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Enlevé Kidnapped, chapitre 17

chapitre 17

XVII. La mort du Renard-Rouge

Le lendemain, M. Henderland me trouva un homme possédant une barque à lui, et qui devait, l'après-midi même, traverser le Linnhe Loch pour aller pêcher sur la rive d'Appin. Il obtint de me faire emmener par cet homme, qui était de ses ouailles ; et de cette façon, il m'épargna une longue journée de voyage, et le coût de deux traversées que j'aurais dû autrement effectuer par les bacs publics.

Il était près de midi quand nous débordâmes. Le ciel était sombre, chargé de nuages, et le soleil luisait par de brèves éclaircies. Les eaux du loch étaient très profondes et calmes, presque sans rides. Je dus en porter quelques gouttes à mes lèvres, afin de me convaincre qu'elle était réellement salée. Les montagnes de chaque bord étaient hautes, abruptes et nues, très sombres et sinistres dans l'ombre des nuages, mais mille petits cours d'eau y faisaient une dentelle d'argent lorsque le soleil les éclairait. Je trouvais ce pays d'Appin un pays bien farouche, pour voir des gens l'aimer autant que faisait Alan.

Il n'y eut qu'un seul incident notable. Nous venions de nous mettre en route, lorsque le soleil donna sur une petite masse rouge se déplaçant le long de la rive, vers le nord. Ce rouge ressemblait beaucoup à celui des habits de soldats ; de temps à autre aussi, de brèves étincelles et des éclairs en jaillissaient, comme si le soleil frappait sur de l'acier poli.

Je demandai à mon batelier ce que ce pouvait être ; et il me répondit que c'étaient sans doute des soldats rouges appelés de Fort-William en Appin, contre les pauvres tenanciers du pays. Cette vue m'attrista ; et soit à cause de mon souci d'Alan, soit par une espèce de prémonition, j'avais beau ne voir les troupes du roi George que pour la deuxième fois, je ne les portais pas dans mon cœur.

Nous arrivâmes enfin si près de la pointe qui forme l'entrée du Loch Leven, que je priai mon batelier de m'y débarquer. Cet homme (qui était honnête et se souvenait de sa promesse au catéchiste) aurait bien voulu me transporter jusqu'à Balachulish ; mais comme c'eût été m'éloigner de ma destination secrète, j'insistai, tant que je fus déposé à terre sous le bois de Lettermore (ou Lettervore, car j'ai entendu prononcer des deux façons), dans le pays d'Alan, Appin.

Ce bois était formé de hêtres, qui poussaient sur un flanc de montagne abrupt et crevassé dominant le loch. Il était percé de trouées garnies de fougères, et traversé en son milieu, du nord au sud, par une route ou voie cavalière, au bord de laquelle se trouvait une fontaine. Ce fut là que je m'assis pour manger du pain d'avoine de M. Henderland, et réfléchis à ma situation.

J'y fus harcelé, non seulement par une nuée de moustiques féroces, mais par les doutes de mon esprit. Que devais-je faire ? Pourquoi aller rejoindre un homme comme Alan, peut-être un assassin ? Ne serait-il pas plus sage de regagner tout droit le pays du sud, par ma simple jugeote et à mes frais ? Que penseraient de moi M. Campbell et même M. Henderland, lorsqu'ils viendraient à connaître ma folle présomption ? – Tels étaient les doutes qui m'assaillaient alors, plus véhéments que jamais.

Comme j'étais assis à réfléchir de la sorte, je perçus, venant du bois, le bruit d'une troupe d'hommes et de chevaux ; et peu après, au tournant de la route, quatre voyageurs parurent. Le chemin était à cette place si étroit et mauvais qu'ils marchaient en file et menaient leurs montures par la bride. Le premier était un grand gentleman à cheveux rouges, au visage impérieux et congestionné, qui tenait son chapeau à la main pour s'éventer, car il était suant et hors d'haleine. À son correct vêtement noir et à sa perruque blanche, je reconnus le second pour un notaire. Le troisième était un valet, et plusieurs pièces de son costume étaient de tartan, ce qui me fit voir que son maître appartenait à une famille highlander, et était en outre ou bien hors la loi, ou bien en singulièrement bonne odeur auprès des autorités, car le port du tartan était contraire à la loi. Eussé-je été mieux au courant de ces choses, j'aurais vu que son tartan était aux couleurs d'Argyle (ou Campbell). Ce serviteur avait un portemanteau volumineux bouclé sur son cheval, et un filet de citrons (destinés à la confection du punch) pendu à l'arçon de sa selle : – coutume assez générale chez les voyageurs aimant leurs aises, dans cette partie du pays.

Pour le quatrième, qui fermait la marche, j'avais déjà vu son pareil, et je reconnus tout d'abord en lui un huissier du sheriff.

Je n'eus pas plutôt vu venir ces gens, que je me résolus (sans raison déterminée) à poursuivre mon aventure ; et quand le premier fut arrivé à ma hauteur je me levai d'entre les fougères et lui demandai la route d'Aucharn.

Il fit halte et me considéra, d'un air que je trouvai singulier ; et puis, se tournant vers le notaire, – « Mungo, dit-il, beaucoup tiendraient bon compte de cet avertissement. Me voici sur la route de Duror pour l'affaire que nous savons ; et voici un jeune homme qui sort tout juste de la fougeraie, et s'enquiert si je suis sur la route d'Aucharn.

– Glenure, dit l'autre, ce n'est pas là un sujet de plaisanterie.

Tous deux s'étaient alors rapprochés de moi et me considéraient de près, tandis que les deux suivants s'étaient arrêtés à distance environ d'un jet de pierre.

– Et qu'allez-vous chercher en Aucharn, dit Colin Roy Campbell de Glenure, celui qu'on nommait le Renard-Rouge, car c'était lui que j'avais arrêté.

– L'homme qui y demeure, dis-je.

– James des Glens, dit Glenure, pensivement. Puis, au notaire : Croyez-vous qu'il rassemble ses gens ?

– En tout cas, dit le notaire, nous ferons mieux de rester ici, et d'attendre que les soldats nous rejoignent.

– Si c'est pour moi que vous vous inquiétez, dis-je, sachez que je ne suis ni de ses gens ni des vôtres, mais un honnête sujet du roi George, qui ne doit rien à personne et qui ne craint personne.

– Fort bien dit, ma foi, répliqua l'agent royal. Mais si je puis me permettre une question, que fait cet honnête homme aussi loin de son pays ? Et pourquoi se rend-il chez le frère d'Ardshiel ! J'ai de l'autorité ici, je dois vous le dire, je suis agent du roi pour plusieurs de ces domaines, et j'ai douze pelotons de soldats sous mes ordres.

– J'ai comme entendu raconter dans le pays, dis-je, un peu piqué, que vous êtes un monsieur pas commode.

Il me regardait d'un air indécis.

– Eh bien, dit-il, votre langage est hardi ; mais je ne déteste pas la franchise. Si vous m'aviez demandé la route de chez James Stewart en tout autre jour que celui-ci, je vous l'aurais indiquée, en vous souhaitant bon voyage. Mais aujourd'hui… hein, Mungo ?

Et il se retourna vers le notaire.

Mais précisément comme il se retournait, un coup de feu partit de plus haut sur la colline ; et, comme la détonation nous parvenait, Glenure tomba sur la route.

– Ah ! je suis mort ! s'écria-t-il, à plusieurs reprises.

Le notaire l'avait relevé et le tenait entre ses bras, tandis que le serviteur se penchait sur lui en se tordant les mains. Alors, le blessé promena de l'un à l'autre des yeux égarés, et il se fit dans sa voix un changement qui allait au cœur.

– Prenez garde à vous, dit-il, je suis un homme mort.

Il s'efforça d'écarter ses vêtements comme pour chercher sa blessure, mais ses doigts glissaient sur les boutons. Après quoi, il poussa un grand soupir, sa tête roula sur son épaule, et il trépassa.

Le notaire n'avait pas dit un mot, mais son profil était aiguisé comme une plume à écrire et blanc comme la face du mort ; le serviteur éclata en sanglots, tel un enfant ; et moi, de mon côté, je restais à les regarder, béant d'horreur. L'huissier du sheriff, dès la détonation, avait aussitôt couru au-devant des soldats, pour hâter leur venue.

À la fin, le notaire déposa le mort dans son sang sur la route, et se releva en titubant.

Ce fut peut-être ce mouvement qui me rappela à moi-même ; car il ne l'eut pas plutôt exécuté que je me mis à escalader la colline, en m'écriant : « À l'assassin ! à l'assassin ! » Si peu de temps s'était écoulé que, parvenu au haut de la première pente, d'où l'on découvrait une partie des montagnes, j'aperçus, à une faible distance, l'assassin en fuite. C'était un gros homme, vêtu d'un habit noir à bouton de métal et portant une longue carabine.

– Par ici ! m'écriai-je, je le vois !

Là-dessus, le meurtrier jeta un bref regard par-dessus son épaule et se mit à courir. Un instant après, il fut caché par une étroite lisière de hêtres ; puis il réapparut plus haut, grimpant comme un singe, car la pente redevenait très raide ; puis il s'enfonça derrière un contrefort, et je ne le vis plus.

Tout ce temps, je n'avais cessé, moi aussi, de courir, et je me trouvais à une assez grande élévation, lorsqu'une voix me cria d'arrêter.

J'étais à l'orée du bois supérieur, de sorte qu'en faisant halte pour regarder en arrière, j'aperçus toute la partie découverte de la colline au-dessous de moi.

Le notaire et l'huissier du sheriff se tenaient un peu plus haut que la route, criant et gesticulant pour me faire revenir ; et à leur gauche, les habits-rouges, mousquet au poing, débouchant isolément du bois inférieur, commençaient l'escalade.

– Pourquoi voulez-vous que je revienne ? m'écriai-je. Avancez !

– Dix livres à qui attrapera ce garçon ! cria le notaire. C'est un complice. Il était aposté ici pour nous arrêter à causer.

À ces mots (que j'entendis très distinctement, bien qu'ils fussent adressés aux soldats, et non à moi), je fus saisi d'un nouveau genre de terreur. En effet, c'est une chose de courir le péril de sa vie, et c'en est tout à fait une autre de courir à la fois le péril de sa vie et celui de son honneur. La menace, en outre, était venue si soudainement, comme le tonnerre dans un ciel clair, que j'en restais tout ébaubi et déconcerté.

Les soldats commencèrent à s'égailler ; les uns couraient ; d'autres épaulèrent leurs armes et me couchèrent en joue ; et cependant, je restais immobile.

– Cachez-vous ici derrière les arbres, dit une voix toute proche. Sans bien savoir ce que je faisais, j'obéis ; et à cet instant, les détonations retentirent et les balles sifflèrent entre les hêtres.

À l'abri de leurs fûts, je trouvai Alan Breck debout, une canne à pêche à la main. Il ne me donna pas de bonjour, car ce n'était pas l'heure des civilités ; il dit seulement : « Venez ! » et se mit à courir le long du flanc de montagne, vers Balachulish ; et moi, comme un mouton, je le suivis.

Tantôt nous courions entre les hêtres ; tantôt nous nous arrêtions derrière de légers bossellements du flanc de montagne ; ou bien nous allions à quatre pattes dans la bruyère. C'était une course mortelle : mon cœur semblait prêt à éclater entre mes côtes ; et je n'avais ni le temps de réfléchir ni le souffle pour parler. Je me souviens seulement de ma surprise à voir Alan se redresser par instants de toute sa hauteur pour regarder en arrière ; et à chaque fois, il nous arrivait du lointain une grande huée et des cris de soldats.

Un quart d'heure plus tard, Alan fit halte, se tapit dans la bruyère, et se tourna vers moi.

– Maintenant, dit-il, c'est pour de bon. Faites comme moi, si vous tenez à votre peau.

Et à la même allure, mais cette fois avec beaucoup plus de précautions, nous revînmes sur nos pas en traversant le flanc de montagne par le chemin déjà parcouru, mais peut-être un peu plus haut ; tant qu'enfin Alan se laissa tomber à terre dans le bois supérieur de Lettermore, où je l'avais trouvé d'abord, et resta plaqué, le nez dans les fougères, à panteler comme un chien.

Mes flancs me faisaient un tel mal, j'avais la tête si vertigineuse, la langue me sortait de la bouche, si brûlante et sèche, que je m'abattis à côté de lui, comme mort.


chapitre 17 chapter 17 capítulo 17

XVII. XVII. La mort du Renard-Rouge The death of the Red Fox

Le lendemain, M. Henderland me trouva un homme possédant une barque à lui, et qui devait, l’après-midi même, traverser le Linnhe Loch pour aller pêcher sur la rive d’Appin. The next day, Mr. Henderland found me a man with a boat of his own, who was due to cross Linnhe Loch that afternoon to fish on the Appin shore. Il obtint de me faire emmener par cet homme, qui était de ses ouailles ; et de cette façon, il m’épargna une longue journée de voyage, et le coût de deux traversées que j’aurais dû autrement effectuer par les bacs publics. He got this man, who was one of his flock, to take me with him, saving me a long day's journey and the cost of two crossings I'd otherwise have had to make by public ferry.

Il était près de midi quand nous débordâmes. It was nearly noon when we overflowed. Le ciel était sombre, chargé de nuages, et le soleil luisait par de brèves éclaircies. The sky was dark and cloud-laden, with the sun shining in brief flashes. Les eaux du loch étaient très profondes et calmes, presque sans rides. The waters of the loch were very deep and calm, almost ripple-free. Je dus en porter quelques gouttes à mes lèvres, afin de me convaincre qu’elle était réellement salée. I had to bring a few drops to my lips to convince myself that it was really salty. Les montagnes de chaque bord étaient hautes, abruptes et nues, très sombres et sinistres dans l’ombre des nuages, mais mille petits cours d’eau y faisaient une dentelle d’argent lorsque le soleil les éclairait. The mountains on either side were high, steep and bare, very dark and sinister in the shadow of the clouds, but a thousand little streams laced them with silver when the sun shone on them. Je trouvais ce pays d’Appin un pays bien farouche, pour voir des gens l’aimer autant que faisait Alan. I thought this Appin country was pretty wild, to see people love it as much as Alan did.

Il n’y eut qu’un seul incident notable. There was only one notable incident. Nous venions de nous mettre en route, lorsque le soleil donna sur une petite masse rouge se déplaçant le long de la rive, vers le nord. We had just set off, when the sun shone on a small red mass moving along the shore to the north. Ce rouge ressemblait beaucoup à celui des habits de soldats ; de temps à autre aussi, de brèves étincelles et des éclairs en jaillissaient, comme si le soleil frappait sur de l’acier poli. The red was very similar to that of soldiers' clothing; every now and then, too, brief sparks and flashes of lightning flashed from it, as if the sun were striking polished steel.

Je demandai à mon batelier ce que ce pouvait être ; et il me répondit que c’étaient sans doute des soldats rouges appelés de Fort-William en Appin, contre les pauvres tenanciers du pays. I asked my boatman what they were, and he replied that they were probably red soldiers called from Fort William in Appin, against the poor tenants of the country. Cette vue m’attrista ; et soit à cause de mon souci d’Alan, soit par une espèce de prémonition, j’avais beau ne voir les troupes du roi George que pour la deuxième fois, je ne les portais pas dans mon cœur. This sight saddened me; and either because of my concern for Alan, or by a kind of premonition, I may have seen King George's troops for only the second time, but I didn't carry them in my heart.

Nous arrivâmes enfin si près de la pointe qui forme l’entrée du Loch Leven, que je priai mon batelier de m’y débarquer. We finally got so close to the headland that forms the entrance to Loch Leven, that I asked my boatman to put me ashore. Cet homme (qui était honnête et se souvenait de sa promesse au catéchiste) aurait bien voulu me transporter jusqu’à Balachulish ; mais comme c’eût été m’éloigner de ma destination secrète, j’insistai, tant que je fus déposé à terre sous le bois de Lettermore (ou Lettervore, car j’ai entendu prononcer des deux façons), dans le pays d’Alan, Appin. This man (who was honest and remembered his promise to the catechist) would have liked to transport me to Balachulish; but as this would have taken me away from my secret destination, I insisted, as long as I was put ashore under Lettermore Wood (or Lettervore, as I've heard it pronounced both ways), in Alan's country, Appin.

Ce bois était formé de hêtres, qui poussaient sur un flanc de montagne abrupt et crevassé dominant le loch. This wood was made up of beech trees, growing on a steep, cracked mountainside overlooking the loch. Il était percé de trouées garnies de fougères, et traversé en son milieu, du nord au sud, par une route ou voie cavalière, au bord de laquelle se trouvait une fontaine. It was pierced by fern-lined gaps, and crossed in the middle, from north to south, by a road or bridleway, at the edge of which was a fountain. Ce fut là que je m’assis pour manger du pain d’avoine de M. Henderland, et réfléchis à ma situation. It was there that I sat down to eat some of Mr. Henderland's oat bread, and reflected on my situation.

J’y fus harcelé, non seulement par une nuée de moustiques féroces, mais par les doutes de mon esprit. I was harassed, not only by a swarm of ferocious mosquitoes, but by the doubts of my mind. Que devais-je faire ? What was I supposed to do? Pourquoi aller rejoindre un homme comme Alan, peut-être un assassin ? Why go to a man like Alan, perhaps a murderer? Ne serait-il pas plus sage de regagner tout droit le pays du sud, par ma simple jugeote et à mes frais ? Wouldn't it be wiser to head straight back south, on my own judgment and at my own expense? Que penseraient de moi M. Campbell et même M. Henderland, lorsqu’ils viendraient à connaître ma folle présomption ? What would Mr. Campbell and even Mr. Henderland think of me when they learned of my foolish presumption? – Tels étaient les doutes qui m’assaillaient alors, plus véhéments que jamais. - These were the doubts that beset me then, more vehement than ever.

Comme j’étais assis à réfléchir de la sorte, je perçus, venant du bois, le bruit d’une troupe d’hommes et de chevaux ; et peu après, au tournant de la route, quatre voyageurs parurent. As I sat musing in this way, I heard the sound of a troop of men and horses coming from the woods, and shortly afterwards, at the bend in the road, four travelers appeared. Le chemin était à cette place si étroit et mauvais qu’ils marchaient en file et menaient leurs montures par la bride. The path there was so narrow and rough that they walked in file, leading their mounts by the bridle. Le premier était un grand gentleman à cheveux rouges, au visage impérieux et congestionné, qui tenait son chapeau à la main pour s’éventer, car il était suant et hors d’haleine. The first was a tall, red-haired gentleman with an imperious, congested face, who held his hat in his hand to fan himself, for he was sweating and out of breath. À son correct vêtement noir et à sa perruque blanche, je reconnus le second pour un notaire. From his correct black attire and white wig, I recognized the second-in-command as a notary. Le troisième était un valet, et plusieurs pièces de son costume étaient de tartan, ce qui me fit voir que son maître appartenait à une famille highlander, et était en outre ou bien hors la loi, ou bien en singulièrement bonne odeur auprès des autorités, car le port du tartan était contraire à la loi. The third was a valet, and several pieces of his costume were tartan, which made me see that his master belonged to a highlander family, and was moreover either outlawed, or in singularly good odor with the authorities, for the wearing of tartan was against the law. Eussé-je été mieux au courant de ces choses, j’aurais vu que son tartan était aux couleurs d’Argyle (ou Campbell). Had I known better about these things, I would have seen that his tartan was in Argyle (or Campbell) colors. Ce serviteur avait un portemanteau volumineux bouclé sur son cheval, et un filet de citrons (destinés à la confection du punch) pendu à l’arçon de sa selle : – coutume assez générale chez les voyageurs aimant leurs aises, dans cette partie du pays. This servant had a bulky portmanteau looped around his horse, and a net of lemons (intended for making punch) hung from the saddle-tree: a common custom among comfortable travelers in this part of the country.

Pour le quatrième, qui fermait la marche, j’avais déjà vu son pareil, et je reconnus tout d’abord en lui un huissier du sheriff. As for the fourth, who closed the march, I'd seen his like before, and recognized him at first glance as a sheriff's bailiff.

Je n’eus pas plutôt vu venir ces gens, que je me résolus (sans raison déterminée) à poursuivre mon aventure ; et quand le premier fut arrivé à ma hauteur je me levai d’entre les fougères et lui demandai la route d’Aucharn. No sooner had I seen these people coming, than I resolved (for no particular reason) to continue my adventure; and when the first had reached my height I rose from among the ferns and asked him for the road to Aucharn.

Il fit halte et me considéra, d’un air que je trouvai singulier ; et puis, se tournant vers le notaire, – « Mungo, dit-il, beaucoup tiendraient bon compte de cet avertissement. He paused and regarded me, with an air I found singular; and then, turning to the notary, - "Mungo," he said, "many would heed this warning. Me voici sur la route de Duror pour l’affaire que nous savons ; et voici un jeune homme qui sort tout juste de la fougeraie, et s’enquiert si je suis sur la route d’Aucharn. Here I am on the road to Duror for the affair we know about; and here's a young man who's just come out of the fern grove, inquiring whether I'm on the road to Aucharn.

– Glenure, dit l’autre, ce n’est pas là un sujet de plaisanterie. - Glenure," said the other, "this is no laughing matter.

Tous deux s’étaient alors rapprochés de moi et me considéraient de près, tandis que les deux suivants s’étaient arrêtés à distance environ d’un jet de pierre. By now, both of them had approached me and were looking at me closely, while the next two had stopped at a distance of about a stone's throw.

– Et qu’allez-vous chercher en Aucharn, dit Colin Roy Campbell de Glenure, celui qu’on nommait le Renard-Rouge, car c’était lui que j’avais arrêté. - And what are you going to look for in Aucharn," said Colin Roy Campbell of Glenure, the man they called the Red Fox, for it was he I had arrested.

– L’homme qui y demeure, dis-je. - The man who lives there," I said.

– James des Glens, dit Glenure, pensivement. - James of the Glens," said Glenure, thoughtfully. Puis, au notaire : Croyez-vous qu’il rassemble ses gens ? Then, to the notary: Do you think he's getting his people together?

– En tout cas, dit le notaire, nous ferons mieux de rester ici, et d’attendre que les soldats nous rejoignent. - In any case," says the notary, "we'd better stay here and wait for the soldiers to join us.

– Si c’est pour moi que vous vous inquiétez, dis-je, sachez que je ne suis ni de ses gens ni des vôtres, mais un honnête sujet du roi George, qui ne doit rien à personne et qui ne craint personne. - If it's me you're worried about," I said, "know that I'm not one of his people or yours, but an honest subject of King George, who owes nothing to anyone and fears no one.

– Fort bien dit, ma foi, répliqua l’agent royal. - Very well said, indeed," replied the royal agent. Mais si je puis me permettre une question, que fait cet honnête homme aussi loin de son pays ? But if you don't mind my asking, what is this honest man doing so far from home? Et pourquoi se rend-il chez le frère d’Ardshiel ! And why is he going to Ardshiel's brother's house! J’ai de l’autorité ici, je dois vous le dire, je suis agent du roi pour plusieurs de ces domaines, et j’ai douze pelotons de soldats sous mes ordres. I have authority here, I must tell you, I am the king's agent for several of these estates, and I have twelve platoons of soldiers under my command.

– J’ai comme entendu raconter dans le pays, dis-je, un peu piqué, que vous êtes un monsieur pas commode. - I've heard rumors in the country," I said, a little stung, "that you're a rather awkward gentleman.

Il me regardait d’un air indécis. He looked at me indecisively.

– Eh bien, dit-il, votre langage est hardi ; mais je ne déteste pas la franchise. - Well," he says, "your language is bold, but I don't hate frankness. Si vous m’aviez demandé la route de chez James Stewart en tout autre jour que celui-ci, je vous l’aurais indiquée, en vous souhaitant bon voyage. If you had asked me for directions to James Stewart's house on any other day, I would have given them to you, and wished you a safe journey. Mais aujourd’hui… hein, Mungo ? But today... eh, Mungo?

Et il se retourna vers le notaire. And he turned back to the notary.

Mais précisément comme il se retournait, un coup de feu partit de plus haut sur la colline ; et, comme la détonation nous parvenait, Glenure tomba sur la route. But just as he turned, a shot rang out from higher up the hill; and, as the detonation reached us, Glenure fell to the road.

– Ah ! - Ah! je suis mort ! i'm dead! s’écria-t-il, à plusieurs reprises. he exclaimed, repeatedly.

Le notaire l’avait relevé et le tenait entre ses bras, tandis que le serviteur se penchait sur lui en se tordant les mains. The notary had lifted him up and was holding him in his arms, while the servant bent over him, wringing his hands. Alors, le blessé promena de l’un à l’autre des yeux égarés, et il se fit dans sa voix un changement qui allait au cœur. The wounded man's eyes darted from one to the other, and there was a heartfelt change in his voice.

– Prenez garde à vous, dit-il, je suis un homme mort. - Take care," he says, "I'm a dead man.

Il s’efforça d’écarter ses vêtements comme pour chercher sa blessure, mais ses doigts glissaient sur les boutons. He tried to pull his clothes apart as if to search for his wound, but his fingers slipped on the buttons. Après quoi, il poussa un grand soupir, sa tête roula sur son épaule, et il trépassa. After which, he heaved a great sigh, his head rolled onto his shoulder, and he passed away.

Le notaire n’avait pas dit un mot, mais son profil était aiguisé comme une plume à écrire et blanc comme la face du mort ; le serviteur éclata en sanglots, tel un enfant ; et moi, de mon côté, je restais à les regarder, béant d’horreur. The notary hadn't said a word, but his profile was as sharp as a quill and as white as a dead man's face; the servant burst into tears, like a child; and I, for my part, stood staring at them, gaping in horror. L’huissier du sheriff, dès la détonation, avait aussitôt couru au-devant des soldats, pour hâter leur venue. The sheriff's bailiff, as soon as the shot was fired, immediately ran to meet the soldiers, to hasten their arrival.

À la fin, le notaire déposa le mort dans son sang sur la route, et se releva en titubant. In the end, the notary laid the dead man in his blood on the road, and staggered to his feet.

Ce fut peut-être ce mouvement qui me rappela à moi-même ; car il ne l’eut pas plutôt exécuté que je me mis à escalader la colline, en m’écriant : « À l’assassin ! Perhaps it was this movement that brought me back to myself, for no sooner had he executed it than I began to climb the hill, crying out: "To the assassin! à l’assassin ! to the assassin! » Si peu de temps s’était écoulé que, parvenu au haut de la première pente, d’où l’on découvrait une partie des montagnes, j’aperçus, à une faible distance, l’assassin en fuite. "So little time had elapsed that, having reached the top of the first slope, from which part of the mountains could be seen, I spotted the fleeing assassin at a short distance. C’était un gros homme, vêtu d’un habit noir à bouton de métal et portant une longue carabine. He was a fat man, dressed in a black suit with metal buttons and carrying a long rifle.

– Par ici ! - This way! m’écriai-je, je le vois ! I cried, I can see it!

Là-dessus, le meurtrier jeta un bref regard par-dessus son épaule et se mit à courir. With that, the murderer glanced briefly over his shoulder and took off running. Un instant après, il fut caché par une étroite lisière de hêtres ; puis il réapparut plus haut, grimpant comme un singe, car la pente redevenait très raide ; puis il s’enfonça derrière un contrefort, et je ne le vis plus. A moment later, he was hidden by a narrow edge of beech trees; then he reappeared higher up, climbing like a monkey, as the slope became very steep again; then he sank behind a buttress, and I saw him no more.

Tout ce temps, je n’avais cessé, moi aussi, de courir, et je me trouvais à une assez grande élévation, lorsqu’une voix me cria d’arrêter. All this time I, too, had not stopped running, and was at a fairly high elevation when a voice shouted for me to stop.

J’étais à l’orée du bois supérieur, de sorte qu’en faisant halte pour regarder en arrière, j’aperçus toute la partie découverte de la colline au-dessous de moi. I was at the edge of the upper wood, so as I paused to look back, I saw the whole open part of the hill below me.

Le notaire et l’huissier du sheriff se tenaient un peu plus haut que la route, criant et gesticulant pour me faire revenir ; et à leur gauche, les habits-rouges, mousquet au poing, débouchant isolément du bois inférieur, commençaient l’escalade. The notary and the sheriff's bailiff stood a little above the road, shouting and gesticulating to get me back; and to their left, the redcoats, muskets in hand, emerging singly from the lower wood, began the climb.

– Pourquoi voulez-vous que je revienne ? - Why do you want me to come back? m’écriai-je. I exclaimed. Avancez ! Keep moving!

– Dix livres à qui attrapera ce garçon ! - Ten pounds to whoever catches this boy! cria le notaire. shouted the notary. C’est un complice. He's an accomplice. Il était aposté ici pour nous arrêter à causer. He was posted here to stop us talking.

À ces mots (que j’entendis très distinctement, bien qu’ils fussent adressés aux soldats, et non à moi), je fus saisi d’un nouveau genre de terreur. At these words (which I heard very clearly, although they were addressed to the soldiers, not to me), I was seized by a new kind of terror. En effet, c’est une chose de courir le péril de sa vie, et c’en est tout à fait une autre de courir à la fois le péril de sa vie et celui de son honneur. Indeed, it's one thing to run the risk of your life, and quite another to run the risk of both your life and your honor. La menace, en outre, était venue si soudainement, comme le tonnerre dans un ciel clair, que j’en restais tout ébaubi et déconcerté. The threat, moreover, had come so suddenly, like thunder in a clear sky, that I was left stunned and bewildered.

Les soldats commencèrent à s’égailler ; les uns couraient ; d’autres épaulèrent leurs armes et me couchèrent en joue ; et cependant, je restais immobile. The soldiers began to run amok; some ran, others shouldered their weapons and laid me at gunpoint, yet I remained motionless.

– Cachez-vous ici derrière les arbres, dit une voix toute proche. - Hide here behind the trees," says a nearby voice. Sans bien savoir ce que je faisais, j’obéis ; et à cet instant, les détonations retentirent et les balles sifflèrent entre les hêtres. Without really knowing what I was doing, I obeyed; and at that moment, the bangs rang out and the bullets whistled through the beech trees.

À l’abri de leurs fûts, je trouvai Alan Breck debout, une canne à pêche à la main. In the shelter of their barrels, I found Alan Breck standing with a fishing rod in his hand. Il ne me donna pas de bonjour, car ce n’était pas l’heure des civilités ; il dit seulement : « Venez ! He didn't say hello, as it wasn't the time for pleasantries; he just said, "Come on! » et se mit à courir le long du flanc de montagne, vers Balachulish ; et moi, comme un mouton, je le suivis. "and started running down the mountainside, towards Balachulish; and I, like a sheep, followed him.

Tantôt nous courions entre les hêtres ; tantôt nous nous arrêtions derrière de légers bossellements du flanc de montagne ; ou bien nous allions à quatre pattes dans la bruyère. Sometimes we'd run between the beech trees; sometimes we'd stop behind slight humps in the mountainside; or we'd go crawling through the heather. C’était une course mortelle : mon cœur semblait prêt à éclater entre mes côtes ; et je n’avais ni le temps de réfléchir ni le souffle pour parler. It was a deadly race: my heart seemed ready to burst between my ribs; and I had neither the time to think nor the breath to speak. Je me souviens seulement de ma surprise à voir Alan se redresser par instants de toute sa hauteur pour regarder en arrière ; et à chaque fois, il nous arrivait du lointain une grande huée et des cris de soldats. I only remember how surprised I was to see Alan straighten up from his full height every now and then to look back; and each time, a great hoot and holler of soldiers would come from the distance.

Un quart d’heure plus tard, Alan fit halte, se tapit dans la bruyère, et se tourna vers moi. A quarter of an hour later, Alan halted, lurked in the heather, and turned to me.

– Maintenant, dit-il, c’est pour de bon. - Now," he says, "it's for good. Faites comme moi, si vous tenez à votre peau. Do as I do, if you value your skin.

Et à la même allure, mais cette fois avec beaucoup plus de précautions, nous revînmes sur nos pas en traversant le flanc de montagne par le chemin déjà parcouru, mais peut-être un peu plus haut ; tant qu’enfin Alan se laissa tomber à terre dans le bois supérieur de Lettermore, où je l’avais trouvé d’abord, et resta plaqué, le nez dans les fougères, à panteler comme un chien. And at the same pace, but this time with much more care, we retraced our steps, crossing the mountainside by the path we'd already taken, but perhaps a little higher; so much so that at last Alan dropped to the ground in the upper Lettermore wood, where I'd first found him, and lay plastered, nose in the ferns, panting like a dog.

Mes flancs me faisaient un tel mal, j’avais la tête si vertigineuse, la langue me sortait de la bouche, si brûlante et sèche, que je m’abattis à côté de lui, comme mort. My sides hurt so much, my head was so dizzy, my tongue was coming out of my mouth, so hot and dry, that I fell down next to him, as if dead.