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Enlevé Kidnapped, Chapitre 2

Chapitre 2

II. J'arrive au terme de mon voyage

Dans la matinée du second jour, en arrivant au haut d'une côte, je découvris tout le pays qui s'étalait devant moi, s'abaissant jusqu'à la mer. Au milieu de cette descente, sur une longue colline, la ville d'Édimbourg fumait comme un four à chaux. Un pavillon flottait sur le château, et des navires circulaient ou étaient à l'ancre dans le firth[2], c'étaient les seuls objets que, malgré la distance, je distinguais nettement ; et leur vue m'inspira un soudain regret de mon pays natal.

Peu après, j'arrivai devant une chaumière habitée par un berger, qui m'indiqua en gros la route de Cramond ; et, de proche en proche, je m'acheminai vers l'ouest de la capitale, par Colinton, et débouchai enfin sur la grande route de Glasgow. Là, j'eus l'agréable surprise de rencontrer un régiment qui marchait à la fois de tous ses pieds suivant la cadence des fifres, précédé par un vieux général à figure rouge monté sur un cheval gris, et suivi d'une compagnie de grenadiers, coiffés de bonnets de pape. L'orgueil de vivre m'emplit la cervelle, à voir les habits rouges et à entendre leur musique joyeuse.

Un peu plus loin, on me dit que j'étais sur la paroisse de Cramond, et je commençai à m'informer du château de Shaws. Ce nom paraissait surprendre ceux à qui je demandais mon chemin. Je me figurai d'abord que mon apparence rustique et la simplicité de mon costume tout poudreux s'accordaient mal avec la grandeur de l'endroit en question. Mais après avoir, deux ou trois fois, reçu la même réponse, faite du même air, je finis par comprendre que c'était le nom même de Shaw qui les interloquait.

Afin de me tranquilliser, je tournai ma question autrement ; et avisant un brave homme assis sur le brancard de sa charrette, qui débouchait d'une traverse, je lui demandai s'il connaissait une maison appelée le château de Shaws.

Il arrêta son cheval et me regarda ainsi que les autres.

– Oui, dit-il. Pourquoi ?

– Est-ce un grand château ?

– Sans doute. C'est un très grand château.

– Oui, mais les gens qui l'habitent ?

– Les gens ? s'écria-t-il. Êtes-vous fou ? Il n'y a pas de gens là – ce qu'on appelle des gens.

– Comment ! Et M. Ebenezer ?

– Ah ! si ! dit l'homme ; il y a le laird, si c'est lui que vous cherchez. Que pouvez-vous bien lui vouloir, l'ami ?

– Je m'étais laissé dire que je trouverais une place chez lui, dis-je, m'efforçant de prendre un air modeste.

– Hein ! s'écria le charretier, d'un ton si perçant que son cheval en tressaillit ; puis plus doucement :

– Ma foi, l'ami, ce ne sont pas mes affaires ; mais vous me semblez un garçon raisonnable ; et si vous voulez m'en croire, vous passerez au large de Shaws.

L'individu que je rencontrai ensuite était un sémillant petit homme à perruque blanche, que je reconnus pour un barbier en tournée ; et, sachant que les barbiers sont grands bavards, je lui demandai tout à trac quel genre d'homme était M. Balfour de Shaws ?

– Tut ! tut ! dit le barbier ; ce n'est pas un homme ; non, pas un homme du tout.

Et il m'interrogea fort curieusement sur mes affaires ; mais je lui tins tête comme il faut, et il s'en alla chez son prochain client sans être mieux renseigné.

Je ne saurais exprimer quel coup tout cela portait à mes illusions. Plus vagues étaient les accusations, moins elles m'agréaient, car elles laissaient le champ libre à l'imagination. Que pouvait bien avoir ce grand château, pour que chacun, dans la paroisse, tressautât et me regardât dans le blanc des yeux, lorsque je lui en demandais le chemin ? Quel était donc ce gentilhomme, dont la mauvaise réputation courait ainsi les routes ? Si j'avais pu regagner Essendean en une heure de marche, j'aurais abandonné sur-le-champ l'aventure, pour retourner chez M. Campbell. Mais l'ayant déjà poussée aussi loin, le simple amour-propre m'interdisait d'y renoncer avant une épreuve plus décisive ; j'étais forcé, par respect humain, d'aller jusqu'au bout ; et, malgré mon déplaisir de ces insinuations, malgré les lenteurs croissantes de mon avance, je persistai à demander mon chemin et continuai d'avancer.

Le soleil allait se coucher, lorsque je rencontrai une grosse femme brune, l'air acerbe, qui descendait lourdement la côte. Cette femme, lorsque je lui posai la question habituelle, fit volte-face, me raccompagna jusqu'au haut de la montée qu'elle venait de descendre, me désigna un grand bâtiment massif qui s'élevait isolé dans une prairie au fond de la vallée voisine. Le pays d'alentour était agréable, ondulé de collines basses, joliment irrigué et boisé, et couvert de moissons que je jugeai admirables ; mais le château lui-même semblait une ruine ; aucun chemin n'y conduisait ; nulle fumée ne montait de ses cheminées ; il n'y avait pas trace de parc. Mon cœur se serra.

– Ça ! m'écriai-je.

Le visage de la femme s'éclaira d'une colère mauvaise.

– Oui, c'est ça, le château de Shaws ! s'écria-t-elle. Le sang l'a bâti ; le sang l'a maçonné ; le sang l'abattra ! Voyez ! s'écria-t-elle encore – je crache par terre, et je lui fais les cornes. Noire soit sa chute ! Si vous voyez le laird, répétez-lui ce que vous entendez ; redites-lui que cela fait la douze cent dix-neuvième fois que Jennet Clouston a appelé la malédiction du ciel sur lui et sa maison, communs et écuries, homme, hôte et maître, femme, fille ou fils… Noire, noire soit leur chute !

Et la femme, dont le ton s'était haussé à une sorte d'incantation modulée, se retourna d'un bond, et disparut. Je restai cloué sur place, les cheveux hérissés. En ce temps-là, on croyait encore aux sorcières, leurs malédictions faisaient trembler ; et d'avoir vu celle-ci se rencontrer tellement à point comme un mauvais augure me détournant de pousser plus loin, – mes jambes se dérobèrent sous moi.

Je m'assis, contemplant le château de Shaws. Plus je la regardais, plus je trouvais jolie la campagne environnante. Elle était toute parsemée de buissons d'épine en fleur ; les troupeaux paissaient dans les prairies ; des freux volaient dans le ciel ; tout révélait une terre et un climat heureux ; et néanmoins la bâtisse qui se dressait là-bas me faisait une impression lugubre.

Tandis que j'étais assis au bord du fossé, des paysans passèrent, qui revenaient des champs, mais le courage me manqua pour leur donner le bonsoir. À la fin, le soleil se coucha, et alors, je vis s'élever sur le ciel jaune un filet de fumée, guère plus gros, me semblait-il, que la fumée d'une chandelle ; néanmoins, elle était là, et représentait du feu, de la chaleur, de la cuisine, et un vivant pour l'allumer. J'en fus réconforté.

Je me mis en route au long d'un sentier à peine visible sur l'herbe, qui conduisait dans cette direction. Il était bien minime pour être le seul accès d'un endroit habité ; pourtant, je n'en voyais pas d'autre. J'arrivai bientôt à des pilastres de pierre, auprès desquels s'élevait une loge de portier sans toit, mais surmontée d'un blason. Évidemment, on avait eu l'intention de construire là un grand portail ; mais il était resté inachevé : au lieu de portes de fer forgé, une couple de fascines étaient liées transversalement d'un tortil de paille ; et comme le parc n'avait pas de murs, ni aucune trace d'avenue, la piste que je suivais contournait le pilastre de droite, et s'avançait sinueusement vers le château.

L'aspect de celui-ci devenait plus sinistre à mesure que j'approchais. On eût cru voir l'aile unique d'une maison inachevée. Ce qui eût dû être l'extrémité centrale de l'aile était béant par les étages supérieurs, et profilait sur le ciel ses escaliers coupés et les assises tronquées de sa maçonnerie. Beaucoup de fenêtres n'avaient pas de carreaux, et les chauves-souris pénétraient dans la maison et en sortaient comme des pigeons d'un pigeonnier.

La nuit tombait, et trois des fenêtres d'en bas, qui étaient très hautes et étroites, et solidement grillées, s'éclairaient déjà des lueurs vacillantes d'un modeste foyer.

Était-ce donc là le palais que je croyais rencontrer ? Était-ce entre ces murs que j'allais trouver de nouveaux amis et commencer une vie de haute fortune ? En vérité, dans la maison de mon père à Essen-Waterside, le feu se voyait d'un mille loin, avec sa brillante clarté, et la porte s'ouvrait à tout mendiant qui frappait.

Je m'avançai avec défiance et, en prêtant l'oreille, j'entendis un bruit d'assiettes entrechoquées, et aussi une petite toux sèche et répétée, qui revenait par quintes ; mais pas un bruit de voix, pas un aboiement de chien.

La porte, autant que j'en pus juger dans la demi-obscurité, consistait en un panneau de bois tout hérissé de clous. Je levai le bras, tandis que mon cœur défaillait sous ma jaquette, et je frappai une fois. Puis je restai à écouter. Un silence de mort régnait dans la maison. Une minute entière, il n'y eut que le bruit léger des chauves-souris, en l'air. Je frappai une seconde fois, et tendis l'oreille de nouveau. Mon ouïe s'était alors si bien adaptée au silence que je percevais de la maison le tictac lent de l'horloge qui comptait les secondes ; mais l'habitant, quel qu'il fût, gardait une immobilité de mort, et devait même retenir son souffle.

J'ai presque tenté de m'encourir ; mais la colère me retint, et je me mis, en place, à faire pleuvoir une grêle de coups de pied et de poing sur la porte, et à appeler à grands cris M. Balfour. J'étais en plein travail, lorsque la toux se fit entendre au-dessus de moi. Je sautai en arrière et, levant la tête, vis une figure d'homme en bonnet de nuit, et la gueule évasée d'un tromblon, à une fenêtre du premier étage.

– Il est chargé, dit une voix.

– J'apporte une lettre, dis-je, pour M. Ebenezer Balfour de Shaws. Est-il ici ?

– De qui, la lettre ? demanda l'homme au tromblon.

– Cela ne vous regarde pas, dis-je, car j'étais de plus en plus irrité.

– Bon, répliqua-t-il, posez-la sur le seuil, et allez-vous-en.

– Jamais de la vie ! m'écriai-je.

Je la remettrai en mains propres à M. Balfour, ainsi que je le dois. C'est une lettre d'introduction.

– Une quoi ? cria la voix, vivement.

Je répétai ce que je venais de dire.

– Qui êtes-vous donc, vous-même ? questionna-t-on enfin, après une pause considérable.

– Je ne rougis pas de mon nom. On m'appelle David Balfour.

À ces mots, je suis sûr que l'homme tressaillit, car j'entendis le tromblon heurter l'appui de la fenêtre ; et ce fut après un silence prolongé, et avec un singulier changement de ton, que l'on me posa cette question :

– Est-ce que votre père est mort ?

La surprise me coupa la respiration, et il me fut impossible de répondre. Je demeurai béant.

– Oui, reprit l'homme, c'est qu'il est mort, il n'y a pas de doute ; et voilà pourquoi vous venez démolir ma porte… (Encore une pause, et puis, avec méfiance :) – Allons, l'ami, je vais vous faire entrer.

Et il disparut de la fenêtre.

Chapitre 2 Chapter 2 Capítulo 2 Capítulo 2

II. II. J’arrive au terme de mon voyage I am coming to the end of my trip

Dans la matinée du second jour, en arrivant au haut d’une côte, je découvris tout le pays qui s’étalait devant moi, s’abaissant jusqu’à la mer. On the morning of the second day, arriving at the top of a hill, I discovered the whole country stretching out in front of me, lowering down to the sea. Au milieu de cette descente, sur une longue colline, la ville d’Édimbourg fumait comme un four à chaux. In the middle of this descent, on a long hill, the city of Edinburgh was smoking like a lime kiln. Un pavillon flottait sur le château, et des navires circulaient ou étaient à l’ancre dans le firth[2], c’étaient les seuls objets que, malgré la distance, je distinguais nettement ; et leur vue m’inspira un soudain regret de mon pays natal. A pavilion floated on the castle, and ships were circulating or anchored in the firth; these were the only objects which, in spite of the distance, I could clearly distinguish; and their sight inspired me with a sudden regret for my native country.

Peu après, j’arrivai devant une chaumière habitée par un berger, qui m’indiqua en gros la route de Cramond ; et, de proche en proche, je m’acheminai vers l’ouest de la capitale, par Colinton, et débouchai enfin sur la grande route de Glasgow. Shortly after, I arrived in front of a cottage inhabited by a shepherd, who roughly showed me the road to Cramond; and, step by step, I moved towards the west of the capital, by Colinton, and came out at last on the main road to Glasgow. Là, j’eus l’agréable surprise de rencontrer un régiment qui marchait à la fois de tous ses pieds suivant la cadence des fifres, précédé par un vieux général à figure rouge monté sur un cheval gris, et suivi d’une compagnie de grenadiers, coiffés de bonnets de pape. There, I had the pleasant surprise of meeting a regiment which marched at the same time with all its feet following the cadence of the fifes, preceded by an old red-faced general mounted on a gray horse, and followed by a company of grenadiers. , wearing pope caps. L’orgueil de vivre m’emplit la cervelle, à voir les habits rouges et à entendre leur musique joyeuse. The pride of living fills my brain, seeing the red clothes and hearing their joyful music.

Un peu plus loin, on me dit que j’étais sur la paroisse de Cramond, et je commençai à m’informer du château de Shaws. A little further on, I was told that I was in Cramond Parish, and I began to inquire about Shaws Castle. Ce nom paraissait surprendre ceux à qui je demandais mon chemin. This name seemed to surprise those to whom I asked my way. Je me figurai d’abord que mon apparence rustique et la simplicité de mon costume tout poudreux s’accordaient mal avec la grandeur de l’endroit en question. At first I imagined that my rustic appearance and the simplicity of my powdery suit did not fit well with the grandeur of the place in question. Mais après avoir, deux ou trois fois, reçu la même réponse, faite du même air, je finis par comprendre que c’était le nom même de Shaw qui les interloquait. But after having received the same answer two or three times, sounding the same, I finally understood that it was Shaw's very name that was puzzling them.

Afin de me tranquilliser, je tournai ma question autrement ; et avisant un brave homme assis sur le brancard de sa charrette, qui débouchait d’une traverse, je lui demandai s’il connaissait une maison appelée le château de Shaws. In order to reassure myself, I turned my question differently; and seeing a good man seated on the stretcher of his cart, which came out of a sleeper, I asked him if he knew of a house called Shaws Castle.

Il arrêta son cheval et me regarda ainsi que les autres. He stopped his horse and looked at me and the others.

– Oui, dit-il. - Yes, he said. Pourquoi ? Why?

– Est-ce un grand château ? - Is it a big castle?

– Sans doute. - No doubt. C’est un très grand château. It's a very large château.

– Oui, mais les gens qui l’habitent ? - Yes, but the people who live there?

– Les gens ? - People? s’écria-t-il. he cried. Êtes-vous fou ? Are you mad ? Il n’y a pas de gens là – ce qu’on appelle des gens. There are no people there - what are called people.

– Comment ! - But how! Et M. Ebenezer ? And Mr. Ebenezer?

– Ah ! - Ah! si ! Yes, it is! dit l’homme ; il y a le laird, si c’est lui que vous cherchez. said the man; there's the laird, if that's the one you're looking for. Que pouvez-vous bien lui vouloir, l’ami ? What can you want with him, friend?

– Je m’étais laissé dire que je trouverais une place chez lui, dis-je, m’efforçant de prendre un air modeste. "I had been told that I would find a place at home," I said, trying to look modest.

– Hein ! - Huh! s’écria le charretier, d’un ton si perçant que son cheval en tressaillit ; puis plus doucement : cried the carter, with such a piercing tone that his horse shuddered; then more gently:

– Ma foi, l’ami, ce ne sont pas mes affaires ; mais vous me semblez un garçon raisonnable ; et si vous voulez m’en croire, vous passerez au large de Shaws. "Well, friend, these are not my things; but you seem to me a reasonable boy; and if you want to believe me, you'll get off Shaws.

L’individu que je rencontrai ensuite était un sémillant petit homme à perruque blanche, que je reconnus pour un barbier en tournée ; et, sachant que les barbiers sont grands bavards, je lui demandai tout à trac quel genre d’homme était M. Balfour de Shaws ? The next person I met was a lively little man in a white wig, whom I recognized as a barber on the road; and knowing that barbers are very talkative, I asked him out of the blue what kind of man was Mr. Balfour of Shaws?

– Tut ! - Tut! tut ! tut! dit le barbier ; ce n’est pas un homme ; non, pas un homme du tout. said the barber; he is not a man; no, not a man at all.

Et il m’interrogea fort curieusement sur mes affaires ; mais je lui tins tête comme il faut, et il s’en alla chez son prochain client sans être mieux renseigné. And he questioned me very curiously about my affairs; but I stood up to him properly, and he went to his next client without being better informed.

Je ne saurais exprimer quel coup tout cela portait à mes illusions. I can not express what blow all this brought to my illusions. Plus vagues étaient les accusations, moins elles m’agréaient, car elles laissaient le champ libre à l’imagination. The more vague the accusations, the less I liked them, for they left the field open to the imagination. Que pouvait bien avoir ce grand château, pour que chacun, dans la paroisse, tressautât et me regardât dans le blanc des yeux, lorsque je lui en demandais le chemin ? What could this great chateau have, so that everyone in the parish would tremble and look at me in the whites of my eyes when I asked him for directions? Quel était donc ce gentilhomme, dont la mauvaise réputation courait ainsi les routes ? Who was this gentleman, whose bad reputation thus ran through the roads? Si j’avais pu regagner Essendean en une heure de marche, j’aurais abandonné sur-le-champ l’aventure, pour retourner chez M. Campbell. If I had been able to get back to Essendean in an hour's walk, I would have abandoned the adventure immediately, to return to Mr. Campbell's. Mais l’ayant déjà poussée aussi loin, le simple amour-propre m’interdisait d’y renoncer avant une épreuve plus décisive ; j’étais forcé, par respect humain, d’aller jusqu’au bout ; et, malgré mon déplaisir de ces insinuations, malgré les lenteurs croissantes de mon avance, je persistai à demander mon chemin et continuai d’avancer. But having already pushed it this far, simple vanity forbade me to give it up before a more decisive test; I was forced, out of human respect, to go all the way; and, despite my displeasure at these innuendos, despite the increasing slowness of my advance, I persisted in asking for directions and continued to advance.

Le soleil allait se coucher, lorsque je rencontrai une grosse femme brune, l’air acerbe, qui descendait lourdement la côte. The sun was about to set, when I met a fat, bitter, brown-haired woman who was coming down the hill heavily. Cette femme, lorsque je lui posai la question habituelle, fit volte-face, me raccompagna jusqu’au haut de la montée qu’elle venait de descendre, me désigna un grand bâtiment massif qui s’élevait isolé dans une prairie au fond de la vallée voisine. This woman, when I asked her the usual question, turned around, accompanied me to the top of the rise which she had just descended, pointed out to me a large massive building which stood isolated in a meadow at the bottom of the neighboring valley. Le pays d’alentour était agréable, ondulé de collines basses, joliment irrigué et boisé, et couvert de moissons que je jugeai admirables ; mais le château lui-même semblait une ruine ; aucun chemin n’y conduisait ; nulle fumée ne montait de ses cheminées ; il n’y avait pas trace de parc. The surrounding country was pleasant, undulating with low hills, well irrigated and wooded, and covered with crops which I judged admirable; but the castle itself seemed a ruin; no path led there; no smoke rose from its chimneys; there was no trace of a park. Mon cœur se serra. My heart sank.

– Ça ! - This! m’écriai-je. I exclaimed.

Le visage de la femme s’éclaira d’une colère mauvaise. The woman's face lit up with bad anger.

– Oui, c’est ça, le château de Shaws ! - Yes, that's right, Shaws Castle! s’écria-t-elle. she exclaimed. Le sang l’a bâti ; le sang l’a maçonné ; le sang l’abattra ! The blood has built it; the blood has bricked it; the blood will kill him! Voyez ! See! s’écria-t-elle encore – je crache par terre, et je lui fais les cornes. she cried again - I'm spitting on the ground, and I'm giving her the horns. Noire soit sa chute ! Black be his downfall! Si vous voyez le laird, répétez-lui ce que vous entendez ; redites-lui que cela fait la douze cent dix-neuvième fois que Jennet Clouston a appelé la malédiction du ciel sur lui et sa maison, communs et écuries, homme, hôte et maître, femme, fille ou fils… Noire, noire soit leur chute ! If you see the laird, tell him what you hear; tell him again that it is the twelve hundred and nineteenth time that Jennet Clouston has called down the curse of heaven on him and his house, commons and stables, man, host and master, woman, daughter or son… Black, black be their downfall !

Et la femme, dont le ton s’était haussé à une sorte d’incantation modulée, se retourna d’un bond, et disparut. And the woman, whose voice had risen to a sort of modulated incantation, spun around and disappeared. Je restai cloué sur place, les cheveux hérissés. I stood rooted to the spot, my hair on end. En ce temps-là, on croyait encore aux sorcières, leurs malédictions faisaient trembler ; et d’avoir vu celle-ci se rencontrer tellement à point comme un mauvais augure me détournant de pousser plus loin, – mes jambes se dérobèrent sous moi. At that time they still believed in witches, their curses made them tremble; and to have seen this one meet so badly as a bad omen to turn me further, my legs shifted beneath me.

Je m’assis, contemplant le château de Shaws. I sat back, gazing at Shaws Castle. Plus je la regardais, plus je trouvais jolie la campagne environnante. The more I looked at it, the more I found the surrounding countryside pretty. Elle était toute parsemée de buissons d’épine en fleur ; les troupeaux paissaient dans les prairies ; des freux volaient dans le ciel ; tout révélait une terre et un climat heureux ; et néanmoins la bâtisse qui se dressait là-bas me faisait une impression lugubre. It was all dotted with thorn bushes in bloom; flocks grazed in the meadows; rooks flew in the sky; everything revealed a happy land and climate; and yet the building that stood over there made a gloomy impression on me.

Tandis que j’étais assis au bord du fossé, des paysans passèrent, qui revenaient des champs, mais le courage me manqua pour leur donner le bonsoir. While I was sitting on the edge of the ditch, some peasants passed by, returning from the fields, but I lacked courage to give them good evening. À la fin, le soleil se coucha, et alors, je vis s’élever sur le ciel jaune un filet de fumée, guère plus gros, me semblait-il, que la fumée d’une chandelle ; néanmoins, elle était là, et représentait du feu, de la chaleur, de la cuisine, et un vivant pour l’allumer. In the end, the sun went down, and then I saw a trickle of smoke rise on the yellow sky, scarcely bigger, it seemed to me, than the smoke of a candle; nevertheless, she was there, and represented fire, heat, cooking, and a living to light it. J’en fus réconforté. I was comforted.

Je me mis en route au long d’un sentier à peine visible sur l’herbe, qui conduisait dans cette direction. I set off along a path, barely visible on the grass, which led in this direction. Il était bien minime pour être le seul accès d’un endroit habité ; pourtant, je n’en voyais pas d’autre. It was very small to be the only access to an inhabited area, yet I couldn't see any other. J’arrivai bientôt à des pilastres de pierre, auprès desquels s’élevait une loge de portier sans toit, mais surmontée d’un blason. I soon arrived at stone pilasters, near which stood a porter's lodge without a roof, but surmounted by a crest. Évidemment, on avait eu l’intention de construire là un grand portail ; mais il était resté inachevé : au lieu de portes de fer forgé, une couple de fascines étaient liées transversalement d’un tortil de paille ; et comme le parc n’avait pas de murs, ni aucune trace d’avenue, la piste que je suivais contournait le pilastre de droite, et s’avançait sinueusement vers le château. Obviously, we had intended to build a large gate there; but it had remained unfinished: instead of wrought iron gates, a couple of fascines were linked transversely with a twist of straw; and as the park had no walls, nor any trace of an avenue, the track which I followed skirted the pilaster on the right, and advanced sinuously towards the chateau.

L’aspect de celui-ci devenait plus sinistre à mesure que j’approchais. The aspect of this one became more sinister as I approached. On eût cru voir l’aile unique d’une maison inachevée. One would have thought to see the single wing of an unfinished house. Ce qui eût dû être l’extrémité centrale de l’aile était béant par les étages supérieurs, et profilait sur le ciel ses escaliers coupés et les assises tronquées de sa maçonnerie. What should have been the central end of the wing was gaping through the upper floors, and profiled its cut staircases and the truncated courses of its masonry against the sky. Beaucoup de fenêtres n’avaient pas de carreaux, et les chauves-souris pénétraient dans la maison et en sortaient comme des pigeons d’un pigeonnier. Many of the windows had no panes, and bats flew in and out of the house like pigeons from a dovecote.

La nuit tombait, et trois des fenêtres d’en bas, qui étaient très hautes et étroites, et solidement grillées, s’éclairaient déjà des lueurs vacillantes d’un modeste foyer. Night was falling, and three of the windows below, which were very high and narrow, and solidly grilled, were already lit by the flickering glow of a modest fireplace.

Était-ce donc là le palais que je croyais rencontrer ? Was this the palace I thought I was meeting? Était-ce entre ces murs que j’allais trouver de nouveaux amis et commencer une vie de haute fortune ? Was it among these walls that I was going to find new friends and start a life of high fortune? En vérité, dans la maison de mon père à Essen-Waterside, le feu se voyait d’un mille loin, avec sa brillante clarté, et la porte s’ouvrait à tout mendiant qui frappait. In truth, in my father's house at Essen-Waterside, the fire was a mile away, with its brilliant clarity, and the door opened to every beggar who knocked.

Je m’avançai avec défiance et, en prêtant l’oreille, j’entendis un bruit d’assiettes entrechoquées, et aussi une petite toux sèche et répétée, qui revenait par quintes ; mais pas un bruit de voix, pas un aboiement de chien. I advanced with distrust, and, listening, I heard the sound of clashing plates, and also a little dry and repeated cough, coming back in fits; but not a sound of a voice, not a barking of a dog.

La porte, autant que j’en pus juger dans la demi-obscurité, consistait en un panneau de bois tout hérissé de clous. The door, as far as I could tell in the half-darkness, consisted of a wooden panel bristling with nails. Je levai le bras, tandis que mon cœur défaillait sous ma jaquette, et je frappai une fois. I raised my arm, while my heart faded under my jacket, and I knocked once. Puis je restai à écouter. Then I stayed and listened. Un silence de mort régnait dans la maison. The house was deathly silent. Une minute entière, il n’y eut que le bruit léger des chauves-souris, en l’air. A whole minute, there was only the faint sound of bats in the air. Je frappai une seconde fois, et tendis l’oreille de nouveau. I knocked a second time, and listened again. Mon ouïe s’était alors si bien adaptée au silence que je percevais de la maison le tictac lent de l’horloge qui comptait les secondes ; mais l’habitant, quel qu’il fût, gardait une immobilité de mort, et devait même retenir son souffle. My hearing had then adapted so well to the silence that I could hear from the house the slow ticking of the clock counting the seconds; but the inhabitant, whoever he was, maintained a deathly immobility, and even had to hold his breath.

J’ai presque tenté de m’encourir ; mais la colère me retint, et je me mis, en place, à faire pleuvoir une grêle de coups de pied et de poing sur la porte, et à appeler à grands cris M. Balfour. I almost tried to run away; but anger held me back, and I began to rain a hail of kicks and fists on the door, and to call Mr. Balfour loudly. J’étais en plein travail, lorsque la toux se fit entendre au-dessus de moi. I was at work, when the cough was heard above me. Je sautai en arrière et, levant la tête, vis une figure d’homme en bonnet de nuit, et la gueule évasée d’un tromblon, à une fenêtre du premier étage. I jumped back and, raising my head, saw a figure of a man in a nightcap, and the mouth flared with a blunderbuss, to a window on the first floor.

– Il est chargé, dit une voix. "He's loaded," said a voice.

– J’apporte une lettre, dis-je, pour M. Ebenezer Balfour de Shaws. "I bring a letter," said I, "to Mr. Ebenezer Balfour of Shaws. Est-il ici ? Is he here?

– De qui, la lettre ? - Whose letter? demanda l’homme au tromblon. asked the man with the blunderbuss.

– Cela ne vous regarde pas, dis-je, car j’étais de plus en plus irrité. "It does not concern you," I said, for I was more and more irritated.

– Bon, répliqua-t-il, posez-la sur le seuil, et allez-vous-en. "Well," he replied, "put her on the threshold, and go away.

– Jamais de la vie ! - No way ! m’écriai-je. I exclaimed.

Je la remettrai en mains propres à M. Balfour, ainsi que je le dois. I will hand it over to Mr. Balfour, as I have to. C’est une lettre d’introduction. It's a letter of introduction.

– Une quoi ? - A what? cria la voix, vivement. shouted the voice, sharply.

Je répétai ce que je venais de dire. I repeated what I had just said.

– Qui êtes-vous donc, vous-même ? "Who are you, yourself? questionna-t-on enfin, après une pause considérable. we finally asked, after a considerable pause.

– Je ne rougis pas de mon nom. - I do not blush my name. On m’appelle David Balfour. They call me David Balfour.

À ces mots, je suis sûr que l’homme tressaillit, car j’entendis le tromblon heurter l’appui de la fenêtre ; et ce fut après un silence prolongé, et avec un singulier changement de ton, que l’on me posa cette question : At these words, I'm sure the man flinched, for I heard the blunderbuss hit the window sill; and it was after a prolonged silence, and with a singular change of tone, that I was asked this question:

– Est-ce que votre père est mort ? - Is your father dead?

La surprise me coupa la respiration, et il me fut impossible de répondre. Surprise took my breath away, and I couldn't answer. Je demeurai béant. I was speechless.

– Oui, reprit l’homme, c’est qu’il est mort, il n’y a pas de doute ; et voilà pourquoi vous venez démolir ma porte… (Encore une pause, et puis, avec méfiance :) – Allons, l’ami, je vais vous faire entrer. "Yes," said the man, "he is dead, there is no doubt; and that's why you come to demolish my door ... (Another pause, and then, with suspicion :) - Come on, friend, I'll let you in.

Et il disparut de la fenêtre. And he disappeared from the window.