de fourrure, ni une matraque réservée à ma folle tête, ni la moindre apparence de ces tribulations prêtes à fondre sur moi.

À la fin, tout gonflé de mes imaginations, je montai à l'étage, mettre en liberté mon prisonnier. Quand mon oncle fut levé, il me souhaita le bonjour poliment, et je lui répondis avec un sourire de hautaine suffisance. Peu après, nous étions assis à déjeuner, tout comme la veille.

– Eh bien ! monsieur, dis-je, d'un ton railleur, n'avez-vous plus rien à dire ? Et, comme il ne répondait pas : – Il serait temps, je crois, de nous expliquer. Vous m'avez pris pour un Jean-Tout-Cru[7] de la campagne, sans plus d'intelligence ou de courage qu'une tête de poireau, je vous avais pris pour un brave homme, ou du moins guère pire qu'un autre. Il paraît que nous nous trompions tous les deux. Quelle raison vous pouvez avoir de me craindre, de me berner, et d'attenter à ma vie… ?

Il bafouilla qu'il s'agissait d'une plaisanterie, et qu'il aimait beaucoup les farces ; mais, voyant que je souriais, il prit un autre ton, et me jura qu'il s'expliquerait sitôt après le déjeuner. Je lisais sur son visage qu'il n'avait pas de mensonge tout prêt, mais qu'il était à l'œuvre pour en forger un ; et j'allais, je crois, le lui dire, lorsque nous fûmes interrompus par des coups frappés à la porte.

J'ordonnai à mon oncle de rester assis ; j'allai ouvrir, et je vis sur le seuil un jeune garçon, presque un enfant, vêtu en matelot. À mon apparition, il se mit aussitôt à danser quelques pas d'un air de cornemuse (que je n'avais jamais entendu, ni vu), claquant des doigts en mesure, et d'un pied très expert. Cependant, il était bleu de froid ; et il avait sur le visage une expression à mi-chemin des larmes et du rire, qui s'accordait mal avec cette apparente gaieté, et qui me toucha fort.

– Ce qu'on s'amuse, camarade ! s'écria-t-il, d'une voix éraillée.

Je lui demandai avec calme ce qui l'amusait tant.

– Oh ! je m'amuse ! dit-il ; et il se mit à chanter :

Car c'est mon délice, qu'une belle nuit,

Au beau temps de l'année.

– Ma foi, dis-je, si vous n'avez pas d'autre commission, je vais avoir l'incivilité de vous fermer la porte au nez.

– Halte ! frère ! s'écria-t-il. Vous ne savez donc pas rire, ou tenez-vous à ce que je reçoive une rossée ! J'apporte une lettre du vieil Heasy-Oasy à M. Belflower[8]. (Il me montra la lettre tout en parlant.) Et j'ajoute, camarade, que j'ai cruellement faim.

– Eh bien ! dis-je, entrez dans la maison ; et je vous donnerai un morceau, dussé-je me passer de manger.

Je l'introduisis et le fis asseoir à ma place où il attaqua avidement les restes de notre déjeuner, tout en me lançant des clins d'œil et me faisant des tas de grimaces, attitude que le pauvre être considérait sans doute comme virile. Cependant, mon oncle avait lu la lettre et réfléchissait ; soudain, il se leva d'un air plein de vivacité, et me tira à part dans le coin le plus reculé de la pièce.

– Lisez cela, dit-il en me remettant la lettre.

La voici, étalée devant moi, et je la copie :

Auberge de Hawes, à Queensferry.

Monsieur,

Je suis ici à l'ancre prêt à larguer mes amarres, et vous envoie mon mousse pour vous en aviser. Si vous avez quelque autre commission pour les pays d'outre-mer, c'est aujourd'hui qu'il faut vous décider, car le vent nous est propice pour sortir du firth. Je ne vous cacherai pas que j'ai eu des difficultés avec votre agent, M. Rankeillor ; difficultés qui, si elles ne sont pas tôt résolues, pourraient vous attirer des ennuis. J'ai tiré un chèque sur vous, entre parenthèses, et suis, monsieur, Votre très humble et obéissant serviteur.

Elias Hoseason

– Vous voyez, David, reprit mon oncle, aussitôt que j'eus fini, je suis en affaires avec cet Hoseason, le capitaine d'un brick de commerce, le Covenant, de Dysart. Maintenant, si vous voulez que nous accompagnions ce garçon, j'irai voir le capitaine à son auberge, ou mieux à bord du Covenant, pour le cas où il aurait des papiers à signer ; et, loin de perdre du temps, nous pousserions par la même occasion jusque chez le notaire[9], M. Rankeillor. Après ce qui s'est passé, vous ne me croiriez sans doute pas sur parole ; mais vous en croirez M. Rankeillor. C'est l'agent d'affaires de la moitié de la noblesse du pays ; il est vieux, sans doute, mais très respecté ; et, de plus, il a connu votre père.

Je réfléchis une minute. Il s'agissait d'aller à un port d'embarquement, sans nul doute populeux, où mon oncle n'oserait tenter aucune violence contre moi ; en attendant la compagnie de ce mousse m'était une sauvegarde. Une fois là-bas, je comptais obliger mon oncle à aller chez le notaire, même si son offre actuelle n'était pas sérieuse ; et peut-être aussi, dans le fond du cœur, souhaitais-je voir de près la mer et des navires. Il faut se rappeler que j'avais passé toute ma jeunesse dans les montagnes de l'intérieur, et que je venais, deux jours auparavant, de voir pour la première fois le Forth étalé devant moi comme une dalle bleue, avec les navires faisant voile à sa surface, pas plus gros que des joujoux. Tout compte fait, ma décision fut prise.

– Très bien, dis-je, allons à Queensferry.

Mon oncle mit son habit et son chapeau, et se boucla au côté un vieux coupe-choux rouillé ; puis on éteignit le feu, et, la porte fermée, nous nous mîmes en route.

Le vent, établi dans ce rhumb glacial du nord-ouest, nous soufflait presque au visage. On était en juin ; l'herbe était toute blanche de marguerites, et les arbres de fleurs ; mais, à en juger d'après nos ongles bleuis et nos poignets douloureux, on se serait cru en hiver, par une gelée de décembre.

L'oncle Ebenezer marchait dans le fossé, se balançant de droite à gauche comme un vieux laboureur qui revient des champs. Il ne prononça pas un mot de toute la route ; et je fus réduit à la conversation du mousse. Il me raconta qu'il s'appelait Ransome, et qu'il naviguait depuis l'âge de neuf ans, mais qu'il ne savait plus actuellement son âge, car il avait perdu son compte. Il me fit voir ses tatouages, découvrant sa poitrine en plein vent malgré mes remontrances, car je croyais que c'était assez pour le tuer ; il me débita les plus affreux jurons dont il se souvint, mais plus en écolier vicieux qu'en homme ; et il se vanta d'une absurde quantité de méfaits qu'il avait soi-disant commis : larronneries, fausses accusations, voire assassinats ; mais le tout avec un tel manque de vraisemblance dans le détail, avec un accent si peu convaincu et si hésitant, que j'étais plus disposé à le plaindre qu'à le croire.

Je l'interrogeai sur le brick (le plus fin navire qui eût jamais navigué, affirma-t-il) et sur le capitaine Hoseason, dont il fit aussi le plus grand éloge. Heasy-Oasy (comme il l'appelait toujours) était, à l'entendre, un homme qui ne craignait rien du ciel ni de la terre ; il eût, comme on dit, « donné toutes voiles dehors en plein Jugement Dernier ». Il était grossier, farouche, sans scrupules et brutal ; ce en quoi mon pauvre mousse s'était appris à révérer les qualités de l'homme et du marin. Il n'admettait qu'un défaut dans son idole :

– Ce n'est pas un marin, avouait-il. C'est M. Shuan qui dirige le brick ; M. Shuan, le meilleur marin de la terre, à part la boisson ; ah ! je vous crois, qu'il boit ! Tenez, regardez ça.

Et, rabattant son bas, il me fit voir une large blessure fraîche et rouge qui me glaça le sang.

– Il m'a fait ça… C'est M. Shuan qui m'a fait ça, dit-il, avec fierté.

– Comment, m'écriai-je, vous supportez qu'il vous traite aussi brutalement ? Vous n'êtes pas un esclave, pour vous laisser faire ainsi !

– Non, dit le pauvre imbécile changeant aussitôt de ton, et je le lui ferai voir. Regardez. (Et il me montra un long poignard à gaine qu'il m'affirmait avoir volé.) – Oh ! dit-il, qu'il essaie un peu ; je l'en défie ; je l'aurai. Oh ! ce ne serait pas le premier !

Et il appuya son affirmation d'un pauvre, bête et vilain juron.

Je n'ai jamais ressenti pour quiconque en ce vaste monde pitié pareille à celle que m'inspira ce triste fou ; et je commençai à comprendre que le brick Covenant (malgré sa pieuse dénomination[10]) ne valait guère mieux qu'un enfer flottant.

– N'avez-vous donc pas d'amis ? dis-je.

Il me répondit qu'il avait eu un père dans un port anglais, j'ai oublié lequel.

– Lui aussi était un homme, dit-il ; mais il est mort.

– Au nom du ciel, m'écriai-je, ne pourriez-vous trouver une occupation honorable à terre ?

– Oh ! non, dit-il, en clignant, et d'un air très méfiant ; on me mettrait à un métier. Je connais un truc qui vaut deux fois mieux, ah ! oui.

Je lui demandai quel métier pouvait bien être aussi redoutable que le sien actuel, où sa vie était continuellement menacée, non seulement par le vent et la mer, mais par l'horrible cruauté de ceux qui étaient ses maîtres. Il avoua que j'avais raison ; puis il se mit à faire l'éloge de sa vie, et à vanter le plaisir d'aller à terre avec de l'argent en poche, et de le dépenser comme un homme, et d'acheter des pommes, et de crâner, et d'épater les pieds-boueux de gamins.

– Et puis, ça ne va pas si mal que ça, dit-il ; il y en a de plus mal lotis que moi ; il y a les vingt-livres. Oh ! ma mère ! Il faudrait que vous les voyiez embarquer. Tenez, j'ai vu un homme aussi vieux que vous je pense – (je lui paraissais vieux) – il avait même de la barbe… eh bien, nous n'étions pas plus tôt sortis de la rivière, et il n'eut pas plus tôt cuvé la drogue… Dieu ! comme il criait et se démenait ! Je me suis joliment payé sa tête, je vous assure ! Et puis il y a les petits, aussi : oh ! petits par rapport à moi ! Je vous assure que je les mets au pas. Quand nous emmenons des petits, j'ai une garcette à moi pour les rosser.

Et il continua ainsi, tant qu'à la fin je compris qu'il entendait par les vingt-livres ces infortunés criminels qu'on envoie outre-mer pour être esclaves en Amérique du Nord, ou les encore bien plus malheureux innocents qui étaient enlevés ou « trépanés[11] » (selon l'expression consacrée) pour satisfaire des intérêts ou des vengeances particulières.

Nous arrivâmes alors en haut de la côte, et découvrîmes le Ferry et le Hope. Le Firth de Forth, comme on sait, se rétrécit en ce point jusqu'à n'avoir plus que la largeur d'une rivière moyenne, ce qui a permis d'y établir un bac commode pour aller vers le nord, et de transformer l'autre rive en un port bien abrité pour toute sorte de navires. Juste au milieu de l'étroit se trouve une île avec des ruines ; sur la rive sud on a bâti une jetée pour le service du bac ; et à l'entrée de la jetée, de l'autre côté de la route, j'aperçus, adossée à un joli jardin de houx et d'aubépine, la maison qu'on nomme l'auberge de Hawes.

La ville de Queensferry est située à l'ouest, et le voisinage de l'auberge paraissait très désert à cette heure, car le bac venait juste de partir vers le nord avec ses passagers. Une yole, cependant, était amarrée le long de la jetée, avec des matelots endormis sur les bancs. C'était là, me dit Ransome, l'embarcation du navire qui attendait le capitaine ; et environ à un demi-mille du bord, et tout seul au mouillage, il me montra le Covenant lui-même. À bord, on se préparait à appareiller ; on hissait les vergues à leur place ; et le vent qui soufflait de cette direction m'apportait le chant des matelots qui halaient sur les cordages. Après tout ce que je venais d'entendre, au long du chemin, je considérai ce navire avec une réputation extrême ; et du fond du cœur je m'apitoyai sur les pauvres âmes condamnées à partir avec lui.

Nous nous étions arrêtés tous trois au sommet de la côte. Mais je traversai la route et m'adressant à mon oncle :

– Je crois devoir vous prévenir, monsieur, dis-je, que pour rien au monde je n'irai à bord du Covenant.

Il parut s'éveiller d'un songe.

– Eh ! dit-il ; Qu'est-ce que c'est ?

Je répétai ma phrase.

– Bon, bon, dit-il, nous en passerons par vos volontés. Mais pourquoi rester ici ? Il fait un froid mortel ; et si je ne m'abuse, le Covenant va bientôt prendre la mer.


Chapitre 5 Kapitel 5 Κεφάλαιο 5 Chapter 5 Capítulo 5

V. Je vais à Queensferry V. I'm going to Queensferry

La pluie tomba toute la nuit, abondamment, et le matin il souffla du nord-ouest un vent d’hiver qui emporta et dispersa les nuages. Rain fell heavily all night, and in the morning a winter wind blew in from the northwest, blowing away and dispersing the clouds. Malgré tout, le soleil n’était pas encore levé, ni la dernière étoile disparue, que je m’en allai jusqu’à la rivière où je fis un plongeon dans un endroit calme et profond. Even so, the sun hadn't yet risen, nor had the last star disappeared, and I headed for the river, where I took a dip in a deep, quiet spot. Tout revigoré de mon bain, j’allai m’asseoir à nouveau devant le feu, que je bourrai, et examinai sérieusement ma situation. Invigorated by my bath, I sat down again in front of the fire, topped it up, and took a serious look at my situation.

L’inimitié de mon oncle ne faisait plus de doute. My uncle's enmity was no longer in doubt. Sans conteste, je tenais ma vie entre mes mains, car il n’épargnerait rien pour venir à bout de me supprimer. Without a doubt, I held my life in my hands, because he would spare nothing to overcome me. Mais j’étais jeune et hardi, et comme beaucoup de jeunes gens élevés à la campagne, j’avais une haute opinion de mon habileté. But I was young and bold, and like many young people raised in the countryside, I had a high opinion of my own ability. J’étais venu frapper à sa porte, ne valant guère mieux qu’un mendiant, et à peine plus qu’un enfant ; il m’avait accueilli par la trahison et la violence ; et ce serait une belle revanche que de prendre à mon tour le dessus et de le mener comme un mouton. I had knocked at his door, no better than a beggar, and little more than a child; he had greeted me with treachery and violence; and it would be a fine revenge to take the upper hand in my turn and lead him like a sheep.

J’étais là, le genou entre les mains, et souriant au feu. I was there, the knee between my hands, and smiling at the fire. Je me voyais en imagination lui tirer ses secrets l’un après l’autre et m’impatroniser finalement chez lui comme son maître et seigneur. I saw myself in my imagination extracting his secrets from him one after another and finally impatriating myself to him as his master and lord. Le sorcier d’Essendean avait, dit-on, fabriqué un miroir dans lequel on lisait l’avenir ; ce miroir devait être fait d’autre substance que de charbon flambant ; car entre toutes les figures et les tableaux que je vis défiler devant mes yeux, il ne s’offrit pas un navire ni un matelot à bonnet de fourrure, ni une matraque réservée à ma folle tête, ni la moindre apparence de ces tribulations prêtes à fondre sur moi. The wizard of Essendean had, it is said, made a mirror in which the future could be read; this mirror must have been made of some other substance than flaming coal; for among all the figures and pictures that I saw pass before my eyes, there was not offered a ship, nor a sailor in a fur cap, nor a truncheon reserved for my mad head, nor the slightest appearance of these tribulations ready to swoop down on me.

À la fin, tout gonflé de mes imaginations, je montai à l’étage, mettre en liberté mon prisonnier. In the end, all puffed up with my imaginations, I went upstairs to set my prisoner free. Quand mon oncle fut levé, il me souhaita le bonjour poliment, et je lui répondis avec un sourire de hautaine suffisance. When my uncle was up, he greeted me politely, and I replied with a smug smile. Peu après, nous étions assis à déjeuner, tout comme la veille. Shortly after, we were seated at lunch, just like the night before.

– Eh bien ! - Well, well, well! monsieur, dis-je, d’un ton railleur, n’avez-vous plus rien à dire ? Sir," I said mockingly, "have you nothing more to say? Et, comme il ne répondait pas : – Il serait temps, je crois, de nous expliquer. And when he didn't answer: - I think it's time we explained. Vous m’avez pris pour un Jean-Tout-Cru[7] de la campagne, sans plus d’intelligence ou de courage qu’une tête de poireau, je vous avais pris pour un brave homme, ou du moins guère pire qu’un autre. You took me for a Jean-Tout-Cru[7] from the countryside, without more intelligence or courage than a head of leek, I had taken you for a good man, or at least not much worse than another. Il paraît que nous nous trompions tous les deux. It seems we were both wrong. Quelle raison vous pouvez avoir de me craindre, de me berner, et d’attenter à ma vie… ? What reason can you have to fear me, to deceive me, and to take my life...?

Il bafouilla qu’il s’agissait d’une plaisanterie, et qu’il aimait beaucoup les farces ; mais, voyant que je souriais, il prit un autre ton, et me jura qu’il s’expliquerait sitôt après le déjeuner. He stammered that it was a joke, and that he was very fond of practical jokes; but, seeing that I was smiling, he took another tone, and swore to me that he would explain himself soon after lunch. Je lisais sur son visage qu’il n’avait pas de mensonge tout prêt, mais qu’il était à l’œuvre pour en forger un ; et j’allais, je crois, le lui dire, lorsque nous fûmes interrompus par des coups frappés à la porte. I could see in his face that he didn't have a lie ready, but that he was at work forging one; and I was, I think, about to tell him so, when we were interrupted by knocks at the door.

J’ordonnai à mon oncle de rester assis ; j’allai ouvrir, et je vis sur le seuil un jeune garçon, presque un enfant, vêtu en matelot. I ordered my uncle to remain seated; I went to open the door, and I saw on the threshold a young boy, almost a child, dressed as a sailor. À mon apparition, il se mit aussitôt à danser quelques pas d’un air de cornemuse (que je n’avais jamais entendu, ni vu), claquant des doigts en mesure, et d’un pied très expert. When I appeared, he immediately began to dance a few steps to a bagpipe tune (which I had never heard or seen), snapping his fingers in time, and with a very expert foot. Cependant, il était bleu de froid ; et il avait sur le visage une expression à mi-chemin des larmes et du rire, qui s’accordait mal avec cette apparente gaieté, et qui me toucha fort. However, he was blue with cold; and he had an expression on his face halfway between tears and laughter, which did not go well with this apparent cheerfulness, and which touched me deeply.

– Ce qu’on s’amuse, camarade ! - What fun, comrade! s’écria-t-il, d’une voix éraillée. he exclaimed, in a hoarse voice.

Je lui demandai avec calme ce qui l’amusait tant. I asked him calmly what was so amusing.

– Oh ! - Oh! je m’amuse ! I have fun ! dit-il ; et il se mit à chanter : he said, and began to sing:

Car c’est mon délice, qu’une belle nuit, Because it is my delight, that a beautiful night,

Au beau temps de l’année. At the best time of the year.

– Ma foi, dis-je, si vous n’avez pas d’autre commission, je vais avoir l’incivilité de vous fermer la porte au nez. - Well, I said, if you have no other commission, I'm going to have the incivility to close the door in your face.

– Halte ! – Stop! frère ! brother ! s’écria-t-il. Vous ne savez donc pas rire, ou tenez-vous à ce que je reçoive une rossée ! So you don't know how to laugh, or expect me to get a beating! J’apporte une lettre du vieil Heasy-Oasy à M. Belflower[8]. I bring a letter from old Heasy-Oasy to Mr. Belflower[8]. (Il me montra la lettre tout en parlant.) (He shows me the letter as he speaks.) Et j’ajoute, camarade, que j’ai cruellement faim. And let me add, comrade, that I'm cruelly hungry.

– Eh bien ! dis-je, entrez dans la maison ; et je vous donnerai un morceau, dussé-je me passer de manger. said I, enter the house; and I'll give you a bite, should I go without eating.

Je l’introduisis et le fis asseoir à ma place où il attaqua avidement les restes de notre déjeuner, tout en me lançant des clins d’œil et me faisant des tas de grimaces, attitude que le pauvre être considérait sans doute comme virile. I introduced him and made him sit in my place where he eagerly attacked the leftovers of our lunch, while throwing me winks and making lots of faces at me, an attitude that the poor being probably considered manly. Cependant, mon oncle avait lu la lettre et réfléchissait ; soudain, il se leva d’un air plein de vivacité, et me tira à part dans le coin le plus reculé de la pièce. However, my uncle had read the letter and was thinking; suddenly he got up with an air of great vivacity, and pulled me aside into the farthest corner of the room.

– Lisez cela, dit-il en me remettant la lettre. - Read this," he says, handing me the letter.

La voici, étalée devant moi, et je la copie : Here it is, spread out in front of me, and I copy it:

Auberge de Hawes, à Queensferry.

Monsieur,

Je suis ici à l’ancre prêt à larguer mes amarres, et vous envoie mon mousse pour vous en aviser. I am here at anchor ready to cast off my moorings, and send you my cabin boy to let you know. Si vous avez quelque autre commission pour les pays d’outre-mer, c’est aujourd’hui qu’il faut vous décider, car le vent nous est propice pour sortir du firth. If you have any other commission for overseas countries, you must decide today, for the wind is favorable for us to get out of the firth. Je ne vous cacherai pas que j’ai eu des difficultés avec votre agent, M. Rankeillor ; difficultés qui, si elles ne sont pas tôt résolues, pourraient vous attirer des ennuis. I won't hide from you that I had difficulties with your agent, Mr. Rankeillor; difficulties which, if not resolved soon, could land you in trouble. J’ai tiré un chèque sur vous, entre parenthèses, et suis, monsieur, Votre très humble et obéissant serviteur. I have drawn a check on you, parenthetically, and am, Sir, Your most humble and obedient servant.

Elias Hoseason Elias Hoseason

– Vous voyez, David, reprit mon oncle, aussitôt que j’eus fini, je suis en affaires avec cet Hoseason, le capitaine d’un brick de commerce, le Covenant, de Dysart. - You see, David," continued my uncle, as soon as I'd finished, "I'm in business with this Hoseason, the captain of a trading brig, the Covenant, from Dysart. Maintenant, si vous voulez que nous accompagnions ce garçon, j’irai voir le capitaine à son auberge, ou mieux à bord du Covenant, pour le cas où il aurait des papiers à signer ; et, loin de perdre du temps, nous pousserions par la même occasion jusque chez le notaire[9], M. Rankeillor. Now, if you want us to accompany this boy, I will go to the captain at his inn, or better on board the Covenant, in case he has any papers to sign; and, far from wasting time, we would push at the same time to see the notary [9], Mr. Rankeillor. Après ce qui s’est passé, vous ne me croiriez sans doute pas sur parole ; mais vous en croirez M. Rankeillor. After what happened, you probably wouldn't take my word for it; but you will believe Mr. Rankeillor. C’est l’agent d’affaires de la moitié de la noblesse du pays ; il est vieux, sans doute, mais très respecté ; et, de plus, il a connu votre père. He is the business agent of half the nobility of the country; he is old, no doubt, but highly respected; and, moreover, he knew your father.

Je réfléchis une minute. I think for a minute. Il s’agissait d’aller à un port d’embarquement, sans nul doute populeux, où mon oncle n’oserait tenter aucune violence contre moi ; en attendant la compagnie de ce mousse m’était une sauvegarde. It was a question of going to a port of embarkation, doubtless populous, where my uncle would not dare attempt any violence against me; meanwhile the company of this ship's boy was a safeguard to me. Une fois là-bas, je comptais obliger mon oncle à aller chez le notaire, même si son offre actuelle n’était pas sérieuse ; et peut-être aussi, dans le fond du cœur, souhaitais-je voir de près la mer et des navires. Once there, I intended to force my uncle to go to the notary, even if his current offer was not serious; and maybe also, in the bottom of my heart, I wanted to see the sea and the ships up close. Il faut se rappeler que j’avais passé toute ma jeunesse dans les montagnes de l’intérieur, et que je venais, deux jours auparavant, de voir pour la première fois le Forth étalé devant moi comme une dalle bleue, avec les navires faisant voile à sa surface, pas plus gros que des joujoux. It must be remembered that I had passed all my youth in the mountains of the interior, and that I had just, two days before, seen for the first time the Forth spread out before me like a blue slab, with the ships sailing on its surface, no bigger than toys. Tout compte fait, ma décision fut prise. All in all, my decision was made.

– Très bien, dis-je, allons à Queensferry. - Very well," I said, "let's go to Queensferry.

Mon oncle mit son habit et son chapeau, et se boucla au côté un vieux coupe-choux rouillé ; puis on éteignit le feu, et, la porte fermée, nous nous mîmes en route. My uncle put on his coat and hat, and fastened an old rusty straight-claw to his side; then the fire was extinguished, and, the door closed, we set out.

Le vent, établi dans ce rhumb glacial du nord-ouest, nous soufflait presque au visage. The wind, established in this icy northwest rhumb, was blowing almost in our faces. On était en juin ; l’herbe était toute blanche de marguerites, et les arbres de fleurs ; mais, à en juger d’après nos ongles bleuis et nos poignets douloureux, on se serait cru en hiver, par une gelée de décembre. It was June; the grass was all white with daisies, and the trees with flowers; but, judging by our blued fingernails and aching wrists, it looked like winter, on a December frost.

L’oncle Ebenezer marchait dans le fossé, se balançant de droite à gauche comme un vieux laboureur qui revient des champs. Uncle Ebenezer was walking in the ditch, swaying from right to left like an old plowman returning from the fields. Il ne prononça pas un mot de toute la route ; et je fus réduit à la conversation du mousse. He didn't say a word the whole way, and I was reduced to the conversation of a lather. Il me raconta qu’il s’appelait Ransome, et qu’il naviguait depuis l’âge de neuf ans, mais qu’il ne savait plus actuellement son âge, car il avait perdu son compte. He told me that his name was Ransome, and that he had been sailing since the age of nine, but that he no longer knew his age, because he had lost his account. Il me fit voir ses tatouages, découvrant sa poitrine en plein vent malgré mes remontrances, car je croyais que c’était assez pour le tuer ; il me débita les plus affreux jurons dont il se souvint, mais plus en écolier vicieux qu’en homme ; et il se vanta d’une absurde quantité de méfaits qu’il avait soi-disant commis : larronneries, fausses accusations, voire assassinats ; mais le tout avec un tel manque de vraisemblance dans le détail, avec un accent si peu convaincu et si hésitant, que j’étais plus disposé à le plaindre qu’à le croire. He showed me his tattoos, baring his chest in the open despite my remonstrances, for I thought it was enough to kill him; he spouted the most dreadful oaths he could remember, but more like a vicious schoolboy than a man; and he boasted of an absurd amount of misdeeds he had allegedly committed: thieves, false accusations, even assassinations; but all with such lack of verisimilitude in detail, with such an unconvinced and hesitant accent, that I was more disposed to pity him than to believe him.

Je l’interrogeai sur le brick (le plus fin navire qui eût jamais navigué, affirma-t-il) et sur le capitaine Hoseason, dont il fit aussi le plus grand éloge. I asked him about the brig (the finest ship that ever sailed, he claimed) and about Captain Hoseason, of whom he also had the highest praise. Heasy-Oasy (comme il l’appelait toujours) était, à l’entendre, un homme qui ne craignait rien du ciel ni de la terre ; il eût, comme on dit, « donné toutes voiles dehors en plein Jugement Dernier ». Heasy-Oasy (as he always called him) was, by all accounts, a man who feared neither heaven nor earth; he would have, as they say, "given full sail in the midst of the Last Judgment." Il était grossier, farouche, sans scrupules et brutal ; ce en quoi mon pauvre mousse s’était appris à révérer les qualités de l’homme et du marin. He was rude, fierce, unscrupulous and brutal; how my poor ship's boy had learned to revere the qualities of a man and a sailor. Il n’admettait qu’un défaut dans son idole : He only admitted one flaw in his idol:

– Ce n’est pas un marin, avouait-il. “He's not a sailor,” he admitted. C’est M. Shuan qui dirige le brick ; M. Shuan, le meilleur marin de la terre, à part la boisson ; ah ! Mr. Shuan is in charge of the brig; Mr. Shuan, the best sailor on earth, aside from drink; ah! je vous crois, qu’il boit ! I believe you, let him drink! Tenez, regardez ça. Here, look at this.

Et, rabattant son bas, il me fit voir une large blessure fraîche et rouge qui me glaça le sang. And, pulling down his stockings, he showed me a large, fresh, red wound that made my blood run cold.

– Il m’a fait ça… C’est M. Shuan qui m’a fait ça, dit-il, avec fierté. “He did this to me… Mr. Shuan did this to me,” he said proudly.

– Comment, m’écriai-je, vous supportez qu’il vous traite aussi brutalement ? - How, I cried, you support that he treats you so brutally? Vous n’êtes pas un esclave, pour vous laisser faire ainsi ! You are not a slave to let yourself be so!

– Non, dit le pauvre imbécile changeant aussitôt de ton, et je le lui ferai voir. “No,” said the poor fool, immediately changing his tone, “and I'll show him. Regardez. Take a look. (Et il me montra un long poignard à gaine qu’il m’affirmait avoir volé.) (And he showed me a long sheathed dagger which he told me he had stolen.) – Oh ! - Oh! dit-il, qu’il essaie un peu ; je l’en défie ; je l’aurai. he said, let him try a little; I defy him; I will have it. Oh ! Oh! ce ne serait pas le premier ! it wouldn't be the first!

Et il appuya son affirmation d’un pauvre, bête et vilain juron. And he supported his assertion with a poor, stupid and ugly oath.

Je n’ai jamais ressenti pour quiconque en ce vaste monde pitié pareille à celle que m’inspira ce triste fou ; et je commençai à comprendre que le brick Covenant (malgré sa pieuse dénomination[10]) ne valait guère mieux qu’un enfer flottant. I have never felt for anyone in this vast world such pity as that inspired in me by this sad madman; and I began to understand that the brig Covenant (in spite of its pious denomination[10]) was little better than a floating hell.

– N’avez-vous donc pas d’amis ? "Have you no friends, then?" dis-je. I said.

Il me répondit qu’il avait eu un père dans un port anglais, j’ai oublié lequel. He told me he'd had a father in an English port - I forget which one.

– Lui aussi était un homme, dit-il ; mais il est mort. “He too was a man,” he said; but he is dead.

– Au nom du ciel, m’écriai-je, ne pourriez-vous trouver une occupation honorable à terre ? "In Heaven's name," I cried, "couldn't you find some honorable occupation ashore?"

– Oh ! - Oh! non, dit-il, en clignant, et d’un air très méfiant ; on me mettrait à un métier. no, he said, winking, and looking very suspicious; they would put me in a trade. Je connais un truc qui vaut deux fois mieux, ah ! I know a trick that is twice as good, ah! oui. Yes.

Je lui demandai quel métier pouvait bien être aussi redoutable que le sien actuel, où sa vie était continuellement menacée, non seulement par le vent et la mer, mais par l’horrible cruauté de ceux qui étaient ses maîtres. I asked him what job could possibly be as formidable as his present one, where his life was continually threatened, not only by the wind and the sea, but by the horrible cruelty of those who were his masters. Il avoua que j’avais raison ; puis il se mit à faire l’éloge de sa vie, et à vanter le plaisir d’aller à terre avec de l’argent en poche, et de le dépenser comme un homme, et d’acheter des pommes, et de crâner, et d’épater les pieds-boueux de gamins. He confessed that I was right; then he began to praise his life, and boast of the pleasure of going ashore with money in his pocket, and spending it like a man, and buying apples, and showing off, and impress the muddy feet of kids.

– Et puis, ça ne va pas si mal que ça, dit-il ; il y en a de plus mal lotis que moi ; il y a les vingt-livres. “Besides, it's not that bad,” he said; there are those worse off than me; there are the twenty-pounders. Oh ! Oh! ma mère ! my mother! Il faudrait que vous les voyiez embarquer. You should see them boarding. Tenez, j’ai vu un homme aussi vieux que vous je pense – (je lui paraissais vieux) – il avait même de la barbe… eh bien, nous n’étions pas plus tôt sortis de la rivière, et il n’eut pas plus tôt cuvé la drogue… Dieu ! Here, I saw a man as old as you I think – (I looked old to him) – he even had a beard… well, we hadn't gotten out of the river any sooner, and he didn't slept off drugs sooner… God! comme il criait et se démenait ! how he cried and struggled! Je me suis joliment payé sa tête, je vous assure ! I paid off pretty well, I assure you! Et puis il y a les petits, aussi : oh ! And then there are the little ones, too: oh! petits par rapport à moi ! small compared to me! Je vous assure que je les mets au pas. I assure you that I bring them to heel. Quand nous emmenons des petits, j’ai une garcette à moi pour les rosser. When we take little ones, I have a bitch of my own to beat them up.

Et il continua ainsi, tant qu’à la fin je compris qu’il entendait par les vingt-livres ces infortunés criminels qu’on envoie outre-mer pour être esclaves en Amérique du Nord, ou les encore bien plus malheureux innocents qui étaient enlevés ou « trépanés[11] » (selon l’expression consacrée) pour satisfaire des intérêts ou des vengeances particulières. And so he went on, until in the end I understood that he meant by the twenty-pounders those unfortunate criminals sent overseas to be slaves in North America, or the even more unfortunate innocents who were kidnapped or "trepaned[11]" (as the saying goes) to satisfy particular interests or vendettas.

Nous arrivâmes alors en haut de la côte, et découvrîmes le Ferry et le Hope. We then reached the top of the coast, and discovered the Ferry and the Hope. Le Firth de Forth, comme on sait, se rétrécit en ce point jusqu’à n’avoir plus que la largeur d’une rivière moyenne, ce qui a permis d’y établir un bac commode pour aller vers le nord, et de transformer l’autre rive en un port bien abrité pour toute sorte de navires. The Firth of Forth, as we know, narrows at this point until it is no more than the width of an average river, which has made it possible to establish a convenient ferry there to go north, and to transform the other side into a well-sheltered port for all kinds of ships. Juste au milieu de l’étroit se trouve une île avec des ruines ; sur la rive sud on a bâti une jetée pour le service du bac ; et à l’entrée de la jetée, de l’autre côté de la route, j’aperçus, adossée à un joli jardin de houx et d’aubépine, la maison qu’on nomme l’auberge de Hawes. Right in the middle of the narrows is an island with ruins; on the south bank a jetty has been built for the service of the ferry; and at the entrance to the pier, on the other side of the road, I saw, set against a pretty garden of holly and hawthorn, the house which is called the Hawes Inn.

La ville de Queensferry est située à l’ouest, et le voisinage de l’auberge paraissait très désert à cette heure, car le bac venait juste de partir vers le nord avec ses passagers. The town of Queensferry lies to the west, and the vicinity of the inn seemed very deserted at this hour, as the ferry had just left for the north with its passengers. Une yole, cependant, était amarrée le long de la jetée, avec des matelots endormis sur les bancs. A skiff, however, was moored alongside the pier, with sailors asleep on the benches. C’était là, me dit Ransome, l’embarcation du navire qui attendait le capitaine ; et environ à un demi-mille du bord, et tout seul au mouillage, il me montra le Covenant lui-même. There it was, Ransome told me, the ship's boat waiting for the captain; and about half a mile from shore, and all alone at anchor, showed me the Covenant itself. À bord, on se préparait à appareiller ; on hissait les vergues à leur place ; et le vent qui soufflait de cette direction m’apportait le chant des matelots qui halaient sur les cordages. On board, we were preparing to set sail; the yards were hoisted in their place; and the wind blowing from that direction brought me the song of the sailors towing on the ropes. Après tout ce que je venais d’entendre, au long du chemin, je considérai ce navire avec une réputation extrême ; et du fond du cœur je m’apitoyai sur les pauvres âmes condamnées à partir avec lui. After all that I had just heard, along the way, I considered this ship with an extreme reputation; and from the bottom of my heart I felt sorry for the poor souls condemned to go with him.

Nous nous étions arrêtés tous trois au sommet de la côte. The three of us had stopped at the top of the hill. Mais je traversai la route et m’adressant à mon oncle : But I crossed the road and addressing my uncle:

– Je crois devoir vous prévenir, monsieur, dis-je, que pour rien au monde je n’irai à bord du Covenant. 'I think I must warn you, sir,' I said, 'that for nothing in the world will I go aboard the Covenant.

Il parut s’éveiller d’un songe. He seemed to wake up from a dream.

– Eh ! - Hey! dit-il ; Qu’est-ce que c’est ? he said; What is that ?

Je répétai ma phrase. I repeated my sentence.

– Bon, bon, dit-il, nous en passerons par vos volontés. “Good, good,” he said, “we'll go through your wishes. Mais pourquoi rester ici ? But why stay here? Il fait un froid mortel ; et si je ne m’abuse, le Covenant va bientôt prendre la mer. It is deadly cold; and if I'm not mistaken, the Covenant will soon be setting sail.